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Le choc des civilisations ? Non
Le monde entier a mal : l’ ”Orient” pâtira tout autant que l’Occident des attentats du 11 septembre. Plutôt qu’opposer les civilisations occidentales et musulmanes, il faut s’atteler à une compréhension du marasme que connaît le monde arabe.
Les États-Unis souffrent, l’Occident aussi, le monde entier a mal. Les conséquences négatives des derniers évènements commencent à se faire sentir : méfiance à l’égard des étrangers entretenue par certains médias populistes, des agressions çà et là et des propos qui n’en finissent plus sur le « clash des civilisations» ; ce dont se réjouissent aussi bien la droite occidentale que les islamistes fondamentalistes. Ce type de réaction est assez prévisible dans des situations de colère collective, mais elle porte ombrage à l’Occident et à son image dans la mesure où elle concerne le racisme, un des aspects les plus controversés de l’environnement politique occidental.
Le choc des civilisations ? Que cela signifie-t-il ? Hitler était-il Pakistanais ? Mussolini était-il originaire de la péninsule Arabique ? Timotee Mac Veigh était-il un jeune originaire du sud de l’Egypte ? Et dans ce cas, qui est en droit de représenter la « civilisation orientale » et de parler en son nom ? Saddam Hussein ou ses victimes irakiennes ? Mohammad Khatemi ou Ali Khameneï ?
Si Ben Laden a fait du tort à l’Occident, et il l’a incontestablement fait, peut-on franchement douter un seul instant qu’il n’en ait pas encore fait plus à 1’«Orient » ? En effet, il a porté un coup mortel à l’intifada et bon nombre de pays sont menacés par une dangereuse instabilité. Ces attentats ont eu des répercussions négatives sur la vie quotidienne de centaines de milliers d’individus, sans parler des millions de réfugiés. Les « Orientaux », et les Afghans en tête, ne sont-ils pas les perpétuelles victimes de ces terroristes qui les dirigent ?
Il ne s’agit donc pas de choc des civilisations. On peut par contre essayer de comprendre le déclin culturel et politique qui s’empare d’une région à un moment donné de son histoire. On peut également comprendre l’impasse dans laquelle se trouvent précisément les peuples de cette région. C’est exactement ce qui se passe actuellement dans le monde musulman. Les raisons profondes y sont d’ordre historique. Les peuples musulmans ainsi que leurs élites devraient se pencher sur la question et tenter de combattre ce phénomène qui n’est d’ailleurs pas éternel.
Le phénomène n’est pas non plus nécessairement en rapport avec une situation prétendument concrète, ni avec une religion particulière. En effet, dans toute religion on peut trouver à la fois des concepts justifiant la violence en même temps que l’amour et la tolérance. Parce que l’Histoire considérée comme un effort humain conscient est le début de la solution, les appels aux bombardements et à la destruction ne sont pas, quant à eux, une solution. Le discours militaronationaliste que l’on commence à entendre aux Etats-Unis n’offre ainsi aucune perspective à long terme. Si le menaces contre l’Afghanistan doivent se traduire uniquement par des frappes militaires aveugles dont l’essentiel des victimes sera surtout des civils innocents, la situation n’aura pas beaucoup évolué et l’on aura surtout pénalisé un peuple afghan déjà assez martyrisé par la barbarie des talibans.
Il semble toutefois difficile dans le contexte actuel d’éviter des frappes militaires. Ces frappes censées viser les terroristes sont réclamées avec beaucoup de ferveur. Pourtant, les sociétés musulmanes, si elles n’étaient pas marquées par un tel marasme, auraient sans doute été les premières à punir et à livrer ces derniers. Si un tel marasme n’avait existé, elles auraient même pu facilement empêcher l’émergence de ce type de phénomène terroriste et auraient été les premières à réclamer la séparation entre le politique et le droit à la vie, tout en insistant, comme Henry Kissinger, pour frapper sans merci les structures qui produisent le terrorisme.
Certes, il est vrai que le terrorisme n’est pas seulement le résultat de la politique et de l’économie, comme le prétendent certains spécialistes donnant ainsi des circonstances atténuantes aux terroristes. Néanmoins, la politique et l’économie peuvent servir à circonscrire le phénomène tant il est vrai que les conditions socioéconomiques qui règnent dans le monde musulman sont dans la plupart des cas tout à fait dramatiques.
Dans la mesure où nous parlons actuellement de mondialisation dans le domaine de la sécurité, pourquoi ne pas évoquer aussi la mondialisation politique qui se matérialiserait par un système de gouvernance plus juste et une plus grande attention pour les problèmes des peuples et des nations ? Et puisque nous parlons de la troisième guerre mondiale, pourquoi ne pas rappeler que la Première Guerre mondiale a donné aussi les principes wilsonniens et que la Seconde a débouché sur le plan Marshall, même si cela n’occulte en rien la responsabilité des peuples ?