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La prison-musée de Tongres

Numéro 07/8 Juillet-Août 2008 par Mahy

juillet 2008

Je suis aujourd’­hui deve­nu édu­ca­teur. Depuis ma sor­tie de pri­son, je me bats sur le ter­rain pour sen­si­bi­li­ser les jeunes et les moins jeunes au monde car­cé­ral. Je témoigne sur les pla­teaux de télé­vi­sion, de radio, mais éga­le­ment dans les écoles pri­maires, les écoles à dis­cri­mi­na­tions posi­tives, les ins­ti­tu­tions publiques de pro­tec­tion de la jeu­nesse (IPPJ), etc. […]

Je suis aujourd’­hui deve­nu édu­ca­teur. Depuis
ma sor­tie de pri­son, je me bats sur le terrain
pour sen­si­bi­li­ser les jeunes et les moins jeunes
au monde car­cé­ral. Je témoigne sur les plateaux
de télé­vi­sion, de radio, mais éga­le­ment dans les
écoles pri­maires, les écoles à dis­cri­mi­na­tions positives,
les ins­ti­tu­tions publiques de protection
de la jeu­nesse (IPPJ), etc.

Depuis plus d’un an, j’u­ti­lise la pri­son de Tongres
pour illus­trer mes pro­pos. Fer­mée en 2005, la
plus vieille pri­son du pays a vu l’une de ses ailes
trans­for­mée en musée. Des guides de la ville
peuvent ain­si la faire visi­ter. Chaque cel­lule a
été amé­na­gée pour repré­sen­ter une émotion.

Le temps qui passe, la frus­tra­tion, la jus­tice, le
quo­ti­dien… Cet outil péda­go­gique est le seul
en Bel­gique qui per­met de mon­trer à tout citoyen
ce à quoi peut res­sem­bler le quo­ti­dien en
détention.

Près d’une fois par mois, j’en­cadre un groupe
pen­dant près de nonante minutes dans le bâtiment
de la pri­son de Tongres. Je témoigne
d’a­bord devant le groupe, puis nous visi­tons les
dif­fé­rents lieux. Douches, cel­lules, promenade,
che­min de ronde. Je tra­vaille éga­le­ment à un
pro­jet (sou­te­nu par la Fon­da­tion Roi Baudouin)
à des­ti­na­tion des jeunes des écoles en discrimination
posi­tive, des IPPJ et du centre d’Everberg,
un pro­jet qui vise à démys­ti­fi er le milieu carcéral.

Mon objec­tif est d’in­ci­ter les jeunes à développer
une atti­tude posi­tive vis-à-vis de leur parcours
de vie et, sur­tout, de leur évi­ter de vivre à leur
tour cette expé­rience de vie en milieu carcéral.

Le pro­jet se dérou­le­rait en quatre étapes dont la
der­nière est la visite de la pri­son de Tongres. Or,
faute de sub­sides, la pri­son de Tongres fermera
ses portes en octobre pro­chain. Autre­ment dit,
tous les pro­jets péda­go­giques liés à ce lieu sont
condam­nés d’i­ci peu. De plus, l’ac­tuel ministre
de la Jus­tice, Jo Van­deur­zen, a récem­ment annoncé
une éven­tuelle réaf­fec­ta­tion du lieu en
vue d’ac­cueillir près de trente-cinq jeunes délinquants.

Des choix qui démontrent une politique
à court terme vis-à-vis de l’accompagnement
des jeunes délin­quants en Bel­gique. Si les outils
de sen­si­bi­li­sa­tion dis­pa­raissent les uns après
les autres, il est évident que le nombre de lits
dis­po­nibles néces­saires paraî­tra tou­jours trop
peu éle­vé. Si l’ac­com­pa­gne­ment des jeunes est
négli­gé, ces adultes en deve­nir pas­se­ront des
IPPJ à la prison.

Je l’ai vécu en tant qu’an­cien déte­nu, je le vis
aujourd’­hui comme édu­ca­teur : le temps nécessaire
pour réap­prendre à vivre après une
déten­tion équi­vaut au temps pas­sé der­rière des
enceintes. Si un jeune passe six mois, il faudra
l’ac­com­pa­gner pen­dant six mois. Si un homme
passe dix ans en pri­son, il fau­dra l’accompagner
pen­dant dix ans pour qu’il retrouve ses marques.

Ce n’est pas en rem­pla­çant aujourd’­hui le musée
de la pri­son de Tongres par un centre pour jeunes
délin­quants qu’on désen­gor­ge­ra les prisons
pour adultes demain.

Mahy


Auteur

Jean-Marc Mahy est éducateur.