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Le bruit des droits qui craquent

Numéro 2 février 2014 par Backes Stephan Emmanuelle Delplace ForgetCatherine Benoît Van Keirsbilck

février 2014

Chô­mage, loge­ment, soins…, l’accès aux droits éco­no­miques, sociaux et cultu­rels subit de plein fouet les res­tric­tions bud­gé­taires et la ten­dance lourde visant à appré­hen­der l’ensemble des allo­ca­taires sociaux comme des frau­deurs en puis­sance. La méfiance a pris le pas sur la pro­vi­dence et les popu­la­tions pré­caires en paient la lourde addition.

[**Haro sur la mendicité*]

[/ Ste­phan Backes et Benoît Van Keirs­bilck /]

Que ce soit à Amster­dam, d’où nous vient le concept de « hang­ge­drag » (« com­por­te­ment de trai­ner »), terme qui a vite trou­vé une terre d’accueil en Flandre, ou à Buda­pest, où le Conseil muni­ci­pal a déci­dé, avec l’appui de l’extrême droite, d’« épu­rer » les rues de la capi­tale en en ban­nis­sant les per­sonnes sans-abri, les mesures prises par les auto­ri­tés locales se tra­dui­sant par de véri­tables sanc­tions ciblées — voire par une forme atté­nuée de chasse à l’homme — ont le vent en poupe. La Bel­gique n’y échappe pas.

La nou­velle loi rela­tive aux sanc­tions admi­nis­tra­tives com­mu­nales (SAC) entrée en vigueur le 1er jan­vier 2014 per­met, encore davan­tage qu’avant, aux auto­ri­tés locales d’infliger des sanc­tions aux per­sonnes contre­ve­nantes. Contre­ve­nantes en quoi ? D’être sans-abri. De trai­ner dans la rue. De boire de l’alcool dans l’espace public. De mendier.

Un grand nombre de villes et com­munes ont déjà adop­té des règle­ments visant à codi­fier la men­di­ci­té. Et les mesures prises varient for­te­ment d’une com­mune à l’autre. À Char­le­roi, les men­diants sont obli­gés de men­dier dans dif­fé­rentes com­munes de l’entité selon les jours de la semaine. À Liège, après un troi­sième aver­tis­se­ment, les contre­ve­nants doivent s’acquitter d’une amende s’élevant jusqu’à 250 euros. À Etter­beek, le nombre de per­sonnes men­diant dans un péri­mètre bien défi­ni a été plafonné.

Dangereux glissement du collectif vers l’individuel

Au moins trois pro­blèmes doivent être épinglés.

D’abord, nous sommes loin d’un régime garan­tis­sant une éga­li­té de trai­te­ment et les mesures prises — plus ou moins répres­sives — relèvent de l’arbitraire. Une réa­li­té inac­cep­table dans un État de droit. Plu­sieurs com­por­te­ments don­nant lieu à des sanc­tions ont été sor­tis du droit pénal et l’autonomie de l’autorité locale en la matière n’est point un garant d’un trai­te­ment égal.

Ensuite, même s’il y avait cette éga­li­té de trai­te­ment, les pou­voirs publics ne s’attaquent aucu­ne­ment aux causes struc­tu­relles qui mènent à la pau­vre­té et au fait que des per­sonnes sont for­cées d’appliquer des méca­nismes de sur­vie qui se tra­duisent, par­fois, par la men­di­ci­té. Il y a un besoin de poli­tiques struc­tu­relles effi­caces et d’une garan­tie de plein accès aux droits fon­da­men­taux pour toutes les per­sonnes : loge­ment, éner­gie, soins de san­té, un tra­vail rému­né­ré de qua­li­té, etc. Or ici ce sont les per­sonnes qui sont atta­quées. Pas le phé­no­mène. Et cette approche à la fois sécu­ri­taire et répres­sive ne consti­tue aucu­ne­ment une réponse adéquate.

Enfin, et c’est le zeit­geist régnant actuel­le­ment, il y a un glis­se­ment — dan­ge­reux et inquié­tant — de la res­pon­sa­bi­li­té col­lec­tive vers la res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle. Ce sont les per­sonnes qui sont davan­tage tenues res­pon­sables pour l’échec et la défaillance de plu­sieurs poli­tiques struc­tu­relles. Le cou est tor­du au corps même des droits fon­da­men­taux. Les per­sonnes sont certes déten­trices de droits, mais l’obligation de les res­pec­ter, de les pro­té­ger et de les réa­li­ser relève désor­mais aus­si de leur res­pon­sa­bi­li­té et de moins en moins de celle des auto­ri­tés publiques.

Mobilisation de la société civile

Paral­lè­le­ment à l’approche glo­bale de la men­di­ci­té par les pou­voirs publics, la ques­tion de la men­di­ci­té de parents avec leurs enfants est éga­le­ment reve­nue à la une de l’actualité en 2013 au tra­vers de l’examen par la com­mis­sion de l’Intérieur du Sénat d’une pro­po­si­tion de loi (pro­po­si­tion n°5 – 1477/1 rela­tive à l’exploitation de la men­di­ci­té) appe­lant à péna­li­ser la men­di­ci­té de parents accom­pa­gnés de leur enfant. Éton­nam­ment, la pro­po­si­tion se fon­dait sur… les obser­va­tions géné­rales du Comi­té des droits de l’enfant par rap­port à la Bel­gique, comme s’il avait pu pré­co­ni­ser une réponse pénale pro­vo­quant la rup­ture des familles et des consé­quences impor­tantes sur la vie et le déve­lop­pe­ment des enfants.

Cette pro­po­si­tion n’y allait pas de main morte : elle visait à sanc­tion­ner très lour­de­ment (d’un à cinq ans de pri­son et de 3 000 à 300 000 euros d’amende) un com­por­te­ment qui est avant tout dic­té par un contexte de pau­vre­té et d’exclusion sociale résul­tant en grande par­tie de l’incapacité de notre pays d’offrir une pro­tec­tion sociale adé­quate à ces enfants et familles.

Il aura fal­lu une mobi­li­sa­tion consé­quente de la socié­té civile pour faire bar­rage à cette pro­po­si­tion et en dénon­cer la dan­ge­ro­si­té. Rap­pe­lons qu’il n’y a pas si long­temps, une jeune mère s’était vu condam­ner à dix-huit mois de pri­son ferme et à une amende de 4 125 euros pour ce type de faits. Elle aura été déte­nue pen­dant plu­sieurs mois avant que la Cour d’appel ne mette fin à cette infamie.

La socié­té civile, dont la LDH et DEI-Inter­na­tio­nal, est oppo­sée à cette approche péna­li­sante qui n’offre aucune solu­tion au pro­blème auquel il entend répondre. Outre les consé­quences sociales sur l’enfant et la famille, elle constate que l’État belge est prêt à dépen­ser des sommes consi­dé­rables pour enfer­mer ces mères en pri­son, dans des condi­tions que l’on sait indignes, sépa­rer les enfants et les pla­cer dans des ins­ti­tu­tions, mais refuse les aides sociales de base qui consti­tue­raient une meilleure réponse à ce phénomène.

Quand le législateur instrumentalise les droits fondamentaux

L’élément déci­sif de ce com­bat aura été un cour­rier du Comi­té des droits de l’enfant, signé par sa pré­si­dente, madame Kirs­ten Sand­berg, qui confirme que le comi­té n’appelle pas à la péna­li­sa­tion de la men­di­ci­té. Il rap­pelle que les parents ne doivent pas être empri­son­nés pour avoir men­dié avec leurs enfants, mais que, par contre, toute loi ou toute déci­sion indi­vi­duelle affec­tant les enfants doit être prise en confor­mi­té avec l’intérêt supé­rieur des enfants et que chaque enfant a le droit de res­ter avec ses parents et de gran­dir dans un envi­ron­ne­ment fami­lial et social pro­pice à son déve­lop­pe­ment. Les déci­sions qui concernent les enfants doivent tou­jours être prises sur une base indi­vi­duelle, en tenant compte de l’intérêt supé­rieur des enfants concernés.

Cette affaire démontre une fois de plus la néces­saire vigi­lance à exer­cer sur les pou­voirs publics, y com­pris le légis­la­teur, capable de reve­nir sur des acquis en matière de droits fon­da­men­taux, en ins­tru­men­ta­li­sant les recom­man­da­tions du Comi­té des droits de l’enfant. Mais elle démontre aus­si qu’une mobi­li­sa­tion déter­mi­née peut por­ter ses fruits et que les organes des Nations unies, char­gés de veiller au res­pect des droits fon­da­men­taux, jouent un rôle déter­mi­nant comme garde-fous face à de telles dérives.


[**Peut-on encore par­ler de droit au chômage ?*]

[/Cathe­rine For­get/]

Fin décembre 2011, le gou­ver­ne­ment Di Rupo, sous la hou­lette de l’Union euro­péenne, apporte sa pierre à l’édifice de l’austérité en modi­fiant l’arrêté royal por­tant la règle­men­ta­tion du chô­mage. Désor­mais, les allo­ca­tions d’insertion sont limi­tées dans le temps. Les chô­meurs dis­posent, sur la base de leurs études, d’allocations pen­dant trente-six mois à par­tir du 1er jan­vier 2012 ou à par­tir de leurs trente ans selon leur situa­tion fami­liale. Sou­li­gnons éga­le­ment que la notion d’« emploi conve­nable » est élar­gie aux emplois dont la dis­tance domi­cile-tra­vail n’excède pas 60 kilomètres.

En juillet 2012, le gou­ver­ne­ment, dans sa lan­cée, adopte un arrê­té royal qui, d’une part, ren­force le sys­tème de dégres­si­vi­té des allo­ca­tions de chô­mage obte­nues sur la base du tra­vail, et, d’autre part, étend la pro­cé­dure d’activation à de nou­velles caté­go­ries de chô­meurs, tels que les plus de cin­quante ans et les per­sonnes inaptes au tra­vail à plus de 33 %, c’est-à-dire des per­sonnes sourdes ou mal­voyantes. La réforme, appli­quée depuis le mois de novembre 2012, rac­cour­cit les périodes accor­dant un mon­tant dégres­sif d’allocations et les frag­mente davan­tage. Ce sys­tème était déjà d’application sous l’ancienne règle­men­ta­tion, mais il est à pré­sent accru, ce qui a pour consé­quence une dimi­nu­tion plus rapide du mon­tant des allo­ca­tions de chô­mage. Par ailleurs, le der­nier mon­tant mini­mal for­fai­taire est moins éle­vé qu’auparavant et se situe à peine au-des­sus du mon­tant du reve­nu d’intégration sociale, bien au-des­sous du seuil de pauvreté.

Enfin, en juillet 2013, le gou­ver­ne­ment annonce une nou­velle modi­fi­ca­tion de l’arrêté royal por­tant la règle­men­ta­tion du chô­mage et ren­force le contrôle des deman­deurs d’emploi enta­mant leur stage d’insertion pro­fes­sion­nelle. Ces deman­deurs d’emploi, ne béné­fi­ciant pas encore d’allocations, sont déjà sou­mis à la pro­cé­dure d’activation et de contrôle. Outre les condi­tions d’admission en vigueur depuis jan­vier 2012 (par exemple, les jeunes en stage d’insertion doivent accom­plir un stage d’insertion pro­fes­sion­nelle de 310 jours, avoir moins de trente ans, avoir ter­mi­né leurs études et avoir mis fin aux acti­vi­tés du pro­gramme d’études), le deman­deur d’emploi doit béné­fi­cier de deux éva­lua­tions posi­tives de l’Onem pour pou­voir dis­po­ser d’allocations d’insertion. En cas d’évaluation néga­tive, il doit attendre mini­mum six mois pour un nou­vel entre­tien, ce qui post­pose son droit aux allo­ca­tions d’insertion de manière consé­quente. De nom­breux jeunes se retrouvent ain­si pen­dant ce stage sans la moindre allo­ca­tion. Ceux qui ne peuvent béné­fi­cier de l’aide de leurs parents se retrouvent à la rue et/ou au CPAS.

Non-respect du principe de standstill

Ces modi­fi­ca­tions règle­men­taires méritent que l’on s’interroge. Outre les ques­tions pra­tiques, voire poli­tiques, comme l’éventuelle affluence de chô­meurs vers les CPAS, la per­ti­nence des mesures d’activation, le risque de pau­vre­té — en par­ti­cu­lier pour les femmes — ou encore l’impact bud­gé­taire glo­bal, nous nous inter­ro­geons sur le res­pect d’élémentaires garan­ties juri­diques, à savoir, par exemple, le « prin­cipe de standstill ».

En effet, le droit à la sécu­ri­té sociale est garan­ti par dif­fé­rentes dis­po­si­tions légales1, qui com­portent à tout le moins un effet de « stand­still ». Ce prin­cipe, déve­lop­pé par la doc­trine et la juris­pru­dence, s’oppose à ce que le légis­la­teur dimi­nue le plus haut niveau de pro­tec­tion, confé­ré par des dis­po­si­tions légales, sans motifs impé­rieux. Une régres­sion est donc envi­sa­geable, pour autant qu’elle le soit dans l’intérêt géné­ral et que les consé­quences ne soient pas dis­pro­por­tion­nées par rap­port au but visé.

En l’occurrence, une dégres­si­vi­té accrue, une limi­ta­tion des allo­ca­tions d’insertion dans le temps et un contrôle inten­sif se jus­ti­fient sur le plan stric­te­ment juri­dique si ces mesures visent un objec­tif d’intérêt géné­ral. Et c’est là que le bât blesse : ni les arrê­tés royaux ni l’accord de gou­ver­ne­ment ne jus­ti­fient les mesures prises. Pour­tant, il s’agit bien d’un recul signi­fi­ca­tif visant tant l’accès aux allo­ca­tions de chô­mage que leur main­tien, mais aus­si et sur­tout leur sup­pres­sion. Les consé­quences sont catas­tro­phiques pour une par­tie de la popu­la­tion déjà fragilisée.

Lutter contre la pauvreté en l’accroissant…

Une petite porte est donc ouverte, celle du recours au tri­bu­nal du tra­vail pour contes­ter une déci­sion de l’Onem en fai­sant appel au prin­cipe de « stand­still2 ». Petite, car depuis l’activation, la condi­tion­na­li­té du droit au chô­mage s’accentue et les sanc­tions à l’encontre des chô­meurs sont déjà appliquées.

Mal­gré les mesures décrites ici, le gou­ver­ne­ment conti­nue iro­ni­que­ment d’affirmer un objec­tif prio­ri­taire pour 2020 : la lutte contre la pau­vre­té et l’exclusion sociale.

[**Handicap de grande dépendance : condamnation infamante pour la Belgique*]

[/Emma­nuelle Del­place/]

Il y a deux ans, durant l’été 2011, une ving­taine d’associations actives dans la défense du droit des per­sonnes han­di­ca­pées inter­pe­laient la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en déses­poir de cause.

En effet, depuis 2005, excé­dées par le manque de solu­tions d’accueil pro­po­sées en matière de han­di­cap de grande dépen­dance, ces asso­cia­tions inter­pellent inlas­sa­ble­ment les pou­voirs com­pé­tents. Entre 2005 et 2013, cin­quante sit-in furent orga­ni­sés devant les cabi­nets minis­té­riels, par­le­ments et même le 16 rue de la Loi. Par tous les moyens, ces asso­cia­tions ont ten­té d’attirer l’attention des res­pon­sables poli­tiques sur la situa­tion dra­ma­tique et inhu­maine vécue par des per­sonnes han­di­ca­pées et leur famille. Après ces dif­fé­rentes actions, plus aucun poli­tique, ministre ou cabi­net, ne pou­vait plus affir­mer qu’il n’était pas au cou­rant ou qu’il ne mesu­rait pas la situa­tion vécue par les familles concernées.

En réponse à ces inter­pel­la­tions, le monde poli­tique a presque tou­jours fait part de son impuis­sance : com­pé­tences écla­tées, insuf­fi­sance de moyens, cloi­son­ne­ment des bud­gets… Les seules avan­cées sur cette ques­tion ont lieu ponc­tuel­le­ment, à la suite de drames, lorsque des parents à bout de forces et de soli­tude mettent fin à la vie de leurs enfants handicapés.

Lors de la pre­mière ren­contre avec ces asso­cia­tions, il est res­sor­ti que c’était la pre­mière fois que l’on recon­nais­sait leur sta­tut de vic­time, que l’on admet­tait que l’État, par son immo­bi­lisme et son manque de poli­tique en matière de han­di­cap, por­tait gra­ve­ment atteinte à leurs droits fondamentaux.

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Grand han­di­cap et dépendance

Une per­sonne en situa­tion de han­di­cap de grande dépen­dance est une per­sonne qui ne peut accom­plir aucun geste de la vie quo­ti­dienne seule. Elle néces­site donc une aide constante, une pré­sence conti­nue. Pas de vacances pour les aidants proches, pas de wee­kend en amou­reux, pas de retraite, pas de temps libre… pas de répit. Ces adultes han­di­ca­pés de grande dépen­dance repré­sentent 1% de la popu­la­tion. Avec leur famille, cela repré­sente beau­coup de per­sonnes. Elles devraient béné­fi­cier d’une pro­tec­tion accrue de la part de l’État belge.

Il aura fal­lu attendre 2012 — la récla­ma­tion a été intro­duite en décembre 2011 — pour que la ministre de la San­té, madame Onke­linx, demande enfin la réa­li­sa­tion d’une car­to­gra­phie sur le han­di­cap de grande dépen­dance. La ministre wal­lonne de la San­té, Madame Tilleux, a, quant à elle, atten­du que la condam­na­tion soit adres­sée à l’État belge pour deman­der à l’Agence wal­lone pour l’intégration des per­sonnes han­di­ca­pées (AWHIP) qu’une enquête sur les besoins des per­sonnes concer­nées soit menée. Cela démontre à sou­hait l’absence de volon­té poli­tique en matière de han­di­cap : com­ment répondre effi­ca­ce­ment à une situa­tion que vous ne connais­sez pas ?

Quelle est la situa­tion de ces familles ? Elles res­tent sou­vent seules face à la prise en charge de leur enfant deve­nu adulte. Aucune solu­tion d’hébergement, de longues listes d’attente… les parents sont bien sou­vent obli­gés d’arrêter de tra­vailler. Que dire de la situa­tion des familles mono­pa­ren­tales… S’ensuit la spi­rale de la pré­ca­ri­té, de l’isolement social, de l’angoisse par rap­port à l’avenir. Que devien­dront ces enfants après la dis­pa­ri­tion de leurs parents ? Cette pré­ca­ri­té s’impose à toute la cel­lule familiale.

Pour ajou­ter encore à cette détresse, la demande d’hébergement étant bien supé­rieure à l’offre, les ins­ti­tu­tions d’accueil se per­mettent de refu­ser les cas les plus lourds, pré­tex­tant le manque de main‑d’œuvre ou d’infrastructures adaptées.

Pour toutes ces rai­sons, le 13 décembre 2011, la LDH a intro­duit par l’entremise de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des droits de l’Homme (FIDH) une récla­ma­tion col­lec­tive auprès du Comi­té euro­péen des droits sociaux (CEDS) pour vio­la­tion de la Charte euro­péenne des droits sociaux au nom de vingt asso­cia­tions fran­co­phones et néer­lan­do­phones. L’objectif : obte­nir la condam­na­tion de l’État belge pour atteinte grave aux droits sociaux des per­sonnes han­di­ca­pées de grande dépendance.

Vers un changement de politique

Le 29 juillet 2013, le CEDS a ren­du publique sa condam­na­tion de l’État belge et de ses trois Régions. Une condam­na­tion d’autant plus grave et infa­mante pour nos res­pon­sables poli­tiques qu’elle est défi­ni­tive et effective.

L’État belge avait pour­tant remis un volu­mi­neux rap­port de 112 pages, ten­tant de jus­ti­fier l’injustifiable. L’argumentation a été reje­tée par le comi­té : « Aucune jus­ti­fi­ca­tion avan­cée par le gou­ver­ne­ment de la Bel­gique rela­tive à sa carence de s’assurer un nombre de places (suf­fi­sant) dans des centres d’accueil et d’hébergement pour les per­sonnes han­di­ca­pées adultes de grande dépen­dance, de sorte que ces per­sonnes ne soient pas exclues d’accès à ce mode de ser­vice social, n’est sus­cep­tible d’être rete­nue. […] Cette carence est consti­tu­tive de vio­la­tion de la Charte. »

Le rap­port balaie donc défi­ni­ti­ve­ment toutes ces jus­ti­fi­ca­tions, tant bud­gé­taires qu’organisationnelles.

Cette déci­sion devrait impo­ser un chan­ge­ment de poli­tique et ouvrir des voies de recours aux familles concer­nées. On ne peut que s’en féliciter.

  1. Articles 9 et 11 du Pacte inter­na­tio­nal rela­tif aux droits éco­no­miques, sociaux et cultu­rels et article 23 de la Consti­tu­tion belge § 3, 2°.
  2. Pour plus d’informations concer­nant un recours contre une déci­sion rela­tive à la dégres­si­vi­té des allo­ca­tions de chô­mage : D. Dumont, « Dégres­si­vi­té accrue des allo­ca­tions de chô­mage ver­sus prin­cipe de stand­still », Jour­nal des tri­bu­naux, 2013, à paraitre.

Backes Stephan


Auteur

Emmanuelle Delplace


Auteur

ForgetCatherine


Auteur

Benoît Van Keirsbilck


Auteur