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Institutionnel : les faux problèmes sont les vrais problèmes
La formule a dominé le discours politique francophone tout au long de la première décennie de ce siècle : les enjeux institutionnels et communautaires sont secondaires par rapport aux « vrais » enjeux, comme l’emploi et le pouvoir d’achat. En la répétant pour tenter de reporter les revendications adoptées en 1999 par les partis siégeant au Parlement flamand, les […]
La formule a dominé le discours politique francophone tout au long de la première décennie de ce siècle : les enjeux institutionnels et communautaires sont secondaires par rapport aux « vrais » enjeux, comme l’emploi et le pouvoir d’achat. En la répétant pour tenter de reporter les revendications adoptées en 1999 par les partis siégeant au Parlement flamand, les francophones ont indirectement conforté le cliché tenace selon lequel les problèmes communautaires étaient une invention des partis politiques. Selon ce cliché, les « vrais gens » dans la vie « normale », qu’ils soient néerlandophones ou francophones, s’entendent parfaitement et ne s’inventent pas de désaccords là où il n’y en a pas. En dépit du fait que depuis une dizaine d’années de plus en plus d’électeurs flamands ont apporté leurs suffrages à des partis dont la priorité est constituée par la réforme de l’État, voire par l’indépendance de la Flandre, ce cliché a encore la vie dure. Il risque cependant d’apparaitre très rapidement comme une grande illusion collective.
Enfin, serait-on tenté de penser ! Car non seulement les enjeux institutionnels et communautaires surdéterminent la vie politique belge et influencent donc directement notre vie quotidienne. Mais aussi et surtout parce qu’en minimisant leur importance, nous nous privons d’une part de notre capacité d’agir. Nous sommes littéralement hétéronomes, c’est-à-dire incapables de comprendre les ressorts de notre vie collective et de la changer.
Éviter un mauvais remake des années nonante
Aujourd’hui, il faut éviter à tout prix d’être les spectateurs impuissants d’un mauvais remake du film des années nonante, quand la communautarisation de l’enseignement fut suivie de plusieurs années de conflits sociaux dans les écoles de la Communauté française, sans déboucher sur de réels progrès. Y parvenir est une responsabilité politique au sens très large : non seulement des personnes dont c’est le métier (partis, fonctionnaires, enseignants, syndicats, pouvoirs organisateurs, associations), mais aussi de l’ensemble des citoyens habitant la Wallonie et Bruxelles, qui sont tous usagers directs ou indirects de l’école, comme des autres services aux personnes assurés par les associations ou services publics dépendant de la Communauté française.
Nous sommes tous des plombiers
Le système particratique belge a, il est vrai, pour fâcheuse tendance de déresponsabiliser grandement les citoyens. Gérard Deprez et Guy Spitaels qui comptèrent aussi parmi ses plus brillants représentants en savent quelque chose… Après avoir négocié durement une loi de financement des Communautés et des Régions et après avoir cru qu’ils avaient sauvegardé l’essentiel des intérêts de l’enseignement francophone, ils subirent tout au long des années nonante le désaveu d’une grande partie du monde de l’école (enseignants, parents, élèves…) qui les accusa de s’être fait rouler dans la farine par leurs homologues flamands en ne prévoyant pas de financement suffisant pour l’école francophone. Il fallut ensuite des années de mobilisation pour qu’un refinancement des Communautés soit institué. Si du côté néerlandophone, il permit d’accélérer le désendettement de la Région flamande, du côté francophone, il maintint l’école tout juste au-dessus de sa surface de flottaison. Que la Flandre qui avait fusionné sa Région et sa Communauté disposât d’une assiette fiscale bien plus large ne fit quasiment pas l’objet du débat. Les refinancements de 1993 et de 2001 permirent ainsi de faire l’économie d’une vraie réflexion sur une meilleure affectation des deniers publics au sein des institutions régionales et communautaires. Les plans d’économies imposés dans le secondaire et le supérieur furent mis sur le compte des erreurs commises par les présidents francophones et non du différentiel de richesse entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. De la sorte, les responsabilités internes à la crise de l’école francophone ne furent guère interrogées. Cette fois-ci, il faudra tout faire pour ne pas répéter pareil scénario.
Nous sommes tous concernés par l’avenir de l’école
La note Di Rupo prévoit un renforcement de l’autonomie fiscale et une contribution des entités fédérées à l’effort de réduction du déficit budgétaire de la Belgique. Pour la Wallonie et Bruxelles, comme pour la Communauté française, son impact d’ores et déjà considérable devrait selon toute probabilité être renforcé au terme de la négociation qui s’ouvre en cette rentrée 2011, sans parler, en cas d’échec complet, de la mise en place d’un plan B qui se traduirait par un tarissement des mécanismes de solidarité interrégionale entre la Flandre et les autres entités fédérées. Sauf à spéculer sur un improbable raz de marée de la gauche flamande aux élections régionales de 2014 (et encore), il faudra donc obligatoirement faire la même chose avec des moyens plus ou moins réduits. Au vu de son importance budgétaire, l’école sera immanquablement en première ligne.
Or en Wallonie et à Bruxelles, elle est déjà confrontée de manière particulièrement aigüe aux problèmes de pénurie et de démotivation des enseignants qui touchent à des degrés divers l’ensemble des pays européens. La solution du malaise scolaire ne viendra donc pas d’un nouveau refinancement. Pas question pour autant de considérer celui-ci comme une fatalité et de laisser aux seuls politiques, aux syndicats d’enseignants et aux pouvoirs organisateurs, le soin de négocier de nouveaux plans de restructuration sans reparler en profondeur de la place de l’école dans nos Régions, sans tenter d’ouvrir de toutes nouvelles perspectives. L’avenir de l’école concerne tous les habitants de Bruxelles et de la Wallonie. Il en va de même pour la culture et toutes les compétences de l’aide aux personnes. Au-delà des négociations institutionnelles, ce sont donc tous les acteurs concernés par l’avenir de nos Régions — syndicats interprofessionnels, entreprises, associations, citoyens — qui doivent être associés à la définition et à la mise en œuvre de projets qui permettront d’affronter « les vrais problèmes » de tous ceux qui y vivent, en commençant par les plus jeunes d’entre eux.