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La Chine sort de l’ombre

Numéro 9 Septembre 2003 par La rédaction

septembre 2003

Au cours de l’é­té qui s’a­chève, la Chine n’au­ra pas occu­pé dans nos gazettes fran­co­phones autant de place que la pla­nète Mars ? Est-ce à dire qu’il ne s’y passe rien. Une telle igno­rance tra­duit mani­fes­te­ment un dés­in­té­rêt inte­nable. Le vide qu’elle laisse dans les esprits n’est que spo­ra­di­que­ment tra­ver­sé par les consi­dé­ra­tions prag­ma­tiques des agents économiques […]

Au cours de l’é­té qui s’a­chève, la Chine n’au­ra pas occu­pé dans nos gazettes fran­co­phones autant de place que la pla­nète Mars ? Est-ce à dire qu’il ne s’y passe rien. Une telle igno­rance tra­duit mani­fes­te­ment un dés­in­té­rêt inte­nable. Le vide qu’elle laisse dans les esprits n’est que spo­ra­di­que­ment tra­ver­sé par les consi­dé­ra­tions prag­ma­tiques des agents éco­no­miques occi­den­taux qui cherchent à s’im­plan­ter dans ce mar­ché théo­rique d’un mil­liard et quelques cen­taines de mil­lions de consom­ma­teurs dont le pou­voir d’a­chat aug­mente depuis vingt ans à un rythme sou­te­nu. Encore faut-il, comme on le ver­ra, qu’ils se trouvent du bon côté des inéga­li­tés qui se creu­sées aus­si vite !

Kaléi­do­sco­pique, le dos­sier qui suit se pro­pose de mettre au jour les facettes contras­tées d’une moder­ni­té chi­noise en train de s’in­ven­ter. Dans la diver­si­té des approches pro­po­sées, dans la qua­li­té de leurs ana­lyses, on aime­rait que lec­teur construise ses repères tant dans l’his­toire récente du sous-conti­nent que dans ses rap­ports avec le reste du monde. Car, depuis les années sep­tante et la sor­tie d’un iso­le­ment qua­si com­plet, les cli­chés de la Chine, sécu­laire puis révo­lu­tion­naire, ont pris la pous­sière. Et, comme sou­vent, les chan­ge­ments en cours cachent autant de rup­tures pro­fondes que les révo­lu­tions dis­si­mulent de tenaces continuités.

Il faut bien sûr prendre la mesure des suc­cès éco­no­miques évi­dents des deux der­nières décen­nies, qui sont sou­vent impli­ci­te­ment pré­sen­tés comme le résul­tat qua­si natu­rel d’une nor­ma­li­sa­tion libé­rale des struc­tures éco­no­miques. Les chiffres, aus­si impo­sants soient-ils, ramènent fina­le­ment à des réa­li­tés fami­lières en écra­sant les dif­fé­rences et les spé­ci­fi­ci­tés. Der­rière eux se cachent aus­si de nou­velles frac­tures de la socié­té chinoise.

Or, vus de plus près, les che­mins tor­tueux emprun­tés par le modèle pla­ni­fié et cen­tra­li­sé pour opé­rer sa mue montrent les résis­tances poli­tiques et idéo­lo­giques et les riva­li­tés entre élites. Ce qui, de loin, res­semble à un aller simple et bru­tal vers les normes du capi­ta­lisme mon­dia­li­sé s’o­père sans que la nature du régime poli­tique et ses réfé­rences idéo­lo­giques mar­xistes-léni­nistes en soient offi­ciel­le­ment affec­tées. Para­doxe, syn­thèse ou schizophrénie ?
Dans son étran­ge­té, l’é­vo­lu­tion chi­noise se pré­sente comme une sorte de labo­ra­toire pour le géo­graphe qui voit se dépla­cer popu­la­tions et acti­vi­tés : l’hé­té­ro­gé­néi­té même de Hong-Kong prend place dans un sys­tème qui redé­fi­nit aus­si ses rap­ports avec les popu­la­tions des eth­nies périphériques.

Au reste, la socié­té chi­noise est tou­jours aux prises avec un contrôle social éta­ti­sé et oppres­sant dans l’exer­cice duquel s’est recon­ver­tie une par­tie de l’ap­pa­reil mili­taire. Sous la pres­sion de la nou­velle donne éco­no­mique, les vieux cli­vages (entre hié­rar­chies, entre eth­nies, entre homme et femme, entre ville et cam­pagne…) se redé­fi­nissent en se com­bi­nant avec la bru­ta­li­té des inéga­li­tés nou­velles qu’ils engendrent, tant les écarts de niveau de vie sont vertigineux.

La Chine s’im­po­se­ra-t-elle comme la grande puis­sance du vingt-et-unième siècle ? Tou­jours est-il que sa balance com­mer­ciale lar­ge­ment béné­fi­ciaire ouvre à la Chine une influence accrue sur le plan mon­dial dans un contexte inter­na­tio­nal et à y trou­ver de nou­velles arti­cu­la­tions, de nou­velles alliances, qu’elle le veuille ou non.

Cela se tra­duit déjà lar­ge­ment par une influence régio­nale qui n’est pas tou­jours net­te­ment per­çue de ce côté-ci du globe. Au-delà de son adhé­sion à l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale du com­merce (O.M.C.), la redé­fi­ni­tion des rap­ports de la Chine avec le reste du monde et le rôle qu’elle entend y jouer res­tent encore lar­ge­ment l’en­jeu d’une his­toire à écrire avec elle, dans un ordre inter­con­ti­nen­tal qui en sera néces­sai­re­ment affec­té, et pro­fon­dé­ment. Dans cette his­toire, les Euro­péens ne sont-ils pas appe­lés à jouer un rôle d’al­liés ? Encore fau­drait-il qu’ils vivent dans la conscience de l’exis­tence d’une Chine qui bouge vite.

La rédaction


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