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La Chine : une puissance (in-)certaine
En septembre 2003, La Revue nouvelle publiait un dossier consacré à la Chine. Dix ans plus tard, le « désintérêt intenable » que soulignaient ses auteurs semble avoir fait place à un intérêt incommensurable pour l’Empire du milieu. Depuis quelques années, la croissance du nombre de publications et commentaires en la matière n’a rien à envier à celle du PIB de […]
En septembre 2003, La Revue nouvelle publiait un dossier consacré à la Chine. Dix ans plus tard, le « désintérêt intenable » que soulignaient ses auteurs semble avoir fait place à un intérêt incommensurable pour l’Empire du milieu. Depuis quelques années, la croissance du nombre de publications et commentaires en la matière n’a rien à envier à celle du PIB de la République populaire. Qu’elles soient politiques, économiques, voire culturelles, rares sont les analyses qui n’interrogent pas l’émergence chinoise — la (ré-)émergence, préférons-nous —, afin de souligner que la Chine a déjà revêtu le statut de puissance au cours de son histoire millénaire. Ce (re-)gain d’intérêt pour la Chine justifie de s’y intéresser une nouvelle fois, compte tenu des évolutions observées depuis la précédente publication.
Cette dernière s’ouvrait sur une interrogation : « La Chine s’imposera-t-elle comme la grande puissance du XXIe siècle ? » Les diverses contributions proposées aujourd’hui répondent à cette question d’une manière plus franche que celles rédigées il y a dix ans, compte tenu des évolutions nettes intervenues en une décennie. Issus d’horizons géographiques et intellectuels variés, leurs auteurs argüent que la Chine de 2013 s’est imposée comme une puissance incontournable dans l’arène internationale. Ils s’attèlent dès lors moins à démontrer ce qui peut être considéré comme un état de fait qu’à en analyser les implications.
Si certains s’émerveillent, admirent et vantent cette (ré-)émergence chinoise, d’autres sont plus critiques et circonspects. Voire craignent cette puissance chinoise désormais établie dans le paysage international. Ainsi, si les diagnostics se rejoignent quant au poids acquis par Pékin sur la scène internationale, les réponses se font moins unanimes lorsqu’il s’agit d’en évoquer les conséquences. Pourquoi peut-on parler de puissance de la Chine dans les relations internationales et quelles en sont les conséquences ? Dans quelle mesure cette puissance chinoise offre-t-elle des opportunités et/ou constitue-t-elle une menace ? Quelles perspectives d’avenir se dégagent de cette dynamique d’émergence ? Ce dossier propose d’interroger les certitudes et incertitudes que suscite la (ré-)émergence chinoise.
La Chine : géant politique, économique, voire culturel ! La Chine : puissance (in-)certaine. (In-)certaine dans ses dimensions externes, tant son influence indéniable sur les dynamiques mondiales se double d’un flou quant à ses réels objectifs de politique étrangère. Flou qui force à s’interroger sur la manière de s’ajuster au mieux à cette nouvelle donne internationale et à trouver un mode d’interaction adéquat avec Pékin. (In-)certaine dans ses dimensions internes, puisque la Chine s’est à la fois engagée dans des réformes domestiques visant à tirer le meilleur parti de sa (ré-)émergence internationale, mais demeure confrontée à des défis majeurs qui accompagnent cette dernière et menacent la stabilité sociale du pays. (In-)certaine aux yeux des observateurs, malgré un travail croissant de compréhension mutuelle entrepris par la Chine et ses partenaires, mais qui butte encore souvent sur les contrastes saisissants entre les réalités chinoises et occidentales ainsi que les malentendus qu’elles engendrent.
Loin d’ambitionner de lever toutes les incertitudes, ce dossier entend les éclairer afin de fournir au lecteur quelques clés permettant de mieux les identifier et les comprendre. Il vise aussi à stimuler la réflexion autour de quelques pistes permettant de surmonter les défis intellectuels et pratiques que pose cette Chine (in-)certaine.
Mieux comprendre la Chine nécessite, tout d’abord, de se pencher sur ceux qui y exercent le pouvoir. C’est précisément ce que nous propose Jérôme Doyon, au travers d’une contribution qui se centre sur les dynamiques d’accession au pouvoir au sein du Parti communiste chinois. Il y détaille l’institutionnalisation progressive de la passation de pouvoir au sein du parti-État et la tendance à la diversification des élites qui l’accompagne. Tout en soulignant les limites de ces processus, il revient sur les clivages qui caractérisent le sommet de l’État.
Benjamin Barton interroge les objectifs placés au cœur de la politique étrangère chinoise. Il démontre que, contrairement à une intuition largement répandue, cette dernière n’est pas mue par une volonté de remettre en question les fondements du système international contemporain. Au contraire, Pékin se satisfait d’un statu quo qui nourrit ses ambitions économiques et la stabilité de son régime politique. La montée en puissance de la République populaire de Chine (RPC) présenterait dès lors une singularité historique, au regard de l’émergence des puissances anglaise ou américaine, dans la mesure où les autorités chinoises ne visent pas à mener le jeu international, mais à exploiter les dynamiques qui favorisent la réalisation de leurs objectifs de politique intérieure.
Aux confins de la science politique et de l’économie internationale, Sophie Wintgens décode les interactions entre la Chine et l’Union européenne afin de déterminer dans quelle mesure Pékin constitue une opportunité et/ou une menace économiques pour Bruxelles. Malgré des modèles économiques sensiblement différents, les deux partenaires sont conscients d’avoir acquis un poids et une position stratégiques dans l’économie mondiale qui plaident pour le renforcement de leur coopération. Éclairant la dialectique opportunité-menace, Sophie Wintgens met en lumière les défis qui caractérisent leurs interactions et les dynamiques d’ajustements réciproques auxquelles ces derniers président.
Li Bin, quant à lui, nous offre une perspective chinoise sur les objectifs variés du programme spatial de la RPC. Il décrypte les objectifs assignés à ce dernier dans le dispositif national de défense et souligne, par ailleurs, ses enjeux civils. Les programmes de conception de satellites et le développement d’alternatives au GPS américain illustrent notamment les objectifs commerciaux que Pékin assigne à la conquête spatiale.
Enfin, le dossier se conclut par un épilogue qui retrace les enseignements généraux à tirer des diverses contributions qui le constituent. Il s’arrête sur l’influence des défis internes sur la politique étrangère chinoise. Afin de souligner que l’écartèlement de Pékin entre une volonté de se rassurer et de rassurer ses partenaires internationaux nourrit l’ambivalence de nos certitudes eu égard à la (ré-)émergence chinoise. Ce qui n’empêche toutefois pas d’émettre quelques hypothèses quant aux défis majeurs que la République populaire aura à relever et à leur influence potentielle sur ses positionnements internationaux à venir.
Comme cette brève présentation le laisse transparaitre, ce dossier — contrairement à celui de 2003 — est fortement orienté sur les plans thématique et disciplinaire. En effet, les contributions proposées abordent principalement la (ré-)émergence chinoise par le prisme de la science politique et plus particulièrement par celui des relations internationales. Ce biais congénital offre l’opportunité d’éclairer de nouveaux questionnements et enjeux, moins prégnants dans les débats d’antan. Cette définition d’un périmètre de réflexion plus restreint nous a toutefois contraints à aborder de manière incidente des questions qui pourraient faire l’objet d’une attention plus soutenue — des droits de l’homme, aux bases philosophiques du système sociopolitique chinois, en passant par les enjeux environnementaux du développement chinois. Il s’agit malheureusement du prix à payer pour questionner la (ré-)émergence chinoise sous un angle qui se veut complémentaire aux réflexions placées au cœur du dossier de 2003 et qui demeurent, pour une majorité d’entre elles, d’actualité.