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Jeux d’autonomies dans le système scolaire

Numéro 05/6 Mai-Juin 2010 par Pierre Reman

mai 2010

L’at­ta­che­ment et l’in­té­rêt que nombre d’ac­teurs portent à l’é­cole sont sou­vent mâti­nés d’in­quié­tudes face aux trans­for­ma­tions pro­fondes que le sys­tème sco­laire connait depuis plus d’une décen­nie et aux défis consi­dé­rables aux­quels il est confron­té. Voi­là pour­quoi La Revue nou­velle ali­mente à nou­veau le débat sur l’é­cole, après avoir consa­cré déjà de nom­breux articles et dos­siers à l’en­sei­gne­ment. Car […]

L’at­ta­che­ment et l’in­té­rêt que nombre d’ac­teurs portent à l’é­cole sont sou­vent mâti­nés d’in­quié­tudes face aux trans­for­ma­tions pro­fondes que le sys­tème sco­laire connait depuis plus d’une décen­nie et aux défis consi­dé­rables aux­quels il est confron­té. Voi­là pour­quoi La Revue nou­velle ali­mente à nou­veau le débat sur l’é­cole, après avoir consa­cré déjà de nom­breux articles et dos­siers à l’en­sei­gne­ment. Car les débats res­tent vifs en matière d’é­du­ca­tion. Si un cer­tain consen­sus — au moins rhé­to­rique — semble par­ta­gé quant à l’i­den­ti­fi­ca­tion des pro­blèmes, c’est loin d’être le cas en ce qui concerne les mesures à prendre. Le fait de recon­naitre que le sys­tème souffre d’i­nef­fi­ca­ci­té et d’i­né­ga­li­tés ne suf­fit par exemple pas à mettre les acteurs d’ac­cord sur le « bon » dosage d’au­to­no­mie et de régu­la­tion à intro­duire dans le système.

La per­sis­tance du débat sur l’é­cole et le sen­ti­ment qu’il n’a­borde pas cer­taines ques­tions cen­trales nous ont pous­sés à reve­nir sur le sujet en publiant les actes d’un col­loque orga­ni­sé récem­ment sur le thème « Auto­no­mies et régu­la­tions en ten­sion dans le sys­tème sco­laire1 ». Pour­quoi avoir pris un tel angle d’ap­proche ? D’a­bord parce qu’au­to­no­mie et régu­la­tion sont des termes for­te­ment uti­li­sés dans le débat public, non seule­ment en Bel­gique, mais aus­si en Europe2. Mais plus pro­fon­dé­ment parce que, mal­gré leurs pro­fondes ambigüi­tés, ces deux concepts peuvent consti­tuer des clés de lec­ture per­met­tant de décryp­ter la com­plexi­té du sys­tème sco­laire, le carac­tère hybride de son mode de gou­ver­nance et les muta­tions pro­fondes décou­lant des déci­sions poli­tiques et des chan­ge­ments de com­por­te­ment de mul­tiples acteurs.

Dans ce numé­ro, les deux concepts d’au­to­no­mie et de régu­la­tion ont été mis en ten­sion et pas en oppo­si­tion. Nous avons vou­lu prendre dis­tance par rap­port à la ver­sion « liber­ta­rienne » qui per­çoit la régu­la­tion uni­que­ment comme une limi­ta­tion de l’au­to­no­mie. La réa­li­té est de fait bien plus com­plexe. Trois exemples emprun­tés à des domaines non sco­laires montrent que les deux concepts ne s’op­posent pas néces­sai­re­ment. Le pre­mier indique que l’au­to­no­mie peut être consti­tu­tive d’un mode de régu­la­tion. C’est le cas du « bipar­tisme », un mode de concer­ta­tion sociale fon­dé sur une auto­no­mie de négo­cia­tion des inter­lo­cu­teurs sociaux. Déré­gu­ler cette forme de concer­ta­tion revien­drait para­doxa­le­ment à res­treindre l’au­to­no­mie des acteurs sociaux à négo­cier des com­pro­mis ou à prendre une déci­sion. Un autre exemple emprun­té au sec­teur de la san­té indique que cer­taines régu­la­tions consti­tuent une condi­tion d’exer­cice effec­tif d’une auto­no­mie. On peut en effet sou­te­nir la thèse que la liber­té thé­ra­peu­tique du méde­cin s’exerce avec plus de force dans le cadre d’une assu­rance-mala­die obli­ga­toire orga­ni­sée sur la base de conven­tions et de règle­men­ta­tions ren­dant les soins acces­sibles à toute la popu­la­tion que dans un cadre où la san­té serait une simple mar­chan­dise. Un troi­sième exemple indique que, his­to­ri­que­ment, il a fal­lu des régu­la­tions impor­tantes pour que soient créées des condi­tions de pos­si­bi­li­té de l’au­to­no­mie des indi­vi­dus. Les his­to­riens montrent suf­fi­sam­ment que l’es­sor des assu­rances sociales et de la sécu­ri­té sociale a per­mis aux indi­vi­dus d’être de plus en plus auto­nomes dans un contexte où les soli­da­ri­tés longues ont pris le des­sus sur les soli­da­ri­tés courtes.

On le voit : la réa­li­té est com­plexe. Et il serait absurde, dans ces condi­tions, de pro­mou­voir le tout à l’au­to­no­mie ou le tout à la régu­la­tion. Ce qui ras­semble les contri­bu­tions du dos­sier, ce n’est d’ailleurs pas un « pro­gramme », mais une envie de ques­tion­ner, d’ou­vrir la dis­cus­sion, voire de renou­ve­ler les termes d’un débat qui touche à des valeurs, des tra­di­tions, des inté­rêts, des convic­tions et des idéaux. Les auteurs par­tagent la volon­té de don­ner plus d’in­tel­li­gi­bi­li­té aux pro­fondes évo­lu­tions du sys­tème et aux posi­tions des dif­fé­rents acteurs. Ils ne par­tagent pas néces­sai­re­ment les mêmes points de vue. Leurs angles d’ap­proche dif­fèrent et on ne trou­ve­ra pas un ali­gne­ment de tous sur les mêmes réfé­rents théo­riques ou sur les mêmes thèses.

Néan­moins, l’ap­proche est essen­tiel­le­ment socio­lo­gique et socio­po­li­tique. C’est déli­bé­ré­ment que nous avons pri­vi­lé­gié cet angle d’a­na­lyse, sans pour autant dis­qua­li­fier les tra­vaux d’é­co­no­mistes qui traitent aus­si de la ques­tion et nour­rissent le débat public3. Croi­ser les approches pour­rait d’ailleurs faire l’ob­jet d’un tra­vail futur. Mais ici, la volon­té consiste à élar­gir le débat auquel prennent part les éco­no­mistes. Pour nous, il ne peut en effet se limi­ter à dis­cu­ter de l’im­pact de l’au­to­no­mie sur l’é­ga­li­té ou l’efficacité.

Cette option nous a éga­le­ment pous­sés à ne pas nous limi­ter aux acteurs les plus sou­vent cités lors­qu’il s’a­git d’au­to­no­mie sco­laire, à savoir les éta­blis­se­ments, les pou­voirs orga­ni­sa­teurs et les ensei­gnants. Nous nous inté­res­sons aus­si à l’au­to­no­mie des élèves, des familles ou du sec­teur édu­ca­tif lui-même. Ce fai­sant, nous ten­tons de dépas­ser un débat confi­né aux ques­tions ins­ti­tu­tion­nelles de gou­ver­nance pour inter­ro­ger les sens du pro­jet d’é­du­ca­tion des jeunes à l’au­to­no­mie et la place de l’é­cole dans une socié­té en pro­fonde mutation.

La struc­ture du dos­sier reflète cette volon­té de dépla­ce­ment du regard. Il com­mence par quatre contri­bu­tions qui plantent le décor géné­ral. Elles posent notam­ment cette ques­tion fon­da­men­tale : com­ment réin­ven­ter le pro­jet édu­ca­tif de l’é­cole dans une socié­té aujourd’­hui bien dif­fé­rente de celle qui a ins­ti­tu­tion­na­li­sé et dif­fu­sé la forme sco­laire ? Le dos­sier aborde ensuite suc­ces­si­ve­ment les divers acteurs du sys­tème, en com­men­çant volon­tai­re­ment par les élèves et en trai­tant ensuite des autres acteurs, depuis ceux qui agissent au plan local jus­qu’à ceux qui inter­viennent au niveau central.

Les contri­bu­tions de ce dos­sier ne défendent pas toutes une même thèse. Elles ont cha­cune leur objet et leur point d’en­trée spé­ci­fiques. Pour autant, elles ne forment pas un patch­work inco­hé­rent. À leur lec­ture, un fil conduc­teur apparait.

Plu­sieurs auteurs sou­lignent d’a­bord que, pour pen­ser les pro­blèmes sco­laires, il importe de regar­der davan­tage les pro­fondes muta­tions socié­tales en cours. Luc Van Cam­pen­houdt et Ber­nard Del­vaux insistent par­ti­cu­liè­re­ment sur ce point. Tous deux sou­lignent com­bien, désor­mais, le sys­tème sco­laire et la com­mu­nau­té dans laquelle il s’ins­crit, sont pris dans un monde glo­ba­li­sé. Dans un tel contexte, le sys­tème sco­laire est contraint de s’a­dap­ter tout en ayant moins d’au­to­no­mie qu’a­vant puis­qu’il se trouve pris dans un « réseau com­plexe d’in­ter­dé­pen­dance et d’in­ter­ré­gu­la­tion » (Ber­nard Del­vaux) et « dans un pro­ces­sus dyna­mique et dis­cur­sif, sans issue stable » (Luc Van Cam­pen­houdt). Ces pro­fondes évo­lu­tions socié­tales se vivent aus­si au quo­ti­dien dans les rela­tions entre élèves et ensei­gnants. Les pre­miers, « plus qu’a­vant régu­lés par de mul­tiples acteurs externes dont les actions régu­la­trices sont moins qu’a­vant ali­gnées sur celles de l’é­cole » (Ber­nard Del­vaux), mani­festent sou­vent « dis­tance ou adhé­sion faible ou cal­cu­lée » à l’ins­ti­tu­tion sco­laire et une « exi­gence très forte de confron­ta­tion de soi dans des épreuves exté­rieures à l’é­cole » (Marie Verhoeven).

Ces chan­ge­ments, l’é­cole ne peut évi­dem­ment en faire fi. Elle est conduite à évo­luer du fait de ces trans­for­ma­tions et des inter­pel­la­tions éma­nant d’ac­teurs locaux (les élèves, leurs parents) ou supra­na­tio­naux (l’Eu­rope, l’OCDE…).

Ces pres­sions pèsent sur des acteurs qui s’ins­crivent dans un sys­tème mar­qué par une his­toire. Une his­toire trans­na­tio­nale, d’a­bord, puisque la forme sco­laire est le fruit du mou­ve­ment de « ratio­na­li­sa­tion de la vie col­lec­tive » et de « dif­fé­ren­cia­tion de l’ac­tion publique » qui s’est impo­sé dans les socié­tés occi­den­tales avant d’es­sai­mer (Luc Van Cam­pen­houdt). Une his­toire pro­pre­ment belge, ensuite, où les piliers laïcs et catho­liques ont struc­tu­ré cha­cun leur vaste réseau d’or­ga­ni­sa­tions et ont long­temps pour­sui­vi des fina­li­tés édu­ca­tives dis­tinctes (Chris­tian Maroy, Anne Van Haecht). Ces his­toires ne s’ef­facent pas d’un coup de baguette magique. Les chan­ge­ments aux­quels poussent les contraintes externes ne se font que par des acteurs dont les repré­sen­ta­tions et les inté­rêts ont été façon­nés par l’histoire.

Il est cepen­dant indé­niable que le sys­tème sco­laire belge fran­co­phone change. On peut en effet déce­ler un chan­ge­ment de para­digme, une modi­fi­ca­tion des rap­ports de force entre acteurs (et de leurs auto­no­mies rela­tives), ain­si qu’une com­plexi­fi­ca­tion du sys­tème de rela­tions entre acteurs.

Chris­tian Maroy attire l’at­ten­tion sur le fait qu’un nou­veau para­digme est de plus en plus ancré dans l’es­prit des déci­deurs. Il le nomme « sys­tème de pro­duc­tion sco­laire », en oppo­si­tion à l’an­cien para­digme de « l’ins­ti­tu­tion sco­laire ». Avec ce nou­veau para­digme, les déci­deurs voient de plus en plus l’é­cole comme une « orga­ni­sa­tion orien­tée vers la pro­duc­tion de com­pé­tences indi­vi­duelles et de diplômes utiles pour une inser­tion sociale et pro­fes­sion­nelle » et comme une orga­ni­sa­tion « qu’il convient de pilo­ter de la façon la plus effi­cace pos­sible ». Dans ce nou­veau para­digme, le sou­hai­table se tra­duit en termes de per­for­mances sco­laires cal­cu­lées sur la base d’in­di­ca­teurs chif­frés, ce qui consti­tue une rup­ture par rap­port aux normes géné­rales gui­dant la socia­li­sa­tion des indi­vi­dus à une com­mu­nau­té par­ta­geant un ensemble de valeurs. Les débats actuels sur l’au­to­no­mie témoignent de ce chan­ge­ment de para­digme puisque la per­ti­nence de l’au­to­no­mie y est dis­cu­tée en réfé­rence à des cri­tères d’ef­fi­ca­ci­té plus que de varié­té des pro­jets éducatifs.

Ce para­digme se tra­duit notam­ment dans des poli­tiques publiques de pilo­tage et d’é­va­lua­tion. Leur implan­ta­tion va de pair avec une modi­fi­ca­tion des rap­ports de force entre acteurs. L’É­tat, tra­di­tion­nel­le­ment faible en Bel­gique, se consti­tue depuis peu comme un acteur signi­fi­ca­tif. Les pou­voirs orga­ni­sa­teurs et les direc­tions perdent de leur auto­no­mie, tant par rap­port aux syn­di­cats (Xavier Del­grange, Marc Zune) que par rap­port aux fédé­ra­tions de pou­voirs orga­ni­sa­teurs (Hugues Drae­lants et Vincent Dupriez). Au niveau local, l’é­cole est en perte d’au­to­no­mie face aux élèves et aux familles même si elle conti­nue à mar­quer for­te­ment les uns et les autres de son empreinte (Marie Verhoe­ven, Danielle Mou­raux) et si le poids de ces acteurs locaux se tra­duit plus « par l’ad­di­tion des com­por­te­ments indi­vi­duels que par les effets de leur mobi­li­sa­tion col­lec­tive » (Vincent de Coorebyter).

Ces trans­for­ma­tions des rap­ports entre acteurs s’ac­com­pagnent d’une com­plexi­fi­ca­tion du sys­tème. Le décloi­son­ne­ment pro­gres­sif des piliers et les inter­dé­pen­dances crois­santes entre sec­teur édu­ca­tif et autres sec­teurs engendrent la mul­ti­pli­ca­tion de par­te­na­riats et de concer­ta­tions sou­vent bri­co­lés et mar­qués par la défiance (Fran­cis Lit­tré, Ber­nard Del­vaux). L’ab­sence d’in­té­rêts com­muns et de valeurs com­munes fortes ain­si que la ten­dance démo­cra­tique à contre­ba­lan­cer chaque pou­voir par un contre-pou­voir donnent à de nom­breux acteurs des rai­sons et des pos­si­bi­li­tés de contrer les actions d’autres acteurs (Luc Van Cam­pen­houdt, Ber­nard Del­vaux). Même si l’É­tat émerge comme acteur signi­fi­ca­tif, faible est son emprise. Les néces­saires com­pro­mis donnent nais­sance à des régu­la­tions par­fois contra­dic­toires (Vincent Carette et Jean-Pierre Dari­mont) et à des bri­co­lages (Fran­cis Lit­tré, Ber­nard Del­vaux). En dépit des trans­for­ma­tions en cours, qui sont loin d’être ano­dines, le sen­ti­ment géné­ral est dès lors que les réponses ne sont pas à la hau­teur des défis.

Il ne s’a­git pas ici d’ac­cu­ser les acteurs qui sont aux com­mandes, tant nous per­ce­vons bien la dif­fi­cul­té extrême de la tâche. Ce dos­sier, d’ailleurs, ne pro­pose pas de solu­tion miracle. Notre pro­po­si­tion se résume en fait à invi­ter les acteurs à chan­ger par­tiel­le­ment de point de vue, à poser autre­ment les ques­tions, à réflé­chir en dehors du para­digme du « sys­tème de pro­duc­tion », désor­mais domi­nant, à ne plus uni­que­ment débattre d’efficacité.

Il s’a­git ni plus ni moins de trai­ter la ques­tion du sens de l’ins­ti­tu­tion sco­laire (Chris­tian Maroy). Il s’a­git de repen­ser un pro­jet pour l’é­cole, cette vieille ins­ti­tu­tion mise en place dans un contexte tout autre. Mais un pro­jet pour l’é­cole est en même temps un pro­jet sur la socié­té (Luc Van Cam­pen­houdt). Le pen­ser nous confronte dès lors à des ques­tions essen­tielles, et notam­ment à celles por­tant sur l’au­to­no­mie. Quelle auto­no­mie recher­cher pour notre socié­té dans un monde désor­mais glo­ba­li­sé ? Quelle auto­no­mie et quelle édu­ca­tion à l’au­to­no­mie pro­po­ser pour les jeunes qui la consti­tuent ? S’a­git-il d’une auto­no­mie que Ber­nard Del­vaux qua­li­fie de cir­cons­crite et Vincent de Coore­by­ter d’ins­tru­men­tale, c’est-à-dire d’une liber­té de moyens à l’in­té­rieur d’un cadre et de fina­li­tés assi­gnées du dehors, d’une capa­ci­té à tirer son épingle d’un jeu dont la logique pro­fonde échappe à notre emprise et nous emporte ? Ou s’a­git-il d’une auto­no­mie radi­cale (Ber­nard Del­vaux), d’une liber­té dans le sens fort du terme (Vincent de Coore­by­ter), qui sup­pose une prise de conscience de la nature pro­fonde du sys­tème social et une capa­ci­té de le remettre en cause ? Un tel pro­jet de socié­té et d’é­cole visant l’au­to­no­mie radi­cale dépasse de loin l’am­bi­tion des quatre mis­sions du décret du même nom, qui appa­raissent désor­mais insuf­fi­santes pour refon­der le sens de l’ins­ti­tu­tion sco­laire (Chris­tian Maroy).

Mais les temps ne sont sans doute pas encore mûrs pour déga­ger un consen­sus à pro­pos d’un pro­jet aus­si ambi­tieux et pour réin­ven­ter, à par­tir de là, les modes d’or­ga­ni­sa­tion et de régu­la­tion. À terme, on peut espé­rer, avec Chris­tian Maroy, que soit signé un nou­veau Pacte allant au-delà des com­pro­mis de nature ins­tru­men­tale et pro­mou­vant une concep­tion de l’é­cole sus­cep­tible de gagner la confiance et l’adhé­sion des ensei­gnants, des parents et des élèves. Mais pour que cela advienne, sans doute est-il néces­saire que le débat murisse et que des acteurs por­teurs d’un pro­jet aux contours encore flous, aujourd’­hui encore trop dis­per­sés, se mettent davan­tage en réseau et se consti­tuent en mou­ve­ment (Ber­nard Del­vaux). Il serait d’ailleurs sou­hai­table qu’un tel mou­ve­ment social n’im­plique pas seule­ment les acteurs du monde sco­laire car, comme le sou­ligne Luc Van Cam­pen­houdt, « se pen­ser à par­tir de l’ex­té­rieur implique de se pen­ser avec l’ex­té­rieur, non pour lui sacri­fier sa propre auto­no­mie, mais, au contraire, pour la redé­fi­nir de manière rela­tion­nelle, dans un esprit de coopé­ra­tion conflic­tuelle. Car le soli­loque sco­laire a démon­tré sa propre impasse ».

  1. Col­loque orga­ni­sé par la chaire Max Bas­tin (Cirtes) et le Gir­sef le 10 février 2010 à Louvain-la-Neuve.
  2. L’au­to­no­mie sco­laire en Europe. Poli­tique et méca­nismes de mise en œuvre, Eury­dice, Com­mis­sion euro­péenne, 2007.
  3. Pen­sons sim­ple­ment aux tra­vaux récents qui ont été publiés dans le cadre du dix-hui­tième congrès des éco­no­mistes belges de langue fran­çaise por­tant sur le rap­port entre édu­ca­tion et crois­sance, et sur l’ef­fi­ca­ci­té des ins­ti­tu­tions publiques. Pen­sons aus­si au numé­ro de Regards éco­no­miques qui porte sur les com­pa­rai­sons des per­for­mances sco­laires des étu­diants de la Com­mu­nau­té fran­çaise et la Com­mu­nau­té fla­mande (« L’é­cole de la chance », Jean Hin­driks et Mari­jn Ver­schelde, n° 77, février 2010).

Pierre Reman


Auteur

Pierre Reman est économiste et licencié en sciences du Travail. Il a été directeur de la faculté ouverte de politique économique et sociale et titulaire de la Chaire Max Bastin à l’UCL. Il a consacré son enseignement et ses travaux de recherche à la sécurité sociale, les politiques sociales et les politiques de l’emploi. Il est également administrateur au CRISP et membre du Groupe d’analyse des conflits sociaux (GRACOS). Parmi ces récentes publications, citons « La sécurité sociale inachevée », entretien avec Philippe Defeyt, Daniel Dumont et François Perl, Revue Politique, octobre 2020, « L’Avenir, un journal au futur suspendu », in Grèves et conflictualités sociale en 2018, Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 2024-2025, 1999 (en collaboration avec Gérard Lambert), « Le paysage syndical : un pluralisme dépilarisé », in Piliers, dépilarisation et clivage philosophique en Belgique, CRISP, 2019 (en collaboration avec Jean Faniel). « Entre construction et déconstruction de l’Etat social : la place de l’aide alimentaire », in Aide alimentaire : les protections sociales en jeu, Académia, 2017 (en collaboration avec Philippe Defeyt) et « Analyse scientifique et jugement de valeurs. Une expérience singulière de partenariat entre le monde universitaire et le monde ouvrier », in Former des adultes à l’université, Presse universitaires de Louvain, 2017 en collaboration avec Pierre de Saint-Georges et Georges Liénard).