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L’Académie royale de Belgique fait peau neuve

Numéro 12 Décembre 2009 par Geneviève Warland

décembre 2009

L’Académie royale de Bel­gique, fon­dée à Bruxelles par l’impératrice Marie-Thé­­rèse en 1772 et des­ti­née à pro­mou­voir les sciences, les arts et les lettres dans ce ter­ri­toire nom­mé alors Pays-Bas (repré­sen­tant les deux tiers de la Bel­gique actuelle), est l’objet depuis 2008 d’une réor­ga­ni­sa­tion sous la direc­tion de son nou­veau secré­taire per­pé­tuel, Her­vé Has­quin. Ce der­nier, ancien professeur […]

L’Académie royale de Bel­gique, fon­dée à Bruxelles par l’impératrice Marie-Thé­rèse en 1772 et des­ti­née à pro­mou­voir les sciences, les arts et les lettres dans ce ter­ri­toire nom­mé alors Pays-Bas (repré­sen­tant les deux tiers de la Bel­gique actuelle), est l’objet depuis 2008 d’une réor­ga­ni­sa­tion sous la direc­tion de son nou­veau secré­taire per­pé­tuel, Her­vé Has­quin. Ce der­nier, ancien pro­fes­seur en his­toire et rec­teur de l’université libre de Bruxelles, qui fut ministre-pré­sident de la Com­mu­nau­té fran­çaise pour ne citer qu’une de ses nom­breuses fonc­tions poli­tiques, sou­haite voir la plus vieille ins­ti­tu­tion scien­ti­fique du pays occu­per à nou­veau une place de choix dans l’espace public belge via sa mis­sion ini­tiale : la for­ma­tion des esprits.

Lieu d’échanges et de com­mu­ni­ca­tions scien­ti­fiques entre per­son­na­li­tés recon­nues, cette ins­ti­tu­tion se devait, selon Has­quin inter­ro­gé à Sans Détours sur Télé­Bruxelles le 18 novembre 2009, de quit­ter la « stra­to­sphère » dans laquelle elle se trou­vait et deve­nir une « aca­dé­mie citoyenne », en prise avec les ques­tions et les besoins du temps. Plu­sieurs créa­tions ont ain­si vu le jour : une qua­trième Classe, le Col­lège Bel­gique et le Col­lège des Alumni.

Lors de la séance solen­nelle d’ouverture le 3 octobre 2009, l’Académie, com­po­sée de trois classes (Classe des Arts, Classe des Lettres et des Sciences morales et poli­tiques, Classe des Sciences), s’est vue dotée de la Classe « Tech­no­lo­gie et Socié­té », laquelle pour­suit le but de réflé­chir aux impli­ca­tions sociales, éco­no­miques, envi­ron­ne­men­tales, cultu­relles et éthiques des inno­va­tions technologiques.

Quant au Col­lège Bel­gique, fon­dé en 2008, il pro­pose à l’intention du grand public des cours-confé­rences dis­pen­sés par des scien­ti­fiques recon­nus dans leur domaine. Ils portent sur des thé­ma­tiques res­sor­tant à la fois aux sciences natu­relles et aux sciences his­to­riques, sociales ou poli­tiques. À titre indi­ca­tif, voi­ci quelques leçons au pro­gramme du mois de novembre 2009 : Intro­duc­tion à l’information quan­tique et au cal­cul quan­tique ; Musique/arts plas­tiques. Inter­sec­tions au XXe siècle ; La Renais­sance et ses décou­vertes. Aux ori­gines de l’identité euro­péenne ; La nais­sance des idéo­lo­gies selon Sartre ; Experts et jour­na­listes. La repré­sen­ta­tion des sciences dans la socié­té ; De l’imagerie céré­brale à la conscience éthique ; L’autonomie du patient confron­té aux balises légales ; Res­sources natu­relles et géo­po­li­tiques ; Image et texte dans l’art en Bel­gique. Quand le peintre prend la plume… Cette liste non exhaus­tive suf­fit à convaincre de la diver­si­té et de l’intérêt des thèmes proposés.

Les cours-confé­rences, ouverts à tous, ont lieu soit au Palais des Aca­dé­mies à Bruxelles, soit au Palais pro­vin­cial de Namur. Pour l’historien Her­vé Has­quin, pas­sion­né du siècle des Lumières et auteur d’un ouvrage sur Joseph II, catho­lique anti­clé­ri­cal et réfor­ma­teur impa­tient (Bruxelles, Racine, 2007), une telle dif­fu­sion du savoir aca­dé­mique ne pou­vait, en effet, se limi­ter aux fron­tières de la capi­tale de la Région bruxel­loise : elle concerne tout autant la capi­tale de la Région wallonne.

Outre le Col­lège Bel­gique, créé sur le modèle du Col­lège de France qui en a accep­té le par­rai­nage, l’Académie a ouvert ses portes aux artistes, écri­vains et cher­cheurs belges et étran­gers de deux façons : d’un côté, par l’instauration d’un Col­lège des Alum­ni ras­sem­blant pen­dant cinq ans les lau­réats des concours, prix et sub­ven­tions décer­nés par l’Académie, orga­ni­sant des ren­contres au-delà des cli­vages dis­ci­pli­naires et géné­ra­tion­nels, et contri­buant de la sorte à la pro­mo­tion des talents, laquelle consti­tue « une des mis­sions essen­tielles des aca­dé­mies natio­nales» ; de l’autre, par l’accès à la biblio­thèque de l’Académie, réno­vée et agran­die, laquelle contient d’importantes res­sources en diverses langues, incluant non seule­ment les publi­ca­tions de l’Académie (mémoires, annuaires, bul­le­tins des dif­fé­rentes Classes de même que la Bio­gra­phie natio­nale) depuis sa fon­da­tion, mais aus­si des dons (notam­ment les biblio­thèques d’anciens aca­dé­mi­ciens), les col­lec­tions d’autres Aca­dé­mies d’Europe et du monde ain­si que de nom­breuses revues scientifiques.

La phi­lo­so­phie de ces inno­va­tions suc­ces­sives peut se résu­mer de la façon sui­vante : « De ce pro­jet devrait résul­ter un sur­croît de visi­bi­li­té pour l’Académie et les aca­dé­mi­ciens, mieux iden­ti­fiés comme un lieu de pro­duc­tion de savoirs — et de savoirs très actuels — et non pas comme un conser­va­toire de connais­sances quelque peu défraî­chies », pour reprendre les paroles pro­non­cées par Fran­çois de Cal­la­taÿ, pré­sident du Col­lège des Alum­ni lors de son inau­gu­ra­tion le 6 décembre 2008. Gri­son­nante et désuète, l’Académie, non ! Ou, plu­tôt, plus !

Enfin, la redy­na­mi­sa­tion à laquelle la sage ins­ti­tu­tion a été sou­mise se mesure à l’aune de son site inter­net. Déci­dé­ment, une belle relance, dont chaque citoyen(ne) peut profiter !

Geneviève Warland


Auteur

Geneviève Warland est historienne, philosophe et philologue de formation, une combinaison un peu insolite mais porteuse quand on veut introduire des concepts en histoire et réfléchir à la manière de l’écrire. De 1991 à 2003, elle a enseigné en Allemagne sous des statuts divers, principalement à l’université : Aix-la-Chapelle, Brême, et aussi, par la suite, Francfort/Main et Paderborn. Cette vie un peu aventurière l’a tout de même ramenée en Belgique où elle a travaillé comme assistante en philosophie à l’USL-B et y a soutenu en 2011 une thèse intégrant une approche historique et une approche philosophique sur les usages publics de l’histoire dans la construction des identités nationales et européennes aux tournants des XXè et XXIè siècles. Depuis 2012, elle est professeure invitée à l’UCLouvain pour différents enseignements en relation avec ses domaines de spécialisation : historiographie, communication scientifique et épistémologie de l’histoire, médiation culturelle des savoirs en histoire. De 2014 à 2018, elle a participé à un projet de recherche Brain.be, à la fois interdisciplinaire et interuniversitaire, sur Reconnaissance et ressentiment : expériences et mémoires de la Grande Guerre en Belgique coordonné par Laurence van Ypersele. Elle en a édité les résultats scientifiques dans un livre paru chez Waxmann en 2018 : Experience and Memory of the First World War in Belgium. Comparative and Interdisciplinary Insights.