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Je ne ferais pas de mal à une mouche

Numéro 05/6 Mai-Juin 2012 par Anathème

mai 2015

Un homme a été tué. Il a été frap­pé au cours d’une alter­ca­tion à la suite d’un acci­dent de la cir­cu­la­tion. À moins qu’il n’ait été roué de coups par quatre hommes qui ont mal pris qu’il leur fasse des pro­po­si­tions de nature sexuelle ? Ou bien il s’est fait abattre en rue par un for­ce­né en libé­ra­tion condi­tion­nelle ? Je […]

Un homme a été tué. Il a été frap­pé au cours d’une alter­ca­tion à la suite d’un acci­dent de la cir­cu­la­tion. À moins qu’il n’ait été roué de coups par quatre hommes qui ont mal pris qu’il leur fasse des pro­po­si­tions de nature sexuelle ? Ou bien il s’est fait abattre en rue par un for­ce­né en libé­ra­tion condi­tion­nelle ? Je ne sais plus bien.

D’ailleurs je m’en fiche un peu. Je trouve que ça aug­mente : l’insécurité dans les trans­ports en com­mun, l’homophobie, l’antisémitisme, la délin­quance, les prix du gaz et de l’électricité, le cout de la vie depuis la créa­tion de l’euro. Tout augmente.

Quoi ? Des preuves ? Des chiffres ? Vous en auriez au contraire qui indi­que­raient que la délin­quance est stable ? Vous avez des rai­sons de pen­ser que la vio­lence n’augmente pas dans nos socié­tés, qu’au pire elle change de nature, que nous la tolè­re­rions moins, que nous serions plus inquiets, qu’il y aurait une part de res­sen­ti et d’émotion dans tout ça ? Vous affir­mez que de nom­breux libé­rés condi­tion­nels ne posent pas de pro­blème ? Vous me deman­dez quel est l’état des connais­sances et de l’encodage des don­nées quant aux infrac­tions homo­phobes et com­ment on les dis­tingue de celles moti­vées par la folie ou la cupi­di­té ? Vous me deman­dez à quoi on recon­nait un anti­sé­mite d’un cré­tin bou­ton­neux qui n’a trou­vé que ça pour être « dans le journal » ?

Seriez-vous néga­tion­niste ? Seriez-vous de leur côté, aux angé­listes, aux créa­teurs de vic­ti­mi­sa­tion secon­daire, aux dis­cul­peurs de salauds ? Seriez-vous des leurs ? Seriez-vous un laxiste, un lâche, un imbé­cile ? Une ordure, alors ?

À moi, on ne me la fait pas, tout aug­mente. Il faut donc tout aug­men­ter en retour : la capa­ci­té de l’appareil répres­sif, le nombre de places en pri­son, et en sur­veillance élec­tro­nique, et en sui­vi psy­cho­thé­ra­peu­tique. Il faut déli­vrer des man­dats d’arrêt à tour de bras, condam­ner à de lourdes peines, exé­cu­ter inté­gra­le­ment celles qui sont pro­non­cées, jusqu’à la plus petite, jusqu’au der­nier jour. D’ailleurs, il faut alour­dir les peines. Envoyer un signal. Être ferme. Ne plus se lais­ser faire. Créer des cir­cons­tances aggra­vantes, pour tout. Si la vic­time est jeune, ou vieille, ou han­di­ca­pée, ou moche… Pour le fait de s’attaquer au por­teur d’un uni­forme, fût-il des postes. Et si on ne peut défi­nir ce contre quoi on se bat, il faut punir plus sévè­re­ment les infrac­tions moti­vées par la haine. Pour dif­fé­ren­cier le délin­quant hai­neux du délin­quant qui n’en veut à per­sonne. Pour le dis­tin­guer de nous.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.