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La Turquie inquiète les Soviets

Numéro 3 - 1946 - Turquie par Marcel Hayoul

avril 2017

Le 8 juillet 1833 à Unkiar-Skelessi, village de la côte orientale du Bosphore, enfance de Thérapie, le Sultan mettait la Turquie sous la protection de la Russie. Approuvée par la France et la Grande-Bretagne, la Russie s’engageait à soutenir la Porte contre le pacha d’Égypte. En manière de rémunération elle disposait désormais pour ses flottes du libre passage […]

Dossier

Le 8 juillet 1833 à Unkiar-Skelessi, village de la côte orientale du Bosphore, enfance de Thérapie, le Sultan mettait la Turquie sous la protection de la Russie. Approuvée par la France et la Grande-Bretagne, la Russie s’engageait à soutenir la Porte contre le pacha d’Égypte. En manière de rémunération elle disposait désormais pour ses flottes du libre passage des Dardanelles qui restaient fermées aux navires des autres puissances.

Le maréchal Staline paraît bien décidé à retourner, pour son compte, à Unkiar-Skelessi. Le succès quel politique soviétique vient de remporter dans l’affaire de l’Azerbaïdjan peut donner à penser à Ankara que le tour de la Turquie pourrait bien être venu de répondre aux avances de l’invincible Maréchal. Le gouvernement de M. Ismet Inonu ne peut plus douter des difficultés qui l’attendent dans la liquidation de la neutralité turque. Ce pays est désormais en première ligne. Avec l’Iran, son dernier rempart est tombé. Il est cerné. Quatre épées russes menacent son avenir. L’une domine les détroits, l’autre, sortie déjà du fourreau, agite les Kurdes et les Géorgiens, la troisième fraye discrètement encore les chemins de la politique au Maréchal Tito, qui en fait briller les reflets sur la Thrace.

Quelles sont ces difficultés ? Quelle chance la Turquie a‑t-elle de les surmonter ou de s’en tirer un prix raisonnable ? C’est l’objet de cette chronique. Un objet qui n’est pas aussi éloigné de nos affaires occidentales qu’on pourrait le croire. Au lendemain d’Unkiar-Skelessi, David Urquardt, dans un pamphlet de 1834 resté célèbre, prédit que la Russie ne se contenterait pas de dominer la Turquie, la Perse et l’Afghanistan. Bientôt, assurait-il, elle réduira à l’état de satellites tous les États de l’Europe centrale. Alors, annonçait le polémiste britannique, le tour viendra de la France qui sera mise en sujétion. Ainsi la Russie détruira l’équilibre européen. Les vues prophétiques de David Urquardt ne sont pas loin de se réaliser sous nos yeux, on en conviendra.

Marcel Hayoul


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