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Jacky Morael. Transmettre ses convictions
« Ce qui compte dans l’héritage, ce n’est pas tellement ce que l’on reçoit, mais ce qu’on est capable de transmettre. » Tel est l’esprit qui anime un volumineux et (trop…) touffu recueil d’interviews de Jacky Morael publié en 2014[efn_note]O. Bierain et al., Jacky Morael : Regards croisés sur trente ans d’écologie politique, Namur, éd. Etopia, 2014. Le présent texte est exclusivement composé de citations dont les références renvoient à la pagination de l’ouvrage.[/efn_note]. En guise d’hommage, on en retiendra de brefs extraits, à titre de relais dans le monde que Jacky Morael vient de quitter. Quelques paroles qui témoignent de convictions assumées avec fidélité et lucidité et qui transparaissaient dans les attitudes politiques.
Diagnostic : quelle crise ?
« La phrase “une majorité politique est en train de tromper une majorité sociale” est à relier à une autre phrase : “on passe progressivement d’un régime de crise à une crise de régime”. Et je pense qu’une bonne partie de la méfiance, du rejet, de l’insatisfaction pour le moins, d’une part de l’opinion à l’égard des responsables politiques vient du fait que depuis trente ans de crises, d’austérité, de mondialisation sans garde-fous, sans protection sociale et fiscale, depuis trente ans que les mêmes radotent les mêmes solutions au problème du chômage, de l’exclusion, etc., les gens n’y croient plus tout simplement. Ils se demandent à quoi servent ces politiques » (192 – 193).
Complexité : une base solide pour l’action politique
« La gauche historique a fait beaucoup pour mettre les gens en réseau, pour leur redonner de la dignité à travers un tas de structures mutualistes, associatives, de loisir, etc. […]. Mais la gauche ne se limite pas à cela, la gauche doit regarder comment on s’émancipe. Qu’est-ce qu’on fait pour émanciper les gens, notamment vis-à-vis du progrès. Est-ce que toute nouveauté technologique ou commerciale qui s’offre au public est nécessairement un progrès vers l’émancipation ou n’est-ce pas plutôt une plus grande source d’aliénation économique, sociétale et citoyenne ? […] Écolo ne pouvait exister que s’il avait au moins trois pieds : le pied développement durable et environnement, le pied socioéconomique, emploi, réduction du temps de travail, et le pied démocratie, participation des citoyens » (276 et 234).
Perplexité : comment faire vivre l’Europe ?
« La conviction de la Commission et du Conseil, c’est le libre-échange, l’ouverture des marchés, la libre circulation des marchandises, avec un minimum, un strict minimum, d’harmonisation fiscale et sociale. Et c’est d’ailleurs pourquoi certains (et on s’y est opposé) ont préféré élargir l’Europe dans une fuite en avant […] plutôt que d’approfondir les procédures démocratiques. Parce que plus il y a d’adhérents, plus il est difficile de se mettre d’accord sur les processus démocratiques de décision. Et tant qu’on travaillera à l’unanimité, tout sera toujours bloqué. […] Donc, on est tous conscients chez les écologistes qu’il faut modifier à terme les modes de décision au plan européen, pour les rendre beaucoup plus fédéralistes, en donnant plus de poids au Parlement européen et en réformant le mode de désignation des commissaires. N’empêche qu’on va se trouver devant un dilemme après les prochaines élections : ce souhait de renforcer l’Europe va être de moins en moins partagé à mesure qu’on peut prévoir une victoire des eurosceptiques. […] Mais ma réflexion part de ce constat : comment un parti écologiste peut-il influencer au niveau européen en partant du plan national ? » (194 et 298).
Option : une Belgique fédérale
« Les dérives sont toujours possibles, mais je pense que le régionalisme ne peut que contribuer positivement à une Belgique fédérale à quatre Régions autonomes, indépendantes, fières d’elles-mêmes et de leurs projets. Nous sommes fédéralistes, cela veut dire que nous sommes pour le rassemblement et la solidarité à partir de la reconnaissance de ce qui nous distingue. […] Il y aura toujours des solidarités et je ne vois pas la Région bruxelloise entrer dans un scénario d’isolement, ni par rapport à la Wallonie ni par rapport à la Flandre. […] Si la Flandre veut mener une politique de droite au plan socioéconomique et sécuritaire, mais qu’elle le fasse. […] Qu’ils le fassent, mais qu’ils ne nous l’imposent pas » (91 – 92 et 98).
Participation au pouvoir : quels effets ?
« Comment s’établit un rapport de force, un rapport de confiance, entre les partenaires, entre les partis, entre les hommes et les femmes, ça c’est une histoire à écrire. […] Donc, voilà une série d’exemples de réformes structurelles qu’on a obtenues, mais il y en a beaucoup d’autres. […] Ce sont des réformes qu’on appelle structurelles dans la mesure où elles ont des effets sur le long terme et des effets démultiplicateurs […]» (133, 134 et 132).
Limite : une éthique politique
« La nature humaine reste ce qu’elle est. Je crois qu’on est un parti avec des règles éthiques très strictes, très profondes, une culture qui n’est pas celle des autres partis, une culture collective. Mais on l’a vu tout au long de notre histoire, en termes de comportement individuel, tu ne peux jamais rien éviter. C’est le collectif qui se porte bien, avec des hauts et des bas, mais tu ne peux jamais être garant du comportement d’une ou de plusieurs personnes. Quelle que soit son éthique collective. […] Il ne faut pas oublier que nous sommes aussi un groupe humain, avec ses grandeurs et ses bassesses » (129 et 232).
Inspiration : ses sources
« Athée, mais pas bouffeur de curés, athée serein ! Et puis pour le reste de mes convictions […] j’ai surtout lu des auteurs libertaires comme Bakounine, Kropotkine, etc. Je n’ai jamais été attiré par le marxisme, ça m’a toujours paru chiant et à côté de la plaque, pour dire les choses brutalement, parce que je reconnais aussi historiquement la valeur de ces écrits. Par contre, la littérature anarchiste et libertaire, liée aux conflits sociaux du XIXe siècle et la littérature sur la guerre d’Espagne m’ont toujours attiré. Et je me suis donc retrouvé très naturellement à Écolo […]» (188).
Parler vrai : une exigence et un paradoxe
« Quand je dis que la communication est indissociable du fond, pour être entendu, il faut aussi dialoguer, et donc rencontrer. […] Non pas en se permettant de dire aux gens ce qu’ils avaient envie d’entendre, mais plutôt d’identifier dans notre corpus programmatique et idéologique ce qui pouvait être une réponse aux attentes, aux inquiétudes, aux angoisses viscérales de la population belge francophone. […] Comment exprimer une pensée complexe en un langage simple et court ? Tu peux prendre le type le plus intelligent de la planète, si tu lui mets un micro sous le nez, comment veux-tu qu’il réponde ? C’est un de nos paradoxes principaux qui restera parce que ça fait partie de notre ADN » (58, 61 et 235).