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L’Europe, à l’ombre du Noir Canada

Numéro 11 Novembre 2013 - Afrique Europe par William Sacher

novembre 2013

Le Cana­da est un champ de mines, en un double sens. D’une part, pour des rai­sons his­to­riques, il est « type idéal » à par­tir duquel on peut com­prendre la logique, lar­ge­ment occul­tée et mécon­nue, qui va de la pros­pec­tion à l‘exploitation des matières pre­mières. D’autre part, ce pays a été le théâtre d’une polé­mique explo­sive qui a écla­té à par­tir de la mise au jour des tenants et abou­tis­sants de ce qui consti­tue un véri­table sous-sys­tème — à dimen­sions finan­cières, judi­ciaires, poli­tiques, diplo­ma­tiques… — dans l’économie glo­ba­li­sée. Avec d’autres, William Sacher s’est atte­lé à une ana­lyse docu­men­tée et fait l’expérience de ce qu’il en coute de déran­ger les inté­rêts puis­sants qui sont liés à cet objet d’investigation. Il res­ti­tue ici les acquis de ces études. Voi­ci donc, non seule­ment un concen­tré du Noir Cana­da, mais aus­si une esquisse de la pro­jec­tion de cette cou­leur dans le monde, en par­ti­cu­lier à par­tir d’Europe.

Paul Géra­din : L’économie mon­diale serait entrée dans un « super­cycle » de res­sources natu­relles. Qu’entendez-vous par là ?

William Sacher : Ce terme fait par­tie de la séman­tique des milieux finan­ciers. Il s’applique ici à un boom de l’exploitation des miné­raux qui s’est pro­duit à par­tir du début de la décen­nie 2000, avec une aug­men­ta­tion pro­gres­sive et mar­quée des prix des métaux de base (zinc, nickel, fer, cuivre…) et des métaux pré­cieux ou plus rares (or, argent, pla­tine ou cobalt).

Ce qui tire avant tout cette ten­dance à la hausse, c’est l’accroissement de la demande de la Chine. Dans les années 2000, en rai­son de la crois­sance à deux chiffres de celle-ci, avec une popu­la­tion qui dépasse le mil­liard de per­sonnes, la demande mon­diale de miné­raux de toutes sortes a explo­sé. On peut aus­si men­tion­ner la crois­sance de l’Inde ou d’autres pays dits « émer­gents », mais leur impact est bien moins évident. Outre leurs besoins pour la construc­tion et la pro­duc­tion de biens de consom­ma­tion en tous genres (et leur volon­té de se consti­tuer des réserves stra­té­giques), la Chine et les autres puis­sances exercent une pres­sion sur les miné­raux par l’augmentation qua­si per­ma­nente des dépenses mili­taires. Enfin, la per­son­na­li­sa­tion des appa­reils de type ordi­na­teurs, télé­phones por­tables, etc., ali­mente un boom tech­no­lo­gique qui exa­cerbe la demande de cer­tains minéraux.

C’est pour cette rai­son qu’on parle de super­cycle : crois­sance impor­tante de la demande et de la pro­duc­tion. Par rap­port à la fin du XXe siècle, on a donc assis­té à un saut quan­ti­ta­tif qui s’est sol­dé par une incroyable aug­men­ta­tion des prix des matières pre­mières. Le cas de l’or est par­ti­cu­lier. Dans un contexte de crise éco­no­mique, on recourt à ce mine­rai comme valeur-refuge. Les inves­tis­seurs pri­vi­lé­gient l’investissement dans ce métal qui cris­tal­lise de la richesse avec une valeur garan­tie à très long terme.

P. G. : Par­mi les mul­ti­na­tio­nales, vous dis­tin­guez les « juniors » des « majors ». Qu’en­tend-on par là et en quoi est-ce impor­tant pour com­prendre les enjeux ?

W. S. : Ces caté­go­ries sont loin d’être pures. Il n’y a pas de bipo­la­ri­té exclu­sive entre entre­prises juniors et majors. Ceci dit, dans le sec­teur minier, d’une manière très gros­sière et sché­ma­tique, il est impor­tant de dis­tin­guer entre ces deux types d’acteurs. Il existe une cer­taine divi­sion du tra­vail entre eux. Il est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant, par exemple, pour dis­tin­guer les types de conflits qui opposent les com­mu­nau­tés pré­sentes sur les ter­ri­toires miniers et des trans­na­tio­nales minières, de bien iden­ti­fier quel type d’entreprise est impli­quée. En effet, cela va condi­tion­ner des enjeux rela­ti­ve­ment dif­fé­rents d’un point de vue éco­no­mique et poli­tique, et même en termes d’impacts envi­ron­ne­men­taux, sociaux, etc.

Les entre­prises juniors sont en géné­ral de taille très modeste. La plu­part d’entre elles n’ont pas plus d’une dizaine d’employés. Enre­gis­trées sur les mar­chés bour­siers, elles ne tirent des béné­fices que de la spé­cu­la­tion et financent leurs cam­pagnes d’activité minière grâce aux capi­taux à risques. Elles ne se consacrent qu’à l’exploration et à la pros­pec­tion minière, c’est-à-dire qu’elles se chargent d’aller déni­cher des nou­veaux gisements.

Sou­vent, elles ne sont pas pro­prié­taires, mais plu­tôt conces­sion­naires des ter­rains sur les­quels elles opèrent. La figure de la conces­sion s’est en effet géné­ra­li­sée, à l’heure de la glo­ba­li­sa­tion néo­li­bé­rale. Géné­ra­le­ment, ce sont les États qui octroient un droit d’utilisation, de pros­pec­tion et d’usufruit du sous-sol aux entre­prises, le plus sou­vent étran­gères, trans­na­tio­nales et notam­ment cana­diennes. Ce droit est sou­vent limi­té dans le temps, à vingt-cinq, trente ou cin­quante ans.

Les contrats d’exploitation sont quant à eux pas­sés entre les États et des entre­prises. À ce stade, il s’agit plu­tôt d’entreprises majors. Celles-ci se chargent exclu­si­ve­ment, ou presque, de l’exploitation et de l’extraction des mine­rais. Il faut savoir que les entre­prises juniors ne dis­posent pas des moyens humains et tech­niques, encore moins des res­sources finan­cières et de la sol­va­bi­li­té néces­saires pour obte­nir des ins­ti­tu­tions finan­cières publiques ou pri­vées les prêts pour déve­lop­per leurs pro­jets (le déve­lop­pe­ment d’une mine indus­trielle moderne implique l’investissement de plu­sieurs mil­liards d’euros).

Bien enten­du, les majors sont des entre­prises éta­blies, de grosses entre­prises qui dis­posent d’un capi­tal bour­sier impor­tant, exercent une influence poli­tique et éco­no­mique de taille, et sont capables de mobi­li­ser les fonds et les moyens humains et tech­no­lo­giques pour mettre en œuvre l’exploitation minière.

P. G. : Outre l’exploration, quelle est l’activité des juniors ? Vendent-elles leurs ser­vices ? Achètent-elles les conces­sions pour les revendre… ?

W. S. : Pen­dant les vingt ou trente der­nières années, le sché­ma a été le sui­vant. Les juniors débar­quaient dans des pays qui avaient tout récem­ment réfor­mé leur légis­la­tion minière, par exemple à la suite des pres­sions de la Banque mon­diale au titre de l’ajustement struc­tu­rel. Les États — ou plu­tôt l’oligarchie néo­li­bé­rale au pou­voir — offraient ain­si aux entre­prises la pos­si­bi­li­té de béné­fi­cier de droits d’accès pri­vi­lé­giés à d’énormes por­tions de ter­ri­toires pour mener à bien leurs cam­pagnes d’exploration. Étant au fait des résul­tats de cam­pagnes de pros­pec­tion pré­cé­dentes (sou­vent effec­tuées par des ins­ti­tu­tions publiques ou des agences mul­ti­la­té­rales qui met­taient cette infor­ma­tion à leur dis­po­si­tion), elles savaient en effet que la pos­si­bi­li­té de trou­ver des gise­ments était bien pré­sente dans tel ou tel endroit. Où est l’intérêt pour ces entre­prises ? Si une junior est capable d’identifier un gise­ment exploi­table dans des condi­tions ren­tables, c’est le pac­tole… Dans la grande majo­ri­té des cas, la junior est alors ache­tée par une socié­té major (au moment où cette der­nière le juge­ra oppor­tun). Les cours de l’action de la junior explosent au moment de l’annonce de ce type de tran­sac­tion et les action­naires de la junior engrangent au pas­sage des gains substantiels.

P. G. : Mais elle a ache­té la conces­sion, elle a payé pour l’obtenir !

Géné­ra­le­ment les couts d’obtention des conces­sions ne sont pas très impor­tants par rap­port aux béné­fices déga­gés. C’est la mise en œuvre des tech­niques d’exploration qui revient rela­ti­ve­ment cher, en par­ti­cu­lier les carot­tages du sous-sol. Elle impose toutes sortes de dépenses : ache­ter et trans­por­ter les équi­pe­ments, se rendre dans des ter­ri­toires par­fois dénués d’infrastructures rou­tières, dis­po­ser d’hélicoptères et d’une banque de don­nées satel­lites, enga­ger des géo­logues, quelques manu­ten­tion­naires locaux… Les couts se chiffrent à quelques dizaines de mil­lions de dol­lars pour mener à bien une cam­pagne d’exploration de taille moyenne. Pré­ci­sons tout de même que les chances de suc­cès des juniors sont très minces sur le papier (un pro­jet d’exploration sur cinq-cents débouche sur une mine indus­trielle). Si cela ne marche pas, c’est la faillite pour l’entreprise. Mais si ça marche, la junior va revendre son acti­vi­té à l’une ou l’autre des majors, comme un pro­jet clé en main. Une fois le gise­ment iden­ti­fié, la junior va dire à la major : « Voi­là ce qu’on vous offre, vous avez tout ce qu’il faut pour aller exploiter. »

Dans l’idéal libé­ral du mar­ché effi­cace, on devrait avoir des agents indé­pen­dants — entre­prises juniors d’un côté, majors de l’autre —, les secondes ache­tant ou pas aux pre­mières à la suite de la décou­verte ou de l’absence de gise­ment. En fait, les choses se passent autre­ment. Dans la grande majo­ri­té des cas où une entre­prise d’exploration est cou­ron­née de suc­cès, les dés ont été pipés. Le plus sou­vent, on a affaire à des géo­logues locaux qui ont tra­vaillé comme fonc­tion­naires pour des ser­vices gou­ver­ne­men­taux et qui vendent aux entre­prises étran­gères des infor­ma­tions pri­vi­lé­giées sur la géo­lo­gie des sites, acquises dans le cadre de leurs fonc­tions. C’est ain­si que bien sou­vent les pro­jets miniers qui fina­le­ment seront ren­tables sont ciblés, flé­chés. Très sou­vent, une entre­prise major est liée à la junior qu’elle achè­te­ra bien avant que la tran­sac­tion se soit officialisée.

Les pre­mières sous-traitent aux secondes, en quelque sorte, l’activité d’exploration dont elles ne veulent pas se char­ger. Les acti­vi­tés d’exploration sont en effet très ris­quées. Elles se déroulent géné­ra­le­ment sur des ter­ri­toires dont l’extension réelle est très grande. Ces opé­ra­tions impliquent l’accès à des zones où se trouvent des com­mu­nau­tés autoch­tones, des pay­sans, agri­cul­teurs, des mineurs arti­sa­naux. C’est très peu popu­laire ! Les juniors sont les pre­mières à affron­ter la résis­tance des com­mu­nau­tés à l’exploitation minière. Elles se retrouvent ain­si en pre­mière ligne, tels des éclai­reurs. Elles tâtent donc le ter­rain, à la fois d’un point de vue géo­lo­gique et tech­nique, mais éga­le­ment poli­tique et social. Quant aux entre­prises majors, elles fuient comme la peste les échauf­fou­rées, conflits, ten­sions…, dont la réso­nance média­tique pour­rait ter­nir leur réputation.

Les cen­taines de conflits sociaux qui opposent actuel­le­ment des socié­tés minières trans­na­tio­nales à des com­mu­nau­tés locales montrent que l’activité minière indus­trielle s’accompagne de dépos­ses­sions, dégra­da­tions envi­ron­ne­men­tales et des­truc­tions sociales à grande échelle. Il y a des cas extrêmes comme celui de l’est du Congo, où, dans les années 1990, des juniors cana­diennes ont été à l’origine du déclen­che­ment de la guerre civile (le contrôle des gise­ments reste aujourd’hui encore un fac­teur déter­mi­nant dans le conflit congo­lais). C’est le cas de la socié­té AMFI (Ame­ri­ca Mine­ral Fields Inter­na­tio­nal) que la jour­na­liste Colette Brae­ck­man a très jus­te­ment qua­li­fiée de « pois­son pilote » des grandes socié­tés minières majors qui rêvaient de mettre la main sur les pro­di­gieuses réserves miné­rales de l’est du Congo. AMFI était une entre­prise junior enre­gis­trée à la bourse de Toron­to qui a par­ti­ci­pé à l’effort de guerre de la rébel­lion de Kabi­la père pour obte­nir en échange des droits sur les éven­tuels gise­ments miniers qui tom­be­raient sous la coupe de son mou­ve­ment armé l’AFDL, un objec­tif qui a, dans ce cas, quelque peu capo­té. La situa­tion n’est pas tou­jours aus­si dra­ma­tique. Néan­moins, dans d’autres pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’ailleurs, il n’est pas rare que les entre­prises juniors soient confron­tées à d’âpres résis­tances. Les minières recourent fré­quem­ment à des socié­tés para­mi­li­taires quand elles ne béné­fi­cient pas du sou­tien de gou­ver­ne­ments com­plai­sants, qui usent de la force publique pour répri­mer, par­fois dans le sang, ces mou­ve­ments de contes­ta­tion du modèle minier industriel.

P. G. : Les stra­té­gies font inter­ve­nir de la spé­cu­la­tion, dans un cadre où le rôle du Cana­da est essen­tiel et emblématique.

W. S. : L’activité d’exploration telle qu’elle se déroule à l’heure actuelle est dans sa grande majo­ri­té le fait d’entreprises juniors qui sont enre­gis­trées sur les places finan­cières occi­den­tales, à Toron­to en par­ti­cu­lier, et se chargent d’offrir aux entre­prises majors des pro­jets miniers « clé en mains », débar­ras­sés des incer­ti­tudes géo­lo­giques et poli­tiques. Les socié­tés juniors se basent sur la spé­cu­la­tion bour­sière pour que leur acti­vi­té d’exploration soit ren­table pour leurs action­naires. L’exploration minière est, répé­tons-le, une entre­prise ris­quée. Il s’agit d’une acti­vi­té qui se prête intrin­sè­que­ment au jeu de la spé­cu­la­tion bour­sière puisque pros­pec­ter des sous-sols aux carac­té­ris­tiques peu connues est en soi un exer­cice « spéculatif ».

Dès lors, quelle est la spé­ci­fi­ci­té de Toron­to et de la légis­la­tion cana­dienne ? Aujourd’hui la bourse de Toron­to concentre près de 60 % des entre­prises minières à l’échelle mon­diale ; plus de 1 600 entre­prises minières y sont enre­gis­trées. Par­mi ces der­nières, on trouve à peine une tren­taine d’entreprises majors ; toutes les autres pou­vant être clas­sées comme juniors. Pour­quoi trouve-t-on une concen­tra­tion si impor­tante du capi­tal minier sur cette place finan­cière de Toron­to ? Après tout, à l’échelle mon­diale et en termes de capi­ta­li­sa­tion bour­sière, celle-ci ne se classe qu’au sep­tième rang der­rière New York, Londres, Frank­fort, Syd­ney, etc.

Un pre­mier fac­teur qu’on peut iden­ti­fier, c’est l’importance his­to­rique de la bourse de Toron­to dans la pro­mo­tion de l’exploitation minière dans les limites des fron­tières du Cana­da ou, plus lar­ge­ment, au sein du ter­ri­toire qui est deve­nu ensuite le Cana­da. Ce pays est en quelque sorte une colo­nie qui a très bien mar­ché en ce sens que l’extermination des peuples autoch­tones a été très effi­cace, et que l’accès aux res­sources natu­relles a été pro­gres­sif et faci­li­té par le régime. Dès le XIXe siècle, la bourse de Toron­to a consti­tué un trem­plin pour de nom­breux pro­jets d’exploration, puis d’exploitation. Ce trem­plin n’a d’ailleurs pas tou­jours été effi­cace. Comme les opé­ra­tions ont été basées sur la spé­cu­la­tion, on s’est retrou­vé, dès le XIXe siècle, avec des pro­jets qui se recou­paient, des scan­dales et autres arnaques bour­sières à n’en plus finir… En fait l’histoire de la bourse de Toron­to est jalon­née d’abus, de délits d’initiés, de faux résul­tats, etc. La logique d’économie-casino qui s’est déve­lop­pée sur les places finan­cières cana­diennes a certes per­mis, par­fois, de mettre la main sur les richesses miné­rales des grands espaces cana­diens depuis le XIXe siècle, mais elle a aus­si créé le théâtre d’arnaques à répé­ti­tion, d’activités qui rentrent « dans la caté­go­rie du pari et du jeu, pour ne pas dire de l’escroquerie et du vol », comme le disait Prou­dhon. Le der­nier scan­dale en date est celui de la socié­té Bre‑X, en 1997. Cette entre­prise junior cana­dienne fai­sait de l’exploration d’or en Indo­né­sie. On s’est aper­çu que pour rendre le pro­jet minier plus attrac­tif auprès des éven­tuels inves­tis­seurs, les géo­logues de la socié­té avaient « salé » d’or leurs échantillons…

Tout le long de son his­toire, la bourse de Toron­to a per­mis ce genre d’abus et conti­nue à les per­mettre. Au cours des vingt der­nières années, les socié­tés minières enre­gis­trées à Toron­to ont éten­du leur ter­rain de jeu aux pays du sud géo­po­li­tique et main­te­nant à l’Europe. La spé­cu­la­tion bour­sière est aujourd’hui le moteur de la décou­verte de la fron­tière extrac­tive à l’échelle pla­né­taire, et la bourse de Toron­to est une pla­te­forme pri­vi­lé­giée pour cette acti­vi­té. Les règles qui y sont appli­quées sont pour le moins laxistes et favo­risent lar­ge­ment cette spé­cu­la­tion. Par exemple, elles ne font pas de dis­tinc­tion claire entre ce que l’on appelle les « res­sources » et les « réserves ». Les res­sources consti­tuent des esti­ma­tions très gros­sières du poten­tiel géo­lo­gique d’un gise­ment. Quant aux réserves, elles consti­tuent des esti­ma­tions très pré­cises, qui n’incluent pas seule­ment des don­nées géo­lo­giques, mais aus­si des infor­ma­tions et des pro­jec­tions à long terme sur les condi­tions tech­no­lo­giques et éco­no­miques qui déter­minent la for­ma­tion des prix. Le fait d’entretenir l’ambigüité autour de ces deux types d’estimation, res­sources et réserves, per­met une grande marge de manœuvre qui se prête à un jeu spéculatif.

Concrè­te­ment, cela se passe sans bruit. Les socié­tés d’exploration sont inté­grées dans les por­te­feuilles comme capi­taux à risque. Les banques vendent des pro­duits d’investissement où l’on a mélan­gé des actions de plu­sieurs socié­tés. L’investisseur, qui peut être un par­ti­cu­lier, ne sait pas exac­te­ment à quoi cor­res­pondent les actifs obte­nus. S’il le demande, le ban­quier lui explique que c’est un por­te­feuille à risque : s’il gagne, cela rap­por­te­ra gros, mais il peut opter pour un por­te­feuille stan­dard, plus tranquille.

Ces pra­tiques spé­cu­la­tives sont ren­for­cées par un sou­tien finan­cier du gou­ver­ne­ment cana­dien. Les fonds de pen­sion cana­diens financent ain­si direc­te­ment des pro­jets d’exploration par des par­ti­ci­pa­tions directes au capi­tal des socié­tés minières. Les retraites des Cana­diens se trouvent donc à être par­tiel­le­ment éta­lon­nées sur les suc­cès que les cam­pagnes d’exploration des socié­tés juniors peuvent rem­por­ter. À ce sou­tien public direct s’ajoutent des prêts à des taux très avan­ta­geux, des garan­ties à l’investissement, des avan­tages fis­caux sub­stan­tiels, et un appui diplo­ma­tique indé­fec­tible et per­ma­nent de la part des repré­sen­ta­tions cana­diennes — ambas­sades, consu­lats, délé­ga­tions com­mer­ciales — aux entre­prises pré­sentes à l’étranger sur les ter­ri­toires « utiles ». On pour­rait aus­si men­tion­ner le sou­tien moral, par l’intermédiaire des dis­cours poli­tiques et d’une pro­pa­gande qui s’affiche autant sur les sites inter­net gou­ver­ne­men­taux que dans les poli­tiques d’éducation, de l’école pri­maire jusqu’à l’université.

Enfin, un der­nier fac­teur — peut-être le plus impor­tant — de la spé­ci­fi­ci­té cana­dienne est à rele­ver. Il s’agit de l’impunité de fait dont jouissent les socié­tés minières cana­diennes par rap­port aux consé­quences, sou­vent dra­ma­tiques de leurs acti­vi­tés : des­truc­tion d’écosystèmes, cor­rup­tion ou autres formes de cri­mi­na­li­té éco­no­mique, voire empoi­son­ne­ment de popu­la­tions ou col­lu­sion avec des sei­gneurs de guerre. Les entre­prises ne sont jamais inquié­tées par la jus­tice cana­dienne en rap­port avec ces exactions.

Telles sont donc les rai­sons de l’attrait du cadre cana­dien. Elles ont été mises en évi­dence par de nom­breux obser­va­teurs et ana­lystes. En défi­ni­tive, c’est une cer­taine forme de para­dis, un para­dis judi­ciaire. Nous avions déjà mis ce concept en avant en 2008 dans Noir Cana­da, et nous l’avons déve­lop­pé et appro­fon­di en 2012 dans Para­dis sous terre. Nous pen­sons que le Cana­da est une sorte de para­dis judi­ciaire et règle­men­taire, au même titre qu’il existe des para­dis fis­caux. C’est pour­quoi ce pays sert de pla­te­forme pri­vi­lé­giée pour des entre­prises, comme la tris­te­ment célèbre Ban­ro, qui ne pos­sède pas de pro­prié­té ou de conces­sion au Cana­da, mais trouve avan­ta­geux de pilo­ter des pro­jets au Sud depuis cette place finan­cière de Toronto.

P. G. : Vous dites que les enjeux de cette posi­tion du Cana­da ne sont pas exclu­si­ve­ment natio­naux. En quoi ce pays est-il une pla­te­forme pour l’ensemble de l’Occident ?

W. S. : Une majo­ri­té écra­sante de pro­jets miniers s’enregistrent à la bourse de Toron­to du fait que cette pla­te­forme finan­cière offre des avan­tages qu’on ne trouve pas ailleurs. Les inves­tis­seurs sont séduits, de sorte qu’y règne un cli­mat d’affaires tout par­ti­cu­lier. Ana­lystes finan­ciers, avo­cats, équi­pe­men­tiers, tout le monde y est. Cette place finan­cière est qua­si­ment incon­tour­nable pour les capi­taux à risques du sec­teur minier.

En quoi cette situa­tion locale concerne-t-elle le reste du monde ? Depuis une dizaine d’années même les entre­prises chi­noises ont com­men­cé à inves­tir dans les pays du sud. Avant les années 2000, l’exploitation du sous-sol chi­nois (lui-même très riche en miné­raux) suf­fi­sait à répondre à la demande interne. La crois­sance éco­no­mique et le poids démo­gra­phique du pays sont tels que la Chine a fina­le­ment dû aus­si aller cher­cher ailleurs pour sécu­ri­ser sa crois­sance future. Des entre­prises majors chi­noises, des entre­prises d’État, achètent à pré­sent des juniors cana­diennes, qui se sont déve­lop­pées à la faveur de la spé­cu­la­tion finan­cière. Une place comme Toron­to est le trem­plin pri­vi­lé­gié, qua­si inévi­table, du sec­teur minier à l’échelle pla­né­taire pour décou­vrir de nou­veaux gise­ments. Cela concerne l’ensemble des pays gros consom­ma­teurs de mine­rais, en pre­mier lieu l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon, mais aus­si désor­mais la Chine et les pays que l’on dénomme « émer­gents ». Tous sont impli­qués au pre­mier chef car gros consom­ma­teurs de mine­rais et de biens de consom­ma­tion à la base des­quels on les trouve, et sou­cieux d’assurer l’avenir de leurs appro­vi­sion­ne­ments. De même, sont concer­nés en pre­mier lieu les pays qui font les frais de ces exploi­ta­tions dont les impacts tant envi­ron­ne­men­taux que sociaux, éco­no­miques, poli­tiques sont catas­tro­phiques et dramatiques.

La pro­blé­ma­tique est donc à pen­ser à l’échelle planétaire.

P. G. : Par com­pa­rai­son, com­ment situez-vous les stra­té­gies euro­péennes d’accès aux pro­duits miniers ?

W. S. : L’Union euro­péenne est dans une situa­tion très cri­tique. Pôle domi­nant de l’économie mon­diale, elle est dans une situa­tion de défi­cit extrême entre les res­sources natu­relles qu’elle consomme et celles qu’elle est aujourd’hui en mesure de pro­duire sur son ter­ri­toire. Ultra-dépen­dante en ce qui concerne les res­sources miné­rales, elle l’est aus­si pour le pétrole, et dans une moindre mesure pour le gaz et d’autres res­sources. Cette dépen­dance est bien supé­rieure à celle des États-Unis, par exemple, qui, bien que n’étant pas auto­suf­fi­sants, pos­sèdent de vastes réserves iden­ti­fiées. L’Europe, quant à elle, avait pro­gres­si­ve­ment aban­don­né l’exploitation minière indus­trielle de son sous-sol, même s’il reste de grandes exploi­ta­tions de char­bon en Alle­magne, par exemple.

Cepen­dant, confron­tées à la concur­rence des pays « émer­gents » et dans un contexte de mon­dia­li­sa­tion néo­li­bé­rale où les passe-droits et autres avan­tages liés aux prés car­rés colo­niaux qu’elles pos­sé­daient s’effritent pro­gres­si­ve­ment, les puis­sances colo­niales euro­péennes s’affairent de nou­veau à pros­pec­ter leurs propres sous-sols. Or, elles n’ont pas d’autre choix que de se conver­tir aux logiques qui pré­valent dans l’industrie minière mon­diale, en offrant, à l’image de nom­breux pays du sud, un cadre d’investissement très attrac­tif pour les socié­tés minières. On voit donc s’installer un peu par­tout en Europe un modèle dans lequel les entre­prises juniors cana­diennes (et quelques aus­tra­liennes) se chargent d’identifier en Europe les futurs gise­ments du XXIe siècle. Elles importent une ingé­nie­rie de l’exploration, de la pro­pa­gande et de la divi­sion des popu­la­tions, née de la conquête des grands espaces cana­diens et qui s’est per­fec­tion­née dans les pays du sud au cours des vingt der­nières années.

Ces méthodes éprou­vées sous d’autres cieux font leur effet : les conflits sociaux se mul­ti­plient. Tout récem­ment, en Rou­ma­nie, de vastes mobi­li­sa­tions (contre le pro­jet Rosia Mon­ta­na de la junior toron­toise Gabriel Resources) ont fait l’actualité. Il s’agit cepen­dant, en quelque sorte, de la pointe de l’iceberg. On pour­rait éga­le­ment citer les nom­breuses mani­fes­ta­tions en Grèce contre le pro­jet Hal­ki­di­ki de la junior cana­dienne Eldo­ra­do Gold, ou encore la forte oppo­si­tion que ren­contre une autre petite socié­té auri­fère, Edge­wa­ter, contre un pro­jet simi­laire en Galice. Il est d’ailleurs tout à fait signi­fi­ca­tif que cette socié­té cana­dienne pos­sède éga­le­ment un pro­jet au Gha­na où la conduite des opé­ra­tions se fait sur un mode simi­laire. C’est assez révé­la­teur de la géné­ra­li­sa­tion des pratiques.

La France n’est pas en reste. Le gou­ver­ne­ment parle d’une réforme du « code minier » avec la volon­té ferme de relan­cer l’activité minière sur le ter­ri­toire métro­po­li­tain. Un pre­mier per­mis d’exploration (le pre­mier depuis trente ans) a été accor­dé à une socié­té aus­tra­lienne dans le dépar­te­ment de la Sarthe. Là encore, des asso­cia­tions de rive­rains se mobi­lisent. D’autres per­mis devraient être pro­chai­ne­ment déli­vrés dans le grand ouest, mais aus­si dans le dépar­te­ment de la Creuse.

Il n’est donc pas exclu que l’Europe se lance de nou­veau dans une explo­ra­tion et une exploi­ta­tion inten­sive et exten­sive de son sous-sol. On entend par­fois dire que les gise­ments sont « épui­sés ». Mais c’est une façon cari­ca­tu­rale et sim­pliste de pré­sen­ter les choses. En effet, l’identification d’un gise­ment se base sur des cri­tères tout autant géo­lo­giques que sociaux. Une por­tion de terre qui n’est pas un gise­ment aujourd’hui peut en deve­nir un demain, en rai­son d’une série de fac­teurs : modi­fi­ca­tions de la conjonc­ture éco­no­mique, des inno­va­tions tech­no­lo­giques, du sou­tien poli­tique, de consi­dé­ra­tions d’ordre social et cultu­rel. Par exemple, un filon d’or hau­te­ment concen­tré sous la tour Eif­fel ne sera jamais consi­dé­ré comme un gise­ment (car on pour­rait mettre en péril la sta­bi­li­té de l’édifice…). À l’inverse, on en est aujourd’hui à exploi­ter de manière ren­table des ter­rils autre­fois qua­li­fiés de « sté­riles ». La notion de gise­ment n’est donc pas exclu­si­ve­ment géo­lo­gique. Elle est aus­si socia­le­ment construite. C’est dans ce sens qu’il faut com­prendre le fait qu’on aille de nou­veau cher­cher dans les sous-sols des pays euro­péens, par exemple du gaz de schiste, un hydro­car­bure. Cela par­ti­cipe de la même logique.

P. G. : Et par rap­port aux pays du sud, la « diplo­ma­tie des res­sources natu­relles » de l’Union euro­péenne est-elle vierge de tout ce que l’on peut repro­cher aux multinationales ?

W. S. : Un cer­tain nombre de grandes entre­prises du sec­teur minier sont euro­péennes. On pense, par exemple, à Xstra­ta, Are­va ou encore Rio Tin­to. La bourse de Londres reste une place finan­cière minière impor­tante en termes de capi­ta­li­sa­tion bour­sière. Ces socié­tés majors ont sur le ter­rain des pra­tiques tout à fait simi­laires à celles de leurs consœurs cana­diennes, amé­ri­caines ou aus­tra­liennes. On est confron­té à un nivè­le­ment des stan­dards envi­ron­ne­men­taux et sociaux, ou encore à un manque de res­pect carac­té­ri­sé des droits des travailleurs.

P. G. : Vous avez dit qu’un des buts de vos ouvrages est de « doter les opi­nions publiques de cri­tères qui per­met­tront de ques­tion­ner de manière cri­tique l’activité cana­dienne dans les pays du sud et de l’est ». Quels cri­tères met­triez-vous en avant pour les opi­nions publiques européennes ?

W. S. : C’était en effet l’un des objec­tifs de notre der­nier livre, Para­dis sous terre. On parle volon­tiers de l’importance du pétrole, qui est bien com­prise dans nos socié­tés. Celle des mine­rais est moins sou­vent mise en avant. Pour­tant, l’ensemble des biens de consom­ma­tion, qu’ils soient de haute tech­no­lo­gie ou plus basiques, implique un usage mas­sif de tout type de miné­raux de base ou des métaux ou même des miné­raux non métal­liques. La ques­tion minière est donc cru­ciale pour les pays d’Europe, qui sont de gros consommateurs.

Dès lors, depuis Mont­réal où nous avons conduit nos recherches, il nous est appa­ru essen­tiel d’analyser et d’élucider les méca­nismes poli­tiques, éco­no­miques, finan­ciers et sym­bo­liques qui sont à l’origine du rôle de lea­deur que tient le Cana­da dans cette « fré­né­sie extrac­tive » à laquelle nous assis­tons actuellement.

Mais le mes­sage pri­mor­dial est, je crois, qu’il est temps de prendre conscience de l’absence de via­bi­li­té du capi­ta­lisme, dont la repro­duc­tion néces­site l’accumulation infi­nie de valeurs d’échange, à n’importe quel « prix ». Le sec­teur minier est de ce point de vue exem­plaire, et l’exploitation de l’or est peut-être la forme la plus évi­dente de ce but absurde. C’est dans ce cadre qu’il faut pen­ser les consé­quences dra­ma­tiques de l’exploitation minière par des entre­prises qui s’inscrivent dans des para­dis judi­ciaires, règle­men­taires ou fis­caux, et pour les­quelles la san­té des popu­la­tions et les équi­libres des éco­sys­tèmes n’entrent jamais en ligne de compte. Tant qu’on fonc­tion­ne­ra sous ce modèle, on fini­ra tou­jours par exploi­ter tout ce qui est humain et tout ce qui est non humain jusque dans ses der­niers retranchements.

Faute de prise de conscience de cette absence de via­bi­li­té du capi­ta­lisme et faute d’établissement d’une alter­na­tive en rup­ture avec ce modèle, non seule­ment nous ris­quons de poser d’énormes pro­blèmes aux géné­ra­tions futures pour vivre dans un envi­ron­ne­ment sain, mais nous com­pro­met­tons éven­tuel­le­ment la satis­fac­tion de besoins de base des géné­ra­tions présentes.

Pro­pos recueillis par Paul Géradin

Un débat en avance…

Noir Cana­da1, dont Sacher est l’un des auteurs, dévoi­lait une face sombre du Cana­da : études de cas d’exploitation du sol afri­cain par des mul­ti­na­tio­nales qui enre­gistrent des pro­fits fabu­leux à la bourse de Toron­to ; ana­lyse et syn­thèse de l’architecture du sys­tème finan­cier, judi­ciaire, poli­tique qui légi­time le pillage des res­sources ; dénon­cia­tion d’abus en matière de cri­mi­na­li­té éco­no­mique, de des­truc­tions de l’environnement, de dépla­ce­ments for­cés de popu­la­tions, ou encore de finan­ce­ment occulte de guerres civiles. Ce livre n’est plus dis­po­nible qu’en for­mat PDF, notam­ment sur www.congoforum.be.

La vente de l’ouvrage a en effet été inter­dite à par­tir de 2011. Pour­quoi ? Bien que rédi­gé sur la base de nom­breuses sources offi­cielles et inter­na­tio­nales, il a fait l’objet d’actions judi­ciaires — une « pour­suite bâillon » — inten­tées par deux géants de l’or, Bar­rick Gold au Qué­bec et Ban­ro Cor­po­ra­tion en Onta­rio. De mul­tiples citoyens, scien­ti­fiques, asso­cia­tions et mai­sons d’édition ont pro­tes­té. À la suite de cette polé­mique, le Code civil du Qué­bec a été revu dans le sens du res­pect de la liber­té d’expression et de la par­ti­ci­pa­tion des citoyens au débat public. C’était trop tard pour les pro­cé­dures déjà en cours, et en Onta­rio la juri­dic­tion ne s’applique pas. Au Qué­bec, les édi­tions incri­mi­nées ont clô­tu­ré en décla­rant que pour mettre fin à la pour­suite que Bar­rick Gold leur a inten­tée pour un mon­tant de 6 mil­lions de dol­lars, et pour cette rai­son uni­que­ment, Éco­so­cié­té cesse la publi­ca­tion ; ce retrait ne sau­rait en rien consti­tuer un désa­veu du tra­vail des auteurs ou de l’éditeur. Cepen­dant, un col­lec­tif d’intellectuels dans Le Devoir (www.ledevoir.com) concluait ain­si : « D’ailleurs, les admis­sions exi­gées par Bar­rick révèlent en fait un aveu de fai­blesse de la part de l’entreprise elle-même. Elle ne peut vaincre qu’en exer­çant des pres­sions énormes sur ses oppo­sants. Mais ce fai­sant, elle démontre qu’il s’agissait bel et bien depuis le début d’une pour­suite visant non pas à réfu­ter, mais à bâillon­ner les auteurs et à faire taire leurs inter­ro­ga­tions légitimes. »

Ils ne se sont pas tus… Para­dis sous terre2 retrace l’histoire du Cana­da et expose com­ment cette ancienne colo­nie est deve­nue le para­dis règle­men­taire et judi­ciaire d’une indus­trie évo­luant hors de tout contrôle. Non seule­ment il démonte les méca­nismes de la spé­cu­la­tion, mais il dévoile la mani­pu­la­tion poli­tique, l’endoctrinement idéo­lo­gique et la diplo­ma­tie de com­plai­sance qui les rendent possibles.

Ce débat nord amé­ri­cain a été lar­ge­ment igno­ré en Europe.

  1. A. Deneault, D. Aba­die et W. Sacher, éd. Eco­so­cié­té, 2008.
  2. A. Deneault et W. Sacher, éd. Eco­so­cié­té, 2012.

William Sacher


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