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Israël-Palestine : une solution binationale pour sortir de l’impasse

Numéro 7 – 2018 - État binational Israël Palestine par Azzedine Hajji

novembre 2018

Fin 2017, le pré­sident Donald Trump a déci­dé de recon­naitre Jéru­sa­lem comme capi­tale de l’État d’Israël et d’y trans­fé­rer l’ambassade de son pays en vio­la­tion des réso­lu­tions de l’ONU (Conseil de sécu­ri­té et assem­blée géné­rale). En mai 2018, le gou­ver­ne­ment israé­lien a déci­dé la construc­tion de plu­sieurs mil­liers de nou­veaux loge­ments dans les colo­nies en ter­ri­toire occupé […]

Le Mois

Fin 2017, le pré­sident Donald Trump a déci­dé de recon­naitre Jéru­sa­lem comme capi­tale de l’État d’Israël et d’y trans­fé­rer l’ambassade de son pays en vio­la­tion des réso­lu­tions de l’ONU (Conseil de sécu­ri­té et assem­blée géné­rale). En mai 2018, le gou­ver­ne­ment israé­lien a déci­dé la construc­tion de plu­sieurs mil­liers de nou­veaux loge­ments dans les colo­nies en ter­ri­toire occu­pé pales­ti­nien. Dans le même temps, le blo­cus de la bande de Gaza s’accentue et accroit la détresse huma­ni­taire de sa popu­la­tion. Ces évè­ne­ments, par­mi tant d’autres, dénotent un enli­se­ment conti­nuel du conflit israé­lo-pales­ti­nien et fra­gi­lisent encore plus la solu­tion dite « à deux États » qui reste encore, depuis les accords d’Oslo dans les années 1990, la réfé­rence pour la « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale ». Mais, à côté de cette pro­po­si­tion qui vise la créa­tion de deux États indé­pen­dants coexis­tant l’un à côté de l’autre entre la Médi­ter­ra­née et le Jour­dain, une autre connait une audience gran­dis­sante depuis quelques années : la solu­tion dite de « l’État bina­tio­nal » qui pro­pose la coexis­tence paci­fique et éga­li­taire dans un seul État des popu­la­tions juives et pales­ti­niennes. Cet État bina­tio­nal ne se conten­te­rait pas de recon­naitre des indi­vi­dus égaux entre eux, il attri­bue­rait éga­le­ment des droits col­lec­tifs à chaque groupe natio­nal pour évi­ter que le poids démo­gra­phique de l’un n’écrase les droits de l’autre.

Une idée aux origines déjà anciennes

Bien avant la créa­tion de l’État d’Israël, dès les années 1920, plu­sieurs per­son­na­li­tés juives telles que le phi­lo­sophe Mar­tin Buber ou le rab­bin Judah Magnes prô­naient la coexis­tence, avec les mêmes droits, des Juif·ve·s et des Arabes sur le ter­ri­toire de la Pales­tine man­da­taire. Mino­ri­taires, bien que loin d’être mar­gi­nales, les idées qu’elles défen­daient étaient par­ta­gées par toute une frange des sio­nistes de gauche1. Cette idée était cepen­dant reje­tée par la très grande majo­ri­té des orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes, hor­mis cer­tains mou­ve­ments com­mu­nistes. Lors des tra­vaux de la Com­mis­sion des Nations unies sur la Pales­tine (UNSCOP) en 1947, Buber lui-même et cer­taines orga­ni­sa­tions juives pro­po­sèrent la consti­tu­tion d’un État bina­tio­nal à struc­ture fédé­rale capable de satis­faire les aspi­ra­tions natio­nales juives tout en assu­rant l’égalité des droits pour tous les citoyens vivant sur cette terre. Le 29 novembre 1947, l’assemblée géné­rale des Nations unies tran­cha cepen­dant en faveur d’un plan de par­ti­tion du ter­ri­toire en deux États dis­tincts2. Pour la majo­ri­té de l’UNSCOP, la sépa­ra­tion des deux popu­la­tions sem­blait une solu­tion plus rai­son­nable. S’ensuivra alors une guerre entre Israël et les pays arabes envi­ron­nants qui met­tra momen­ta­né­ment en sour­dine toute oppor­tu­ni­té de réconciliation.

L’idée va pour­tant resur­gir vingt ans plus tard, du côté pales­ti­nien cette fois-ci, lorsque le Fatah3 pro­clame en 1969 son objec­tif d’instaurer un seul État, démo­cra­tique et laïc, sur le ter­ri­toire de la Pales­tine man­da­taire qui accor­de­rait l’égalité des droits à tous ses citoyens, quelle que soit leur confes­sion4. Cette pro­po­si­tion ne cor­res­pon­dait cepen­dant pas exac­te­ment à un État bina­tio­nal dans la mesure où seuls des droits indi­vi­duels étaient garan­tis, aux dépens de droits col­lec­tifs capables de pro­té­ger le groupe mino­ri­taire des éven­tuels abus de la majo­ri­té. Com­ment garan­tir dès lors que cette éga­li­té for­melle soit effec­ti­ve­ment assu­rée après plu­sieurs décen­nies de conflits entre les deux popu­la­tions ? Aus­si, sans écho venant de la socié­té israé­lienne, par­te­naire pour­tant indis­pen­sable pour éta­blir un tel pro­jet, et des puis­sances étran­gères, le mou­ve­ment pales­ti­nien fini­ra par se ran­ger pro­gres­si­ve­ment au cours des années 1970 et 1980 à la solu­tion à deux États dis­tincts. Cette dyna­mique a culmi­né jusqu’aux années 1990 avec les divers accords d’Oslo, cette solu­tion acqué­rant alors un sta­tut consen­suel au niveau international.

Un hypothétique État palestinien qui se réduit à peau de chagrin

Pour­quoi aban­don­ner une solu­tion qui, en appa­rence du moins, parait la plus rai­son­nable et simple pour ins­tau­rer une paix durable dans la région ? Un pre­mier fac­teur relève de l’évidence : vingt-cinq ans après Oslo, la Pales­tine n’est tou­jours pas recon­nue offi­ciel­le­ment comme État membre de l’ONU mal­gré les demandes offi­cielles adres­sées en ce sens par l’Organisation de libé­ra­tion de la Pales­tine (OLP). Tout au plus béné­fi­cie-t-elle d’un sta­tut d’observateur non membre depuis la fin 2012 auquel les diri­geants israé­liens se sont d’ailleurs vive­ment oppo­sés ; ils n’ont ain­si pas hési­té à exer­cer des repré­sailles envers les Pales­ti­niens, notam­ment par la construc­tion de nou­velles colo­nies illé­gales en Cis­jor­da­nie5. Pour­tant, il ne s’agissait nul­le­ment d’imposer à Israël un quel­conque tra­cé des fron­tières. Dans ces cir­cons­tances, com­ment donc par­ler d’une solu­tion à deux États puisque, dans les faits, la simple accep­ta­tion, pour l’essentiel sym­bo­lique, de l’existence d’un État pales­ti­nien n’est pas acquise ?

Tou­te­fois ce constat ne serait pas, en soi, un argu­ment en défa­veur de la solu­tion à deux États vu son carac­tère réver­sible. Ce qui semble irré­vo­cable en revanche est le main­tien des colo­nies israé­liennes dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés. Depuis la guerre des Six Jours en 1967, qui a vu sa vic­toire contre plu­sieurs armées arabes, Israël occupe mili­tai­re­ment une série de ter­ri­toires dont ceux de la Cis­jor­da­nie et de Jéru­sa­lem-Est (la bande de Gaza a été éva­cuée uni­la­té­ra­le­ment en 2005). Depuis lors, cette occu­pa­tion se dédouble de l’installation conti­nue et per­ma­nente (y com­pris au moment des accords d’Oslo) de colo­nies de peu­ple­ment. Si l’on recen­sait ain­si 5.000 colons en 1977, ils sont désor­mais plus de 400.000 en Cis­jor­da­nie et 200.000 à Jéru­sa­lem-Est6. Ces colo­nies sont illé­gales au regard du droit inter­na­tio­nal (et notam­ment des conven­tions de Genève) et l’ONU en exige l’arrêt dans diverses déci­sions de son Conseil de sécu­ri­té, en par­ti­cu­lier les réso­lu­tions 446 (22 mars 1979) et 2334 (23 décembre 2016). Elle exige ain­si d’Israël qu’il en revienne à la « ligne verte », c’est-à-dire aux fron­tières défi­nies lors des armis­tices de 1949 qui ont sui­vi la fin de la pre­mière guerre israé­lo-arabe, en atten­dant un règle­ment défi­ni­tif négo­cié. L’existence de ces colo­nies, plus que toute autre chose en effet, sape les fon­de­ments d’un hypo­thé­tique État pales­ti­nien. Jéru­sa­lem-Est, dont les Palestinien·ne·s sou­haitent faire leur capi­tale, voit non seule­ment l’arrivée mas­sive de colons israé­liens depuis plu­sieurs décen­nies, mais aus­si l’expulsion admi­nis­tra­tive consé­cu­tive de nombre de ses habitant·e·s palestinien·ne·s. Quant aux colo­nies ins­tal­lées en Cis­jor­da­nie, elles ne se concentrent pas seule­ment dans des zones res­treintes près de la ligne verte, mais s’étendent sur une grande par­tie de sa super­fi­cie (voir illus­tra­tion). Elles sont de ce fait com­plè­te­ment enche­vê­trées à l’intérieur du ter­ri­toire cis­jor­da­nien, le mor­ce­lant en plu­sieurs mor­ceaux épars. Ces der­niers, for­mant une enti­té dis­con­ti­nue sous le contrôle par­tiel de l’Autorité pales­ti­nienne, sont ain­si entou­rés par de nom­breuses colo­nies dont la sécu­ri­sa­tion jus­ti­fie aux yeux d’Israël le contrôle exclu­sif qu’il exerce sur plus de 60% du ter­ri­toire de la Cis­jor­da­nie (la zone C7, hachu­rée sur la carte). Pour les Pales­ti­niens de Cis­jor­da­nie et de Jéru­sa­lem-Est, les dépla­ce­ments à l’intérieur du ter­ri­toire sont dès lors sou­mis à de très fortes res­tric­tions et aux déci­sions arbi­traires de la puis­sance occu­pante8.

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Les par­ties noir­cies cor­res­pondent aux zones A et B ; les par­ties hachu­rées, où se situent les colo­nies, cor­res­pondent à la zone C. 

Source : https://bit.ly/1TwKiLp

Dans ces condi­tions, com­ment envi­sa­ger l’édification d’un futur État pales­ti­nien ? Soit les colons accep­te­raient de deve­nir les citoyens de cet État, soit ils devraient retour­ner dans le ter­ri­toire israé­lien tel que recon­nu par la juris­pru­dence inter­na­tio­nale. À se rap­pe­ler les fortes ten­sions poli­tiques pro­vo­quées en 2005 par la déci­sion du gou­ver­ne­ment Sha­ron d’évacuer les 8.000 colons de la bande de Gaza9 (60.000 soldat·e·s ont été mobilisé·e·s à cet effet), on peut mesu­rer le ver­tige qui pour­rait s’emparer des dirigeant·e·s israélien·ne·s juste à cette idée. La poli­tique du fait accom­pli menée par l’État israé­lien implique désor­mais l’installation durable de plu­sieurs cen­taines de mil­liers de ses ressortissant·e·s à l’intérieur des ter­ri­toires pales­ti­niens, que l’on peut consi­dé­rer à pré­sent comme un fait qua­si­ment irré­ver­sible10. Une géné­ra­tion entière de Juif·ve·s israélien·ne·s (et même plus) y est en effet née, y a gran­di et veut y finir ses jours. Ses aspi­ra­tions à vivre sur la terre où elle est née ne sont pas illé­gi­times, même si elles sont la consé­quence d’une poli­tique colo­niale qui nie les droits des Pales­ti­niens. Mais dès lors que l’intrication entre les deux popu­la­tions devient pro­fonde et durable, leur des­tin semble de plus en plus indissociable…

Une solution qui pourrait s’imposer de facto

Mais com­ment l’État israé­lien pour­rait-il accep­ter l’intégration de plu­sieurs mil­lions de Palestinien·ne·s alors même que le rap­port de force poli­tique et mili­taire lui est lar­ge­ment favo­rable ? Si nul ne peut l’y contraindre, c’est que la chose pour­rait arri­ver de son propre fait. Le gou­ver­ne­ment actuel, com­po­sé d’une alliance de la droite et de l’extrême droite, prône ouver­te­ment l’annexion de tout ou par­tie de la Cis­jor­da­nie. En février der­nier, le pre­mier ministre Benya­min Neta­nya­hou a même évo­qué des pour­par­lers sur cette ques­tion avec l’administration états-unienne11 (ce que cette der­nière dément néan­moins). Le pro­cé­dé n’est pas neuf en réa­li­té. Après la guerre des Six Jours, Israël avait déjà annexé Jéru­sa­lem-Est et avait fini par pro­cla­mer en 1980 la ville entière comme sa capi­tale « éter­nelle et indi­vi­sible ». Les Palestinien·ne·s habi­tant la par­tie orien­tale de la ville eurent alors la pos­si­bi­li­té d’acquérir la citoyen­ne­té israé­lienne, ce qu’une majo­ri­té refu­sa par ailleurs. À pré­sent le même scé­na­rio pour­rait se repro­duire en Cis­jor­da­nie, d’autant plus qu’elle se trouve dans un état plus avan­cé de colo­ni­sa­tion que Jéru­sa­lem-Est à l’époque. Dans la conti­nui­té de ce pro­ces­sus, l’annexion des ter­ri­toires cis­jor­da­niens parait une étape inévi­table. Le refus caté­go­rique de la recon­nais­sance d’un État pales­ti­nien, le contrôle qua­si abso­lu sur les ter­ri­toires occu­pés et la volon­té de les annexer indiquent une direc­tion claire : les dirigeant·e·s israélien·ne·s semblent tout droit se diri­ger vers une « solu­tion » à un seul État.

Mais alors, les Palestinien·ne·s qui seraient inté­grés à Israël bénéficieraient-ils·elles d’une réelle éga­li­té des droits12 ? L’incertitude est grande à cet égard. Il faut rap­pe­ler que le carac­tère juif de l’État d’Israël consti­tue un enjeu fon­da­men­tal depuis sa créa­tion et que, de ce point de vue, les ques­tions démo­gra­phiques revêtent une impor­tance cru­ciale13. Il en va en effet de son carac­tère démo­cra­tique, affir­mé dans la décla­ra­tion d’indépendance de 1948 : tant qu’il sera en mesure de main­te­nir une majo­ri­té juive, il pour­ra affir­mer ces deux idéaux (démo­cra­tie et judéi­té) simul­ta­né­ment. Or, l’intégration de tous les ter­ri­toires pales­ti­niens pour­rait gran­de­ment per­tur­ber cet équi­libre. Quelques indi­ca­tions démo­gra­phiques (approxi­ma­tives) per­mettent de le com­prendre aisé­ment14 : Israël comp­te­rait près de 6,5 mil­lions de Juif·ve·s tan­dis que les Palestinien·ne·s seraient au nombre de 7,1 mil­lions (1,8 mil­lion en Israël, 2 mil­lions dans la bande de Gaza et 3,3 mil­lions en Cis­jor­da­nie et Jéru­sa­lem-Est). Sur l’ensemble de ce ter­ri­toire, les Palestinien·ne·s seraient donc majo­ri­taires (sans comp­ter plu­sieurs mil­lions de réfugié·e·s reconnu·e·s par l’ONU, et dont le retour est exi­gé). Inté­grer l’ensemble de ces popu­la­tions dans un seul État impli­que­rait qu’Israël doive renon­cer à son carac­tère juif pour res­ter démo­cra­tique, ou alors aban­don­ner ses prin­cipes démo­cra­tiques pour res­ter l’État nation du seul peuple juif. L’adoption en juillet der­nier par le Par­le­ment israé­lien d’une loi fon­da­men­tale (à carac­tère consti­tu­tion­nel) semble indi­quer la direc­tion choi­sie par la droite et l’extrême droite au pou­voir : elle réaf­firme en effet le carac­tère juif d’Israël, tout en légi­ti­mant la colo­ni­sa­tion, mais sans en rap­pe­ler le carac­tère démo­cra­tique et éga­li­taire. Depuis quelque temps d’ailleurs, la recon­nais­sance d’Israël comme État du peuple juif est deve­nue une exi­gence forte d’Israël envers les Palestinien·ne·s15.

Une solution à un seul État ? Le diable est dans les détails

Fon­da­men­ta­le­ment le nombre d’États — un ou deux — n’est pas l’enjeu le plus impor­tant. L’idée d’instaurer un seul État est certes sou­te­nue par une série d’intellectuel·le·s pro­gres­sistes (Jeff Hal­per, Edward Saïd, Ilan Pap­pé, Lei­la Far­sakh, etc.), mais elle est aus­si reven­di­quée par ceux et celles qui, du Hamas au Foyer juif, en refusent tout par­tage non hégé­mo­nique. C’est bien son carac­tère bina­tio­nal, cou­plé à une éga­li­té abso­lue entre les indi­vi­dus, qui repré­sente l’enjeu fon­da­men­tal d’une paix équi­table16. Ce sont par consé­quent les moda­li­tés concrètes de cette solu­tion qui doivent rete­nir l’attention : quels droits (indi­vi­duels et col­lec­tifs) accor­dés pour assu­rer une éga­li­té réelle pour tous ? En par­ti­cu­lier, com­ment évi­ter la domi­na­tion d’un groupe sur l’autre, quelles que soient les pro­por­tions démo­gra­phiques en jeu ? Par ailleurs, la ques­tion de l’étendue du ter­ri­toire concer­né est éga­le­ment pri­mor­diale ; certain·e·s dirigeant·e·s israélien·ne·s pro­posent en effet de n’annexer que la zone C en Cis­jor­da­nie, celle où se trouvent les colo­nies, qui ne compte que 150.000 Pales­ti­niens. Les autres se retrou­ve­raient alors dans des ilots com­plè­te­ment iso­lés et dis­per­sés, ren­dant impos­sible l’édification d’un État pales­ti­nien viable. La pers­pec­tive d’une annexion par­tielle de la Cis­jor­da­nie serait par consé­quent catas­tro­phique. De fac­to se met­trait en place une poli­tique ségré­ga­tion­niste basée sur les « ban­tous­tans » que devien­draient Gaza et les ter­ri­toires mor­ce­lés du reste de la Cis­jor­da­nie. Dans cette pers­pec­tive, le retrait de la bande de Gaza en 2005 par­ti­ci­pait déjà d’une stra­té­gie per­met­tant de reven­di­quer plus légi­ti­me­ment la sou­ve­rai­ne­té d’Israël sur tous les ter­ri­toires où se situent des colo­nies tout en se déles­tant de près de 2 mil­lions de Palestinien·ne·s dont l’intégration aurait pesé lour­de­ment en termes démo­gra­phiques17.

Tou­jours est-il qu’un État bina­tio­nal éga­li­taire ne pour­ra s’édifier sans un large sou­tien popu­laire israé­lien et pales­ti­nien. On en est encore loin selon un son­dage récent18 : seuls 10% des Palestinien·ne·s et 14% des Juif·ve·s israélien·ne·s sou­tiennent cette solu­tion ; ils sont res­pec­ti­ve­ment 60% et 46% à pen­ser néan­moins que la solu­tion à deux États n’est pas viable. La radi­ca­li­té gran­dis­sante des dirigeant·e·s israélien·ne·s pour­rait dès lors inver­ser les termes d’un débat qui a long­temps dédai­gné l’idée bina­tio­nale, la can­ton­nant au rang d’utopie peu cré­dible face à la solu­tion bi-éta­tique. Mais une forte action inter­na­tio­nale reste dans tous les cas néces­saire pour réaf­fir­mer aux acteurs israé­liens et pales­ti­niens que cette terre n’appartient exclu­si­ve­ment ni au peuple juif ou pales­ti­nien, mais à tous les peuples qui y habitent.

  1. Gresh A., « Le che­mi­ne­ment d’une idée », Le Monde diplo­ma­tique, octobre 2010.
  2. Far­sakh L., « L’heure d’un État bina­tio­nal est-elle venue ? », Le Monde diplo­ma­tique, mars 2007.
  3. Pour une vue d’ensemble des orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes, voir Fenaux P., « Israël-Pales­tine. Depuis sep­tante ans, deux nations tou­jours en quête d’État(s)», blog de La Revue nou­velle, 18 mai 2018.
  4. Gresh, op. cit.
  5. « Pales­tine à l’ONU : Israël va construire dans les colo­nies en repré­sailles », dépêche AFP du 30 novembre 2012.
  6. Vidal D., « Cis­jor­da­nie, de la colo­ni­sa­tion à l’annexion », Le Monde diplo­ma­tique, février 2017.
  7. L’accord inté­ri­maire de Taba (dit « Oslo II ») en 1995 divise les ter­ri­toires occu­pés en trois par­ties : les zones A et B où l’AP exerce théo­ri­que­ment un contrôle par­tiel et la zone C où elle en est exclue.
  8. Fouet S., « L’étouffement des Pales­ti­niens confi­nés dans des can­tons. L’autoroute de l’apartheid, le mur et les postes mili­taires », Confluences Médi­ter­ra­née, n°43, 2002, p. 23 – 32.
  9. Ain­si que quatre petites colo­nies au nord de la Cisjordanie.
  10. |Cour­bage Y., « Les enjeux démo­gra­phiques en Pales­tine après le retrait de Gaza », Cri­tique inter­na­tio­nale, n°31, 2006, p. 23 – 38.
  11. « Israël dit dis­cu­ter avec les Amé­ri­cains d’annexion des colo­nies, Washing­ton dément », dépêche Bel­ga du 12 février 2018.
  12. Actuel­le­ment en Israël, la légis­la­tion concer­nant les Pales­ti­niens qui y vivent est ambigüe, cer­taines dis­po­si­tions auto­ri­sant les dis­cri­mi­na­tions à leur égard tan­dis que d’autres pro­clament une stricte éga­li­té des droits. Voir Jaba­reen Y. T., « Arabes israé­liens dans un État juif : une citoyen­ne­té de seconde zone », Les cahiers de l’Orient, 2009/3, n°95, p. 47 – 58.
  13. De Crou­saz P., « Le fac­teur démo­gra­phique dans la déter­mi­na­tion par Israël de ses fron­tières avec les Pales­ti­niens », A contra­rio, 2005/2, vol. 3, p. 66 – 98.
  14. Selon un haut digni­taire de l’armée israé­lienne, voir Demou­lin C., « Israël-Pales­tine : l’enjeu de la démo­gra­phie », Media­part, 19 avril 2018.
  15. Ender­lin C., « Dis­so­nances. La pro­messe divine et les conven­tions inter­na­tio­nales », Le Débat, n° 193, 2017/1, p. 72 – 80.
  16. Raz-Kra­kotz­kin A., « Les condi­tions de toute solu­tion », La Revue nou­velle, n° 5 – 6, mai-juin 1998, p. 60 – 65.
  17. Bockel A., « Le retrait israé­lien de Gaza et ses consé­quences sur le droit inter­na­tio­nal », Annuaire fran­çais de droit inter­na­tio­nal, vol. 51, 2005, p. 16 – 26.
  18. Pales­ti­nan cen­ter for poli­cy and sur­vey research & the Tami Stein­metz cen­ter for peace research, « Pales­ti­nian-Israe­li pulse : a joint poll », jan­vier 2018.

Azzedine Hajji


Auteur

Azzedine Hajji est codirecteur de {La Revue nouvelle}, assistant-doctorant en sciences psychologiques et de l’éducation à l’université libre de Bruxelles. Il a été auparavant professeur de mathématiques dans l’enseignement secondaire, et psychopédagogue en Haute École dans le cadre de la formation initiale d’enseignant·e·s du secondaire. Ses sujets de recherche portent principalement sur les questions d’éducation et de formation, en particulier les inégalités socio-scolaires dans leurs dimensions pédagogiques, didactiques et structurelles. Les questions de racialité et de colonialité constituent également un objet de réflexion et d’action qui le préoccupent depuis plus de quinze ans.