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La Belgique en 2013 : combien de droits fondamentaux SACrifiés ?
Cette année aura souligné, une fois de plus, que le combat pour les droits humains n’est pas seulement un enjeu des contrées lointaines. Certaines réformes décidées par notre gouvernement rappellent que, en matière de droits fondamentaux, rien n’est jamais acquis. La vigilance et l’action de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) auront une nouvelle […]
Cette année aura souligné, une fois de plus, que le combat pour les droits humains n’est pas seulement un enjeu des contrées lointaines. Certaines réformes décidées par notre gouvernement rappellent que, en matière de droits fondamentaux, rien n’est jamais acquis. La vigilance et l’action de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) auront une nouvelle fois démontré leur pertinence et leur utilité tout au long de l’année 2013.
Pour le gouvernement papillon, l’heure du bilan a déjà sonné. Certes, il n’est aux commandes que depuis deux ans ; il a mis 541 jours à se former, mais si former ce gouvernement est un exploit en soi vu le contexte politique, passé l’euphorie de son décollage, cette seconde année de vie laisse également un gout amer en matière des droits fondamentaux. D’ici le 25 mai 2014 et la « reine des élections », les poids lourds du gouvernement ne feront plus grand-chose d’autre que de se positionner, moins sur les idées ou les projets qu’en termes de place et d’ordre utiles sur les listes. Puisque les spins doctors de la politique ont décrété qu’une élection se gagne avec un programme alléchant davantage qu’avec un bilan passé, les promesses vont fleurir au printemps. Reste à espérer qu’elles ne fanent pas avant l’été. C’est dans cette optique que la LDH a élaboré un mémorandum en vue des élections durant l’été 2013 afin de pouvoir le transmettre aux partis politiques à l’automne, au moment où les états-majors confectionnaient leurs programmes. Elle espère que les politiques y picoreront des idées et des revendications. Durant la campagne à venir, nous serons doublement vigilants.
Justice mise à SAC
Alors, quel est le bilan de notre gouvernement en matière de droits fondamentaux ? N’ayons pas peur de le dire : il est maigrichon, voire négatif.
La réforme de la libération conditionnelle en est un triste exemple. La ministre de la Justice, appuyée par le gouvernement, a eu la conviction qu’elle avait raison seule contre tous. En effet, tous les acteurs de la justice (avocats, magistrats, services sociaux des prisons, professeurs d’universités, ONG) se sont regroupés dans un « front peu commun » pour dénoncer cette réforme inepte et contreproductive durcissant les conditions d’accès à la libération conditionnelle alors que le Conseil de l’Europe la pointe comme une des mesures les plus efficaces pour prévenir la récidive et pour favoriser la réinsertion sociale des détenus. Une ministre courageuse, avec une vraie vision de la politique carcérale à mener, aurait expliqué à la population l’intérêt de ce mécanisme pour la société dans son ensemble et aurait renforcé la libération conditionnelle en lui accordant plus de moyens humains et financiers. Mais le démantèlement semble être sa spécialité, comme le rappellent également les mesures envisagées dans le cadre de sa réforme de l’aide juridique. L’accès à la justice est un droit fondamental et l’instauration de la TVA sur les honoraires d’avocats va encore le fragiliser.
L’élargissement des sanctions administratives communales (SAC) est un autre exemple à dénoncer. La LDH a montré les risques de voir s’instaurer une justice de shérifs, des communes juges et parties ou encore un abus de SAC pour criminaliser la contestation sociale. Sans même évoquer les communes qui se couvrent de ridicule avec des SAC loufoques, la LDH remercie les villes d’Anvers, de Verviers et de Bruxelles d’avoir si clairement démontré que ses craintes n’étaient pas des élucubrations de « droit-de‑l’hommistes » en chambre. Le bourgmestre d’Anvers, interrogé à la sortie d’une réunion des bourgmestres flamands pour examiner les pertes financières que subissent les communes à la suite de la débâcle du Holding Dexia, a annoncé sans rougir que pour renflouer leurs caisses, les communes allaient devoir trouver d’autres pistes de financement et que l’augmentation du nombre de SAC en faisait partie. Comme juge et partie, on a rarement fait mieux. Le bourgmestre de Verviers a infligé, pour manque de respect, une SAC à des citoyens qui se sont moqués de la police sur les forums d’un journal en ligne. Quand la police manque de respect envers des citoyens, inflige-t-il aussi des SAC aux policiers ? Et la liberté d’expression dans tout ça ? À Bruxelles, ce sont des manifestants qui ramassent les SAC à la pelle, comme ces citoyens qui ont osé soutenir les Afghans du Béguinage lors d’une marche aux flambeaux troublant sans doute les « Plaisirs d’hiver » et le marché de Noël.
Appels aux communes
En permettant l’application de la nouvelle loi sur les SAC aux mineurs à partir de quatorze ans, le gouvernement franchit la ligne rouge en les sortant de la logique protectionnelle ou éducative pour les traiter comme des mini-adultes qu’ils ne sont pourtant pas et ce, malgré les protestations de l’ensemble des mouvements représentatifs de la jeunesse, du délégué aux droits de l’enfant et des associations de défense des droits humains. Dans ce contexte, la LDH lance un appel à toutes les communes du Royaume de ne pas faire usage de cette faculté d’abaisser à quatorze ans l’application de la loi sur les SAC.
Pour ce qui est des villes et communes, le bilan est mitigé. Saluons ces bourgmestres qui se sont levés contre la surpopulation carcérale. L’exemple est venu de Forest où le nouveau bourgmestre a poursuivi sur la lancée de sa prédécesseuse afin d’éviter que des détenus soient obligés de dormir à même le sol dans leur cellule de 9m² parce qu’on les y enferme à trois alors qu’il n’y a que deux lits. En mai, le Conseil d’État a validé l’arrêté de police de la bourgmestre et la ministre de la Justice a plié en abandonnant la procédure. D’autres bourgmestres, comme celui de Nivelles, ont suivi cette voie. La LDH appelle tous les bourgmestres du Royaume ayant une prison sur leur territoire à adopter des arrêtés communaux interdisant ces situations hallucinantes de surpopulation carcérale afin que le gouvernement soit obligé de solutionner vraiment ce problème qui ne semble l’intéresser que lorsqu’il s’agit d’annoncer urbi et orbi la construction de nouvelles prisons.
Ingéniosité discriminatoire
Si en matière de droits humains, Forest mérite la palme d’or, c’est Anvers qui remporte le bonnet d’âne. Ce n’est pas vraiment une surprise : le nouveau bourgmestre et son acolyte qui sévit à la présidence du CPAS avaient annoncé qu’on allait voir ce qu’on allait voir. Ils se sont surpassés : interdiction pour les fonctionnaires de porter des t‑shirts arc-en-ciel, volonté de multiplier par quinze la taxe d’inscription pour l’étranger qui vient s’installer sur la commune par rapport à ce que paye un Belge, rabotage de l’aide médicale urgente aux pauvres sous prétexte qu’ils sont en séjour illégal et conditionnalisation de cette aide à un retour volontaire dans leur pays. Où s’arrêtera cette ingéniosité discriminatoire ? Ce qui est inquiétant, c’est que le Parquet d’Anvers s’y met également avec un procureur du Roi local qui appelle à la délation entre citoyens et un procureur général qui veut prélever l’ADN de tous les nouveaux-nés du pays et de tous les nouveaux arrivants en Belgique, tous des criminels en puissance. Le Vlaams Belang doit être partagé entre la réjouissance de voir son programme faire tache d’huile et le désespoir de constater qu’on lui pique ses idées. Pauvre Anvers, réveille-toi !
Dans cette grisaille, la bonne nouvelle de l’année est venue du Comité européen des droits sociaux. Les associations de parents de personnes handicapées de grande dépendance ont, avec la LDH, obtenu la condamnation de la Belgique en raison du manque de solutions d’accueil pour leurs enfants devenus adultes. Leur cri de détresse a été entendu. Maintenant, il faut se retrousser les manches et élaborer de vraies politiques d’aide en leur faveur.
Durant cette année d’obsession sécuritaire et de crise, la précarisation a progressé, la pauvreté a fait des ravages et de nombreux droits fondamentaux ont été mis sous pression. Le bruit des droits qui craquent devient assourdissant.