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Je n’ai rien contre les moustachus

Numéro 2 Février 2012 par Anathème

mai 2015

Je n’ai rien contre les mous­ta­chus. Cer­tains de mes amis le sont. Des gens très bien. Mais on ne peut m’empêcher de faire remar­quer que le res­pon­sable de la tue­rie de Liège l’était, mous­ta­chu. Est-ce une coïn­ci­dence si, à l’image des pires monstres de notre époque, Nor­dine Amra­ni omet­tait de se raser la lèvre supé­rieure ? Je ne […]

Je n’ai rien contre les mous­ta­chus. Cer­tains de mes amis le sont. Des gens très bien.

Mais on ne peut m’empêcher de faire remar­quer que le res­pon­sable de la tue­rie de Liège l’était, mous­ta­chu. Est-ce une coïn­ci­dence si, à l’image des pires monstres de notre époque, Nor­dine Amra­ni omet­tait de se raser la lèvre supé­rieure ? Je ne le pense pas. Les exemples sont trop nom­breux : Hit­ler, bien sûr, Sta­line, aus­si, mais encore Fran­co, Pino­chet ou Marc Dutroux… Ma voi­sine affirme même que Pol Pot, enfant, por­tait la mous­tache, avant de la raser, signe de dupli­ci­té s’il en est.

Car il faut être réa­liste, plus per­sonne n’est mous­ta­chu de nos jours. Une peau sen­sible n’est plus un pré­texte depuis l’invention du rasoir élec­trique ; le manque de temps non plus, main­te­nant que l’épilation défi­ni­tive a ouvert une nou­velle ère de notre civilisation.

Non, déci­dé­ment, on n’est pas mous­ta­chu par hasard. Force est d’y voir une volon­té de s’opposer à la socié­té domi­nante, à ses valeurs d’ouverture, de tolé­rance et de par­ti­ci­pa­tion démo­cra­tique. Qui ne voit, der­rière cette pilo­si­té faciale fiè­re­ment arbo­rée, une pro­vo­ca­tion, un refus des conve­nances, une contes­ta­tion délé­tère de nos prin­cipes les plus sacrés ? Les prin­cipes esthé­tiques pour les­quels nos aïeux se sont bat­tus, des siècles durant, et pour la défense des­quels nous serions prêts à don­ner jusqu’à notre vie. Ou du moins, quelques minutes de notre vie. Qui peut nier que, par­mi de bénignes mous­taches, se cachent des extré­mistes du poil pous­sant à la radi­ca­li­sa­tion tout qui peut se per­mettre le moindre duvet labial ? Des extré­mistes nos­tal­giques de temps anciens où de pileux bar­bares régnaient sur le monde.

Je n’ai rien contre les mous­ta­chus, mais on ne m’ôtera pas de l’esprit que, pour affir­mer de telle sorte sa viri­li­té, il faut être bien peu recom­man­dable. Le genre d’individu qui écoute Motö­rhead en bat­tant sa femme, qui serait prêt à embras­ser une reli­gion exo­gène, qui pré­fè­re­rait consom­mer des psy­cho­tropes illi­cites plu­tôt que de prendre la peine de pas­ser chez son méde­cin pour obte­nir une ordonnance.

Je n’ai rien contre les mous­ta­chus, mais je pense qu’il est temps de prendre des mesures. Que les bac­chan­to­philes rentrent dans le rang, qu’ils démontrent leur volon­té d’intégrer notre socié­té émi­nem­ment civi­li­sée, qu’ils fassent l’effort de vivre comme nous, qu’ils se plient à nos cou­tumes ! Nous n’avons que trop atten­du. Faut-il que les mas­sacres se répètent pour que nos poli­tiques fassent preuve des cinq minutes de cou­rage que deman­de­raient les déci­sions appropriées ?

Oh, j’entends d’ici les huma­nistes bêlants bran­dir la tolé­rance, la liber­té capil­laire et je ne sais quel prin­cipe supé­rieur. Mais quand le dan­ger est à nos portes, est-il temps de nous perdre en dis­cus­sions sur le sexe des anges ? Certes non : au vote, aux armes, à l’attaque !

Cer­tains affir­me­ront sans doute que Nor­dine Amra­ni ne por­tait pas la mous­tache. C’est bien pos­sible, mais le fait de se raser en a‑t-il fait un véri­table glabre ? Suf­fit-il de s’épiler pour chan­ger de nature ? Très sin­cè­re­ment, j’en doute.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.