Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

L’État et la gestion de la grippe A(H1N1)

Numéro 10 Octobre 2012 par François Thoreau

octobre 2012

En juillet 2009, face aux infor­ma­tions alar­mantes dif­fu­sées notam­ment par l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale de la san­té, l’É­tat belge com­mande à la firme phar­ma­ceu­tique GSK 12,6 mil­lions de doses de vac­cin. Cette crise montre que les auto­ri­tés publiques confondent les notions de pré­ven­tion et de pré­cau­tion, et four­nit l’oc­ca­sion d’é­la­bo­rer de bonnes pra­tiques pour le futur.

En avril 2009, une nou­velle forme de grippe dite « A(H1N1)» appa­rait en Amé­rique du Nord et au Mexique. Très rapi­de­ment, de nom­breux pays sont tou­chés. Le 12 mai 2009, un pre­mier cas est offi­ciel­le­ment consta­té en Bel­gique. On dénombre, à ce moment-là, plus de 7.500 cas d’infection, dont 65 ayant entrai­né la mort, et ce dans 34 pays. À peine un mois plus tard, le 11 juin 2009, la direc­trice de l’OMS Mar­ga­ret Chan annonce que son orga­ni­sa­tion consi­dère la grippe A(H1N1) comme une épi­dé­mie mon­diale. Les infor­ma­tions four­nies par l’OMS, et très lar­ge­ment réper­cu­tées par les médias natio­naux, pro­voquent une panique géné­rale, face à laquelle de nom­breux États tentent alors de réagir, par­fois dans la précipitation.

Une épidémie aux contours alarmants

C’est dans ce contexte que, le 22 juillet 2009, l’État belge, à l’initiative com­bi­née des ministres de la San­té publique (Lau­rette Onke­linx) et de l’Intérieur (Gui­do De Padt), et à la suite de nom­breux rap­ports d’expertise, conclut un contrat avec le groupe phar­ma­ceu­tique GlaxoS­mi­thK­line (GSK), pour l’achat de 12,6 mil­lions de doses de Pan­dem­rix, un vac­cin contre la grippe A(H1N1). Vers cette période, de nom­breux autres États ont conclu ce type de contrat avec dif­fé­rents groupes phar­ma­ceu­tiques. Tous ces contrats ont fait l’objet de nom­breux débats, et les inter­ro­ga­tions qu’ils sus­citent sont légions. Peu d’études, tou­te­fois, se sont pen­chées sur les termes exacts de ces contrats et l’ordre de rela­tions qu’ils éta­blis­saient entre les co-contrac­tants : les pou­voirs publics et les firmes phar­ma­ceu­tiques. Insis­ter sur le contrat en tant qu’objet juri­di­co-poli­tique nous a per­mis de suivre et de com­prendre, de manière appro­fon­die et au plus près de la réa­li­té empi­rique (Tho­reau, Che­ne­viere et Ros­si­gnol, 2012), le régime d’action publique que celui-ci met en œuvre.

Il était pré­vu, aux termes de ses clauses, que le contrat res­tât confi­den­tiel. Pour­tant, moins d’un an plus tard, le jour­nal Le Soir en révèle la teneur. Il fera l’objet de cri­tiques viru­lentes de la presse tout entière, notam­ment au regard du régime de res­pon­sa­bi­li­té qu’il pré­voi­rait, « entiè­re­ment à charge de l’État belge ». Il ne fal­lait pas rater l’opportunité offerte par cette publi­ci­té de pou­voir se pen­cher sur les termes de ce contrat qui, bien qu’ayant été ren­du public — par­fois par­tiel­le­ment — dans cer­tains autres pays, relève encore lar­ge­ment du secret des alcôves, alors même que ces contrats ont opé­ré selon des moda­li­tés simi­laires d’un pays à l’autre. De natio­nale, limi­tée au cas belge, les leçons que nous tire­rons briè­ve­ment dans ce qui suit font écho, dans une large mesure, à la ges­tion euro­péenne de cette menace de pandémie.

La ques­tion de la res­pon­sa­bi­li­té, entre équi­libre et légalité

La presse a lar­ge­ment com­men­té le contrat conclu entre l’État belge et le groupe phar­ma­ceu­tique GSK et, ce fai­sant, a fré­quem­ment confon­du plu­sieurs concepts et ques­tions pour­tant fon­da­men­tales, tant en ce qui concerne la léga­li­té de cette dis­po­si­tion qu’au regard de leur effet obli­ga­toire à l’égard des tiers. Il est avant tout impor­tant de sou­li­gner le fait que le contrat soit par­fai­te­ment légal, ne trans­gres­sant aucune norme supé­rieure, ni natio­nale, ni inter­na­tio­nale. Aus­si, on a sou­vent lu, de manière peu nuan­cée, voire par­fois cari­ca­tu­rale, que GSK décli­nait toute res­pon­sa­bi­li­té en cas d’effets secon­daires du vac­cin qui entrai­ne­raient des lésions cor­po­relles ou des décès. Sur le plan for­mel, c’est rigou­reu­se­ment inexact. En effet, le contrat opère une nette dis­tinc­tion entre la res­pon­sa­bi­li­té entre les par­ties (l’État belge et GSK) et la res­pon­sa­bi­li­té envers les tiers (d’éventuelles vic­times du vac­cin par exemple). Ain­si, en aucun cas l’État belge n’endosse-t-il une res­pon­sa­bi­li­té directe, au sens juri­dique, vis-à-vis des des­ti­na­taires du vac­cin. C’est donc bien GSK qui devrait assu­mer sa res­pon­sa­bi­li­té juri­dique en cas de pour­suites judi­ciaires, contrai­re­ment à ce que beau­coup ont affir­mé et cru dénoncer.

Pour autant, l’État belge a pris un risque finan­cier consé­quent en accep­tant d’indemniser GSK des consé­quences d’une éven­tuelle mise en cause judi­ciaire de sa res­pon­sa­bi­li­té. En effet, les dédom­ma­ge­ments consé­cu­tifs à une éven­tuelle condam­na­tion de GSK, au cas où des effets secon­daires catas­tro­phiques se seraient pro­duits, auraient été rem­bour­sés par l’État belge, et à ce titre por­tés à sa charge. Le contrat pré­cise qu’en cas de condam­na­tion de GSK sur la base de la légis­la­tion rela­tive aux pro­duits défec­tueux, le groupe phar­ma­ceu­tique indem­ni­se­ra les vic­times puis se retour­ne­ra vers l’État belge pour récla­mer le rem­bour­se­ment d’une série de frais qu’il aura encou­rus (frais de pro­cé­dure, hono­raires, indem­ni­tés aux vic­times…), et ce, sans pla­fond. Sur le plan finan­cier, donc, les consé­quences peuvent poten­tiel­le­ment être très lourdes pour les pou­voirs publics.

Ce risque est d’autant plus plau­sible, à cette époque, qu’une rela­tive incer­ti­tude flotte autour du Pan­dem­rix, ce vac­cin dit « pro­to­type » qui n’a pas sui­vi la pro­cé­dure clas­sique d’autorisation de mise sur le mar­ché pré­vue par la Com­mis­sion euro­péenne1 — bien que nor­ma­le­ment enre­gis­tré par l’Agence euro­péenne des médi­ca­ments (EMEA). À la lueur de l’analyse rigou­reuse du contrat, il appa­rait donc que, si la res­pon­sa­bi­li­té de l’État belge n’est pas direc­te­ment enga­gée, ses termes sont dés­équi­li­brés en la défa­veur de l’État belge2. Nous vou­drions insis­ter sur l’importance de cette dis­tinc­tion, qui n’est pas que séman­tique. La res­pon­sa­bi­li­té juri­dique de l’État belge n’était pas enga­gée. Ce qui l’était, en revanche, c’est sa res­pon­sa­bi­li­té poli­tique, en ce qu’elle découle du régime d’action publique dans lequel les auto­ri­tés belges ont situé leur déci­sion de se four­nir en vac­cins pour lut­ter contre la menace pan­dé­mique. Reste à voir dans quelle mesure…

Responsabilité politique, prévention et précaution

Durant l’été 2009, l’État belge se trouve face à une situa­tion épi­dé­mique extrê­me­ment déli­cate à gérer. Les infor­ma­tions don­nées par l’OMS sont alar­mantes et les médias relaient l’inquiétude ambiante. De plus, il faut agir vite ! Afin de carac­té­ri­ser pré­ci­sé­ment les res­sorts de l’action publique, il est ici utile de se réfé­rer à la dis­tinc­tion clas­sique entre la « pré­ven­tion », et la « pré­cau­tion » (Godard, Hen­ry, Laga­dec et Michel-Ker­jan, 2002), qui per­met de sai­sir avec nuance la logique gui­dant l’État belge au moment de com­man­der ces vac­cins à la firme GSK.

La pré­ven­tion s’apparente tra­di­tion­nel­le­ment à la logique assu­ran­tielle. Elle pro­pose une mise en com­mun d’un risque connu et recon­nu par une com­mu­nau­té, qui s’en pré­mu­nit pour cha­cun de ses membres, via un méca­nisme de soli­da­ri­té. La pré­ven­tion repose donc sur l’hypothèse que le risque encou­ru est connu et cal­cu­lé avec une pré­ci­sion rai­son­nable, par les ins­tru­ments de la connais­sance scien­ti­fique. La pré­ven­tion est une atti­tude liée à des risques « avé­rés ». Néan­moins, comme l’affirme le socio­logue alle­mand Ulrich Beck (2008), la moder­ni­té est carac­té­ri­sée par l’émergence de nou­veaux risques. À nou­veaux risques, nou­velle logique d’action.

La logique de la pré­cau­tion, quant à elle, carac­té­rise une autre manière d’envisager l’action publique, dans un contexte mar­qué, non plus par une connais­sance stable et bien déli­mi­tée du risque, mais plu­tôt par un état d’incertitude. Bref, un doute radi­cal marque la ques­tion de l’existence, ou non, d’un risque. Notons que le terme « pré­cau­tion » et le prin­cipe qui s’y réfère, le fameux « prin­cipe de pré­cau­tion », sont uti­li­sés à tort et à tra­vers, sou­vent sans connaitre leur signi­fi­ca­tion. À ce titre, la nuance entre pré­ven­tion et pré­cau­tion nous paraît tou­jours éclai­rante dans des cas comme celui de la grippe A(H1N1).

Prévenir la catastrophe

En l’occurrence, lorsque l’État belge conclut le contrat avec le groupe phar­ma­ceu­tique GSK, il déclare le faire en appli­ca­tion du « prin­cipe de pré­cau­tion3 ». Or, cette affir­ma­tion ne résiste pas à l’analyse et consti­tue, à notre sens, un abus de lan­gage. La ques­tion, ici, est de savoir quelle est l’option poli­tique qui, à l’été 2009, s’offre aux auto­ri­tés belges. En effet, le cas de la grippe A(H1N1) met en jeu res­pec­ti­ve­ment un phé­no­mène (une pan­dé­mie de grippe) et un pro­duit (le vac­cin Pan­dem­rix), au confluent des­quels le gou­ver­ne­ment est ame­né à tran­cher : se four­nir en vac­cins ou ne pas se four­nir, telle est la ques­tion. Or, comme nous le ver­rons, le choix de pro­cé­der à une cam­pagne de vac­ci­na­tion relève typi­que­ment d’une logique de pré­ven­tion. Ce qui se trouve ain­si ques­tion­né, en der­nière ligne, c’est donc bien la res­pon­sa­bi­li­té poli­tique du gou­ver­ne­ment, autre­ment dit sa légi­ti­mi­té à agir comme il le fait.

Tout d’abord, en ce qui concerne le vac­cin Pan­dem­rix, il existe en effet un double risque qui aurait pu jus­ti­fier que l’État belge choi­sisse de ne pas pas­ser de com­mande de vac­cins. D’abord, on l’a évo­qué, un risque finan­cier non négli­geable plane au-des­sus de l’État belge. Soit. De manière plus pro­blé­ma­tique, cepen­dant, le vac­cin com­porte des risques en ce qu’il est sus­cep­tible d’engendrer d’éventuels effets secon­daires sur le méta­bo­lisme des per­sonnes vac­ci­nées, sou­le­vant d’ailleurs des ques­tions au Par­le­ment euro­péen4 et dans les médias. Plus encore, l’Institut natio­nal pour la san­té et le bien-être de Fin­lande lan­ce­ra une enquête afin d’explorer un éven­tuel lien de cau­sa­li­té entre la prise du vac­cin Pan­dem­rix et des cas sus­pects de nar­co­lep­sie5. Notons d’ailleurs que les résul­tats finaux de cette enquête, com­mu­ni­qués bien après la période de crise, en sep­tembre 2011, sug­gèrent un accrois­se­ment du risque de nar­co­lep­sie dans le cadre d’interactions avec d’autres fac­teurs, notam­ment de nature géné­tique ou envi­ron­ne­men­tale. Quoi qu’il en soit, à l’époque de la conclu­sion du contrat par l’État belge, celui-ci a esti­mé pou­voir faci­le­ment iden­ti­fier et cir­cons­crire ces risques. Il fait de ceux-ci des risques connus, ou en tout cas sus­cep­tibles d’être déli­mi­tés avec plus ou moins de pré­ci­sion, alors qu’au moment de la conclu­sion du contrat, de nom­breuses incon­nues grèvent encore les risques liés au vaccin.

Ensuite, l’État belge fait face à un risque qui sera carac­té­ri­sé comme « avé­ré » : l’épidémie mon­diale de grippe A(H1N1). Quatre fac­teurs conduisent alors les auto­ri­tés à agir, autre­ment dit, à pré­ve­nir l’éventuelle pro­pa­ga­tion de la grippe A(H1N1) à sa popu­la­tion : l’urgence de la situa­tion, relayée aus­si bien dans le dis­cours scien­ti­fique que poli­tique ; le fait que les auto­ri­tés belges ne dis­posent que d’une infor­ma­tion lacu­naire et pro­ve­nant majo­ri­tai­re­ment d’une seule source : l’OMS ; le nombre limi­té de four­nis­seurs de vac­cins et les menaces de pénu­rie sur les stocks ; et, enfin, l’extraordinaire écho média­tique qui a été don­né au risque de pan­dé­mie. Sur la base de ces fac­teurs qui accré­di­taient la plau­si­bi­li­té du risque, l’État belge a choi­si de consi­dé­rer que le risque qu’il encou­rait n’était pas « poten­tiel », auquel cas il aurait admis une forme d’incertitude qui est la condi­tion d’une démarche de pré­cau­tion, mais devait être carac­té­ri­sé comme « avé­ré », ce qui conduit typi­que­ment à une logique de prévention.

L’État belge a alors agi selon la logique de la pré­ven­tion, en déci­dant rapi­de­ment, sur foi de l’expertise dis­po­nible, de mettre en œuvre une cam­pagne de vac­ci­na­tion aux consé­quences qu’il peut approxi­ma­ti­ve­ment pré­voir et déli­mi­ter. Il choi­sit le confort de la déci­sion aux ver­tus immé­dia­te­ment ras­su­rantes, moyen­nant des consé­quences son­nantes et tré­bu­chantes, plu­tôt que l’inconfort — réel — de l’incertitude sur un terme plus long. À un prix dont il ne nous appar­tient pas de juger s’il est trop éle­vé, il opte pour une « omnium » en se pré­mu­nis­sant contre le reproche pré­vi­sible qui aurait pu leur être for­mu­lé au cas où la pan­dé­mie se serait déclen­chée : « Vous saviez et vous n’avez rien fait. » Ce fai­sant, tou­te­fois, il uti­lise les outils les plus clas­siques d’une approche pré­ven­tive, au pre­mier rang des­quels figure la cam­pagne de vac­ci­na­tion (Fres­soz, 2011). Le ministre de la San­té et les auto­ri­tés com­pé­tentes n’agissent donc pas en ver­tu du « prin­cipe de pré­cau­tion », ne leur en déplaise.

L’État belge, en bref, a géré le cas de la grippe A(H1N1) en accord avec la concep­tion qu’il se fait de sa propre res­pon­sa­bi­li­té, et du rôle de pro­tec­teur de la popu­la­tion qu’il estime être le sien. Sa res­pon­sa­bi­li­té poli­tique s’est jouée dans ce choix.

Transparence et impartialité ?

Au vu de l’énormité du scan­dale qui atten­dait sans doute les auto­ri­tés, si elles avaient été prises en défaut d’action (même dans l’hypothèse où la pan­dé­mie s’avérait nulle et non ave­nue, mais par simple com­pa­rai­son avec l’action des États avoi­si­nants), il semble assez clair, au regard des déve­lop­pe­ments qui pré­cèdent, que l’État belge aurait dif­fi­ci­le­ment pu agir autre­ment. Cepen­dant, il semble fon­da­men­tal de conti­nuer à inter­ro­ger la situa­tion sur un mode cri­tique, en dépit même d’une cer­taine empa­thie vis-à-vis de la logique, somme toute com­pré­hen­sible, de la réponse de l’État belge au risque de pan­dé­mie. En effet, les ques­tions de l’indépendance et de l’impartialité doivent être posées dans ce cas, tant les liens entre l’OMS, les firmes phar­ma­ceu­tiques et cer­tains groupes d’experts posent ques­tion. À for­tio­ri lorsque la col­lecte et la sélec­tion des faits cen­sés gui­der la prise de déci­sion poli­tique résultent de ces proxi­mi­tés peu trans­pa­rentes. C’est donc bien la pro­duc­tion de l’expertise et sa mobi­li­sa­tion à des fins d’aide à la déci­sion qui doivent être ici pro­blé­ma­ti­sées. En Bel­gique, notam­ment, cinq cas poten­tiels de conflits d’intérêts sur les quinze experts du Com­mis­sa­riat inter­mi­nis­té­riel Influen­za ont pu être détec­tés par le jour­na­liste d’investigation David Leloup (2010), alors même que, aus­si ubuesque que cela puisse paraitre, la com­po­si­tion de cet organe est long­temps demeu­rée confi­den­tielle, en tout cas jusqu’après l’orage…

À cet égard donc, il semble néces­saire d’adopter, quelques « bonnes pra­tiques », dans le cadre de la ges­tion des crises à venir. Celles-ci auraient pour mérite d’offrir des garan­ties plus éten­dues d’indépendance et d’autonomie du pro­ces­sus déci­sion­nel. Tout d’abord, l’esprit géné­ral de la démarche devrait être celui d’une plus grande trans­pa­rence. Ain­si, la com­po­si­tion des dif­fé­rents organes consul­ta­tifs mis en place devrait être ren­due publique, et les décla­ra­tions d’intérêt deve­nir la pra­tique usuelle. Ensuite, au moins au niveau belge, la qua­li­té de la concer­ta­tion à l’œuvre entre les auto­ri­tés et les méde­cins pour­rait être ren­for­cée. On constate en effet que cer­tains désac­cords ont eu lieu entre les auto­ri­tés et les pro­fes­sion­nels de la san­té (Ordre des méde­cins et Asso­cia­tion belge des syn­di­cats médi­caux, cercles de méde­cins géné­ra­listes et méde­cins des hôpi­taux), notam­ment en ce qui concerne l’enregistrement des patients sur la pla­te­forme eHealth, dont l’utilisation pose des ques­tions aus­si bien éthiques que pra­tiques. Enfin, même si cette sug­ges­tion peut sem­bler moins réa­liste, il serait utile que les pou­voirs publics fassent l’effort de pré­sen­ter les choix qui s’offrent à eux et les cri­tères qui conduisent à leur déci­sion, fût-ce à titre rétros­pec­tif. Par exemple, dans la cir­cons­tance excep­tion­nelle d’une pan­dé­mie, serait-il pos­sible pour les gou­ver­ne­ments, et à quelles condi­tions, de tem­pé­rer les règles actuelles du régime des bre­vets ? Les ques­tions de l’indépendance de l’expertise, de la concer­ta­tion, ain­si que de la tem­po­ra­li­té et de l’autonomie de la prise de déci­sion poli­tique, méritent donc de plus amples inves­ti­ga­tions. Au-delà de ces ques­tions, pro­lon­ger la réflexion abou­ti­ra rapi­de­ment à s’interroger sur le sens de la démarche de pré­ven­tion et le rôle de l’État dans la pro­tec­tion des popu­la­tions, soit une ques­tion de phi­lo­so­phie poli­tique d’actualité pour La Revue nouvelle.

  1. Il s’agissait d’une auto­ri­sa­tion de mise sur le mar­ché condi­tion­nelle (datée du 20 mai 2008), jus­ti­fiée par des « cir­cons­tances excep­tion­nelles », les­quelles ont pris fin le 12 aout 2010.
  2. Il est d’autant plus piquant de noter ce dés­équi­libre sachant que, par ailleurs, GSK a échap­pé au paie­ment de 320 mil­lions d’euros de taxa­tions à l’État belge sur les ventes du Pan­dem­rix, en rai­son de mesures fis­cales contro­ver­sées (prin­ci­pa­le­ment la déduc­tion sur les reve­nus de bre­vets et les inté­rêts notion­nels), comme l’a révé­lé le jour­na­liste d’investigation David Leloup dans une enquête parue cet été dans Le Vif/L’Express.
  3. Chambre des repré­sen­tants, com­mis­sion de la San­té publique, de l’Environnement et du Renou­veau de la socié­té, compte ren­du inté­gral, CRIV 52 COM 629, 14 juillet 2009, p. 7.
  4. Par­le­ment euro­péen, Ques­tions par­le­men­taires, Ques­tion écrite P‑5208/09 de R. Rome­va i Reue­da à la Com­mis­sion concer­nant les res­pon­sa­bi­li­tés décou­lant d’éventuels effets secon­daires du vac­cin contre la grippe A(H1N1), 21 octobre 2009.
  5. Ter­vey­den ja hyvin­voin­nin lai­tos (THL, Ins­ti­tut fin­nois pour la san­té et le bien-être), « Asso­cia­tion bet­ween Pan­dem­rix and nar­co­lep­sy confir­med among Fin­nish chil­dren and ado­les­cents », com­mu­ni­qué de presse du 1er sep­tembre 2011, dis­po­nible en ligne : www.thl.fi.

François Thoreau


Auteur