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L’avenir de l’énergie, selon le P‑DG de Total

Numéro 11 Novembre 2010 par François Houtart

novembre 2010

Le ven­dre­di 10 sep­tembre 2010, Mon­sieur de Mar­ge­rie, pré­­sident-direc­­teur géné­ral de Total, a don­né une confé­rence sur l’avenir de l’énergie au Cercle de Lor­raine dans ses nou­veaux locaux, l’ancien hôtel de Merode, encore en réno­va­tion et qui sera inau­gu­ré fin du mois. Je ne suis pas membre du Cercle, mais les confé­rences sont publiques et j’ai […]

Le ven­dre­di 10 sep­tembre 2010, Mon­sieur de Mar­ge­rie, pré­sident-direc­teur géné­ral de Total, a don­né une confé­rence sur l’avenir de l’énergie au Cercle de Lor­raine dans ses nou­veaux locaux, l’ancien hôtel de Merode, encore en réno­va­tion et qui sera inau­gu­ré fin du mois. Je ne suis pas membre du Cercle, mais les confé­rences sont publiques et j’ai donc (chè­re­ment) payé ma place.

Très bel amé­na­ge­ment, dans un gout par­fait. Public très sélect : hommes d’affaires, aris­to­crates, res­pon­sables politiques.

Le confé­ren­cier est intro­duit par Albert Frère, qui fait l’éloge de ses qua­li­tés de diplo­mate et dit son admi­ra­tion face à sa car­rière ful­gu­rante, mal­gré le fait qu’il ne soit pas sor­ti d’une Grande École. Il sou­ligne aus­si sa grande com­pé­tence en matière de whis­ky grâce à une biblio­thèque unique sur le sujet, et sa légen­daire répu­ta­tion de fré­quents retards. Visi­ble­ment l’orateur n’a appré­cié que modé­ré­ment la pré­sen­ta­tion de son col­lègue, à qui il répond en disant que l’École supé­rieure de com­merce de Paris dont il est issu est l’une des meilleures, met ses retards sur le compte de son res­pect des autres et lui donne du « Baron » toutes les vingt secondes.

La thèse de Mar­ge­rie est qu’il ne faut pas s’alarmer : on a encore pour deux-cents, si pas trois-cents ans de pétrole devant nous. Les autres sources d’énergie sont les bien­ve­nues, pas concur­rentes, mais com­plé­men­taires et sont et res­te­ront mar­gi­nales : 8% aujourd’hui et tout au plus 25% en 2030. Une bonne par­tie d’entre elles sont d’ailleurs éco­no­mi­que­ment inin­té­res­santes, car non viables sans sub­sides des États. Et il s’en prend par­ti­cu­liè­re­ment aux éoliennes.

Quant au pro­jet alle­mand de faire venir de l’énergie pro­duite par des pan­neaux solaires en Algé­rie, il est de l’ordre de l’utopie. Il existe du pétrole et du gaz dans le monde et il existe des gens qui en ont besoin. La tâche d’une entre­prise comme Total est de faire le lien entre les deux, peu importe le lieu où se trouve le pétrole ou le régime poli­tique qui pré­side aux des­ti­nées du ter­ri­toire où se trouve l’énergie. Du temps de la guerre froide, il fal­lait éta­blir des contacts com­mer­ciaux avec l’URSS, car elle était impor­tante pour l’approvisionnement. Il en est de même avec l’Iran. Pour l’Europe, les vrais com­pé­ti­teurs sont la Chine et les États-Unis.

En conclu­sion, le monde n’a pas besoin de Total, mais il a besoin de pétrole et dans la mesure où Total peut être utile, il sera tou­jours à disposition.

Applau­dis­se­ments nour­ris de l’assistance.

Période de ques­tions : on manque de temps et seules trois per­sonnes pour­ront en poser. J’ai la chance d’être le pre­mier et je pose deux questions :

1) Pour­quoi l’orateur n’a‑t-il pas par­lé des agro­car­bu­rants, alors que les plans actuels pré­voient l’utilisation de dizaines de mil­lions d’hectares dans les pays du Sud, avec les consé­quences éco­lo­giques que l’on sait et l’expulsion de dizaines de mil­lions de pay­sans de leurs terres ?

2) Y a‑t-il un lien entre la mili­ta­ri­sa­tion du monde et le pétrole ?

Mur­mures répro­ba­teurs de l’assemblée.

Réponses de l’orateur :

1) À part l’éthanol en pro­ve­nance de la canne à sucre, les autres solu­tions ne sont pas valables et il est scan­da­leux de les pro­mou­voir. Il faut de la trans­pa­rence dans ce domaine.

2) En effet, nous avons été pris, mal­gré nous, dans des pro­blèmes poli­tiques et militaires.

En sor­tant, je croise M. de Mar­ge­rie, qui me dit : « Vous m’avez mis face à des ques­tions très compliquées. »

Conclu­sions : com­ment des diri­geants avec de telles res­pon­sa­bi­li­tés peuvent-ils tenir un pareil dis­cours : y croient-ils vrai­ment ? Et si c’est le cas, quel est le niveau d’analyse où ils se situent ? Si le pétrole se trou­vait sur la pla­nète Mars ou sur la Lune, leur posi­tion ne serait pas dif­fé­rente. Le contexte et les exter­na­li­tés n’existent pas. Y a‑t-il vrai­ment une pla­nète ? Y a‑t-il des êtres humains ? Com­ment un public aus­si sélect peut-il sans réagir accep­ter tout cela ? Pro­ba­ble­ment parce qu’il appar­tient à la même culture, ou inculture.

François Houtart


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