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Internationalisation des universités de la FWB. Une « attractivité » en trompe‑l’œil version longue
La Fédération Wallonie-Bruxelles passe souvent pour un « bon élève » européen en matière d’attractivité internationale de ses universités. Pourtant, un examen attentif montre que les flux d’étudiants étrangers sont largement dominés par les étudiants français, dont la mobilité sert essentiellement à contourner les concours et contingentements en vigueur dans leur pays. Une véritable attractivité internationale de nos universités nécessiterait des mesures décrétales, notamment sur l’usage des langues dans le supérieur.
La dimension internationale de l’enseignement supérieur fait l’objet, aujourd’hui, d’une attention privilégiée. Dès les années 1980, certains pays, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, suivis par le Royaume-Uni, avaient adopté une politique d’attraction des « étudiants internationaux »1, jusqu’à la développer en véritable industrie. La parution des premiers rankings internationaux des universités, lancée par l’université de Shanghai en 2004, a intensifié la pression à figurer dans le « World Top », dans l’espoir d’attirer les meilleurs étudiants et chercheurs étrangers. En Europe, le processus de Bologne, enclenché dès le début des années 2000, avait également pour objectif, en harmonisant la structure et la durée des cursus, de « booster » la mobilité étudiante internationale. Le degré d’ouverture internationale d’une université ou d’un système universitaire (mesuré, par exemple, par la proportion d’étudiants internationaux ou d’enseignants/chercheurs étrangers) est dorénavant considéré comme un indicateur d’attractivité, et donc de qualité.
Cet article tente de documenter et d’analyser les questions suivantes : qu’en est-il pour le système universitaire2 de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB)? Quelles sont les évolutions marquantes en matière d’internationalisation3 de nos populations étudiantes ? Le processus de Bologne s’est-il traduit, comme attendu, par une arrivée massive d’étudiants européens ? Comment nous situons-nous par rapport aux autres pays européens ? Quelles leçons éventuelles peut-on tirer de cet examen ?
Évolutions enregistrées en FWB
Le tableau 1, qui synthétise les statistiques clés et les évolutions marquantes enregistrées au cours des vingt dernières années, servira de fil conducteur à notre examen.
La ligne 1 de ce tableau présente l’évolution de l’année académique 1995 – 1996 à l’année académique 2013 – 20144 de la population des étudiants internationaux en pourcents de la population étudiante universitaire totale.
1995 – 1996 | 1999 – 2000 | 2004 – 2005 | 2007 – 2008 | 2010 – 2011 | 2013 – 2014 | |
A. Et. internat. en % de la population | 15,6 | 14,9 | 16,0 | 16,3 | 17,7 | 18,6 |
2. dont | ||||||
a) ét. intern. UE b) ét. intern. hors UE |
5,6 10,0 |
6,4 8,5 |
9,0 7,0 |
10,2 6,1 |
11,7 6,0 |
12,9 5,8 |
3. Et. intern. UE distingués selon | ||||||
a) ét. intern. FR b) ét. intern. UE hors FR |
2,2 3,4 |
3,8 2,7 |
6,0 3,0 |
7,0 3,3 |
8,3 3,5 |
8,9 4,0 |
4. Et. intern. hors UE distingués selon |
||||||
a) ét. intern. Afrique b) ét. intern. Asie c) ét. intern. Amérique |
7,2 1,1 1,0 |
6,2 0,7 0,7 |
4,8 0,7 0,7 |
4,4 0,6 0,6 |
4,4 0,7 0,6 |
4,0 0,9 0,6 |
L’évolution, sur les vingt dernières années, de la proportion d’étudiants internationaux (série 1) présente une croissance modérée, qui ne semble pas, à première vue, marquée par un « effet Bologne »5 significatif.
Les séries 2 décomposent la série 1 en deux composantes : la part d’étudiants internationaux issus de pays de l’Union européenne (série 2.a) et la part d’étudiants internationaux issus de pays hors UE (série 2.b), toujours exprimées en pourcents de la population étudiante totale6. On constate que la relative stabilité de la série 1 est la résultante de deux évolutions divergentes. D’une part, une forte croissance, amorcée dès 1995 – 1996, de la part des étudiants internationaux issus de pays de l’UE (série 2.a) et, d’autre part, une forte réduction (d’ampleur cependant un peu plus modérée) de la part des étudiants internationaux issus de pays hors UE.
Analysons davantage, pour mieux comprendre la source de ces évolutions. Commençons par les étudiants internationaux issus de pays de l’UE (série 2.a). Les séries 3 décomposent la série 2.a en deux composantes : la part d’étudiants internationaux issus de France (série 3.a) et la part d’étudiants internationaux issus de tous les autres pays de l’UE (série 3.b), toujours exprimées en pourcents de la population étudiante totale7.
La confrontation des séries 3.a et 3.b nous apprend que
- la France nous envoie plus d’étudiants internationaux que tout autre pays de l’UE, ce qui peut aisément se comprendre pour une raison de langue ;
- la part, dans la population universitaire totale, des étudiants (internationaux) français « explose » littéralement. Cette part, qui se voit multipliée par quatre au cours de la période d’observation, a atteint un niveau tel qu’en 2013 – 2014, les étudiants (internationaux) français représentent à eux seuls près de 70% des étudiants internationaux européens et pas loin de 50% de l’ensemble de nos étudiants internationaux ;
- en contraste avec l’évolution « française », la part, dans la population universitaire totale, des étudiants internationaux issus de l’UE (hors la France) reste globalement stable sur l’ensemble de la période. Tout au plus, le léger redressement depuis 2007 – 2008 (après le fléchissement enregistré de la fin des années 1990 au milieu des années 2000) pourrait-il témoigner d’un (modeste) effet du « processus de Bologne ».
Le contraste entre la « mobilité entrante » des étudiants français et celle de leurs condisciples européens est à la fois saisissant et troublant. À l’évidence, la formidable attractivité de notre enseignement universitaire aux yeux des Français n’a‑t-il rien à voir avec le « processus de Bologne » car l’«irrésistible progression » française avait déjà pris son essor dès les années 1990, bien avant sa mise en œuvre.
Pour mieux comprendre les ressorts de la « mobilité entrante » des étudiants français, il nous faut s’interroger davantage et examiner s’ils se concentrent, et si oui, pourquoi, dans certains secteurs (sinon domaines) de prédilection. Le tableau 2 nous fournit un premier éclairage sur cette question.
1995 – 1996 | 1999 – 2000 | 2004 – 2005 | 2007 – 2008 | 2010 – 2011 | 2013 – 2014 | |
Secteur des sciences humaines et sociales | ||||||
a) total pop. étudiante b) ét. intern. UE hors FR c) ét. inter. FR |
56,4 60,1 24,0 |
55,7 54,5 20,0 |
56,2 60,1 20,4 |
57,9 63,9 30,9 |
54,6 57,6 28,3 |
52,5 53,8 23,8 |
Secteur des sciences | ||||||
a) total pop. étudiante b) ét. intern. UE hors FR c) ét. inter. FR |
21,5 14,1 17,5 |
21,2 19,5 13,6 |
21,6 17,2 9,2 |
19,3 15,3 7,2 |
21,4 17,2 21,1 |
20,7 20,0 22,6 |
Secteur des sciences de la santé | ||||||
a) total pop. étudiante b) ét. intern. UE hors FR c) ét. inter. FR |
22,1 25,6 58,4 |
23,1 25,4 66,3 |
22,2 22,7 70,4 |
22,8 20,8 61,9 |
24,0 25,2 50,6 |
26,8 26,2 53,6 |
Il nous montre comment se répartissent, au sein des trois grands « secteurs d’études » universitaires, la population étudiante universitaire totale8 (lignes a), la composante des étudiants internationaux issus de l’UE hors la France (lignes b) et la composante des étudiants internationaux issus de France (lignes c), tout au long de la période d’observation9.
Le tableau 2 livre les constats suivants :
- la répartition, entre les grands « secteurs d’études », des étudiants internationaux issus de l’UE hors la France (lignes b) est très proche de la répartition de l’ensemble de la population étudiante (essentiellement composée d’étudiants belges). Cette observation est en ligne avec les travaux récents (Lambert, 2015 ; OCDE, 2015) montrant que la répartition des étudiants, tout au moins par grands « secteurs d’études », présente une grande convergence (avec, certes, des variations « culturelles » selon les pays10) dans l’ensemble des pays de l’OCDE ;
- en revanche, la répartition des étudiants (internationaux) français tranche radicalement avec celle des autres européens [ainsi d’ailleurs qu’avec celle des étudiants français poursuivant leurs études en France (voir le tableau A3.3 de OCDE, 2015)]: ils présentent une extrême concentration dans le seul secteur des sciences de la santé, délaissant fortement les deux autres secteurs (sauf, à partir de 2010 – 2011, le secteur des sciences, pour des raisons que nous verrons plus loin);
- au sein même du secteur des sciences de la santé, tous les domaines d’études ne sont pas également prisés par les étudiants (internationaux) français. Un examen attentif révèle que seuls quatre domaines d’études [sciences médicales, sciences vétérinaires, sciences dentaires et sciences de la motricité (kinésithérapie)] font l’objet d’un engouement particulier11, les deux autres domaines de ce secteur (sciences de la santé publique, sciences biomédicales et pharmaceutiques) n’étant pas jugés particulièrement attractifs. Les quatre domaines particulièrement prisés par les étudiants (internationaux) français sont précisément ceux qui, en France, font l’objet de sévères contingentements et de concours à l’entrée ;
- le secteur des sciences, jusqu’alors relativement délaissé par les Français, se voit soudain plébiscité à partir de 2010 – 2011. L’explication en est simple : c’est à partir de l’année académique 2010 – 2011 que les instituts supérieurs d’architecture (jusqu’alors extérieurs à l’université) se voient intégrés à l’université pour constituer le domaine « art de bâtir et urbanisme » comme un domaine spécifique du secteur des sciences. Ces études, accessibles en France uniquement sur la base d’un concours d’entrée et libres d’accès en Belgique, concentrent, de ce fait, une proportion « anormale » des étudiants (internationaux) français : 15,2% de ceux-ci, contre seulement 4,2% pour la population étudiante totale et 3,8% pour les étudiants internationaux issus de l’UE hors la France.
Ne doit-on pas s’interroger sur les ressorts de l’apparente « attractivité internationale » de notre enseignement universitaire dès lors que la croissance de notre population d’étudiants internationaux tient uniquement à l’afflux continu des seuls étudiants français (constituant, dès à présent, près de 50% de l’ensemble des étudiants internationaux) dont on vérifie qu’ils sont, dans leur grande majorité, davantage motivés par une « mobilité de contournement » qu’attirés par les qualités intrinsèques de nos formations ?
Revenons au tableau 1 pour examiner de plus près l’évolution de la part des étudiants internationaux hors UE (ligne 2.b). Les lignes 4 décomposent cette population en étudiants provenant respectivement d’Afrique (ligne 4.a), d’Asie (ligne 4.b) et du continent américain (ligne 4.c)12.
On vérifie que la réduction de la part des étudiants internationaux hors UE (ligne 2.b) est essentiellement attribuable à la forte diminution de la part des étudiants africains. Les relations privilégiées avec les anciennes colonies (ou assimilées)13 et la proximité avec les pays d’immigration du Maghreb attiraient traditionnellement vers nos universités un nombre important d’étudiants africains (qui représentaient encore, en 1995 – 1996, 46% du total des étudiants internationaux) mais, pour un ensemble de raisons14, cette population s’est réduite de façon continue — non seulement en part relative, mais aussi en nombres absolus — jusqu’à ne plus représenter, en 2013 – 2014, que 21% du total des étudiants internationaux.
La part des étudiants internationaux provenant d’Asie est faible en FWB et elle s’est même contractée au cours de la période. Les étudiants asiatiques ne représentaient, en 2013 – 2014, que quelque 4,8% du total des étudiants internationaux. La Chine et l’Inde, qui présentent le plus gros potentiel en termes de mobilité internationale (voir la section C4 de OCDE, 2015), ne représentent, à elles deux, que 1% du total de nos étudiants internationaux (contre 48% pour les seuls Français)!
La population des étudiants internationaux provenant du continent américain est faible et elle s’est contractée — tant en part relative qu’en nombres absolus — au cours de la période. Les étudiants du continent américain ne représentaient plus, en 2013 – 2014, que 3% du total des étudiants internationaux. Et, parmi ceux-ci, les étudiants provenant des États-Unis et du Canada ne pèsent que 0,5% du total.
Mise en perspective internationale
La publication Education at a Glance de l’OCDE (2015) présente, dans sa section C4, des informations relatives à la population des étudiants internationaux15 dans les pays de l’OCDE. Comment la FWB se situe-t-elle par rapport à d’autres pays ?
Part relative des étudiants internationaux dans la population étudiante totale16
Les statistiques OCDE présentant ces parts pour chacun des cycles d’études, bachelier (BA), master (MA) et doctorat (DOC), nous procédons de même pour la FWB17 et obtenons
BA | MA | DOC | |
FWB | 16% | 19% | 36% |
Moyenne OCDE | 6% | 14% | 24% |
En termes de proportion d’étudiants internationaux en BA, la FWB se classe deuxième (derrière l’Autriche) de tous les pays de l’OCDE. Pour les MA, nous ne sommes devancés que par l’Australie (38%), le Royaume-Uni (36%) et la Suisse (27%) et faisons jeu égal avec la Nouvelle-Zélande (20%) et l’Autriche (19%).
La FWB apparait donc, de prime abord, parmi les plus « attractifs » des pays de l’OCDE. Ce score flatteur doit néanmoins être relativisé. Nous avons vu que, pour près de 48% de notre contingent d’étudiants internationaux, l’«attractivité » de notre système tient davantage aux « possibilités de contournement » (des contingentements et des concours en vigueur dans le pays d’origine) qu’aux qualités intrinsèques de notre enseignement. Or, l’examen attentif des statistiques OCDE révèle que la FWB constitue un cas unique d’une mobilité internationale de grande ampleur motivée essentiellement par une stratégie de contournement18.
C’est en partie l’ampleur, en FWB, de cette « mobilité de contournement » qui explique pourquoi, chez nous, les proportions d’étudiants internationaux en BA et en MA sont très proches alors que partout ailleurs (à la seule exception de l’Autriche), la proportion d’étudiants internationaux en MA est largement supérieure à celle en BA.
Le score de la FWB pour le niveau DOC, niveau qui n’est pas affecté par les possibles stratégies de contournement, est enviable : nous ne sommes devancés que par la Suisse (52%), la Nouvelle-Zélande (43%), le Royaume-Uni (41%), la France (40%) et les Pays-Bas (38%). Il est intéressant de noter que, pour le niveau DOC (contrairement à ce qu’on observe pour les niveaux BA et MA), la proportion de nos étudiants internationaux hors UE est supérieure à celle issue de l’UE19.
Origine géographique des étudiants internationaux
Concentration de la provenance sur un seul pays d’origine
Avec 48% de ses étudiants internationaux provenant de France, la FWB est championne de la concentration sur une seule nationalité de sa population étudiante internationale. L’Autriche (avec 40% en provenance d’Allemagne), les Pays-Bas (avec 36% aussi en provenance d’Allemagne) et le Portugal (avec 33% en provenance du Brésil, mais au sein d’une population internationale étudiante relativement plus modeste) sont les seuls autres pays européens à présenter une certaine concentration, en termes d’origine nationale, de leur population étudiante internationale.
Provenance par continent
Le tableau 4 présente, pour la FWB et pour plusieurs pays européens20, la provenance, par continent, de leur population d’étudiants internationaux.
Europe | Afrique | Amérique | Asie | |
FWB | 70,6 | 21,3 | 3,0 | 4,8 |
France | 20,1 | 40,9 | 8,0 | 23,2 |
Allemagne | 43,6 | 8,3 | 7,5 | 32,7 |
Pays-Bas | 64,2 | 1,6 | 3,7 | 14,5 |
Royaume-Uni | 30,6 | 8,2 | 7,1 | 53,6 |
Irlande | 35,7 | 4,6 | 17,8 | 41,2 |
Suisse | 73,1 | 4,6 | 17,8 | 41,2 |
Danemark | 81,4 | 2,5 | 4,4 | 11,2 |
Suède | 37,6 | 4,5 | 4,5 | 33,5 |
Nlorvège | 46,1 | 12,6 | 6,1 | 34,7 |
Finlande | 37,6 | 4,5 | 4,5 | 33,5 |
La FWB se singularise, par rapport à la plupart de ses voisins européens, par une proportion plus élevée (que la moyenne) en provenance d’Europe et d’Afrique et une proportion plus faible (que la moyenne) en provenance d’Asie.
Commentons d’abord les pourcents en provenance d’Afrique. Nous avions vu que l’Afrique constituait encore (bien que leur nombre se soit fort réduit depuis vingt ans) un important « fournisseur » d’étudiants internationaux pour la FWB. Il en va de même, sans surprise, pour la France, autre ancienne puissance coloniale21. Avec les liens ainsi tissés, la FWB apparait bien placée pour répondre aux défis que constitueront la formidable croissance démographique de ce continent et les besoins accrus de formation supérieure qui en découleront.
Revenons à l’Europe et à l’Asie, ce qui nous permettra de mettre en évidence une faiblesse structurelle de la FWB en matière d’attractivité des étudiants internationaux.
Dès lors que les Français constituent à eux seuls 48% des étudiants internationaux de la FWB, on calcule aisément que les Européens hors France (dont la langue, à part les cas peu nombreux des Luxembourgeois et d’une partie des Suisses, n’est pas le français) ne représentent plus que 22% des étudiants internationaux de la FWB. Cette proportion est faible comparée à celle des autres pays du tableau 4 qui, tous22, recrutent largement dans toute l’Europe23, c’est-à-dire dans des pays qui, dans leur grande majorité, ne partagent pas leur langue.
La question de la langue se pose également pour les étudiants en provenance d’Asie. Alors même que l’Asie constitue, et de loin, le plus gros « exportateur » d’étudiants en mobilité internationale (voir OCDE, 2015), les étudiants asiatiques ne représentent qu’une très faible fraction des étudiants internationaux de la FWB24. Ce n’est pas le cas pour les autres pays européens (même pour la France). Si l’on ne considère que les deux pays les plus peuplés du monde, la Chine et l’Inde, ils ne fournissent, à eux deux, que 1% des étudiants internationaux de la FWB, contre 12% en moyenne pour les autres pays européens du tableau 4 (voir OCDE, 2015).
À l’évidence, la FWB se distingue de tous ses partenaires européens, y compris la France, par l’attractivité particulièrement faible de son enseignement universitaire aux yeux des étudiants internationaux dont la langue maternelle n’est pas le français25 (langue officielle d’enseignement en FWB). Comment font donc les autres ? Pour le Royaume-Uni et l’Irlande (comme pour l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada), pas de problème puisque leur langue nationale correspond à la « deuxième langue » la plus maitrisée par tous les étudiants en quête d’une formation à l’étranger. Mais pour les autres pays ? L’explication est simple : comme on peut le vérifier via l’outil « Autonomy scorecard »26 développé par la European University Association (EUA), leur législation relative à l’enseignement supérieur ne comporte pas (plus) de contraintes en matière de langue d’enseignement, tant au niveau bachelier que master. La FWB, dont les contraintes décrétales handicapent encore très fortement les efforts de nos établissements en matière d’internationalisation, aurait intérêt à méditer cette leçon.
Conclusions
La FWB pourrait, à première vue, apparaitre comme un bon élève européen en matière d’attractivité internationale de son système universitaire : la proportion d’étudiants internationaux y est plus élevée que chez beaucoup de nos partenaires européens et cette proportion ne fait qu’augmenter, alimentée par la croissance continue des étudiants en provenance de l’UE.
Un examen plus attentif révèle cependant que cette attractivité, souvent vantée, présente les caractères d’un succès en trompe‑l’œil. On vérifie, en effet, que :
- la croissance de notre population d’étudiants internationaux tient uniquement à l’afflux continu des étudiants français qui constituent à présent, à eux seuls, près de 50% de l’ensemble des étudiants internationaux de la FWB. Une telle concentration, sur un seul pays d’origine, est unique en Europe ;
- l’attractivité de nos universités aux yeux des Français ne tient pas tant à la qualité de notre système d’enseignement qu’aux possibilités offertes par une « mobilité de contournement » : en atteste l’extrême concentration, totalement « anormale », de ces étudiants, dans un petit nombre de cursus faisant en France l’objet de sévères contingentements et de concours à l’entrée ;
- la part de nos étudiants internationaux en provenance de l’UE (hors la France) reste modeste, en comparaison de celle enregistrée chez nos voisins européens. En outre, cette part n’ayant augmenté que très modestement au cours des vingt dernières années, nos universités n’ont pas pu, semble-t-il, tirer pleinement parti des potentialités offertes par le « processus de Bologne» ;
- la FWB se distingue aussi des autres pays européens par la proportion particulièrement faible, et stagnante, de ses étudiants internationaux en provenance d’Asie, continent qui constitue pourtant, et de loin, le plus gros « exportateur » d’étudiants en mobilité internationale.
Les dernières observations soulignent une faiblesse structurelle de notre système universitaire, son attractivité internationale présente un sévère handicap qu’ont levé pratiquement tous nos partenaires européens en matière d’emploi des langues dans l’enseignement. La FWB ferait bien d’assouplir les dispositions décrétales qui pénalisent ses universités et, par voie de conséquence, leur rayonnement international.
- On entend par « étudiants internationaux » les étudiants provenant de l’étranger en vue de poursuivre leurs études dans un autre pays que leur pays d’origine. À ne pas confondre avec les « étudiants étrangers » (c’est-à-dire de nationalité étrangère) qui, pour certains, sont résidents dans le pays et y ont mené leurs études secondaires. Les organismes internationaux chargés de la collecte de statistiques (OCDE, Eurostat, Unesco, etc.) retiennent donc, comme « étudiants internationaux », les étudiants étrangers dont le titre d’accès (le diplôme du secondaire) à l’enseignement supérieur a été délivré à l’étranger.
- Nous nous limitons ici au seul enseignement universitaire car l’information statistique sur les « étudiants internationaux » n’est pas disponible pour les autres types d’enseignement supérieur. Pour l’enseignement universitaire, la base de données du Conseil des recteurs francophones (CRef) fournit l’information nécessaire (étudiants étrangers « non porteurs d’un titre secondaire à programme belge »).
- L’internationalisation de l’enseignement supérieur touche évidemment d’autres dimensions que la seule diversification géographique des populations étudiantes, bien que cette dernière dimension reçoive généralement une attention privilégiée. Aucune information statistique n’est cependant disponible, a fortiori sur une durée d’observation longue, pour ces autres dimensions.
- Dernière observation disponible.
- Rappelons que les objectifs du « processus de Bologne » (harmonisation de la structure et de la durée des cursus) ont été mis en œuvre, en FWB, par le « décret Bologne » du 31 mars 2004. Dès l’année académique 2004 – 2005 démarraient, en FWB, les nouveaux programmes de bachelier (trois ans), suivis, à partir de l’année académique 2007 – 2008, par les premiers programmes de master (deux ans). Dans la mesure où l’objectif poursuivi par le « processus de Bologne » est (entre autres) de faciliter — et, par là, encourager — la mobilité internationale, notamment par la poursuite d’un deuxième cycle (master) à l’étranger, les effets du « processus de Bologne » ne devaient se faire sentir, en FWB, qu’à partir de l’année académique 2007 – 2008.
- L’addition des chiffres des séries 2.a et 2.b correspond aux chiffres de la série 1, aux « erreurs d’arrondi » près.
- L’addition des chiffres des séries 3.a et 3.b correspond aux chiffres de la série 2.a, aux « erreurs d’arrondi » près.
- Rappelons que les étudiants internationaux représentent moins de 20% de la population étudiante totale (voir ligne 1 du tableau 1).
- Pour chacune des trois populations examinées (a, b ou c), la somme des pourcents en colonne (c’est-à-dire pour une même année d’observation), doit évidemment égaler 100%, aux « erreurs d’arrondi » près. Ainsi, pour prendre un exemple, en 1995 – 1996, pour le « total de la population étudiante universitaire » (lignes a), on vérifie que 56,4% + 21,5% + 22,1% = 100%. Et, de même pour les lignes b et c, pour chacune des années académiques.
- Ainsi, par exemple, l’Allemagne, la Finlande et la Corée se caractérisent par une proportion de leur population étudiante plus élevée (que la moyenne OCDE) dans le secteur des « sciences » et une proportion plus faible (que la moyenne OCDE) dans le secteur des « sciences humaines et sociales ». Les États-Unis, les Pays-Bas et la Belgique, à l’inverse, ont une proportion plus faible (que la moyenne OCDE) dans le secteur des « sciences » au profit d’une proportion plus élevée dans le secteur des « sciences humaines et sociales » (États-Unis et Pays-Bas) ou des « sciences de la santé » (Belgique). La Suède se caractérise par une proportion plus faible (que la moyenne OCDE) dans le secteur des « sciences humaines et sociales », au profit du secteur des « sciences de la santé », etc. Voir le tableau A3.3 de OCDE (2015).
- L’engouement particulier des étudiants (internationaux) français pour ces quatre domaines d’études du secteur des sciences de la santé a évolué au cours de la période, au fil de l’adoption de dispositions limitatives (« filtre » à l’issue du premier cycle, puis à l’issue de la première année, décret limitant la proportion de « non résidents »): ainsi l’engouement, maximal en début de période, pour les seules sciences médicales et dentaires, s’est-il ensuite porté sur les sciences vétérinaires puis sur les sciences de la motricité (kiné).
- Le total des chiffres des lignes 4.a, b et c est (légèrement) inférieur aux chiffres de la ligne 2.b car nous ne retenons pas ici les modestes composantes que constituent les étudiants provenant de pays européens non membres de l’UE ou d’Océanie, ni les « réfugiés ONU » et les apatrides.
- République démocratique du Congo, Rwanda et Burundi.
- Certains pays d’Afrique ont développé leurs systèmes d’enseignement supérieur, formant dorénavant chez eux des étudiants qui, sinon, auraient dû s’expatrier. Mais on doit aussi incriminer la réduction, en Belgique, des crédits permettant l’octroi de bourses.
- Selon la même définition que celle adoptée pour la section 1 (voir la note 1).
- Les statistiques de l’OCDE portent sur l’ensemble de l’enseignement supérieur, tandis que les statistiques FWB examinées dans la section 1 ne concernent que l’enseignement universitaire.
- Les Annuaires du CRef ne fournissent pas directement la statistique des étudiants internationaux par cycle d’études, mais bien celle des étudiants étrangers, distingués selon leur provenance (UE ou hors UE). Connaissant la part des étudiants internationaux parmi les étudiants étrangers UE (86%) et les étudiants étrangers hors UE (84,2%), nous pouvons calculer les parts du tableau 3.
- L’Autriche et les Pays-Bas sont les seuls autres pays à présenter une forte proportion (plus faible cependant qu’en FWB) de leurs étudiants internationaux en provenance d’un seul pays (en l’occurrence, l’Allemagne). La confrontation des tableaux A3.3 (répartition de l’ensemble de la population étudiante par domaines d’études) et C4.2 (répartition des étudiants internationaux par domaines d’études) de OCDE (2015) ne fait pas apparaitre, dans ces deux pays, de « concentration » particulière des étudiants internationaux dans l’un ou l’autre domaine d’études.
- Cette dernière observation est valable pour les DOC dans les trois grands secteurs d’études.
- Les pays européens retenus dans le tableau 4 sont ceux dont le système universitaire est réputé d’excellente qualité (voir Lambert, 2016).
- Il est à noter que le Portugal, autre ancienne puissance coloniale, compte également une proportion élevée d’Africains (29,1%) parmi ses étudiants internationaux.
- Les Pays-Bas sont les seuls à présenter une certaine concentration sur un seul pays d’origine (Allemagne), mais on notera qu’il s’agit d’un pays qui ne partage pas sa langue.
- Voir la section C4 de OCDE (2015).
- Et encore, dans les 4,8% d’étudiants asiatiques de la FWB, 1,8% provient de deux pays qui ont, soit maintenu le français comme langue d’enseignement (Liban), soit comptent encore une minorité francophone (Vietnam).
- En témoigne aussi le fait que, pour le contingent d’étudiants provenant d’Afrique (deuxième gros « fournisseur » d’étudiants internationaux de la FWB après la France), 5% seulement de ces étudiants proviennent d’un pays qui n’est pas de langue française.
- L’outil documentaire interactif « Autonomy scorecard » développé par l’EUA permet de mesurer aisément le degré d’autonomie des établissements de chacun des vingt-neuf systèmes européens selon diverses dimensions, dont l’autonomie académique. Pour cette dernière dimension est retenu un certain nombre de critères, parmi lesquels la liberté de la langue d’enseignement. On vérifie que, dans l’immense majorité des vingt-neuf systèmes européens, les établissements ont toute liberté d’organiser leurs programmes d’enseignement (tant au niveau des BA que des MA) dans la langue de leur choix.