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L’État aujourd’hui en Amérique latine : ¿Más o mejor ?

Numéro 12 Décembre 2013 par De Muynck Eric

décembre 2013

Depuis le début du XIXe siècle, le conti­nent lati­no-amé­ri­cain a connu plu­sieurs formes d’État, allant du caci­quisme à un État mini­ma­liste durant la période néo­li­bé­rale. Aujourd’hui, l’État démo­cra­tique est de retour un peu par­tout dans la région, et plu­sieurs défis se posent à lui pour assu­rer son ren­for­ce­ment et sa légi­ti­ma­tion aux yeux des citoyens.

Dossier

S’il y a une contro­verse pro­li­fique en science poli­tique, il s’agit bien de celle qui oppose les tenants d’un État fort aux défen­seurs d’un État à la voi­lure réduite. Depuis plus de deux siècles, en Occi­dent, le pen­dule a oscil­lé entre ces deux posi­tions anta­go­nistes. Ain­si, voit-on appa­raitre à la fin du XVIIIe siècle ce que les Anglo-Saxons nomment la « socié­té du lais­ser-faire » en forte réac­tion à l’engagement des gou­ver­ne­ments dans les « plus petits détails de l’économie », s’appuyant sur l’argument que le mar­ché est le meilleur ins­tru­ment pour assu­rer tant la crois­sance que le bien-être des citoyens. Ce débat gagne­ra en inten­si­té et au XXe siècle, la révo­lu­tion russe de 1917 et la crise des années 1930 jus­ti­fie­ront une expan­sion inédite de l’État, de sa taille, de ses fonc­tions. Cette posi­tion se trou­ve­ra confir­mée par le consen­sus issu de la Seconde Guerre mon­diale, fon­dé sur trois piliers : l’État a pour rôle d’apporter le bien-être aux plus vul­né­rables, d’intervenir dans le domaine éco­no­mique et d’assurer la sta­bi­li­té macroé­co­no­mique, un consen­sus qui ne sera contes­té qu’au moment du pre­mier choc pétro­lier au début des années 1970 (World Bank, 1997). Le dis­cours sur le rôle de l’État et les poli­tiques qui en découlent se trouve enca­dré entre ces deux extrêmes, entre New Deal et Rol­ling Back the State, entre Keynes et Hayek.

Qu’en est-il de ce débat en Extrême-Occi­dent, pour reprendre l’expression d’Alain Rou­quié (1998) ? L’État, concept impor­té (Ber­trand Badie), y a connu une évo­lu­tion lente depuis les indé­pen­dances, s’exprimant sous des formes spécifiques.

Brève histoire de l’État en Amérique latine

Le monde a vu, depuis la Seconde Guerre mon­diale, une explo­sion du nombre d’États indé­pen­dants (voir gra­phique n°1). Cepen­dant, l’Amérique latine et les Caraïbes n’ont par­ti­ci­pé qu’à la marge à ce phé­no­mène, la région ayant connu sa prin­ci­pale vague d’indépendances dès la pre­mière moi­tié du XIXe. Les guerres civiles, qui secouent alors le conti­nent, entrainent une désor­ga­ni­sa­tion poli­tique, éco­no­mique et sociale de ces socié­tés. À l’exception du Mexique et du Bré­sil, la conso­li­da­tion des nations lati­no-amé­ri­caines dure­ra tout au long du XIXesiècle, période d’instabilité poli­tique mar­quée notam­ment par des conflits ter­ri­to­riaux dont les réper­cus­sions se font encore res­sen­tir aujourd’hui (Dabène, 2012). 

Gra­phique n° 1 : Évo­lu­tion du nombre d’États indé­pen­dants en Amé­rique latine et dans les Caraïbes (ALC) recon­nus par les Nations unies depuis la Seconde Guerre mondiale
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Depuis le début du XIXe siècle, l’État a connu plu­sieurs ava­tars : État mili­taire, État mini­ma­liste, État auto­ri­taire, clien­té­liste, cépa­liste ou inter­ven­tion­niste, État fort, répres­sif… État de droit, les qua­li­fi­ca­tifs ne manquent pas et il convient de dis­tin­guer plu­sieurs temps forts dans le che­mi­ne­ment his­to­rique de l’État en Amé­rique latine. Nous en ten­tons ici une des­crip­tion suc­cincte. Si l’on se fonde sur les ana­lyses qui ont pu être menées sur ce thème (Bon, 2001 ; Igle­sias, 2010 ; Couf­fi­gnal, 2012), trois formes essen­tielles d’État s’imposent, depuis un État cap­ta­teur des res­sources natio­nales à l’État néo­li­bé­ral appa­ru dans les années 1980, en pas­sant par des formes d’État plus pro­tec­trices, à por­tée sociale. Cha­cune d’entre elles intègre cepen­dant des formes de vio­lence, de popu­lisme et de cha­risme qui font la marque du pou­voir en Amé­rique latine.

Le caciquisme et l’État oligarchique clientéliste

Comme le fait remar­quer Georges Couf­fi­gnal (2012), lorsqu’elle se retire de ses colo­nies, l’Espagne ne laisse der­rière elle qu’un embryon de struc­ture admi­nis­tra­tive. Pro­fi­tant de ce vide, des cau­dillos s’imposent par la force et s’emparent de l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal, met­tant en place un État qua­li­fié d’oligarchique clien­té­liste, à la tête duquel s’installe le cacique, ou une petite classe domi­nante, cap­tant les richesses et se main­te­nant au pou­voir par le biais d’une clien­tèle, dont le cacique achète les suf­frages. Se créent ain­si des régimes dic­ta­to­riaux par­fois très vio­lents. À l’exception du Bré­sil, où le pro­ces­sus d’indépendance s’est dérou­lé sans vio­lence et sans décom­po­si­tion de l’autorité colo­niale, l’ensemble du conti­nent est mar­qué par cette forme tra­di­tion­nelle de domi­na­tion. C’est donc à tra­vers le cau­dillisme ou caci­quisme que se met en place une pre­mière forme de pou­voir poli­tique en Amé­rique latine, forme pri­mi­tive de démo­cra­tie. Cette forme d’action poli­tique et d’État oli­gar­chique a pros­pé­ré jusqu’aux années 1930 – 1940, dis­pa­rais­sant tout d’abord là où se déve­loppent des socié­tés urbaines, comme en Argen­tine, en Uru­guay ou encore au Chili.

Au tour­nant du siècle appa­rait dans dif­fé­rents pays lati­no-amé­ri­cains une vague de réformes libé­rales, orien­tées vers la recon­nais­sance des droits civils et poli­tiques des citoyens, en matière notam­ment de droit de vote, pour les femmes en par­ti­cu­lier. Par ce biais, l’État se met à assu­mer un rôle plus impor­tant que pré­cé­dem­ment dans la plu­part des pays lati­no-amé­ri­cains en garan­tis­sant des droits de la pre­mière et de la deuxième géné­ra­tions. Néan­moins, si cer­tains pays recon­naissent par exemple le suf­frage uni­ver­sel mas­cu­lin (comme le Gua­te­ma­la, où ce droit est recon­nu dès 1865), ce droit ne s’enracinera que bien plus tard, à par­tir des années 1980, après avoir été sub­ver­ti à la suite de régres­sions auto­ri­taires (Sonn­lei­ter et Hvos­toff, 2012).

L’État corporatiste, populiste et développementaliste

La Révo­lu­tion mexi­caine de 1917 cor­res­pond à un nou­vel ava­tar de l’État en Amé­rique latine, la Consti­tu­tion écrite par les suc­ces­seurs de Láza­ro Cár­de­nas recon­nais­sant des droits de la troi­sième géné­ra­tion et le rôle de l’État dans l’économie ain­si que dans divers aspects de la vie du citoyen. Divers mou­ve­ments simi­laires se pro­duisent dans d’autres pays géné­rant des réformes consti­tu­tion­nelles et per­met­tant l’émergence d’institutions publiques ayant pour objec­tif de régu­ler l’économie, à tra­vers par exemple la ges­tion du sys­tème moné­taire. Appuyés par la mis­sion Kem­me­rer, plu­sieurs États lati­no-amé­ri­cains mettent en place des banques cen­trales dans les années 1920 et 1930. C’est le cas au Mexique, au Gua­te­ma­la, en Colom­bie, au Chi­li ou encore au Pérou. D’autres pays approu­ve­ront des codes pro­té­geant les droits des tra­vailleurs. Pour finan­cer ces nou­velles fonc­tions, cer­tains pays vont natio­na­li­ser des entre­prises pétro­lières ou vont enta­mer des pro­ces­sus de réforme agraire qui pro­dui­ront des reve­nus de nature à per­mettre le finan­ce­ment de ces nou­velles ins­ti­tu­tions publiques confron­tées à des défis de taille en matière d’éducation, de tra­vail, d’agriculture et d’économie. Se met ain­si en place un modèle d’État cor­po­ra­tiste ou pro­tec­teur dont la logique tire son ori­gine des rap­ports de patro­nage de l’époque antérieure.

L’État cor­po­ra­tiste pros­pè­re­ra une bonne par­tie du XXe siècle. L’une des expres­sions de cette forme d’État est de nature social-bureau­cra­tique. À l’exemple du péro­nisme, l’appareil bureau­cra­tique est tout entier au ser­vice du gou­ver­nant et de la réa­li­sa­tion de ses objec­tifs. Un syn­di­ca­liste, cité par Rou­quié (1998), résume bien la situa­tion : « Perón est mon père et l’État est ma mère. » Cepen­dant, à l’exception du Bré­sil peut-être, la majo­ri­té des pays de la région ne dis­pose à cette époque-là ni des capa­ci­tés humaines ni des moyens finan­ciers pour assu­mer ces fonc­tions. Durant cette période, une autre expres­sion est bureau­cra­tique-mili­taire, et cela dans les États mili­taires qui fleu­rissent dans les années 1960, réper­cus­sion de la révo­lu­tion cubaine, avant de lais­ser place à des coups d’État dits réfor­mistes (Bon, 2001).

C’est par l’interventionnisme de l’État que doit sur­gir le déve­lop­pe­ment. La Cepal (Comi­sión Econó­mi­ca para Amé­ri­ca Lati­na y el Caribe) joue un rôle cen­tral dans ce modèle, ce qui fera naitre d’ailleurs l’expression d’« État cépa­liste ». Celui-ci ampli­fie la fonc­tion pro­tec­trice de l’État par la géné­ra­li­sa­tion du modèle de déve­lop­pe­ment éco­no­mique auto­cen­tré, consis­tant en une indus­tria­li­sa­tion par sub­sti­tu­tion aux impor­ta­tions. Appa­raissent alors de nou­velles fonc­tions, assu­mées par l’État au tra­vers d’institutions comme les bureaux de pla­ni­fi­ca­tion ou les banques de déve­lop­pe­ment dont le rôle est de conce­voir et finan­cer des pro­grammes de déve­lop­pe­ment. Le ren­for­ce­ment de l’appareil éta­tique consti­tue le fon­de­ment de la poli­tique éco­no­mique. Comme le note Enrique V. Igle­sias (2010), l’État est, durant cette période, omni­pré­sent, cen­tra­li­sa­teur et capte la plu­part des inté­rêts éco­no­miques natio­naux. Mais par contre, dans peu de pays se déve­loppe un État démo­cra­tique solide, condi­tion indis­pen­sable pour en assu­rer l’autonomie face aux inté­rêts pri­vés et pour ins­tau­rer la confiance dans la pri­mau­té du droit.

Le retrait brutal de l’État : la période néolibérale

La crise éco­no­mique qui sur­git en Amé­rique latine à la fin des années 1970 révèle les niveaux éle­vés de cor­rup­tion de l’État déve­lop­pe­men­ta­liste ou cépa­liste. S’ensuit un nou­veau mou­ve­ment de balan­cier, et c’est dès les années 1970 qu’apparaissent les pre­miers signes d’une remise en cause de ce modèle d’État. Le Chi­li de Pino­chet, aidé en cela par les Chi­ca­go Boys de Mil­ton Fried­man, libère les prix, ouvre les fron­tières, réduit la taille du sec­teur public, sup­prime les sub­ven­tions. Émerge alors au début des années 1980 l’État néo­li­bé­ral, qui ins­talle son dis­cours et ses mesures à la faveur de l’échec éco­no­mique des dic­ta­tures mili­taires et les contraintes externes très lourdes du fait de la crise de la dette. L’Amérique latine devient le labo­ra­toire du Consen­sus de Washing­ton, qui incite les États à rame­ner leurs comptes à l’équilibre, à domp­ter l’inflation et leurs défi­cits. En Occi­dent, Ronald Rea­gan arrive à la pré­si­dence des États-Unis. De son côté, Mar­ga­ret That­cher envoie dès son entrée à Dow­ning Street une lettre révé­ren­cieuse à son maitre à pen­ser en matière éco­no­mique, Frie­drich Hayek, à l’occasion du quatre-ving­tième anni­ver­saire de l’économiste autri­chien, l’assurant qu’elle appli­que­rait à la lettre les pré­ceptes de la Route de la ser­vi­tude. Elle ne devait pas mentir.

C’est ain­si que cette période a entrai­né une série de réformes struc­tu­relles orien­tées vers la réduc­tion de l’intervention de l’État dans la socié­té. Même si cer­tains pays ont réus­si à mai­tri­ser une infla­tion galo­pante géné­rée par des dépenses publiques éle­vées ain­si qu’à réduire leur taux de pau­vre­té, l’inégalité a aug­men­té dans la plu­part d’entre eux. Durant cette période, le désen­ga­ge­ment de l’État s’est fait par­ti­cu­liè­re­ment sen­tir dans cer­tains sec­teurs comme la pro­tec­tion sociale ou le sys­tème des retraites (Com­pa­gnon, 2010). De plus, la pri­va­ti­sa­tion de ser­vices publics dans les sec­teurs de l’eau ou de la sécu­ri­té a nour­ri un fort mécon­ten­te­ment social.

Ce retrait sou­dain et bru­tal de l’État devait lais­ser des traces pro­fondes sur le conti­nent, et encore aujourd’hui, bon nombre de dis­cours sont mar­qués par la néces­si­té d’une récu­pé­ra­tion par rap­port à cette cure néo­li­bé­rale. Au Pérou, par exemple, Ollan­ta Huma­la se fera élire en 2011 sur la base d’un pro­gramme de gou­ver­ne­ment pro­po­sant un « grand mou­ve­ment de chan­ge­ment contre le néo­li­bé­ra­lisme excluant qui domine aujourd’hui l’Amérique latine » (Lavrard-Meyer, 2012).

Ces dif­fé­rentes formes de pou­voir que nous venons de par­cou­rir trouvent aujourd’hui encore un écho dans la manière de gou­ver­ner de cer­tains États lati­no-amé­ri­cains, et ce serait une erreur que de les mettre au pla­card comme autant de figures du passé.

Le retour de l’État aux commandes

Après la période néo­li­bé­rale, le conti­nent connait une phase dite de « récu­pé­ra­tion », à savoir un rôle pré­pon­dé­rant de l’État dans le champ social, mais aus­si éco­no­mique, notam­ment pour régu­ler les défaillances du mar­ché. Le conti­nent a donc vécu à par­tir de 1998 — année de l’arrivée de Hugo Chá­vez à la pré­si­dence du Vene­zue­la — un nou­veau mou­ve­ment de pen­dule, avec l’accession de gou­ver­ne­ments pro­gres­sistes à la tête de nom­breux États. Entre 1998 et aujourd’hui, la gauche a rem­por­té vingt-cinq élec­tions pré­si­den­tielles dans treize pays dif­fé­rents1.

Plu­sieurs expli­ca­tions peuvent être avan­cées pour expli­quer ce phé­no­mène : l’accroissement des inéga­li­tés sociales et de la pau­vre­té, pro­duit des poli­tiques néo­li­bé­rales appli­quées dans la région dans les années 1980 et 1990, génère un mécon­ten­te­ment dans la popu­la­tion et pro­voque une crise au sein des par­tis tra­di­tion­nels. Des figures cha­ris­ma­tiques émergent, fai­sant appa­raitre une nou­velle élite à la tête des États. Il faut aus­si rele­ver l’apprentissage de la démo­cra­tie, avec la fin des dic­ta­tures et des régimes autoritaires.

La récu­pé­ra­tion de l’État évo­quée plus haut s’accompagne d’un indé­niable accrois­se­ment de sa taille, même si à com­pa­rer avec les États euro­péens, les États en Amé­rique latine demeurent d’une taille assez modeste. Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques (en % du PIB) ont qua­dru­plé entre la fin du XIXe et le début du XXIe siècle, pas­sant de 10,5 % en 1870 à plus de 45 % en 2009. Si la dimen­sion de l’État, en Amé­rique latine, a évo­lué rapi­de­ment, tri­plant ses volumes de dépenses publiques entre 1950 (12 %) et aujourd’hui (30 % envi­ron en 2009), cela demeure en deçà de la moyenne obser­vée dans les pays indus­triels. Il faut noter néan­moins les écarts qui existent entre les États de la région. Si les dépenses publiques repré­sentent 40 % du PIB au Bré­sil, elles n’atteignent que 15 à 20 % au Gua­te­ma­la et au Pérou. 

Gra­phique n° 2 : Les dépenses publiques en Amé­rique latine (2009)
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[/Source : OCDE, Latin Ame­ri­ca Eco­no­mic Out­look 2 012/]

Sché­ma­ti­que­ment, cet État se carac­té­rise par une culture démo­cra­tique de plus en plus mature (qui s’exprime par des alter­nances démo­cra­tiques, la mise en place de sys­tèmes de contrôle citoyens ou le rôle d’instances supra­na­tio­nales — Orga­ni­sa­tion des États amé­ri­cains ou l’Unasur, par exemple — dans la condam­na­tion de coups d’État, comme dans le cas du Hon­du­ras ou du Para­guay ou dans la recherche de solu­tion aux conflits ter­ri­to­riaux entre États de la région), par une vision plus sociale du déve­lop­pe­ment, par l’émergence d’une classe moyenne, même si celle-ci reste fra­gile, par une défi­ni­tion du pou­voir enca­drée par de nou­velles Consti­tu­tions et par un rôle régu­la­teur plus qu’interventionniste en matière économique.

Le nouveau constitutionnalisme

Depuis les années 1990, la région a connu d’importantes trans­for­ma­tions consti­tu­tion­nelles qui se sont accé­lé­rées ces der­nières années, redé­fi­nis­sant en pro­fon­deur le fonc­tion­ne­ment de l’État et sa rela­tion avec la socié­té. Comme le signale Rodri­go Uprim­ny (2011), les nou­velles Consti­tu­tions dans les dif­fé­rents pays de la région (voir tableau n° 1) ont pro­duit des chan­ge­ments nor­ma­tifs impor­tants, avec l’introduction de droits et de garan­ties plus amples, le déve­lop­pe­ment d’institutions nou­velles, l’incorporation d’acteurs sociaux ou eth­niques mar­gi­na­li­sés, l’établissement de règles éco­no­miques par­ti­cu­lières. Au point que l’on parle de plus en plus d’un nou­veau consti­tu­tion­na­lisme lati­no-amé­ri­cain pour rendre compte de ce phé­no­mène for­cé­ment complexe. 

Tableau n° 1 : Chan­ge­ments et réformes consti­tu­tion­nels en Amé­rique latine
Pays Chan­ge­ments
constitutionnels
Réformes
constitutionnelles
Argen­tine 1994
Boli­vie 2009
Bré­sil 1988
Colom­bie 1991
Cos­ta Rica 1989
Équa­teur 1998 et 2008
Mexique 1992
Para­guay 1992
Pérou 1993
Vene­zue­la 1999

[/Source : éla­bo­ré par les auteurs sur la base de R. Uprim­ny (2011)/]

Si ces chan­ge­ments consti­tu­tion­nels, par­fois annon­cés dans les pro­grammes de gou­ver­ne­ment des can­di­dats à la pré­si­dence (Vene­zue­la, Équa­teur) pré­sentent des dif­fé­rences impor­tantes, des points com­muns peuvent être rele­vés : tout d’abord, ces Consti­tu­tions visent à réa­li­ser l’unité natio­nale à tra­vers une recon­nais­sance accrue du plu­ra­lisme sous toutes ses formes (eth­nique, cultu­relle, etc.) ; la Boli­vie allant jusqu’à éta­blir l’existence d’un État plu­ri­na­tio­nal et à inté­grer des concepts pro­ve­nant de la tra­di­tion indi­gène, dépas­sant ain­si le simple cadre du consti­tu­tion­na­lisme libé­ral pour avan­cer, comme l’écrit Uprim­ny, vers des « formes consti­tu­tion­nelles plu­ri­na­tio­nales, inter­cul­tu­relles et expé­ri­men­tales. » Il y a éga­le­ment dans ces nou­velles Consti­tu­tions une recherche de pro­tec­tion des droits indi­vi­duels et col­lec­tifs pour les caté­go­ries de la popu­la­tion qui jusque-là en étaient exclues ; inté­grant par­fois des inno­va­tions (comme les droits de la nature). Il existe éga­le­ment une volon­té de ren­for­cer la démo­cra­tie par la créa­tion notam­ment d’instances citoyennes de contrôle de la ges­tion publique. Si la plu­part de ces Consti­tu­tions tentent aus­si de réduire les attri­bu­tions pré­si­den­tielles, dans les faits, le pou­voir pré­si­den­tiel reste pré­pon­dé­rant, bien au-delà du modèle nord-amé­ri­cain (la seule ten­ta­tive d’opter pour une for­mule par­le­men­taire s’est pro­duite au Bré­sil, mais cette pro­po­si­tion fut reje­tée par réfé­ren­dum) (Moderne, 2001).

Cepen­dant, pour reprendre les termes de Rodri­go Uprim­ny, si ces Consti­tu­tions ont une voca­tion nor­ma­tive et sont rem­plies d’aspirations à une socié­té plus juste, la dis­tance entre ce qui est pro­cla­mé par les textes consti­tu­tion­nels et la réa­li­té sociale et poli­tique des pays de la région est grande. L’Amérique latine conserve cette tra­di­tion d’adhérer théo­ri­que­ment aux formes consti­tu­tion­nelles (el dicho), mais d’avoir les plus grandes dif­fi­cul­tés à les mettre en pra­tique (el hecho). Néan­moins, elles expriment un « effort non négli­geable de créa­ti­vi­té démocratique ».

Répondre aux aspirations d’une société en mouvement

Plu­sieurs phé­no­mènes se sont pro­duits au cours des der­nières décen­nies qui tendent à démon­trer le carac­tère émergent des socié­tés lati­no-amé­ri­caines : la tran­si­tion démo­gra­phique, la réduc­tion pro­fonde de la pau­vre­té (mais pas pour autant des inéga­li­tés), l’émergence (voire dans cer­tains cas la réémer­gence) d’une classe moyenne, une san­té éco­no­mique que tra­duit le taux moyen de crois­sance pour la région au cours de la décen­nie écou­lée (5 %). Ces phé­no­mènes pré­sentent autant d’opportunités que de défis pour le continent.

Au-delà du poids de l’État, évo­qué ci-des­sus, l’analyse de l’évolution des dépenses sociales per­met de mesu­rer le volon­ta­risme de l’État dans la région la plus inéga­li­taire au monde.

Selon la Cepal (2012), les États lati­no-amé­ri­cains consacrent en moyenne près de 15 % de leurs res­sources aux dépenses sociales (elles sont aujourd’hui d’environ 22 % dans les pays de l’OCDE), en constante aug­men­ta­tion depuis la fin des années 1990. Les pays lati­no-amé­ri­cains connaissent de grandes dis­pa­ri­tés en la matière, entre Cuba, qui consacre envi­ron 40 % de son PIB aux dépenses sociales, l’Argentine et le Bré­sil (plus de 25 %), et le Pérou, le Para­guay et le Gua­te­ma­la qui n’y consacrent que 8 %. Mesu­rées par tête d’habitant, les dépenses sociales sont ain­si de 201 dol­lars au Pérou alors qu’elles sont, avec 2 387 dol­lars, dix fois supé­rieures en Argen­tine (Lavrard-Meyer, 2012).

On peut se deman­der quel a été l’impact de cette aug­men­ta­tion des dépenses sociales sur la pau­vre­té, la mobi­li­té sociale et les inéga­li­tés dans la région.

Il est indé­niable que le taux de pau­vre­té a bais­sé dans la région, où aujourd’hui 28,8 % (2012) de la popu­la­tion vivent sous le seuil de pau­vre­té (et 11,4 % sous le seuil d’extrême pau­vre­té), ce qui repré­sente une baisse de 15 points par rap­port à 2002, la crois­sance ayant béné­fi­cié en par­tie aux couches les plus modestes de la popu­la­tion. Cepen­dant, der­rière ce taux moyen se cachent d’autres réa­li­tés, les popu­la­tions rurales et indi­gènes demeu­rant les plus tou­chées par ce phé­no­mène. Bien évi­dem­ment, en matière de pau­vre­té aus­si, les dis­pa­ri­tés sont impor­tantes, entre le Chi­li (11 % en 2011) et le Para­guay (49,6 %).

En matière de mobi­li­té sociale, les poli­tiques menées ont eu des résul­tats contras­tés, alors qu’elles sont de nature à pré­ser­ver une cer­taine cohé­sion sociale dans un contexte inéga­li­taire. La mobi­li­té sociale est un fac­teur clé de légi­ti­ma­tion de la crois­sance, dans la mesure où cha­cun peut croire en sa capa­ci­té de pro­fi­ter de celle-ci. Dans la région, si plu­sieurs pays (Argen­tine, Bré­sil, Chi­li, Équa­teur) ont vu leur mobi­li­té sociale pro­gres­ser de manière sen­sible au cours de la décen­nie écou­lée, d’autres pays, comme le Pérou ou la Boli­vie, ont vu leur mobi­li­té sociale stag­ner voire régres­ser entre 2000 et 2010 (Lavrard-Meyer, 2012).

Concer­nant les inéga­li­tés, une étude menée par Nora Lus­tig tend à mon­trer qu’en Amé­rique latine, elles ont dimi­nué de près de 10 % au cours de la der­nière décen­nie (Lus­tig et al, 2011). Selon cette même étude, la réduc­tion des inéga­li­tés et de la pau­vre­té est due à deux fac­teurs : la crois­sance éco­no­mique de la région et son impact sur le mar­ché du tra­vail, à savoir la créa­tion d’emplois, et l’augmentation des inves­tis­se­ments sociaux. Cela semble être par­ti­cu­liè­re­ment vrai dans les pays qui ont réus­si à aug­men­ter non seule­ment la pré­sence de l’État, mais où cette pré­sence a mis l’accent sur la créa­tion d’opportunités grâce à des dépenses sociales (pro­grammes de trans­ferts d’argent condi­tion­nés). La région demeure l’une des plus inéga­li­taires au monde (sur les quinze pays les plus inéga­li­taires au monde, dix sont lati­no-amé­ri­cains), avec un coef­fi­cient moyen de 0,50 contre 0,30 en Europe.

Selon la Banque mon­diale, la classe moyenne a connu une aug­men­ta­tion de 50 % en moins d’une décen­nie, repré­sen­tant une popu­la­tion de 152 mil­lions de per­sonnes (2009) à com­pa­rer avec les 103 mil­lions de 2003 (Fer­rei­ra et alii, 2013), un indi­ca­teur clair de l’émergence du conti­nent. Mais comme l’écrit Sébas­tien Velut, cette émer­gence ne pro­cède pas seule­ment d’une élé­va­tion des reve­nus moyens, mais aus­si de l’intégration d’une frange crois­sante de la popu­la­tion dans des dis­po­si­tifs for­mels d’accès au loge­ment, à la san­té, au cré­dit, à l’éducation et à la consom­ma­tion. Il demeure néan­moins chez elles une crainte du déclas­se­ment, comme ce fut le cas en Argen­tine au début des années 2000 du fait de la crise finan­cière et par la fai­blesse actuelle des sys­tèmes de pro­tec­tion sociale. Des aspi­ra­tions qui se sont expri­mées récem­ment dans la rue au Bré­sil, au Mexique et au Chili.

Renforcer la durabilité des moyens de l’État

La moyenne des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires en Amé­rique latine est faible à com­pa­rer avec les pays de l’OCDE, qui sont d’environ 16 à 17 % pour les pays lati­no-amé­ri­cains et d’environ 36 % pour les pays de l’OCDE. Si plu­sieurs pays du conti­nent atteignent des niveaux simi­laires aux pays indus­triels (Bré­sil, Argen­tine, Uru­guay), d’autres pays ont des taux de pré­lè­ve­ment très faibles, aux alen­tours de 10 % (Para­guay, Colom­bie, Mexique, Gua­te­ma­la, etc.). Ces taux expriment la fai­blesse struc­tu­relle de cer­tains États. De plus, les res­sources déga­gées par cer­tains États ont pour ori­gine les royal­ties qu’octroient l’exploitation de matières pre­mières et les reve­nus de la fis­ca­li­té indi­recte (la TVA, notam­ment), l’impôt sur le reve­nu res­tant assez mar­gi­nal dans la région, et impli­quant un emploi dans l’économie for­melle (alors que l’économie infor­melle repré­sente 40 % des richesses pro­duites dans la région). Georges Couf­fi­gnal (2012) dégage trois consé­quences de cette fai­blesse des poli­tiques fis­cales : tout d’abord, les États conti­nuent à man­quer de moyens humains, for­més et stables, pour consti­tuer un appa­reil d’État solide et assu­rer la conti­nui­té dans l’exécution des poli­tiques publiques ; ensuite, l’impôt sur le reve­nu étant peu per­çu, la fis­ca­li­té ne peut avoir une fonc­tion redis­tri­bu­tive ; enfin, le taux d’évasion fis­cale dans la région est très éle­vé. G. Couf­fi­gnal de conclure : « Pour construire des États forts et effi­cients en termes de déve­lop­pe­ment, de jus­tice et de cohé­sion sociale, [les pays d’Amérique latine] devront s’engager dans une “longue péda­go­gie de l’impôt”. »

Gra­phiques n° 4 : Moyenne des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires en Amé­rique latine (en % du PIB)
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[/Source : Cepal (2008 – 2009). Évo­lu­tion des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires (1990, 2000, 2010) (en % du PIB)
/]

Évo­lu­tion des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires en Amé­rique latine (1990, 2000, 2010) (en % du PIB)

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[/Source : OCDE/CEPAL/CIAT (2 012), Estadís­ti­cas tri­bu­ta­rias en Amé­ri­ca Lati­na/]

Les défis de l’État en Amérique latine aujourd’hui

Nous l’avons vu : mal­gré le retour remar­qué de l’État au cours des quinze der­nières années, de nom­breux défis res­tent à rele­ver. L’Amérique latine voit ain­si sa popu­la­tion vieillir, alors que seuls 40 % des per­sonnes de plus de soixante ans touchent une pen­sion de retraite. Les jeunes aus­si (20 % de la popu­la­tion a entre quinze et vingt-quatre ans) demandent que l’État réponde à leurs aspi­ra­tions. Sans comp­ter l’apparition d’une classe moyenne impor­tante, en demande de ser­vices de qua­li­té et d’un État démo­cra­tique et efficient.

Si l’on se penche sur l’évolution de la confiance dans les ins­ti­tu­tions de l’État entre 1996 et 2004 (voir gra­phique ci-des­sous), il appa­rait clai­re­ment qu’après avoir connu un creux à la fin des années 1990, cette confiance se remet à croitre (Cal­de­ron, 2010). (GRAPH 3)

Cepen­dant, seuls 39 % des citoyens lati­no-amé­ri­cains se montrent satis­faits de leur démo­cra­tie. À com­pa­rer avec l’Europe, l’écart se res­sert, mais le pes­si­misme reste de mise, mal­gré les avan­cées démo­cra­tiques qu’a connues le conti­nent depuis une quin­zaine d’années.

En matière de cor­rup­tion, notons que, selon le Glo­bal Cor­rup­tion Baro­me­ter 2013, si ce sont les par­tis poli­tiques qui, dans les pays lati­no-amé­ri­cains, sont per­çus comme les plus cor­rom­pus, ils sont sui­vis de près par les par­le­men­taires et les fonc­tion­naires de l’administration, ces der­niers obte­nant un score moyen de 3,9 (sur une échelle de 1 à 5, 5 signi­fiant une ins­ti­tu­tion per­çue comme hau­te­ment cor­rom­pue). C’est au Mexique (4,5), au Vene­zue­la et au Sal­va­dor (avec un score de 4,3 tous les deux) que les fonc­tion­naires sont per­çus comme étant les plus corrompus.

Au vu de la situa­tion ana­ly­sée ci-des­sus, nous consi­dé­rons, qu’en résu­mé, l’État en Amé­rique latine devra faire face à quatre défis principaux.

L’État inclusif

Nous l’avons vu : si l’État a été un moteur de la réduc­tion de la pau­vre­té en Amé­rique latine au cours de la der­nière décen­nie, les inéga­li­tés demeurent un défi majeur de la région.

Une enquête sur les per­cep­tions de la jus­tice sociale a été menée en 2010 dans dix pays, dont le Bré­sil. Il res­sort ain­si des résul­tats que les citoyens bré­si­liens consi­dèrent majo­ri­tai­re­ment que les inéga­li­tés ont aug­men­té au cours des dix der­nières années, sur­tout en matière d’accès aux soins, d’éducation et de salaires (Broo­kings Ins­ti­tu­tion, 2010).

Ain­si, la vul­né­ra­bi­li­té per­sis­tante de la classe moyenne (Banque mon­diale, 2013) néces­site de la part de l’État des poli­tiques adé­quates orien­tées vers cette frange de la popu­la­tion. Les attentes de cette par­tie de la socié­té à l’égard de ser­vices de meilleure qua­li­té se sont d’ailleurs affir­mées avec vigueur ces der­niers mois au Chi­li, au Mexique et au Bré­sil. Ain­si, un mil­lion de Bré­si­liens se sont mobi­li­sés pour deman­der de meilleurs ser­vices publics dans les sec­teurs de l’éducation, de la san­té et du trans­port et pro­tes­ter contre la cor­rup­tion. D’ailleurs, 75 % de la popu­la­tion au Bré­sil dit appuyer ces protestations.

Il s’avère dès lors indis­pen­sable pour l’État de créer, en étroite coor­di­na­tion avec les orga­ni­sa­tions sociales, les entre­prises et le sec­teur aca­dé­mique, des ins­ti­tu­tions et de mettre en place des poli­tiques publiques qui, sans oublier les plus pauvres, génè­re­ront des ser­vices publics uni­ver­sels et de qua­li­té diri­gés vers ce seg­ment de la population.

Cette inclu­sion devra aus­si concer­ner les groupes eth­niques mar­gi­na­li­sés (indi­gènes, afro­des­cen­dants, etc.), souf­frant d’un manque d’accès aux ser­vices de l’État, dans le domaine de l’éducation par exemple, et cela dans l’objectif de mettre en place des socié­tés plus équi­tables et inclusives.

L’État innovateur

Plu­sieurs articles de ce dos­sier mettent l’accent sur cet aspect (voir l’article d’André Devaux et celui d’Arnaud Zacha­rie) : il est essen­tiel pour l’Amérique latine d’investir dans l’innovation pour sor­tir du modèle expor­ta­teur de biens pri­maires (50 % des biens expor­tés à ce jour), dépen­dant de mar­chés oli­go­po­lis­tiques, et ain­si offrir des pro­duits à plus forte valeur ajou­tée. Cepen­dant, les inves­tis­se­ments en R&D dans la région demeurent ter­ri­ble­ment faibles, à une excep­tion près (le Bré­sil), à com­pa­rer avec les pays de l’OCDE. Ain­si, la plu­part des pays lati­no-amé­ri­cains consacrent moins de 0,5 % de leur PIB à l’innovation, alors que les pays de l’OCDE atteignent des niveaux cinq fois supé­rieurs. Si des ins­ti­tu­tions ont été créées pour sou­te­nir l’innovation dans de nom­breux pays (Argen­tine, Chi­li, Bré­sil), ces efforts res­tent insuf­fi­sants au regard des retards de com­pé­ti­ti­vi­té et de pro­duc­ti­vi­té de la région.

Le financement durable des États

Comme le note G. Couf­fi­gnal, un État fort doit pou­voir s’appuyer non seule­ment sur des ins­ti­tu­tions fortes, mais aus­si se doter de moyens suf­fi­sants pour mettre en œuvre ses poli­tiques publiques. Les poli­tiques sociales mises en œuvre ces der­nières années ont prin­ci­pa­le­ment été finan­cées par les res­sources que l’État tire de cer­taines acti­vi­tés extrac­tives (pétrole, mine­rais), non durables par nature. Il faut donc aux États lati­no-amé­ri­cains des réformes fis­cales qui leur per­mettent de géné­rer les res­sources néces­saires à leurs poli­tiques. Cela pas­se­ra par un pacte fis­cal et une édu­ca­tion du citoyen à l’impôt, en lui démon­trant les impacts des poli­tiques menées grâce à ses contri­bu­tions. Ces sys­tèmes fis­caux néces­sitent éga­le­ment des struc­tures admi­nis­tra­tives solides, consti­tuées d’agents bien for­més et non cor­rom­pus, ce qui nous amène à notre der­nier défi.

¿ MÁs o mejor estado ?

Comme nous l’avons vu plus haut, si la taille de l’État a aug­men­té ces der­nières années en Amé­rique latine, elle reste bien infé­rieure aux États des pays indus­triels. Pour être effi­cace, il est néces­saire que les États se dotent d’outils adé­quats en matière de pla­ni­fi­ca­tion, de coor­di­na­tion des poli­tiques et ren­forcent leurs res­sources humaines (OCDE/Cepal, 2011). Ain­si, l’État en Amé­rique latine demeure en matière d’e‑government, selon le Glo­bal Infor­ma­tion Tech­no­lo­gy Report (2013), à la traine dans l’utilisation des nou­velles tech­no­lo­gies pour faci­li­ter ses rela­tions avec le citoyen, et cela même si cer­tains pays font figure de pion­niers dans la région (Colom­bie, Uru­guay ou Panama).

La fonc­tion publique, qui subit encore les réper­cus­sions de la nou­velle ges­tion publique mise en place durant la période néo­li­bé­rale, demeure « sous-admi­nis­trée, sous-gérée » (Edgar Mon­tiel). En matière d’emplois publics, la région reste loin de la taille des admi­nis­tra­tions dans les pays de l’OCDE et quelques pays ont enta­mé des réformes pour se doter de hauts fonc­tion­naires (Pérou, Mexique, Chi­li). La pro­fes­sion­na­li­sa­tion de l’administration est un enjeu cru­cial pour que l’État en Amé­rique latine amé­liore les ser­vices qu’il rend au citoyen.

  1. Au moment où nous écri­vons ces lignes, la gauche s’apprête à gagner une nou­velle élec­tion avec, au Chi­li, le retour de Michelle Bache­let à la Moneda.

De Muynck Eric


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