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IVG : ne pas se tromper de combat

Numéro 2 février 2014 par Anathème

novembre 2014

Le PP (Par­ti­do Popu­lar) l’avait annon­cé, il l’a fait. Le droit à l’avortement est en passe de n’être plus qu’un loin­tain sou­ve­nir et de deve­nir un motif de tou­risme pour les femmes espa­gnoles. Voi­là en effet que se pré­pare une nou­velle légis­la­tion visant à limi­ter les pos­si­bi­li­tés d’avortements à deux cas : le viol et le dan­ger pour la […]

Le PP (Par­ti­do Popu­lar) l’avait annon­cé, il l’a fait. Le droit à l’avortement est en passe de n’être plus qu’un loin­tain sou­ve­nir et de deve­nir un motif de tou­risme pour les femmes espa­gnoles. Voi­là en effet que se pré­pare une nou­velle légis­la­tion visant à limi­ter les pos­si­bi­li­tés d’avortements à deux cas : le viol et le dan­ger pour la san­té phy­sique et psy­chique de la femme. Encore ce der­nier est-il for­te­ment limi­té par la mise en place de contrôles visant à réduire encore les pos­si­bi­li­tés pour la femme de recou­rir à temps à l’IVG.

Par­tout, des voix s’élèvent pour défendre le droit des femmes à dis­po­ser de leur corps et fus­tigent cette régres­sion ter­rible. Le PP n’en a cure.

Pour­tant, l’Espagne, sous la coupe de ce par­ti héri­tier du fran­quisme, n’est pas conser­va­trice en toute chose. Ain­si ce pays a‑t-il déci­dé de devan­cer les nou­velles normes euro­péennes rela­tives au cal­cul du PIB en y inté­grant désor­mais l’économie illé­gale1. Pros­ti­tu­tion, tra­fic de drogue, tra­fic d’armes seront, à par­tir de l’automne, des acti­vi­tés sus­cep­tibles de faire aug­men­ter le PIB. Ce bel exemple de réa­lisme éco­no­mique rend notam­ment jus­tice à ce que les parias de nos socié­tés font pour la crois­sance éco­no­mique, pour le main­tien de notre sta­tut auprès des agences de cota­tion et pour les chiffres de la dette (expri­més en pour­cen­tages du PIB, rap­pe­lons-le). L’on s’attend à ce que l’Espagne gagne 1% de PIB, ce qui est tou­jours bon à prendre en cette période de vaches maigres.

Bien enten­du, le déve­lop­pe­ment de ces sec­teurs por­teurs fait espé­rer que la crois­sance soit rapi­de­ment de retour en Espagne ; à condi­tion bien sûr que se déve­loppe une poli­tique volon­ta­riste de pro­mo­tion de l’entrepreneuriat, de sou­tien à la recherche et déve­lop­pe­ment, et d’aide à la créa­tion d’entreprises. Cette piste est encou­ra­geante car elle porte l’espoir, à la fois de déve­lop­per de nou­veaux débou­chés pour les agri­cul­teurs espa­gnols, dure­ment éprou­vés ces der­nières années, de relan­cer l’industrie chi­mique et phar­ma­ceu­tique, mais aus­si de rame­ner vers l’emploi et l’autonomie finan­cière les femmes et les per­sonnes sous qua­li­fiées. Sans comp­ter que le remaillage éco­no­mique du pays par des PME serait une manière de relan­cer l’activité éco­no­mique par le bas, en tour­nant le dos aux erreurs du pas­sé qui, à coup de pro­jets pha­rao­niques, ont abou­ti à la bulle immo­bi­lière espagnole.

Des esprits cha­grins pour­raient faire valoir des objec­tions morales, mais il faut admettre que l’argent n’a pas d’odeur. Il convient aus­si d’observer que l’on entend peu de gens mili­ter pour l’exclusion du PIB du com­merce et de la pro­duc­tion d’armes. Le capi­ta­lisme n’est pas à son coup d’essai en la matière, cette récente évo­lu­tion n’est que la pour­suite d’un mou­ve­ment qui a fait de nos socié­tés ce qu’elles sont aujourd’hui : des havres de luxe et de sérénité.

Au-delà de cet espoir, cette nou­velle amène à s’interroger : les femmes ne se sont-elles pas trom­pées de com­bat dans leur lutte pour défendre l’interruption volon­taire de gros­sesse ? Qu’importent les droits de femmes et les effets sur elles de la pro­hi­bi­tion de l’avortement ? Ce qui compte, il faut l’admettre, ce sont les indi­ca­teurs éco­no­miques. Fina­le­ment, les défen­seurs de l’avortement n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ils n’ont pas su com­mu­ni­quer, pré­sen­ter leur sec­teur d’activité, mon­trer en quoi il était flo­ris­sant, à quel point il créait des richesses et des inves­tis­se­ments. Ils n’ont pas su déve­lop­per de pro­duits-phares, de ser­vices à haute valeur ajou­tée, de sec­teur éco­no­mique, ni de lob­by. En s’accrochant à cette vieillotte manie des droits acquis, ils n’ont pas vu que le monde chan­geait. C’est un crime grave, aujourd’hui. Il ne s’agit pas de pro­grès ou de régres­sion dans la recon­nais­sance de droits, mais bien de chan­ge­ment de para­digme : du droit à l’utilité économique.

Il est encore temps, moyen­nant des inves­tis­se­ments en termes de com­mu­ni­ca­tion, de for­ma­tion, de recherche et déve­lop­pe­ment, de réta­blir la situa­tion. Mais, de grâce, que l’on cesse de se cha­mailler autour des droits de la femme. Tout le monde est pour les droits de la femme, de nos jours. Mais que ce droit soit celui de se faire avor­ter ou de mou­rir d’une infec­tion à la suite d’un avor­te­ment clan­des­tin, la ques­tion cen­trale est de savoir s’il fera fré­mir le PIB.

C’est d’ailleurs sans doute la der­nière chose qui fré­mit, dans nos socié­tés. À ce titre aus­si, le PIB doit nous être précieux.

  1. Belen Car­reño, « La pros­ti­tu­ción y las dro­gas suman 10000 mil­lones de euros al PIB », El Dia­rio, 20 jan­vier 2014, http://bit.ly/1aHeTKP.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.