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La Russie selon Vladimir Poutine
Le 31 décembre 1999, coup de tonnerre en Russie : le Président Boris Eltsine démissionne. En sa qualité de Premier ministre, poste qu’il occupe depuis aout 1999 seulement, Vladimir Poutine est nommé Président par intérim. En mars 2000, il est officiellement élu à la tête de la Fédération de Russie. Cela fait donc actuellement 24 ans que Poutine campe au […]
Le 31 décembre 1999, coup de tonnerre en Russie : le Président Boris Eltsine démissionne. En sa qualité de Premier ministre, poste qu’il occupe depuis aout 1999 seulement, Vladimir Poutine est nommé Président par intérim. En mars 2000, il est officiellement élu à la tête de la Fédération de Russie. Cela fait donc actuellement 24 ans que Poutine campe au Kremlin. Revenons sur quelques jalons de sa dérive autoritaire.
Ses deux premiers mandats (2000 – 2008) sont caractérisés par les concepts cardinaux de verticale du pouvoir et de démocratie souveraine qui se traduisent par un renforcement du pouvoir central sur tout le territoire de la Fédération, un délitement de l’application des principes démocratiques et une hostilité envers la vision du monde proposée par l’Occident. Les oligarques sont soumis, exilés ou emprisonnés. L’« opération antiterroriste » menée contre les séparatistes tchétchènes laisse la population de Tchétchénie exsangue et y établit une autorité loyale à Moscou.
La Constitution ne permettant pas d’exercer plus de deux mandats successifs à la tête de l’État, c’est Dmitri Medvedev qui devient président en 2008, et il nomme Vladimir Poutine Premier ministre (2008 – 2012). La guerre russo-géorgienne d’aout 2008, qui se solde par la reconnaissance par Moscou de l’indépendance des deux régions géorgiennes séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie — et leur appropriation de facto — est un gant jeté à la face du monde. La Russie montre qu’elle entend « contrôler » la souveraineté des républiques ex-soviétiques. L’Occident y répondra par des protestations à peine audibles. Lors des législatives de décembre 2011, les fraudes poussent plusieurs dizaines de milliers de personnes à manifester afin de dénoncer l’illégitimité de ces élections. Le scénario se répète après les présidentielles de 2012, qui sacrent Poutine sans surprise, cette fois pour six ans au lieu de quatre. Cette révolution des neiges réveille le spectre d’un soulèvement populaire, et elle est sévèrement réprimée.
L’année 2012 fait donc basculer la Russie d’une démocratie dirigée à l’autoritarisme. En ce qui concerne l’Ukraine, les deux nouveaux mandats de Poutine (2012 – 2024) sont marqués par l’annexion de la Crimée et le début de la guerre du Donbas1 entre forces ukrainiennes et séparatistes soutenus par la Russie en 2014, ainsi que l’invasion à grande échelle du pays en 2022. Sur le plan intérieur, les libertés sont brimées grâce à un arsenal législatif de plus en plus inventif2. La Constitution est amendée par référendum en 2020 et « supprime » les années passées jusqu’alors à la tête de la Russie. Le « président annulé », comme l’appellent ironiquement ses opposants, peut dès lors briguer un nouveau sextennat, reconductible.
En 2024, Poutine est réélu, et il pourrait se maintenir au pouvoir jusqu’en 2036. Comment la Russie a‑t-elle été façonnée par vingt-quatre ans de gouvernance poutinienne ? Anne Delizée et Aleksey Yudin proposent une réflexion sur l’idéologie du Kremlin et aboutissent à la conclusion glaçante que la Russie a versé dans le fascisme. Serge Model souligne le césaropapisme de l’État russe en décrivant l’osmose entre celui-ci et l’Église orthodoxe russe, pilier idéologique du régime. Anne Le Huérou et Aude Merlin font entendre les voix d’opposition et de résistance qui, malgré l’accélération vertigineuse de la répression, parviennent à subsister en Russie et en exil. S’interrogeant sur les cadres conceptuels utilisés pour maintenir l’élite dirigeante au pouvoir, Radzhana Buyantueva relève que la stigmatisation de la communauté LGBTQ+ est instrumentalisée afin de cadenasser la société. Quant à Julien Godfroid, il démontre que pour museler l’information à l’intérieur du pays, Moscou mène une lutte informationnelle qui tire profit de la liberté d’expression occidentale. Dans la rubrique Italique, Nastasia Dahuron illustre la chape de plomb qui s’abat sur la culture par de bouleversants poèmes de la dramaturge Evguenia Berkovitch. Sans prétendre à l’exhaustivité, les contributeur·ices de ce dossier offrent quelques clés essentielles pour mieux comprendre le poutinisme.
- Dans ce dossier, les toponymes ukrainiens sont transcrits à partir de l’ukrainien, et non du russe. Voir Delizée, A. & Yudin, A. Kyiv et Volodymyr, ou Kiev et Vladimir ? La transmission des toponymes et anthroponymes ukrainiens comme choix politique. La Revue nouvelle. 2023, 5, 44 – 50.
- Voir le dossier consacré à la Russie de l’après-2022 : (Sur)vivre en Russie. La Revue nouvelle. 2022, 5.