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Il pleut sur Tel-Aviv. Récit d’un voyage ordinaire

Numéro 11 Novembre 2012 par Paul-Emile Durant

novembre 2012

Un concert don­né en 2011 par une cho­rale bruxel­loise au pro­fit de l’as­so­cia­tion Artistes contre le Mur (www.artistes-contre-le-mur.org), qui orga­nise chaque année des ate­liers créa­tifs à Qal­qi­lya en Pales­tine, a inci­té quelques cho­ristes à décou­vrir sur place la réa­li­té de cette petite ville encer­clée de murs, et, dans le reste de la Cis­jor­da­nie, la manière dont la colo­ni­sa­tion marque la vie des habi­tants, modèle l’ar­chi­tec­ture et le paysage.

17 février 2012. Il pleut sur Tel-Aviv.

Arri­vée tar­dive hier soir, inter­ro­ga­toire rapide à l’aéroport Ben Gou­rion, le nom à conso­nance bien juive de nos amis en Israël a rapi­de­ment mis fin aux ques­tions des mili­taires, qui nous laissent pas­ser sans autre dif­fi­cul­té. Pre­miers pas en Israël.

Tel-Aviv est belle, moderne, guère dépay­sante au pre­mier abord. Et nous filons quelques heures plus tard vers Jéru­sa­lem, où des amis israé­liens per­dus de vue depuis trente ans et retrou­vés par inter­net nous reçoivent cha­leu­reu­se­ment dans leur immense appar­te­ment doté d’une ter­rasse magni­fique qui domine la ville. Tous deux sont uni­ver­si­taires, lui (sépha­rade) pro­fes­seur émé­rite d’économie à l’université hébraïque de Jéru­sa­lem, elle (ash­ké­naze) psy­cho­logue récem­ment retrai­tée du minis­tère des Affaires sociales.

La fin du repas mène aux inévi­tables ques­tions sur l’objet de notre voyage, que nous leur avons annon­cé tout entier consa­cré à un périple en Pales­tine : Jéru­sa­lem-Est, Ramal­lah, Hébron, Qal­qi­lya, Beth­léem… L’ambiance se plombe un peu. Et nous ne comp­tons pas ren­con­trer d’Israéliens ?

Nous pre­nons congé, armés de cette recom­man­da­tion émue qu’ils nous for­mulent : « Ne vous lais­sez pas laver le cerveau. »

Ren­dez-vous est pris pour une semaine plus tard.

Il pleut aus­si le len­de­main sur la vieille ville de Jéru­sa­lem, où nous retrou­vons nos com­pa­gnons de route arri­vés de Bruxelles, au couvent de l’Ecce Homo. Les sœurs habitent un bâti­ment mil­lé­naire, dont les ter­rasses sur les toits offrent une vue à cou­per le souffle sur le dôme du Rocher, et sur Jéru­sa­lem tout entière. L’or de revê­te­ment du dôme domine dans ce décor de toits encom­brés de réser­voirs d’eau et d’antennes para­bo­liques. Jéru­sa­lem est bien, dès l’abord, la ville de tous les contrastes.

Centre d’information alternative

Nous sommes atten­dus par Michel War­schaws­ki, mili­tant anti­co­lo­nia­liste juif laïc israé­lien, comme il se défi­nit lui-même, le fon­da­teur dans les années 1970 du Centre d’information alter­na­tive (CIA), une orga­ni­sa­tion mixte israé­lo-pales­ti­nienne. Il réflé­chit et écrit sur la colo­ni­sa­tion illé­gale, l’État bina­tio­nal et milite contre la conduite de l’État d’Israël dans les ter­ri­toires occu­pés. Il défi­nit son centre comme « une brèche dans le mur », qui entend main­te­nir un contact entre les deux côtés de cette frac­ture et pro­mou­voir un pro­jet com­mun ara­bo-juif. Pas­sion­nant entre­tien, autour des révo­lu­tions arabes en cours, de l’avenir à moyen terme de la confi­gu­ra­tion poli­tique au Proche-Orient, de la confron­ta­tion d’Israël aujourd’hui à des mou­ve­ments sociaux inédits, qui remettent en ques­tion la poli­tique néo­li­bé­rale du gouvernement.

Israël souffre de ce que War­schaws­ki appelle son « pro­vin­cia­lisme » : un jour­na­liste israé­lien est ques­tion­né à son retour de la place Tha­rir au Caire — « Que disent-ils de nous ? » Réponse : « Rien ! » Stu­peur, Israël ne serait donc pas en per­ma­nence le centre du monde ? Pour la pre­mière fois depuis qua­rante ans, Israël n’a pas déci­dé de l’ordre du jour de la région. Et c’est insup­por­table pour le gou­ver­ne­ment. Un vent de guerre souffle, vers l’Iran.

Michel War­schaws­ki nous montre autour de Jéru­sa­lem com­ment com­mencent les colo­nies (« set­tle­ments »), illé­gales au regard du droit inter­na­tio­nal, mais en pleine expan­sion ininterrompue.

C’est édi­fiant : on bâtit quelques immeubles, on implante une sta­tion d’essence qui paraît pla­cée au milieu de nulle part, on crée un réseau d’alimentation élec­trique, on assure la dis­tri­bu­tion d’eau, et sur­tout on trace des routes, qui maillent le ter­ri­toire, qui par­cel­lisent la cam­pagne et les ban­lieues, qui frag­mentent les zones non bâties. Rien n’est implan­té par hasard. La créa­tion des colo­nies est un plan savam­ment orga­ni­sé, une pla­ni­fi­ca­tion impla­cable, qui entend faire prendre pied de manière irré­ver­sible aux Juifs Israé­liens dans tous les ter­ri­toires occu­pés. Il saute aux yeux que les colo­nies ne sont pas de modestes cam­pe­ments, éven­tuel­le­ment « déman­te­lables », mais des pro­jets de villes, par­fois de plus de 50.000 habi­tants, équi­pées de com­merces, de ser­vices, d’hôpitaux, d’écoles, d’infrastructures qui leur sont réser­vées. Elles sont là pour durer.

Le maillage entre les colo­nies fait par­tie inté­grante du grand pro­jet : il faut assu­rer la conti­nui­té entre les implan­ta­tions, par un bâti inin­ter­rom­pu, par un réseau de routes per­for­mantes réser­vées aux colons, lais­sant les autres voies de cir­cu­la­tion aux usa­gers pales­ti­niens. Ceux-ci cir­culent de ce fait plus len­te­ment, obli­gés à des détours impor­tants et sont aisé­ment contrô­lables avec leurs plaques d’immatriculation vertes sur fond blanc, inter­dites sur les routes réser­vées aux plaques jaunes des Israé­liens. Le plan du gou­ver­ne­ment est basé sur le « prin­cipe de l’emmenthal » : tout le ter­ri­toire est Israël, sauf les trous (tels Naplouse, Jénine, Ramal­lah, et de petites enclaves).

La ségré­ga­tion se lit dans le réseau rou­tier comme dans l’urbanisation. Sa mani­fes­ta­tion la plus visible est le mur, qui saute aux yeux du voya­geur avec une vio­lence inouïe, ponc­tué de mira­dors et de check-points.

Il a été impo­sé par l’opinion publique, au nom du sen­ti­ment de sécu­ri­té, avec ce pro­jet fou de mar­quer le « chez soi » du reste. Il y a dans l’opinion israé­lienne un vaste consen­sus pour que se crée un pays démo­gra­phi­que­ment juif, où l’on est « entre soi ». Nous avons sen­ti, tout au long, cet espoir israé­lien de voir les Pales­ti­niens pris d’une irré­sis­tible envie de partir…

B’Tselem

Cette ONG exerce un moni­to­ring sys­té­ma­tique des vio­la­tions des droits de l’homme dans les Ter­ri­toires occupés.

L’arrivée vers Beth­léem est un choc : on s’attend à une image plu­tôt biblique de ce lieu de nais­sance de Jésus, qui évoque la crèche, le bœuf et l’âne ! La réa­li­té est une paroi de béton de huit mètres de haut, sur­mon­tée de bar­be­lés, ponc­tuée de mira­dors, entou­rant la ville, qui n’est fran­chis­sable qu’au tra­vers de check-points impressionnants.

Le mur est par­tout, il ser­pente sur les col­lines, il appa­rait et dis­pa­rait dans le pay­sage, avec un tra­cé sinueux qui semble au pre­mier regard aléa­toire, déli­mi­tant ce que les seuls Israé­liens ont déci­dé de lais­ser comme ter­ri­toire à la Cisjordanie.

On est frap­pé par l’aspect pro­fon­dé­ment archaïque d’un tel mar­quage du ter­ri­toire. On ne peut évi­ter d’évoquer la Grande Muraille de Chine, construite trois siècles avant J‑C ! C’est bru­tal, phy­sique, sans ambigüi­té, c’est la ségré­ga­tion dure­ment concrétisée.

Le mur ne suit pas la Ligne Verte recon­nue par le droit inter­na­tio­nal, mais répond, mètre après mètre, à une volon­té du gou­ver­ne­ment israé­lien de cou­per les Pales­ti­niens de leurs res­sources, de leurs liens entre eux, de leurs champs, de leurs infrastructures.

Il tota­li­sait en 2011 quelque cinq cents kilo­mètres de tra­cé, selon l’Ocha1. Il accom­pa­gne­ra quo­ti­dien­ne­ment notre périple en Cis­jor­da­nie, de Jéru­sa­lem-Est au Jourdain.

Hébron, la confrontation rapprochée

Nous avions vu, comme beau­coup, des images de cette ville fon­dée il y a 4.500 ans, située à trente kilo­mètres au sud de Jéru­sa­lem : des rues réser­vées aux colons, des rues mar­chandes cou­vertes de grillages de pro­tec­tion contre les déver­se­ments de déchets et de pro­jec­tiles. L’appréhender en trois dimen­sions, s’y pro­me­ner sous ces grilles, crée un choc.

Après un pas­sion­nant expo­sé au Comi­té de réha­bi­li­ta­tion d’Hébron (Hebron Reha­bi­li­ta­tion Com­mit­tee) qui tente, par une réno­va­tion patiente et soi­gneuse de mai­sons et d’espaces publics, de faire reve­nir les habi­tants qui ont fui la ville, nous y fai­sons un vaste tour à pied, gui­dés par Walid. Hébron compte 220.000 habi­tants pales­ti­niens. Cinq colo­nies illé­gales en pleine ville, par­fois direc­te­ment bâties sur les mai­sons arabes, abritent 400 colons gar­dés par 1.500 sol­dats sta­tion­nés sur place avec une tour­nante per­ma­nente pour évi­ter qu’une quel­conque com­pli­ci­té puisse sur­gir entre occu­pés et occupants.

La rue prin­ci­pale, cor­don ombi­li­cal reliant les colo­nies, est inter­dite aux Pales­ti­niens. Vide de toute acti­vi­té, elle abri­tait pré­cé­dem­ment 512 com­merces, fer­més par ordre mili­taire. Aujourd’hui, les colons y font leur foo­ting, mitraillette sur le dos, sous nos yeux, alors que les Pales­ti­niens sont can­ton­nés sur une bande laté­rale d’un mètre de lar­geur, mar­quée par une bor­dure en béton. Les rues laté­rales sont bar­rées, her­mé­ti­que­ment. Uni­vers de béton et de bar­be­lés. Les enfants pales­ti­niens se rendent à l’école par des che­mins détour­nés, dif­fi­ci­le­ment pra­ti­cables, et accom­pa­gnés de volon­taires d’associations qui les pro­tègent des petites agres­sions quo­ti­diennes des colons et de leurs enfants, à l’égard des­quels la police et l’armée font preuve d’une pas­si­vi­té déli­bé­rée. Les sen­tiers eux-mêmes, sont pro­gres­si­ve­ment inter­dits d’accès aux Pales­ti­niens, qui en sont réduits à trou­ver des che­mi­ne­ments au tra­vers des jar­dins pri­vés, avec des obs­tacles omni­pré­sents, qui rendent les dépla­ce­ments acro­ba­tiques, fas­ti­dieux et dan­ge­reux. Nous avons sui­vi ces che­mins, lon­gé les mai­sons des familles, esca­la­dé les échelles de for­tune, patau­gé dans les dépôts d’ordures que per­sonne ne peut plus ramas­ser, et nous avons par­tout croi­sé les sou­rires inat­ten­dus de ces Arabes sou­vent rési­gnés, et qui contrastent avec les mines peu amènes des sol­dats de fac­tion par­tout, aux check-points, sur les toits, dans les rues.

En zone pales­ti­nienne d’Hébron, dénom­mée H1, les mar­chés se sont réor­ga­ni­sés tant bien que mal. Beau­coup de den­rées joli­ment pré­sen­tées, des robes et jouets d’enfants sus­pen­dus aux bar­be­lés, le tout est cou­vert de grillages hori­zon­taux au pied des habi­ta­tions des colons, qui de toute évi­dence déversent cailloux, déchets et immon­dices sur ces rues confinées.

Car ici la coexis­tence est proche : les mai­sons arabes, sou­vent pauvres, sont par­fois à deux mètres de la façade de luxueux appar­te­ments de colons, qui orga­nisent leur bulle de vie en nar­guant leur voi­si­nage. Sur le toit d’une modeste mai­son pales­ti­nienne, nous sommes face à la cui­sine équi­pée des colons d’en face. Et les habi­tants nous montrent les trous dans leurs réser­voirs d’eau, résul­tat de tirs au fusil de la part des colons, et répa­rés avec résignation.

Une orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale2 exerce un moni­to­ring sys­té­ma­tique des petites et grandes exac­tions com­mises par les Israé­liens à Hébron, et s’est don­né comme objec­tif de ten­ter de per­mettre aux habi­tants arabes de mener une vie aus­si « nor­male » que possible.

Women in Hébron

Nawal Sle­miah, fon­da­trice d’une coopé­ra­tive de femmes à proxi­mi­té de la ville, nous invite à un très convi­vial repas, dans la cour de la coopé­ra­tive, au vil­lage voi­sin. Le taux de chô­mage (mas­cu­lin) à Hébron est tel que quelques femmes ont déci­dé de prendre en main elles-mêmes la créa­tion de reve­nus propres, par un arti­sa­nat de qua­li­té (ate­lier de cou­ture et bou­tique de vente). Leur clin d’œil : de petits sacs sur une face des­quels est bro­dé « Men can do some­thing » et sur l’autre « Women can do eve­ry­thing ».

Elles nous guident ensuite vers leurs champs à proxi­mi­té, entre le vil­lage et le mur. Dès que nous appro­chons à cent mètres du mur, une jeep de sol­dats nous inter­pelle par haut­par­leur. « Pro­blem ? » « No, no pro­blem, go away. »

La réponse de Nawal, et le ton de celle-ci, en dit long sur son res­sen­ti­ment. Elle nous montre la tombe d’un jeune du vil­lage, enter­ré en plein champ, abat­tu par l’armée israé­lienne il y a peu… Nous pre­nons un thé impro­vi­sé avec une famille qui vit sous tente, sans eau ni élec­tri­ci­té, à la suite de la démo­li­tion de sa mai­son deve­nue « illé­gale », et ter­mi­nons la soi­rée, un peu sous le choc, dans le centre d’Hébron, par un froid de canard…

Le camp de réfugiés Aida à Bethléem

Aida fait par­tie des cin­quante-six camps de réfu­giés nés après l’occupation par le nou­vel État d’Israël en 1948. Deux tiers des Pales­ti­niens (7 mil­lions donc, sur un total de 11 mil­lions) d’aujourd’hui sont des réfu­giés ou des des­cen­dants de ceux-ci. Les plus dému­nis des Pales­ti­niens de 1948 n’ont eu d’autre choix que ces camps, au départ sous tentes et par­fois loués par les Nations unies pour nonante-neuf ans. Après les tentes sont appa­rus des « shel­ters » (abris), qui se sont pro­gres­si­ve­ment amé­lio­rés avec le sou­ci de leurs habi­tants de vivre, mal­gré le sort, dans la digni­té. Cer­taines mai­sons dans le camp sont bâties avec soin et sou­ci d’esthétique, et leur construc­tion dans cet envi­ron­ne­ment consti­tue d’une cer­taine manière un acte de résis­tance, tant elle peut démon­trer à Israël que la Pales­tine n’est pas défi­ni­ti­ve­ment écrasée.

Abdel­fat­tah Abus­rour, fon­da­teur du centre cultu­rel et de théâtre Al-Row­wad, est né dans le camp. Après ses études de bio­lo­gie en France dans les années 1980, il fonde dans le camp d’Aida une asso­cia­tion de théâtre et d’art, pour mon­trer par là qu’est pos­sible une résis­tance élé­gante et digne : « A beau­ti­ful Resistance ».

Selon lui, 85% des Pales­ti­niens n’ont pas choi­si la résis­tance armée. Vou­lant don­ner une autre image — non vio­lente — de son pays et esti­mant « être plus utile à la Pales­tine vivant que mort », il met en pra­tique sa convic­tion que « le théâtre est la plus belle forme d’expression non vio­lente ». S’y sont ajou­tées la danse, la musique, la pho­to, la vidéo.

Face au mur, impres­sion­nant à Aida, qui sépare le camp de Beth­léem, un vaste ate­lier de taille de pierre s’est arrê­té de pro­duire après sa des­truc­tion par l’armée d’Israël, les trous d’obus gar­nissent ce qui reste de la façade.

Il y a débat dans le camp, entre ceux qui décorent (par­fois très joli­ment) le mur de béton, en y tra­çant des­sins, cou­leurs, textes, slo­gans reven­di­ca­tifs ou guer­riers, et les par­ti­sans du main­tien du mur en son état nu et dépri­mant, sym­bole de l’enfermement, pour ne pas oublier qu’il maté­ria­lise l’occupation.

L’entrée du camp est un grand por­tique en forme de ser­rure, sur­mon­té d’une clé géante, qui sym­bo­lise le retour atten­du des réfu­giés sur leurs terres. Ils ont gar­dé la clé de leur « chez eux », avant 1948, lorsque les Juifs n’occupaient que 6% des terres de Pales­tine… Les noms des vil­lages de pro­ve­nance des occu­pants du camp d’Aida sont peints sur un mur du camp, sous l’inscription rouge sang : « We will return. »

Les jours sui­vants, nous avons ren­con­tré plu­sieurs per­son­na­li­tés et orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes enga­gées qui méri­te­raient cha­cune qu’une plus large place leur soit faite dans ce récit.

« Tent of Nations », qui résiste par les voies de droit à l’expropriation de ses terres encer­clées par les colo­nies, DCI (Defence for Chil­dren Inter­na­tio­nal), où Vero­ni­ca nous parle du sort révol­tant qu’Israël réserve aux enfants pales­ti­niens des ter­ri­toires occu­pés, en écra­sant chez eux toute vel­léi­té de deve­nir des adultes résis­tants, Al-Haq (« Le droit, la véri­té ») basée à Ramal­lah, créée par trois avo­cats pales­ti­niens, qui a pour objet la sur­veillance et la dénon­cia­tion des abus de droit dans les ter­ri­toires occupés.

Ces ren­contres et ces témoi­gnages ont enri­chi notre décou­verte de ces forces vives de Pales­tine, qui créent des formes de résis­tance à l’occupation par l’intelligence, la déter­mi­na­tion, le cou­rage, la compétence.

Académie de musique Al Kamandjati de Ramallah

Lieu magique : à deux pas du centre de Ramal­lah, un bâti­ment ancien déli­ca­te­ment réno­vé, arti­cule ses locaux autour d’une cour inté­rieure, dans laquelle un esca­lier à ciel ouvert mène à une toi­ture amé­na­gée où la vue vers le quar­tier est cou­pée par des parois métal­liques archi­tec­tu­rées, don­nant une forte per­son­na­li­té à ce petit nid de culture. Car ici en effet la musique est par­tout. Un pia­niste répète dans une salle atte­nante, ses notes enchantent l’endroit. Ici, on entre, on sort, c’est un car­re­four de culture.

Al Kamand­ja­ti a été créée par Ram­zi Abu­red­wan, musi­cien altiste de for­ma­tion et médaillé du conser­va­toire d’Angers, qui a vécu sa jeu­nesse dans un camp de réfu­giés près de Ramal­lah. Sur une affiche emblé­ma­tique du centre, on le voit lan­ceur de pierres lors de la pre­mière inti­fi­da. Il a huit ans à l’époque. L’association répand la musique en Pales­tine, dans les camps de réfu­giés, les vil­lages et les villes de Pales­tine et du Liban.

Mer­veilleuse oasis de paix et d’optimisme, dans ce pays écra­sé. La musique est invincible…

Université de Bir Zeit (Ramallah)

Saleh Abdel Jawad, doc­teur diplô­mé de Paris X‑Nanterre, doyen de la facul­té de droit et d’administration publique, ancien com­bat­tant du Fatah, ne mâche pas ses mots et se dit pes­si­miste de nature. Il estime impos­sible d’aller à la confron­ta­tion armée avec Israël. Il se dit oppo­sé aux opé­ra­tions sui­cides. La récon­ci­lia­tion entre le Hamas, qui sou­hai­te­rait faire l’état pales­ti­nien par les armes, et le Fatah, plu­tôt par­ti­san de négo­cia­tions, n’est à ses yeux pas envisageable.

La vio­lence, la guerre ont tou­jours été à l’avantage d’Israël. Qui d’ailleurs mène en per­ma­nence une sorte de total war, une guerre qui uti­lise tous les moyens, et pas seule­ment l’armée.

Selon le pro­fes­seur Saleh Abdel Jawad, on assiste en Pales­tine à un « socio­cide », une des­truc­tion totale de la socié­té pales­ti­nienne3. La construc­tion du mur autour des ter­ri­toires occu­pés a, dit-il, plu­sieurs objec­tifs : reprendre des terres, assu­rer la sécu­ri­té, iso­ler les popu­la­tions pales­ti­niennes, mais sur­tout dépri­mer les popu­la­tions. Cette situa­tion de semi-enfer­me­ment pro­voque des sui­cides, génère des ten­sions internes.

Son expo­sé est pas­sion­nant, enga­gé, com­plexe. Il nous laisse sur cette phrase : « Plus les choses pour nous deviennent dures, plus notre vie est devoir de résistance. »

Ce soir-là, nous man­geons à Jif­na, un vil­lage mar­qué de la com­plexi­té des zones défi­nies par les accords d’Oslo : nous mar­chons dans la rue prin­ci­pale avec notre hôte, qui nous explique avec un sou­rire qui en dit long, que le côté droit est en zone A pales­ti­nienne, le côté gauche en B, par­ta­gé entre auto­ri­té israé­lienne et pales­ti­nienne, et la col­line à quelques cen­taines de mètres en zone C vu la colo­nie illé­gale toute proche ! Le res­tau­rant local, visi­ble­ment fré­quen­té par des chré­tiens, est enva­hi de chan­sons popu­laires par un groupe d’hommes d’un cer­tain âge, qui accom­pagnent joyeu­se­ment leur repas de John­ny Wal­ker, peu habi­tuel sous cette lon­gi­tude… Tout se ter­mine par de la danse.

Qalqilya, une bulle entourée de murs

À seule­ment douze kilo­mètres de la mer, Qal­qi­lya est un exemple concen­tré de la poli­tique de colo­ni­sa­tion. Ce gros bourg est entiè­re­ment entou­ré de hauts murs de béton iso­lant ses habi­tants de leur envi­ron­ne­ment. Au nord et au sud, des colo­nies illé­gales sont en construc­tion, enser­rant la ville qui devient une sorte d’enclave en Israël, vio­lant la Ligne Verte de 1948.

Les pay­sans nous mènent au pied du mur, par­ti­cu­liè­re­ment écra­sant et par­se­mé de camé­ras et mira­dors, qui les coupe de l’essentiel de leurs champs, leur lais­sant à peine une petite éten­due pour des cultures limi­tées par l’armée à une hau­teur de trente cen­ti­mètres, pour évi­ter que ne s’y dis­si­mulent des ter­ro­ristes ! Notre inter­lo­cu­teur explique que son reve­nu de culture est tom­bé à 10% de ce qu’il était avant la construc­tion du mur.

Plus loin, devant la bar­rière n° 1393 qui per­met le pas­sage vers les champs, nous décou­vrons les règles que les mili­taires appliquent pour le pas­sage : ouver­ture à une heure variable et aléa­toire une demi-heure le matin, une demi-heure le soir, pas­sage auto­ri­sé pour le seul pro­prié­taire de terre de culture, sans aide d’une per­sonne tierce, per­mis sépa­ré à deman­der pour le pas­sage d’outils ou de machines ou d’un che­val, en résu­mé un concen­tré de res­tric­tions et de contraintes qui rendent pra­ti­que­ment impos­sible toute culture effi­cace. De la bar­rière, on voit dans le loin­tain les tours de Tel-Aviv.

Les anec­dotes rap­por­tées par ce pay­san sont innom­brables. L’armée a asper­gé de pes­ti­cides les cultures prêtes à la récolte, la veille de celle-ci. L’eau est régu­liè­re­ment empoi­son­née par l’armée, la quan­ti­té d’huile d’olive auto­ri­sée à fran­chir la bar­rière est contin­gen­tée, de manière arbi­traire et variable, les vexa­tions sont inces­santes et quo­ti­diennes. Un che­val, un jour, a été arrê­té par l’armée comme col­la­bo­ra­teur des terroristes.

L’association qui nous a reçus à Qal­qi­lya, nous montre des pho­tos de l’enclave for­mée par le mur, inon­dée volon­tai­re­ment par Israël, qui déverse le trop-plein de la sta­tion d’épuration des eaux usées de la colo­nie voi­sine, par un pas­sage sous le mur. Nous quit­tons la « ville pri­son » (The Pri­so­ner Gover­no­rate), en évi­tant le check point de sor­tie au pro­fit d’un détour par une route tor­tueuse qui passe sous la voie réser­vée aux colons. Un petit tun­nel de pas­sage que l’armée peut fer­mer à sa guise.

À Qal­qi­lya, les cir­con­vo­lu­tions du mur sont telles qu’on s’y perd : lorsqu’on le voit à la fois sur la droite et sur la gauche, devant et der­rière, où est Israël ? Où est la Cisjordanie ?

Comme nous l’a dit un Pales­ti­nien, chaque mètre de ce mur a sa rai­son d’être : bri­ser l’accès aux champs, aux écoles, contour­ner un puits, lais­ser les points stra­té­giques aux colo­nies. Le tra­cé est cynique, réflé­chi, vexa­toire, décourageant.

Ocha le recensement des violations

Les Nations unies ont à Jéru­sa­lem Est un siège de l’Ocha char­gé du « moni­to­ring » des actions d’Israël en Pales­tine. Un colos­sal tra­vail de car­to­gra­phie des ouvrages de la ségré­ga­tion, et de dénon­cia­tion des illé­ga­li­tés en regard du droit inter­na­tio­nal. Le site inter­net www.ochaopt.org regorge de pré­ci­sions acces­sibles à tous. La froi­deur des chiffres et des cartes tenus à jour très pré­ci­sé­ment est une contri­bu­tion majeure au devoir d’informer. Nous ren­voyons nos lec­teurs curieux à leur site d’information, édifiant.

Bil’in, les vendredis contre le mur

Le ren­dez-vous sui­vant est à Bil’in, un vil­lage pales­ti­nien situé à envi­ron vingt-cinq kilo­mètres de Jéru­sa­lem. En 2005, ses 1.600 habi­tants virent 60% de leurs terres confis­quées et rasées par des bull­do­zers arra­chant un mil­lier d’oliviers âgés de cinq-cents à mille ans. Dès février 2005, des mani­fes­ta­tions quo­ti­diennes ont com­men­cé à se mettre en place. S’ensuit la créa­tion d’un comi­té popu­laire (Popu­lar Struggle Com­mit­tee) pour orga­ni­ser des mani­fes­ta­tions heb­do­ma­daires du ven­dre­di. Ces mani­fes­ta­tions ont pris de l’ampleur, et sont régu­liè­re­ment sou­te­nues par des inter­na­tio­naux venant y prendre part et par des Israé­liens. L’armée israé­lienne a tout fait pour faire capo­ter défi­ni­ti­ve­ment ces mani­fes­ta­tions, en vain. Les sol­dats uti­lisent des gaz lacry­mo­gènes, des eaux conta­mi­nées (« eaux puantes »), et même des armes et des bombes sonores. Les res­pon­sables du comi­té popu­laire font de fré­quents séjours en pri­son, puis reprennent leur action.

Nous mar­chons avec les mani­fes­tants, dont Roï, un jeune Israé­lien révol­té par ces évè­ne­ments, du centre du vil­lage jusqu’au mur tout proche, der­rière lequel on aper­çoit une impor­tante colo­nie. Sur le mur, les sil­houettes des sol­dats. À notre approche, les gre­nades lacry­mo­gènes com­mencent à pleu­voir. Les mili­tants du comi­té popu­laire scandent les slo­gans de cha­cun de leurs ven­dre­dis : « Occu­pa­tion no more », « Pales­tine will be a State », « Israé­li cri­mi­nals ». Les jeunes gens du vil­lage pro­voquent, s’approchent du mur, tentent de cou­per fils élec­tri­fiés et bar­be­lés. Les mani­fes­tants se retirent, ren­dez-vous ven­dre­di pro­chain, inlassablement.

Amer­tume de devoir, une fois de plus, quit­ter ces vil­la­geois spo­liés, dépos­sé­dés, mais déter­mi­nés à pour­suivre la lutte.

Silwan

Retour vers Jéru­sa­lem-Est, et ren­dez-vous au Sil­wan Infor­ma­tion Cen­ter. Situé juste au sud-est de la vieille ville, ce quar­tier est den­sé­ment habi­té par une popu­la­tion pales­ti­nienne, arabe et pauvre dans sa majo­ri­té. Notre hôte au centre d’information, Jawad Siham, est un mili­tant paci­fiste, plu­sieurs fois empri­son­né, qui se défi­nit comme com­mu­niste, et qui raconte les dif­fi­cul­tés dans son quar­tier, que les Israé­liens reven­diquent, notam­ment parce que c’est là que se trouve la Cité de David, site archéo­lo­gique com­plexe, où se super­posent des siècles de civi­li­sa­tions diverses qui ont eu leur place à Jéru­sa­lem. Les recherches archéo­lo­giques ont été confiées à Elad, une fon­da­tion pri­vée, ce que nombre d’archéologues israé­liens ont contes­té et contestent encore. À Sil­wan, notre inter­lo­cu­teur nous reçoit sous un toit de tôle bruyant sous la pluie, seul ves­tige d’une petite infra­struc­ture que l’armée a rasée il y a peu au bulldozer.

Sou­dain, des coups de feu reten­tissent, des pas pré­ci­pi­tés dans les ruelles avoi­si­nantes, les por­tables de ceux qui nous parlent sonnent et résonnent. Nous sau­rons un peu plus tard qu’il y a eu une ten­ta­tive d’entrée dans la mos­quée du Dôme du Rocher par des ultra-reli­gieux juifs, ce qui a entrai­né une forte ten­sion com­mu­nau­taire qui abou­tit ici, entre autres, à une pour­suite et une arrestation.

La vallée du Jourdain

Chan­ge­ment de décor, en route vers la mer Morte et la val­lée du Jour­dain, qui fait la fron­tière avec la Jordanie.

Jor­dan Val­ley Soli­da­ri­ty, une asso­cia­tion de volon­taires pales­ti­niens et inter­na­tio­naux, occupe la plus ancienne mai­son de la Val­lée, bâtie en terre il y a quelque cent-cin­quante ans, où sont reçus leurs visi­teurs. Ici, nous exposent nos hôtes, les pro­blèmes avec les colons, et les sol­dats qui les pro­tègent, sont lourds et nom­breux. Ils détruisent champs et construc­tions, puisque tout acte de bâtir est illé­gal, de même qu’il est inter­dit pour les Pales­ti­niens d’être rac­cor­dés à l’électricité et à l’eau. Les colo­nies, sur­tout agri­coles, sont nom­breuses, qui exportent vers l’Europe fleurs et fruits. Dans la région, 50% des terres sont contrô­lées par trente-six colo­nies. L’eau, den­rée vitale dans cette val­lée, leur est réservée.

« La poli­tique offi­cielle dans cette région est le net­toyage eth­nique. » Les Palesti­niens ne sont tolé­rés ici que comme main‑d’œuvre agri­cole. L’association se bat pour l’éducation, et pour recon­qué­rir le droit de construire.

Accom­pa­gnés d’un volon­taire irlan­dais, arri­vé ici il y a quelques mois (à vélo nous dit-il…), nous fai­sons un large tour vers le nord de la val­lée, un autre vers le sud. Les pay­sages sont aus­si magni­fiques qu’est grande la détresse des popu­la­tions. Les nomades bédouins que nous ren­con­trons, campent dans des tentes misé­rables, pri­vés d’eau mal­gré la pré­sence d’une conduite d’alimentation d’eau qui passe sous leurs pieds, en direc­tion de la colo­nie voi­sine. Une « zone de tir » (Firing area) a été déli­mi­tée par l’armée et inclut aujourd’hui leur zone de vie. À leurs risques et périls. Le dénue­ment extrême auquel ils sont astreints n’a d’autre but que de les voir se décou­ra­ger, et partir…

Zochrot

Notre périple repasse par Tel-Aviv. Une ren­contre avec Eitan Bron­stein, qui nous reçoit dans les bureaux de l’ONG Zochrot (lit­té­ra­le­ment « elles se sou­viennent » en hébreu), qui vise à sen­si­bi­li­ser la socié­té israé­lienne à la réa­li­té de la Nak­ba (en arabe : « catas­trophe ») pales­ti­nienne, consi­dé­rant que les juifs en Israël ont le devoir de se rap­pe­ler clai­re­ment les évè­ne­ments de 1948.

Zochrot mène dif­fé­rents pro­jets pour faire avan­cer la com­pré­hen­sion de la Nak­ba et de ses consé­quences. Son site inter­net est l’un de ces pro­jets. Il pré­sente des infor­ma­tions sur les loca­li­tés pales­ti­niennes détruites par Israël en 1948 et sur la place de la Nak­ba dans la vie d’aujourd’hui.

Zochrot est une de ces voix, une voix qui cherche la recon­nais­sance de l’injustice, et de nou­veaux che­mins vers le chan­ge­ment et la réparation.

Jaffa, la reconquête immobilière

Ultime étape du voyage, une visite de la vieille ville de Jaf­fa, immé­dia­te­ment voi­sine de Tel-Aviv à son extré­mi­té sud, et aujourd’hui qua­si­ment inté­grée dans la capi­tale. Notre guide est le seul Pales­ti­nien membre du conseil muni­ci­pal de Tel-Aviv. Cette cité ancienne, port actif depuis l’Antiquité, est un lieu de ten­sions fortes entre les Arabes, sa popu­la­tion d’origine, et les Israé­liens, qui la conquièrent pro­gres­si­ve­ment par tous les moyens. La « loi des absents » per­met la confis­ca­tion par l’État des habi­ta­tions même briè­ve­ment lais­sées inoc­cu­pées par leurs pro­prié­taires. Elle subit aujourd’hui une « gen­tri­fi­ca­tion » qui voit les prix s’envoler, ce qui en chasse les habi­tants arabes, au pro­fit de pro­jets de pro­mo­tion immo­bi­lière haut de gamme, des­ti­nés à une popu­la­tion juive aisée. C’est le lieu aus­si des expé­riences d’architecture contem­po­raine les plus mar­quantes en Israël. La plage a été entiè­re­ment remo­de­lée, pré­sen­tant aujourd’hui une vaste pro­me­nade déga­gée, amé­na­gée sur les décombres des quar­tiers rasés au bull­do­zer. La popu­la­tion arabe est en voie de dimi­nu­tion par ces opé­ra­tions suc­ces­sives de confis­ca­tions de mai­sons, et les quar­tiers anciens se trans­forment au béné­fice d’une popu­la­tion juive nan­tie qui s’y implante avec d’importants moyens finan­ciers. Le « deux chambres-ter­rasse-vue sur mer » se vend plus d’un mil­lion d’euros.

Retour à Jérusalem

Comme conve­nu nous revoyons nos amis israé­liens du pre­mier soir. La conver­sa­tion tourne en rond puis, inévi­ta­ble­ment, nous déver­sons ce trop-plein d’images, de vécu, de malaise, qui nous déborde. À la pro­jec­tion des pho­tos qui ont rem­pli nos cartes mémoire, nos hôtes ouvrent des yeux incré­dules. On dirait que jamais ils n’ont appro­ché le mur, jamais ils n’ont mis les pieds en Cis­jor­da­nie, jamais ils ne tra­versent Jéru­sa­lem Est. Le mur, pour­tant, est à moins de cinq-cents mètres de leur appar­te­ment, au bout de leur rue.

Il n’empêche : nous leur met­tons sous le regard les cartes détaillées du mur encer­clant Qal­qi­lya, les pho­tos d’Hébron et de ses rues pro­té­gées de treillis, Beth­léem et sa muraille de béton. Leur réac­tion cor­res­pond à ce qui semble être pour beau­coup de Juifs israé­liens une volon­taire céci­té, une sur­di­té consen­tie, face à tout ce qu’ils ne sou­haitent, fina­le­ment, pas voir, ni savoir.

Ils nous avoue­ront d’ailleurs qu’avec leurs trois enfants, aujourd’hui dans la tren­taine, jamais les expé­riences vécues comme sol­dats en ser­vice ne sont évo­quées. Cha­cun semble gar­der pour soi les trau­ma­tismes vécus, dans un réflexe de par­ti­ci­pa­tion incon­di­tion­nelle à la socié­té israé­lienne. Et tant pis pour ces encom­brants Pales­ti­niens dont Israël attend la dilu­tion dans la région, et espère ardem­ment qu’ils ral­lie­ront tous une dia­spo­ra libé­rant la Terre Pro­mise, le Grand Israël.

La der­nière phrase échan­gée avec un Israé­lien avant de mon­ter dans l’avion du retour, est le « No » en réponse à la ques­tion d’une agent de sécu­ri­té à l’enregistrement des bagages : « Have you any bomb or wea­pon in your lug­gage ? ».

  1. Office for the Coor­di­na­tion of Huma­ni­ta­rian Affairs.
  2. TIPH, Tem­po­ra­ry Inter­na­tio­nal Pre­sence in the City of Hebron.
  3. Le terme est contes­table. On parle aus­si de « poli­ti­cide » ou « poli­cide », voire plus cru­ment de crime de guerre.

Paul-Emile Durant


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