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La Wallonie tire son plan
Le plan Marshall est-il le signe d’une authentique transformation de la politique économique régionale et si oui de quelle transformation s’agit-il ? Simple adaptation légère des politiques existantes, changement plus important par la mise en œuvre de dispositifs novateurs ou transformation plus profonde qui touche à la conception même du développement régional ? Sans trancher la question de […]
Le plan Marshall est-il le signe d’une authentique transformation de la politique économique régionale et si oui de quelle transformation s’agit-il ? Simple adaptation légère des politiques existantes, changement plus important par la mise en œuvre de dispositifs novateurs ou transformation plus profonde qui touche à la conception même du développement régional ?
Sans trancher la question de façon définitive — le peu de recul ne le permettant pas -, les différents auteurs de ce numéro proposent de faire le point quatre ans après que La Revue nouvelle ait mis en débat non seulement la dénomination de ce plan, mais aussi ses finalités1.
Malgré sa technicité, le propos devrait réjouir ceux qui sont fatigués et désabusés de voir que le puzzle de l’actualité régionale constitué presque exclusivement de pièces prenant la forme de cartes de crédit de toutes sortes qui, emboîtées les unes les autres, révèlent un tableau où les faits divers prennent malheureusement toute la place et colorent tristement une situation économique et sociale marquée par des taux de chômage et de pauvreté inacceptables.
Qui dit transformations dit acteurs. À l’initiative du plan Marshall, on retrouve bien entendu les deux partis de la coalition actuelle, le PS et le CDH, mais ils ne sont pas les seuls, la genèse de ce plan remontant bien avant la présente coalition à tel point que, d’une façon ou d’une autre, les quatre partis démocratiques francophones se sont mouillés dans une aventure dont les origines remontent à plus de dix ans. Cela explique que, malgré les tensions entre les partis et à l’intérieur des partis portant sur différentes caractéristiques du projet, c’est à un quasi-consensus que l’on assiste. La prise de conscience du coût direct du non-redressement imputé à la population wallonne fait l’unanimité et le recours de plus en plus fréquent aux indicateurs issus des politiques comparées est là pour activer le sentiment que des réformes s’imposent. Et cela même sans prendre en considération des coûts indirects que pourraient entraîner des autonomies fiscales et sociales sans cesse élargies par des changements institutionnels présents et à venir. Certes, on peut regretter que la dimension économique ait primé dans cette tentative de mobilisation, mais c’est sans doute inévitable en regard des performances macroéconomiques wallonnes.
Les interlocuteurs sociaux ne furent pas absents de la construction du plan Marshall, mais leurs relations avec les partis se sont davantage inscrites dans le registre de la consultation que de la concertation ou de la négociation. Les véritables acteurs de la négociation avec le politique ont été sans conteste quelques grandes entreprises impliquées dans les pôles de compétitivité et sans doute aussi les centres universitaires. C’est à ces acteurs que le pouvoir politique délègue la responsabilité première du redressement, même si des opérateurs publics accompagnent le mouvement.
La place manque pour établir une comparaison entre deux projets qui, sur un espace de quarante ans, ont partagé la même ambition de développement régional. Nous pensons à la loi Terwagne de 1970 qui a mis en place les conseils économiques régionaux, la création des sociétés de développement régional, le Bureau du plan et l’Office de promotion industrielle. Certes, le contexte historique, institutionnel et économique est tout autre, mais la véritable différence entre les deux projets porte sur la place et la nature de l’initiative et des opérateurs publics dans les réformes. En 1970, le devant de la scène était occupé par les partis, les interlocuteurs sociaux et les institutions publiques, véritables moteurs des réformes de structure dans une économie résolument mixte. Aujourd’hui, on est dans une configuration institutionnelle où les pouvoirs publics délèguent et créent des conditions (financières, institutionnelles et spatiales) propices non plus à l’initiative industrielle publique comme telle, mais à l’initiative économique privée. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le concept de nouvelle gouvernance et le mettre à l’épreuve des faits.
Sans doute, le jeu de mots est facile, mais dans toute transformation, le « passé » reste présent — les relations restent toujours complexes entre l’administration et les entreprises et les rapports de connivence coupable entre le monde des affaires et des mandataires publics dans une série de dossiers politico-judiciaires ont fait la une des journaux pendant les quatre ans du plan -, mais malgré cela le plan Marshall a gardé sa force de consensus. En tout cas il ne constitue pas un clivage fort entre les acteurs puisque lorsqu’il y a critiques, elles le sont à la marge et souvent prétexte à affirmer des spécificités ou des identités propres. Le MR se limite à en faire un débat sur la paternité du plan, sur son utilisation partisane dans la campagne électorale et sur la nécessité d’utiliser davantage le volet fiscal tandis qu’Écolo dénonce le peu de référence au développement durable dans la version actuelle tout en se réjouissant de constater que la suite du plan sera marquée par le sceau du développement durable. Quelle que soit la composition du nouveau gouvernement wallon, le plan Marshall restera donc une référence.
Cela le sera d’autant plus que les évaluations réalisées entre autre par l’Iweps indiquent qu’une dynamique de changement se met en place appuyée par une adhésion des acteurs impliqués et de ceux qui se réjouissent de constater que la commission Zénobe2 propose à l’avenir d’accorder une plus grande place à la culture, l’enseignement et la formation ainsi qu’aux questions énergétiques et climatiques. Sera-ce suffisant ? Difficile à dire d’autant plus que la crise profonde constitue à elle seule le terreau de transformations plus profondes qu’un plan pensé et développé dans un contexte tout autre que celui qui s’annonce.
Pour en revenir à la question initiale, le plan Marshall constitue plus qu’un épiphénomène ou qu’un simple outil de communication politique. Il s’agit d’une tentative de création d’un consensus jugé nécessaire à la réalisation de réformes indispensables. Cette tentative explique sans doute la flexibilité du dispositif et les possibilités qu’on lui attribue dans le plan Marshall 2.0 de tenir compte des critiques émises à son égard pour poursuivre et amplifier son action3. Cependant, il ne concentre pas à lui seul suffisamment de ressources pour imposer un processus de transformation profonde, mais le contexte économique, social, environnemental et institutionnel dans lequel il va poursuivre sa route pourra le conduire à en être un élément constitutif. L’histoire nous le dira.-
- La Revue nouvelle, novembre 2005, n° 11.
- La commission Zénobe en référence à Zénobe Gramme a été mise sur pied par le ministre wallon de l’Économie et de l’Emploi de novembre 2008 à mars 2009. Composée de trente représentants des entreprises, des interlocuteurs sociaux, du monde associatif et de la culture, elle a remis un rapport visant à identifier une série d’actions concrètes susceptibles de favoriser la dynamique du plan Marshall. Ce rapport a souligné les articulations nécessaires entre le développement économique et les enjeux culturels et environnementaux.
- Le plan Marshall 2.0 est un ensemble de lignes de forces élaborées par le gouvernement actuel (PS-CDH) en vue de poursuivre, amplifier et réorienter le plan Marshall.