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Le féminisme à l’épreuve du débat postcolonial

Numéro 9 Septembre 2010 par Fatima Zibouh

septembre 2010

Une large frange du mou­ve­ment fémi­niste est tota­le­ment adver­saire du port du fou­lard. Son argu­men­ta­tion est para­doxale : elle s’ap­puie sur un dis­cours de lutte contre la domi­na­tion mas­cu­line tout en jus­ti­fiant (in)volontairement une autre forme de domi­na­tion. Cer­taines fémi­nistes se montrent ain­si inca­pables de faire face au défi que repré­sente la visi­bi­li­té de citoyens euro­péens d’o­ri­gine musul­mane dans l’es­pace public et les che­mi­ne­ments divers vers l’émancipation.

On occulte sou­vent le fait que l’interdiction du fou­lard à l’école ou au tra­vail relègue les femmes musul­manes dans leurs foyers plu­tôt que de les éman­ci­per. Ain­si, une loi dont le des­sein est de lut­ter contre l’oppression va inévi­ta­ble­ment tou­cher des groupes oppri­més et donc créer de la « vio­lence sym­bo­lique »1. La contro­verse créée autour du port du fou­lard dans les écoles sera donc consi­dé­rée ici comme un arché­type illus­trant une réelle apo­rie à inté­grer une autre façon de vivre l’universel, mais aus­si le refus de l’idée qu’il y a plu­sieurs che­mins condui­sant à défi­nir son propre modèle d’émancipation.

À tra­vers une grille de lec­ture basée sur les études post­co­lo­niales (et plus pré­ci­sé­ment sur les thèses déve­lop­pées par les fémi­nistes post­co­lo­niales), on va ques­tion­ner les logiques qui sous-tendent cer­tains dis­cours fémi­nistes. Ces lunettes théo­riques per­mettent de décons­truire les caté­go­ries men­tales déve­lop­pées par les adver­saires du fou­lard et de déce­ler les nou­velles formes de dia­lec­tique post­co­lo­niale pré­sen­tées sous des modes plus tacites. L’imbrication de plu­sieurs sys­tèmes de domi­na­tion, l’intersectionnalité des rap­ports sociaux de « race » et de sexe, mais aus­si la cultu­ra­li­sa­tion ou la « reli­gio­sa­tion » de cer­tains phé­no­mènes sociaux amènent à poser la ques­tion d’une éven­tuelle nou­velle forme de racisme sub­til pré­sente dans ce débat.

Instrumentalisation du discours féministe pour légitimer une forme de domination

Le mou­ve­ment fémi­niste est loin d’être un bloc mono­li­thique. Les diver­gences ont été par­ti­cu­liè­re­ment impor­tantes lors de l’affaire du fou­lard. Jamais les prin­cipes d’égalité entre les sexes et d’émancipation des femmes n’ont été autant acti­vés dans les cas qui concernent les femmes d’origine étran­gère. Comme si le non-res­pect de ces valeurs était deve­nu l’apanage des com­mu­nau­tés venant d’ailleurs, alors que les chiffres montrent bien que les vio­lences faites aux femmes trans­cendent tous les groupes sociaux com­po­sant la socié­té. Les argu­ments fémi­nistes allant dans le sens de l’interdiction du fou­lard à l’école ont été lar­ge­ment relayés dans le débat public par des mili­tantes fémi­nistes, mais aus­si par des hommes (poli­tiques, jour­na­listes, écri­vains ou phi­lo­sophes), qui se sont sou­dai­ne­ment décou­verts fémi­nistes sans s’être mobi­li­sés aupa­ra­vant pour dénon­cer les inéga­li­tés qui frappent toutes les femmes de nos sociétés.

Le prin­ci­pal argu­ment fémi­niste repose sur l’égalité des sexes, mais aus­si sur la dénon­cia­tion de l’oppression des femmes musul­manes et du fou­lard comme sym­bole d’infériorité par rap­port à l’homme. D’autres argu­ments fémi­nistes et/ou anti­ra­cistes (mino­ri­taires) vont plu­tôt dénon­cer le carac­tère dis­cri­mi­na­toire, voire raciste, d’une inter­dic­tion géné­ra­li­sée du port du fou­lard à l’école. Entre les deux, beau­coup ne savent quelle posi­tion prendre. On ne revien­dra pas sur tous les argu­ments fémi­nistes déve­lop­pés contre le fou­lard. Ils sont nom­breux et peuvent être aisé­ment décons­truits. On ne pren­dra qu’un exemple. L’idée que le fou­lard serait le seul sym­bole de sou­mis­sion à l’égard des hommes serait omettre le fait que d’autres types de vête­ments « occi­den­taux » pour­raient éga­le­ment revê­tir un carac­tère sexué car repré­sen­tant une autre forme de sou­mis­sion au regard masculin.

Cer­taines mili­tantes fémi­nistes vont ain­si dénon­cer une ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la cause des femmes par une poli­tique carac­té­ri­sée par un dis­cours d’exclusion et de dis­cri­mi­na­tion. C’est dans ce sens que la fémi­niste Chris­tine Del­phy (2008) dira qu’un mou­ve­ment contre l’oppression ne peut expli­ci­te­ment ou impli­ci­te­ment oppri­mer d’autres groupes. Dans ce sens, le défi du dis­cours fémi­niste sera de ne pas impo­ser une vision eth­no­cen­trique de l’universalisme occi­den­tal comme seul che­min d’accès à l’universel.

la lecture féministe postcoloniale

Depuis quelques années seule­ment, on voit appa­raitre dans la lit­té­ra­ture fran­co­phone des ana­lyses basées sur les post­co­lo­nial stu­dies, alors qu’elles sont lar­ge­ment répan­dues depuis les années quatre-vingt dans le monde anglo-saxon. Il est dif­fi­cile de défi­nir avec pré­ci­sion le concept de post­co­lo­nia­lisme, dont l’enjeu majeur est avant tout d’examiner les arti­cu­la­tions des dif­fé­rents sys­tèmes de domi­na­tion mar­qués par une cer­taine per­cep­tion de l’altérité. Notre pro­pos n’est pas ici de déve­lop­per, ni de décons­truire les études post­co­lo­niales, mais d’utiliser cette grille de lec­ture pour déve­lop­per un angle d’analyse sur la façon dont le débat sur le fou­lard a révé­lé une cer­taine forme de domi­na­tion spé­ci­fique liée à l’identité cultu­relle ou à l’origine eth­nique tout en étant com­bi­né à une domi­na­tion sociale.

Mal­gré les cri­tiques et les limites des études post­co­lo­niales, on peut mettre en évi­dence un cer­tain nombre d’atouts. En effet, la grille de lec­ture post­co­lo­niale met en évi­dence des logiques trop sou­vent occul­tées car elle révèle les rap­ports par­ti­cu­liers que peuvent entre­te­nir le domi­nant avec des popu­la­tions étran­gères ou d’origine étrangère.

Les théo­ries fémi­nistes post­co­lo­niales vont plus en pro­fon­deur dans l’analyse en exa­mi­nant les rap­ports de classe et de race, mais en inté­grant aus­si les rap­ports de genre. L’intérêt de la mise en rela­tion des théo­ries fémi­nistes avec les études post­co­lo­niales est qu’elle per­met de mettre en évi­dence l’imbrication des dif­fé­rents sys­tèmes de domi­na­tion et d’oppression. Ain­si, le fémi­nisme post­co­lo­nial met en évi­dence d’autres dimen­sions telle que la classe sociale et l’ethnicité pour essayer de déve­lop­per des entre­croi­se­ments entre ces dif­fé­rents fac­teurs et la dimen­sion genre pour expli­quer cer­taines formes d’oppression. Cette grille de lec­ture remet éga­le­ment en ques­tion les théo­ries fémi­nistes occi­den­tales en appor­tant de nou­veaux outils d’analyse.

Quel est le rap­port entre ce fémi­nisme post­co­lo­nial et l’objet de cette contri­bu­tion ? L’intérêt de ce cadre théo­rique per­met de cri­ti­quer les repré­sen­ta­tions véhi­cu­lées par les fémi­nistes occi­den­tales sur les femmes issues de pays tiers, en met­tant en évi­dence leur sta­tut de vic­time. Par­mi ces repré­sen­ta­tions, il y a l’idée des femmes « à sau­ver » avec une constante logique civi­li­sa­trice qui a pour consé­quence une autre forme de domi­na­tion qui s’exerce, cette fois, entre femmes. Ce dis­cours fémi­niste post­co­lo­nial peut s’avérer per­tur­bant car en met­tant en évi­dence le fait qu’il y ait plu­sieurs che­mins pour accé­der à l’émancipation, il remet en cause une cer­taine vision du fémi­nisme uni­ver­sel classique.

En deve­nant sujet et non plus objet des ana­lyses fémi­nistes, ces femmes post­co­lo­niales ont déve­lop­pé leurs propres stra­té­gies d’émancipation et de libé­ra­tion pour lut­ter contre la domi­na­tion machiste. Sou­vent avec les hommes, et pas contre eux. Elles tirent fré­quem­ment la source de leurs com­bats dans leurs tra­di­tions ou leurs textes scrip­tu­raires pour défi­nir une nou­velle façon d’affirmer leur fémi­ni­té. Dans ce cadre, il est utile de rap­pe­ler que les femmes musul­manes doivent sou­vent se battre — à l’intérieur — contre cer­taines tra­di­tions patriar­cales, mais qu’elles doivent aus­si lut­ter — à l’extérieur — contre les dif­fé­rentes formes de dis­cri­mi­na­tion basées sur le racisme et/ou les pré­ju­gés. Parce qu’elles sont femmes, qu’elles sont d’origine étran­gère et parce qu’elles ont choi­si de faire ce qu’elles veulent de leur corps en optant pour le choix de por­ter un fou­lard, ces femmes doivent résis­ter sur plu­sieurs fronts.

Par ailleurs, le fémi­nisme post­co­lo­nial déve­loppe tant ses cri­tiques par rap­port à l’androcentrisme des études post­co­lo­niales qu’à l’ethnocentrisme du fémi­nisme occi­den­tal. Cela étant, on peut repro­cher aux études (fémi­nistes) post­co­lo­niales de repro­duire les logiques qu’elles-mêmes cri­tiquent. En éta­blis­sant des oppo­si­tions entre les domi­nants et les domi­nés, les Occi­den­taux et les autres, etc. Ces grilles de lec­ture pré­sentent éga­le­ment le biais de l’assignation iden­ti­taire et de l’essentialisation des appar­te­nances. Il est donc impor­tant de sou­li­gner que les caté­go­ri­sa­tions pré­sentent des limites pour l’analyse des rap­ports de force.

un discours qui voile un racisme qui ne dit pas toujours son nom…

À par­tir de la grille de lec­ture fémi­niste post­co­lo­niale, la variable « eth­ni­ci­té » sera exa­mi­née à tra­vers l’hypothèse d’une éven­tuelle racia­li­sa­tion du débat sur le fou­lard qui se révèle avec une cultu­ra­li­sa­tion et/ou une « reli­gio­sa­tion » des ques­tions sociales. Il faut impé­ra­ti­ve­ment sor­tir de ces assi­gna­tions iden­ti­taires qui consistent à ren­voyer à des groupes spé­ci­fiés (les Turcs, les Maro­cains, les musul­mans, etc.) des traits qua­si immuables plu­tôt que de cadrer l’analyse dans un contexte socioé­co­no­mique. Dès lors, posons la ques­tion d’une éven­tuelle forme de racisme sub­til pré­sente dans l’argumentaire déve­lop­pé par les adver­saires du port du fou­lard. Bien enten­du, pré­ci­sons d’emblée que toutes les per­sonnes qui sou­tiennent l’interdiction du fou­lard à l’école ou au tra­vail ne sont pas toutes moti­vées par des rai­sons racistes. L’idée n’est pas d’imputer à tous les pro­hi­bi­tion­nistes du fou­lard des des­seins isla­mo­phobes, mais plu­tôt de reprendre cer­taines cri­tiques dénon­çant une logique par­fois raciste dans le discours.

À par­tir du concept d’hétérophobie, Albert Mem­mi (1982) défi­nit le racisme comme étant «[…] la valo­ri­sa­tion, géné­ra­li­sée et défi­ni­tive, de dif­fé­rences réelles ou ima­gi­naires, au pro­fit de l’accusateur et au détri­ment de sa vic­time, afin de légi­ti­mer une agres­sion ou des pri­vi­lèges ». À cela, il ajoute que la fina­li­té du racisme demeure l’exclusion et la domi­na­tion. À par­tir de ce point de vue, peut-on donc sug­gé­rer qu’il y a par­fois du racisme dans les argu­ments qui incitent cer­tains à inter­dire le port du fou­lard dans les écoles ? Exer­cice périlleux. Cela étant, les enquêtes d’opinion en Bel­gique ou en Europe (l’eurobaromètre de 1997 sur le racisme et la xéno­pho­bie dans l’UE, l’eurobaromètre de 2000 sur les atti­tudes envers les mino­ri­tés dans l’UE et l’eurobaromètre de 2007 sur les dis­cri­mi­na­tions dans l’UE) montrent bien qu’il y a des formes de rejet à l’égard de l’étranger ou des per­sonnes d’origine étran­gère et plus par­ti­cu­liè­re­ment à l’égard des musulmans.

Une étude scien­ti­fique de l’université catho­lique de Lou­vain (Saro­glou et alii, 2009) a jus­te­ment posé la ques­tion d’un éven­tuel lien entre le fou­lard et une cer­taine forme de racisme. Cette recherche avait fait beau­coup de bruit car elle a enta­mé le débat sur cer­taines moti­va­tions expli­quant le choix d’interdire le fou­lard. Les résul­tats montrent que l’hostilité à l’égard du fou­lard est sou­vent moti­vée par des pré­ju­gés antiim­mi­gra­tion et la peur de la dif­fé­rence. Dans un entre­tien accor­dé au jour­nal Le Soir, le pro­fes­seur qui a diri­gé cette recherche explique que « contrai­re­ment à l’idée reçue, c’est donc prin­ci­pa­le­ment le racisme qui sus­cite en grande par­tie l’hostilité au voile. Mais il n’est pas exclu que la pré­sence mar­quée du voile dans l’espace public ali­mente un racisme sous-jacent2 ».

Cette recherche a ain­si démon­tré que l’aversion de cer­tains à l’égard du fou­lard était jus­ti­fiée par une cer­taine forme de racisme sub­til. Bien enten­du, ces résul­tats ne signi­fient pas que toutes les per­sonnes hos­tiles au port du fou­lard soient ani­mées par un sen­ti­ment raciste, mais il peut par­tiel­le­ment expli­quer cer­taines motivations.

Dans son ouvrage, sur L’affaire du fou­lard isla­mique, Said Boua­ma­ma (2004) dénonce la construc­tion d’un dis­cours poli­tique carac­té­ri­sé par la stig­ma­ti­sa­tion et l’exclusion de groupes bien déter­mi­nés, déve­lop­pant ain­si une cer­taine forme de « racisme res­pec­table », impli­cite et sub­til. Pierre Téva­nian (2007) n’hésite pas lui à décrire de nou­velles formes qui fondent le racisme contem­po­rain basé sur une cer­taine rhé­to­rique fémi­niste et laïque. Il parle d’ailleurs de « racisme répu­bli­cain » qui vise une popu­la­tion bien spé­ci­fique et qui use de méta­phores laïques, fémi­nistes ou répu­bli­caines pour dési­gner en réa­li­té une cible bien pré­cise : la com­mu­nau­té musul­mane. D’autres vont aus­si uti­li­ser le concept de racisme sur la base du fait que des groupes d’individus sont dési­gnés dans le débat à par­tir de leurs ori­gines ou de leurs confes­sions et sont stig­ma­ti­sés en tant que tels ou encore sur l’idée que cer­taines cultures racia­li­sées seraient par essence sexistes.

L’une des figures du fémi­nisme fran­çais, Chris­tine Del­phy (2006), va éga­le­ment sug­gé­rer qu’une loi inter­di­sant le fou­lard s’inscrirait dans une dyna­mique carac­té­ri­sée par « une isla­mo­pho­bie qui prend le relais du racisme anti­arabe, et qui trouve là aus­si un appui média­tique pour construire un islam ima­gi­naire et dan­ge­reux ». L’argument fémi­niste arrive, donc selon elle, à légi­ti­mer et à cau­tion­ner une cer­taine forme de racisme par un rap­port dif­fé­ren­cié basé sur l’essentialisation de cer­tains groupes. Pour elle, ce dis­cours est tel­le­ment bana­li­sé que, non seule­ment il ne choque plus, mais pis encore, il per­met de jus­ti­fier des pro­po­si­tions de loi visant à res­treindre les liber­tés indi­vi­duelles. Il ne s’agit pas, pour Chris­tine Del­phy, de ne pas condam­ner les pra­tiques machistes ou sexistes, bien au contraire, mais plu­tôt de dénon­cer l’ethnicisation des oppres­sions et des inéga­li­tés envers les femmes. S’inscrivant dans cette logique fémi­niste post­co­lo­niale, elle affir­me­ra par ailleurs avec force que la loi contre le fou­lard serait une loi dis­cri­mi­na­toire, sexiste et raciste.

Enfin, il est impor­tant de sou­li­gner le fait que ces méca­nismes de domi­na­tion, qu’elle soit sociale, sexiste, ou raciste, ne sont pas tou­jours conscients. Bien au contraire, on trou­ve­ra aisé­ment des adver­saires du port du fou­lard dans les écoles ou au tra­vail, qui sont enga­gés dans la lutte anti­ra­ciste. Cela étant, l’examen des argu­men­ta­tions déve­lop­pées par quelques tenants du dis­cours pro­hi­bi­tion­niste révèle par­fois une cer­taine forme de racisme tacite de par l’ethnicisation de cer­taines expli­ca­tions. De manière géné­rale, il serait plus judi­cieux de par­ler d’une construc­tion ins­ti­tu­tion­na­li­sée et légi­ti­mée d’une cer­taine forme de peur liée au déve­lop­pe­ment de la diver­si­té eth­no­cul­tu­relle dans nos sociétés.

Le défi d’une gestion sereine de la diversité ethnoculturelle

Plu­sieurs phé­no­mènes contem­po­rains mettent en évi­dence les thé­ma­tiques de l’identité et de l’altérité qui posent le défi d’une ges­tion sereine et paci­fiée de la diver­si­té eth­no­cul­tu­relle dans les socié­tés occi­den­tales, qui soit res­pec­tueuse des dif­fé­rences des indi­vi­dus com­po­sant notre socié­té. Le débat sur ce tis­su, nom­mé fou­lard ou voile, est sou­vent expli­qué par la crainte d’une isla­mi­sa­tion de nos socié­tés à tra­vers l’imposition de la cha­ria, mais il témoigne aus­si par­fois du refus d’accepter une réa­li­té nou­velle, celle de la visi­bi­li­té des citoyens euro­péens de confes­sion musul­mane dans l’espace public.

Il est impor­tant que, mal­gré les diver­gences de points de vue, les fémi­nistes reviennent à ce qui a consti­tué le point de départ du mou­ve­ment, à savoir la lutte contre la domi­na­tion mas­cu­line. Qu’importent les ori­gines, les classes sociales, le niveau intel­lec­tuel, etc. Toutes les femmes ont en com­mun le défi de résis­ter aux oppres­sions machistes, avec les hommes qui par­tagent le même com­bat. Que ce soit pour lut­ter contre les mariages for­cés, l’excision ou l’imposition du fou­lard, mais aus­si pour l’égalité sala­riale ou la répar­ti­tion équi­table des tâches fami­liales et ména­gères. Il fau­dra dès lors refu­ser les assi­gna­tions iden­ti­taires et sor­tir des cloi­sons com­mu­nau­taires de part et d’autre (les Occi­den­tales ou les Blanches ver­sus les autres), ce qui per­met­tra de rompre avec les rap­ports de domi­na­tion en déve­lop­pant un front com­mun en matière de lutte contre le machisme, le racisme et toutes formes de dis­cri­mi­na­tion… sans com­plai­sance, ni condescendance.

  1. La vio­lence sym­bo­lique est un concept déve­lop­pé par Bour­dieu qu’il défi­nit comme étant « tout pou­voir qui par­vient à impo­ser des signi­fi­ca­tions et à les impo­ser comme légi­times en dis­si­mu­lant les rap­ports de force qui sont au fon­de­ment de sa force ». Bour­dieu P., Esquisse d’une théo­rie de la pra­tique, Droz, 1972, p. 18.
  2. Gutiér­rez R., « Le port du voile heurte les Belges », dans Le Soir, 26 mai 2007.

Fatima Zibouh


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