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La gestion durable de la forêt
La Botte verte de l’Entre-Sambre-et-Meuse regroupe six communes : Beaumont, Chimay, Froidchapelle, Momignies, Sivry-Rance et Couvin. Les ressources forestières publiques et privées de cette région sont variées : la forêt occupe une place importante allant jusqu’à 50% de la superficie. Cette région rurale a conservé une valeur esthétique incontestable : on peut parler de terroir « vert ». L’aménagement de ces forêts majoritairement feuillues doit promouvoir des filières de proximité dans la transformation du bois et le tourisme vert. Outre sa fonction naturelle de production du bois, la sylviculture doit, par des mesures appropriées, maintenir, voire restaurer la biodiversité potentielle : celle-ci garantit une viabilité et une meilleure résilience de la forêt, notamment face aux changements climatiques en cours.
La Botte du Hainaut dispose de nombreux atouts en ressources naturelles : l’eau via le complexe des barrages de l’Eau d’Heure qui constitue un site de grand intérêt biologique, l’agriculture tant herbagère que céréalière et la forêt, feuillue ou résineuse, productrice de nombreux profits socioéconomiques.
La Botte verte au sud-ouest de l’Entre-Sambre-et-Meuse
Près de la moitié de l’étendue du sud-ouest de l’Entre-Sambre-et-Meuse est occupée par la forêt, pour 32% en Région wallonne : ce patrimoine s’étend sur une superficie de plus de 27.000 hectares. La forêt est donc étroitement impliquée dans la vie du territoire rural au service de la population locale et de touristes de plus en plus présents. Tantôt productrice de matière première pour l’industrie ou de bois-énergie, tantôt refuge pour des espèces animales et végétales, tantôt espace de jeux ou de détente pour la population, elle est de plus en plus sollicitée. La forêt de la Botte verte appartient à raison de 55,8% aux propriétaires publics (Région wallonne, provinces, cpas, fabriques d’Église); les domaines forestiers des propriétaires particuliers s’étendent sur 12.000 ha, soit 44%. La composition des massifs forestiers est sensiblement différente selon la nature des propriétaires. Dans les propriétés des particuliers, les peuplements résineux sont plus représentés : pessières (épicéas), douglasières, mélèzières et pineraies. Par contre, les feuillus sont nettement majoritaires dans les massifs forestiers publics. Cette forêt feuillue est surtout représentée par la chênaie, principalement installée sur les sols peu propices à l’agriculture.
La chênaie et sa civilisation
Les rapports entre l’homme et la chênaie n’ont cessé d’évoluer au cours des siècles. L’homme a toujours été tributaire du bois pour lui fournir nourriture, matériaux, énergie, et le chêne fut l’essence qui y a le plus contribué. Durant le Moyen-Âge, la forêt était une ressource indispensable pour les communautés locales. Non seulement elles y prélevaient le bois d’œuvre et de feu pour alimenter les besoins considérables des forges et fourneaux, mais elles exploitaient également de nombreux cantons à des fins agricoles. La demande énorme en combustible pour l’industrie du fer et tous les autres usages ont fortement amoindri la surface et la qualité de nos forêts.
Le XIXe siècle voit l’avènement du charbon fossile et l’abandon progressif de la métallurgie au bois. L’extension en parallèle du réseau ferroviaire entraine une demande accrue en traverses. La demande, si impérieuse jadis en bois de feu et de taillis, s’estompe progressivement au profit de valorisations exigeant des grumes de plus fortes dimensions : ébénisterie, déroulage, papeterie… Vers 1900, la forêt belge est au creux de la vague : elle est entrecoupée de nombreux vides et clairières provenant de cultures « temporaires », abimée par trop de pâturages, en proie à de fréquents incendies.
Au XXe siècle, les gestionnaires privés et publics s’engagent à recapitaliser les forêts en bois d’œuvre. Si la forêt belge est en augmentation depuis le siècle passé, l’aire de la chênaie est, par contre, en net recul en Région wallonne : 40 à 50% des chênaies ont disparu ces septante dernières années. Les forestiers du XXe siècle ont augmenté la production de bois d’œuvre de nos chênaies. Cette conversion n’est pas sans conséquence puisqu’elle a provoqué l’actuelle pénurie de jeunes chênes.
Des techniques sylvicoles innovantes en matière de régénération et d’aménagement sont à développer afin de combler le déficit ; néanmoins, le chêne reste le feuillu majoritaire dans la Botte verte, ainsi qu’en Wallonie, tout comme en Belgique et en Europe. Ses potentialités en matière de biodiversité sont exceptionnelles.
Les atouts d’une gestion forestière durable
Actuellement, les propriétaires et les gestionnaires forestiers préconisent des forêts mélangées et étagées, composées de plusieurs essences d’âges différents, afin de bénéficier de différents produits, de favoriser des habitats variés et d’adopter une gestion forestière plus durable ; ces forêts plus résistantes et en bonne santé offrent de multiples productions (gros bois, bois de feu, fruits…) et fonctions (conservation des plantes et des animaux, protection de l’eau et du sol, détente, sports…).
À côté des fonctions de productions agricoles et forestières assignées aux espaces des différentes communes de la Botte verte, une part non négligeable est également dévolue à des fonctions de protection aux termes de la loi sur la conservation de la nature : réserves naturelles (domaniales ou agréées), zones humides d’intérêt biologique, zones de protection spéciale et zones spéciales de conservation, ces deux groupes formant le réseau Natura 2000.
Cette fonction de conservation est de plus en plus reconnue comme allant de pair avec la nécessaire fonction de production. Le nouveau code forestier promulgué en juillet 2008 l’atteste : « Les bois et forêts représentent un patrimoine naturel, économique, social, culturel et paysager. Il convient de garantir leur développement durable en assurant la coexistence harmonieuse de leurs fonctions économiques, écologiques et sociales. »
Depuis vingt-cinq ans, le Centre de développement agroforestier de Chimay se veut le promoteur de cette production forestière emblématique de qualité. Pour promouvoir une gestion encore plus « durable » de la ressource forestière dans le cadre des changements climatiques venant affecter directement ou indirectement nos forêts, le centre s’est attaché à relever dix « bonnes pratiques » propres à rendre cette gestion forestière encore plus performante.
Nombre de ces « bonnes pratiques » sont frappées du sceau du bon sens ; nécessitant peu de moyens à mettre en œuvre, elles permettent des résultats substantiels en termes de rentabilité : produire plus à moindre cout, de façon « éthique » et écologique. Sans nul doute, des techniques sylvicoles plus dynamiques et efficaces doivent être encouragées : promotion des essences indigènes, à couvert léger et en mélange, concomitance de plusieurs traitements (taillis, taillis sous futaie, futaie, peuplements irréguliers d’âges divers), fractionnement des peuplements dans l’espace et le temps, création de parcelles d’intérêt faunistique, desserte optimale, travaux ciblés et partiels aux périodes opportunes, coupes sélectives en faveur des arbres d’avenir…
Renouvèlement naturel de la forêt
Par méconnaissance des dynamiques écologiques, excès de prudence et capitalisation excessive, il a souvent été « oublié » d’assurer une régénération continue conformément à la gestion « en bon père de famille ». Les conditions de réussite de la régénération naturelle sont des essences bien adaptées aux contraintes stationnelles, des semenciers sains, bien répartis et sans défauts génétiques.
Forêts résistantes
Les perspectives de changement climatique liées à l’accroissement des gaz à effet de serre devraient augmenter la probabilité et l’intensité de risques naturels pour nos forêts : stress hydriques printaniers, canicules estivales, incendies, inondations… Pour limiter la sensibilité des peuplements à ces risques, des principes de précaution s’imposent : privilégier les essences indigènes, garantir une diversité génétique suffisante, préférer des mélanges à structure irrégulière. En effet, ces essences sont moins vulnérables aux attaques d’insectes (ipides, cochenilles…), de rongeurs (léporidés, campagnols) et de champignons (rouilles, pourritures). À ces peuplements, il conviendra de prodiguer des techniques sylvicoles dynamiques (éclaircies, détourages…) renforcées par une veille sanitaire proactive et réactive, aidées en cela par la création récente de l’Observatoire wallon de la santé des forêts (SPW-DEMNA).
Forêts résilientes
La résilience d’un peuplement forestier désigne sa capacité à se reconstituer après tempête, dépérissement ou incendie. Toute gestion forestière durable doit s’appuyer dans une large mesure sur le fonctionnement naturel des écosystèmes en limitant les perturbations sur le milieu. Ainsi, les peuplements mélangés ou mixtes, composés de résineux et de feuillus, sont les plus résilients aux contraintes naturelles (vent, sècheresse, pathogènes…) grâce aux feuillus qui repoussent de souche et à des stocks de graines capables de germer et de développer des semis. En outre, ces peuplements mélangés sont plus à même de répondre aux besoins de diversifications économique, écologique et sociale recherchés par les gestionnaires et les usagers de la forêt.
Promotion des milieux associés en forêt
La forêt n’est pas uniquement un ensemble d’arbres car elle rassemble une grande variété d’espèces animales et végétales : insectes, oiseaux, mammifères, champignons, lichens, fougères, plantes à fleurs… En fait, différents milieux associés sont intégrés à la forêt et contribuent à sa biodiversité : mares et ruisseaux, pelouses calcaires, landes, tourbières, milieux ouverts (clairières, layons, coupe-feu), lisières, bois morts sur pied ou au sol de grosses dimensions, gros bois vivants matures, micro-habitats liés aux arbres (cavités, décollement d’écorce, branches mortes…) abritent une faune et une flore spécifiques. D’origine totalement naturelle ou autrefois créés puis entretenus par l’homme, ces milieux participent à l’équilibre biologique des peuplements.
L’équilibre forêt-gibier
L’équilibre forêt-gibier est actuellement une préoccupation majeure dans la gestion durable de la forêt. En particulier, les effectifs de grand gibier se sont considérablement accrus, pouvant entrer en concurrence avec les objectifs de la sylviculture : les dégâts dus aux cervidés et aux sangliers sont les plus significatifs. La rentabilité financière des peuplements est atteinte : retards de croissance, déformations pour les jeunes plants, déclassement de grumes, bois d’œuvre dégradés. Au-delà, les régénérations naturelles sont affectées, mais également la biodiversité des strates arbustives et herbacées. D’urgence, les diverses parties concernées, sylviculteurs, chasseurs, propriétaires, scientifiques, naturalistes et… pouvoirs publics, doivent trouver des solutions pour ramener à de saines proportions les populations de faune sauvage qui ont notamment tiré parti de l’attitude peu responsable de certains chasseurs (nourrissage artificiel trop intense, plan de tir insuffisamment respecté).
Production forestière de qualité
À partir de ce retour à l’équilibre qui ne pourra que profiter à la qualité de la production ligneuse, des itinéraires technico-économiques plus adaptés, moins couteux devront être appliqués afin de maximiser des rendements en quantité et qualité aptes à satisfaire les demandes d’une filière de transformation désireuse de combler les attentes d’un public de plus en plus exigeant ; cela n’excluant pas la possibilité de nourrir un marché diversifié en bois de service, en bois d’industrie, en bois énergie, en productions associées (chimie verte…).
Des labels valorisent le bois wallon : certification forestière PEFC (Programme de reconnaissance des certifications forestières) ou FSC (Forest Stewardship Council), gestion Pro silva.
Biodiversité
Face à l’accroissement des sources de pressions et de stress, la biodiversité forestière a connu une érosion importante au cours des dernières décennies : bon nombre d’habitats ont été fortement dégradés et de nombreuses espèces ont vu leurs effectifs décroitre de façon spectaculaire. Habitats, flore et faune rares et remarquables sont des éléments majeurs de la biodiversité et peuvent abriter des espèces protégées : loutre, moule perlière, cigogne noire.
Protection des sols
Comment produire un matériau naturel, renouvelable, à haute valeur ajoutée et en quantité si l’on ne dispose pas d’un substrat apte à cette production ? La protection des sols forestiers est un préalable à toute production ligneuse. Or, le sol est une matière extrêmement fragile, facilement perturbée et très difficilement « récupérable ». Plutôt que de devoir intervenir curativement à grands frais et sans assurance de réussite, plusieurs principes et règles sont recommandés : cloisonnements, restrictions de circulations (attendre le ressuyage du sol après une période pluvieuse, une période de gel…) sont autant de moyens pour limiter l’impact du charroi sur le sol. On pourrait y ajouter l’utilisation de consommables bio (huiles et carburants) pour en éviter également la pollution. La formation des entrepreneurs et techniciens et la prise de conscience de leur responsabilité en la matière sont essentielles pour atteindre cet impératif de protection. Les forêts ont un rôle de protection : régulation des régimes hydriques (infiltration de l’eau, alimentation des nappes souterraines, débit régulier des sources, atténuation des crues, stabilité des berges), épuration des eaux (absorption des nitrates, phosphates)…
Protection de l’eau
Une autre propriété du sol influence directement la croissance des arbres : sa capacité d’alimentation en eau ou le niveau hydrique qui le caractérise. La protection de l’eau en forêt, de sa qualité et de sa quantité semble de plus en plus préoccupante en raison des changements climatiques où se succèdent les épisodes de sècheresse. Les eaux de ruissèlement doivent être protégées, autant que les eaux pluviales et les nappes phréatiques. Le respect total des sources et des captages est prioritaire, celui des cours d’eau aussi : franchissement uniquement sur des ouvrages en préservant le lit et les berges. Les zones humides constituent des milieux riches et des habitats diversifiés, permettent la rétention de l’eau lors des crues, la filtration des eaux pour les captages et la protection des périmètres de captage. En zone agricole, la plantation de bandes boisées rivulaires joue un rôle de pompe à nitrates et stabilise les berges.
Amélioration des bénéfices socioéconomiques
La filière forêt/bois doit motiver des marchés porteurs si possible de proximité, mais pouvant également s’intégrer dans la mondialisation du commerce du bois, pour garantir un approvisionnement optimal des circuits de première et seconde transformations : du plus noble (ameublement, ébénisterie, construction…) jusqu’au plus industriel (papeterie, trituration, caisserie…) et « énergétiques » en pleine expansion (pellets, bois de feu, bois raméal fragmenté…). Connaissances, apprentissages et compétences sont de mise : s’informer et se former ; connaitre, prévoir, agir, observer, choisir et appliquer les travaux forestiers appropriés (techniques, matériel et époques). Le mode de vie de plus en plus urbain de nos sociétés a pour conséquence d’attirer le public vers la nature. Ce besoin, accompagné d’une forte prise de conscience sur la nécessité de protéger les écosystèmes, est à l’origine de la demande grandissante de disposer d’espaces ruraux accueillants. La forêt est très sollicitée de ce point de vue : itinéraires de randonnée pédestre, cycliste ou équestre, parcours sportifs, sentiers pédagogiques et de découverte de la nature, chasse…
Bilan et perspectives
La promotion de la gestion forestière durable est fortement encouragée dans la Botte verte : des bonnes pratiques sylvicoles sont validées et vulgarisées. L’aboutissement est d’instaurer des techniques culturales plus efficaces, moins onéreuses et plus proches de la nature de manière à garantir une production de bois de qualité tout en respectant et améliorant les potentialités du milieu pour la flore et la faune. Bien entendu, le développement économique de la filière forêt-bois en sera le premier bénéficiaire. Les retombées environnementales et paysagères indirectes favoriseront aussi l’attractivité de la zone ; la première ressource de la Botte, son « or vert » sera ainsi directement favorisé.
La réintroduction d’arbre dans le paysage agricole est une nécessité écologique et agronomique, en partie subventionnée par la Région wallonne dans le cas des haies, des alignements d’arbres et des vergers à promouvoir auprès des populations rurales. L’agroforesterie est appelée à développer une association sur une même parcelle d’activités tendant à produire des revenus réguliers agricoles et à terme des revenus forestiers ; les modèles envisageables sont multiples : association arbre-herbe, association arbre-herbe-animal, association arbre-culture…; outre la production de bois d’œuvre et de bois énergie, la chimie verte semble prometteuse avec des produits pharmaceutiques ou cosmétiques extraits des bourgeons et jeunes rameaux.
En toutes circonstances, la bonne gestion forestière doit poursuivre plusieurs objectifs prioritaires : garantir une forêt saine et pleine de vitalité, préserver sa diversité biologique, valoriser ses ressources naturelles et ses fonctions de production, de conservation et de protection.