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Ils étaient cinq !
Ils étaient cinq, il y a bien longtemps. Les parents, trois fils. En Afghanistan. Je ne sais pas précisément qui mourut de quoi, ni quand… maladie ? Balle perdue ? Noyade ? Ce que je sais, c’est que seuls deux d’entre eux sont arrivés en Belgique. Le plus jeune avait une douzaine d’années et son ainé était majeur depuis […]
Ils étaient cinq, il y a bien longtemps. Les parents, trois fils. En Afghanistan.
Je ne sais pas précisément qui mourut de quoi, ni quand… maladie ? Balle perdue ? Noyade ? Ce que je sais, c’est que seuls deux d’entre eux sont arrivés en Belgique. Le plus jeune avait une douzaine d’années et son ainé était majeur depuis peu. Sans parents, portant en eux le souvenir de leur petit frère. Là-bas ? Où ça ? Qui ça ? Personne.
Le plus jeune fut inscrit dans une école primaire, dans une petite ville wallonne. Il ne parlait pas français et n’avait pour ainsi dire jamais été scolarisé. Il a appris à parler. Il a appris à aller à l’école. Il s’est accroché.
Il a rencontré des enseignants qui l’ont aidé, protégé, aimé. Il a croisé une directrice qui a vu l’enfant en lui, pas l’étranger, pas l’envahisseur. Juste un enfant. Un enfant différent, qu’il fallait donc aider. Et, fidèle à son engagement, à sa vocation, elle s’en est occupée. Il faut voir les photos de la classe de neige pour comprendre ce qu’elle et son mari ont offert à ce garçon qui n’avait plus rien.
Il aurait fallu bien plus que la fin de l’école primaire pour rompre ce lien. Le voilà entré dans l’enseignement secondaire professionnel, inscrit par sa directrice d’école primaire. Il revient dire bonjour. Il grandit. Il sourit maintenant. Il sait ce qu’il veut : dès que possible, il deviendra apprenti-boulanger. C’est un beau métier, la boulangerie. Madame la directrice l’aidera, pour ça aussi.
Quelle chance, après tant de malheur. Sauf que…
Sauf que deux membres de la famille ont survécu. Et que le grand frère n’est pas un « Ména » (mineur étranger non accompagné) et qu’il doit obtenir l’asile politique ou quitter le pays. C’est une autre paire de manches, ça. La procédure a suivi son cours… Même le puiné a été interrogé, en l’absence de son tuteur qui ne s’est pas présenté à l’audition. Il s’est refermé, il n’a pas parlé. Qu’y a‑t-il à dire pour un garçon de quatorze ans qui a tant vécu ? Comment savoir ? Qui peut savoir ?
L’asile est refusé à son ainé. Lui peut rester, on n’expulse pas les Ména. Quelle chance : choisir entre son avenir et le dernier membre de sa famille qu’il connaisse. Le choix se dessine : si son frère doit partir, il le suivra… Bien entendu, un recours a été introduit, mais à quoi aboutira-t-il ?
De retour en Afghanistan, que lui arrivera-t-il ? Ira-t-il à l’école ? Deviendra-t-il boulanger ? Mourra-t-il là-bas ? Reprendra-t-il le chemin de l’exil ? Où ira-t-il ? Dans quel état arrivera-t-il ? Arrivera-t-il ?
Tant d’amour et d’énergie, tant d’accueil de la part d’une population qui ne veut pas fermer sa porte, tant de volonté chez ce jeune garçon. Tant de bonté. Pour quoi ? Il fallait bien plus que l’entrée dans l’enseignement secondaire pour rompre le lien…
Qui sommes-nous ? Jusqu’où nous autodétruirons-nous en foulant aux pieds nos valeurs ? Nos vraies valeurs, celles qui font rêver, qui promettent solidarité et humanité.