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Impasses : vers des possibles désirables ?
Avant que le rocher de Sisyphe ne roule une dernière fois en bas de la pente, avant de choisir le renoncement face aux impasses produites par notre société, nous avons fait le choix d’observer certains lieux singuliers, évoquant ces escaliers qui ne mènent nulle part. Ils symbolisent cette idée selon laquelle nous sommes fréquemment confronté·es à des problèmes qui nous semblent insolubles alors que des solutions inventives, subtiles ou déraisonnables pourraient apparaitre à la lisière de nos connaissances. Le véritable pouvoir de l’impasse réside dans sa capacité à nous amener à repenser, à nous réinventer et à explorer de nouveaux sentiers pour peut-être laisser là, ce rocher trop encombrant. Y aurait-il des possibles désirables ? Dans ce dossier, nous avons fait le pari d’y croire !
Avant que le rocher de Sisyphe ne roule une dernière fois en bas de la pente, avant de choisir le renoncement face aux impasses produites par notre société, nous avons fait le choix d’observer certains lieux singuliers, évoquant ces escaliers qui ne mènent nulle part. Ils symbolisent cette idée selon laquelle nous sommes fréquemment confronté·es à des problèmes qui nous semblent insolubles alors que des solutions inventives, subtiles ou déraisonnables pourraient apparaitre à la lisière de nos connaissances. Le véritable pouvoir de l’impasse réside dans sa capacité à nous amener à repenser, à nous réinventer et à explorer de nouveaux sentiers pour peut-être laisser là, ce rocher trop encombrant. Y aurait-il des possibles désirables ? Dans ce dossier, nous avons fait le pari d’y croire !
Tous·tes les auteur·ices de ce dossier sont tous·tes confronté·es, dans leurs domaines respectifs, à des impasses, à des questions rarement résolues qui réapparaissent de manière cyclique. Celles-ci génèrent d’abondants discours sans pour autant que nous ne parvenions collectivement à les dépasser. Ces impasses traduisent sans doute des obsessions collectives qui nous hantent : prison, travail social, enseignement, langue, questions de genre ou encore santé mentale, autant de lieux soumis à des forces contradictoires opposant les ternes habitudes aux nouveautés inatteignables.
Dans le premier texte de ce dossier, L’Impasse carcérale, Christophe Mincke, directeur du département de criminologie de l’Institut national de criminalistique et de criminologie et professeur à l’Université Saint-Louis à Bruxelles, se penche sur la prison, celle qui est présente dans nos paysages, dans nos villes et nos campagnes mais aussi dans nos imaginaires au travers de la pop culture, des « Portes du pénitencier » à « Prison Break » en passant par « Le Trou ». Dans le débat public, il est régulièrement question de grève du personnel pénitentiaire, de conditions de détention, de surpopulation, de construction de nouveaux établissements ou encore du scandale de telle libération conditionnelle. Nos regards se portent dès lors vers les pays scandinaves aux principes carcéraux qui nous semblent plus respectueux des personnes. La peine de prison est la privation de liberté, et non une forme de torture. Mais pourrions-nous nous passer de nos prisons sans avoir préalablement changé radicalement nos modes d’organisation socioéconomiques et politiques ? Par une réforme globale de nos modèles de société ? Cette réforme, n’est-elle pas le reflet d’une relation particulière, pour ne pas dire symbiotique, entre nos sociétés et la prison ? La prison, insupportable et indispensable ?
Dans un deuxième temps, nous donnons la parole à Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux. Ayant participé à plusieurs groupes d’expert·es durant la crise sanitaire, elle a porté haut la voix du secteur social-santé et des personnes précarisées. Dans son échange avec Charlotte Maisin, de la cellule recherch’action de la Fédération des Services Sociaux, elle souligne les impasses rencontrées par les professionnel·les du secteur social en contact direct avec le public. Aujourd’hui, constate-t-elle, les conditions de travail, les types de management et les modes de financement ne sont plus adaptés aux métiers de l’humain, voire entravent leur mission.
Ces entraves apparaissent aussi dans les discours alarmistes concernant le niveau des élèves et des étudiant·es, un sujet récurrent dans le domaine de l’éducation. Dans son article intitulé Le niveau baisse ? Le niveau monte ? Le niveau change ! Azzedine Hajji, assistant-doctorant en sciences psychologiques et de l’éducation à l’Université Libre de Bruxelles s’interroge sur l’évolution, réelle ou supposée, de nos sociétés qui n’ont pourtant pas sombré dans le degré zéro de l’ignorance. Il explore comment ces discours, pris dans le temps long, mènent à des impasses qui empêchent de repenser les adaptations que l’institution scolaire doit initier pour relever les défis de sa démocratisation.
La linguiste Laurence Rosier se penche, quant à elle, sur le tract des linguistes attérées intitulé « Le français va très bien, merci » pour évoquer l’idée d’une sortie de l’impasse puriste de la langue française. Ce texte, à la fois linguistique et politique, met en exergue tout ce que les discours sur la langue ont en commun : le retour sempiternel des mêmes imageries et pseudo-arguments. La langue est un lieu où s’entremêlent l’esthétique, la grammaire et l’idéologie au travers de normes régissant les discours normatifs. Ceux-ci se superposent aujourd’hui avec les trolls et les grammar nazis d’Internet, les opposant·es à la féminisation et à la variation orthographique ou encore aux réflexions métalinguistiques. Les linguistes attérées, aujourd’hui réuni·es en association, ont réagi via ce tract comme une solution ultime pour sortir de l’impasse. Mais ne serait-il pas envisageable d’emprunter un autre chemin ?
C’est à Saõ Paulo où il est chercheur-invité en sciences politiques et sociales, que François Fecteau a rencontré Cris, une femme trans. Elle témoigne de son processus de transition, de sa vie quotidienne dans cette mégalopole brésilienne et des obstacles affectant la communauté LGBTQIA+. Cris nous décrit une société brésilienne pétrie de conservatisme souvent religieux mais aussi une société qui est ouverte, inclusive et moderne se distinguant des pays voisins. Comme bon nombre de personnes trans, Cris oscille entre le découragement face à une société très hypocrite et l’espoir de jours meilleurs.
Enfin, dans le dernier texte L’Un passe, Frédéric Personat, médecin assistant en psychiatrie à l’ULB, souligne que la psychiatrie est pensée comme une médecine expérimentale objective, ce qui la mène à une impasse thérapeutique. La conception médicale moderne de la santé mentale passe sous silence la subjectivité et la singularité de chaque individu. La médecine de l’esprit ne peut pas être superposée en tous points à la médecine du corps. À partir de deux témoignages de personnes passées par les institutions psychiatriques, nous découvrons le caractère éminemment subjectif du malêtre psychique qui se traduit par l’impossibilité de transmettre l’entièreté du ressenti par l’intermédiaire du langage qui ne dit jamais tout. Se situant à la croisée de problématiques psychologiques, linguistiques, politiques et biologiques, le malêtre psychique échappe aux « cases » de la science expérimentale, sans devenir un organe de répression sociétale. Pour en sortir, Frédéric Personat nous invite à accueillir la singularité de chacun·e, afin de rendre à la psychiatrie l’humanisme que la science expérimentale tend à lui soustraire. Pour que le mal-à-dire psychiatrique puisse sortir de l’impasse objectivée dans laquelle il est confiné.
En explorant ces lieux, posons-nous la question de savoir d’où nous observons, plutôt que de nous demander pourquoi nous n’arrivons pas à sortir de ces impasses. Imaginons et tendons vers des possibles désirables.