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La Revue nouvelle, bientôt la fin ?
La Revue nouvelle fut fondée alors que la deuxième guerre mondiale n’était pas terminée. On se battait encore et la Belgique était à peine libérée, le papier était sévèrement rationné, les plaies étaient béantes, et pourtant, quelques intellectuels ont eu la conviction qu’un des besoins les plus pressants à satisfaire était de penser. L’Europe serait encore longtemps confrontée aux totalitarismes, à l’Est, bien sûr, mais aussi à l’Ouest, en Espagne et au Portugal, et puis au Sud, dans les empires coloniaux… Il fallait penser !
La Revue nouvelle fut fondée alors que la deuxième guerre mondiale n’était pas terminée. On se battait encore et la Belgique était à peine libérée, le papier était sévèrement rationné, les plaies étaient béantes, et pourtant, quelques intellectuels ont eu la conviction qu’un des besoins les plus pressants à satisfaire était de penser. L’Europe serait encore longtemps confrontée aux totalitarismes, à l’Est, bien sûr, mais aussi à l’Ouest, en Espagne et au Portugal, et puis au Sud, dans les empires coloniaux… Il fallait penser !
Que penser ? Telle n’était sans doute pas la question, tant c’était le fait même de penser qui signalait le retour aux valeurs fondamentales de la démocratie. La Revue nouvelle est née sous ces auspices. Depuis 1945, elle n’a cessé de paraitre. Elle a été le témoin des bouleversements de la deuxième moitié du XXe, puis du XXIe siècle naissant : décolonisations, désindustrialisation, mouvements d’émancipation (des femmes, des minorités sexuelles, des personnes racisées, etc.), révolution sexuelle, fédéralisation, émergence de la pensée environnementaliste, etc.
Depuis 1945, la Revue est un chantier. Des centaines d’intellectuel·les s’y sont croisé·es et succédé, débattant, s’opposant, se confortant, évoluant… La Revue d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, encore moins celle d’avant-hier, c’est parce qu’elle vit ! Le monde a changé, nos questions ont évolué, les défis auxquels nous faisons face aussi. La Revue a su évoluer, se diversifier, se féminiser, écouter de nouveaux publics. Une seule chose n’a pas varié : son exigence vis-à-vis des auteur·ices, mais aussi des lecteur·ices. Le pari de la facilité n’est pas le sien.
Pourquoi ? Parce que nous croyons en l’intelligence humaine, en sa capacité à sortir par le haut des ornières dans lesquelles nous ne cessons de tomber. C’est un travail de Sisyphe, certes, mais c’est aussi le signe de la condition humaine. Nous ne parlons jamais de nous, nous ne sommes pas là pour ça… Mais aujourd’hui, il nous faut peut-être le faire.
La Revue nouvelle, ce sont deux salarié·es sans qui rien ne serait possible : Marie-Sophie du Montant (rédactrice en chef) et Ollie Raher (secrétaire de rédaction). Iels sont les chevilles ouvrières de la Revue. Autour d’elleux, gravitent des dizaines d’auteur·ices, de membres du comité de rédaction… et deux codirecteurs. Pour elleux, aucune autre rémunération que le plaisir de faire la Revue, la satisfaction de maintenir le projet en vie, la conscience aigüe de la nécessité, pour une société, de se réfléchir. Certain·es écrivent depuis des décennies, d’autres nous ont rejoint il y a quelques mois.
Le prix de la Revue, c’est celui-là : énormément de travail bénévole, des couts salariaux et le prix de fabrication de l’objet que vous tenez en main (ou du site que vous consultez). Mais les choses sont telles, dans notre petite terre francophone aux limites du monde germanique, que nous ne pourrions supporter ces très modestes couts sans soutien public.
Or, deux éléments sont venus perturber le cours des choses. D’une part, 2022 a été marquée par une très brutale hausse des couts, du fait d’une inflation galopante. D’autre part, le soutien que nous recevons de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’a, lui, pas été adapté. Nous voilà donc en difficultés financières.
Mais une promesse nous faisait espérer : celle de la ministre Linard (Ecolo) de veiller à l’adoption d’un décret stabilisant notre financement. Après une longue attente, l’avant-projet nous est parvenu. Quelle déception ! Si l’on nous affranchissait bien d’un plafond imposé par l’Union européenne aux revues commerciales – enfin ! – rien n’était prévu pour adapter notre financement à l’évolution des couts de la vie ! En effet, l’enveloppe consacrée aux périodiques non commerciaux ne devrait être indexée qu’à partir de 2024… Cela signifie que la Fédération Wallonie-Bruxelles réduit de facto notre dotation de plus de 20 % ! Or, nous ne pouvons survivre sans la prise en compte, au minimum, de l’inflation des années 2022 et 2023. Il s’agit d’un montant d’environ 100 000 €, ce qui, à l’échelle du budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles est une paille ! Mais cette paille est essentielle pour nous qui vivons de peu… Pour être clair, si la proposition actuelle est adoptée, la Revue cessera de paraitre dans deux ans…
En outre, le système de l’enveloppe fermée est maintenu, avec pour conséquence que tout nouvel arrivant dans le système d’aide devrait se solder par l’éviction d’un autre média… même si aucun reproche ne peut lui être fait… Bref, le soutien aux revues commerciales est parcimonieux et introduit une concurrence entre les titres de presse soutenus.
Les discussions avec le cabinet Linard sont entamées et nous avons déjà pu obtenir des avancées significatives, mais ces verrous demeurent. Nous voulons croire que les lignes bougeront encore et que la ministre Linard acceptera de plaider la cause des revues non commerciales au gouvernement, pour que l’enveloppe budgétaire soit réévaluée du montant dérisoire qui nous permettra de continuer de paraitre. Des obstacles politiques ? À notre connaissance, aucun des partis de la majorité ne souhaite la fin de titres tels que la Revue nouvelle… Même dans l’opposition, Les Engagés et le PTB nous ont déjà témoigné leur soutien… On ne voit pas ce qui pourrait empêcher la ministre de tenir sa promesse d’assurer notre avenir.
Ces lignes, nous les écrivons la mort dans l’âme, nous qui travaillons tous les jours, la plupart bénévolement, pour que paraisse la Revue… Notre publication n’a pas pour but de gagner de l’argent, mais d’enrichir notre société démocratique de débats et de réflexions. Notre plus cher désir est de pouvoir maintenir notre engagement et, en 2025, de pouvoir fêter les 80 ans d’une Revue toujours nouvelle.
Et vous, vous demandez-vous peut-être, que pouvez-vous faire ? Tout d’abord, vous pouvez continuer de nous lire… vous abonner… vous réabonner… offrir la Revue, en parler autour de vous, l’utiliser comme support de cours, en discuter dans votre association. Chaque nouvel abonnement est un pas vers une indépendance accrue.
Vous pouvez aussi partager nos communications sur les réseaux sociaux. Ils ne sont pas, à notre sens, un des hauts lieux du débat démocratique, mais ils n’ont pas leur pareil pour faire circuler l’information… Or, nous avons besoin de visibilité, notamment sur notre situation.
Bien entendu, vous pouvez également vous adresser au monde politique, aux partis, à vos représentant·es, pour leur demander comment on peut étouffer lentement un projet plein de vitalité, qui ne demande rien que le maintien d’un soutien, somme toute fort modeste.
Déjà, vous nous avez lu·es jusqu’au bout, c’est un bon début. Soyez-en remercié·es !