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Gérard, Énos et Jacques, une fable rwandaise

Numéro 1 - 2015 par Philippe Larochelle

janvier 2015

Cal­qué sur les fables rwan­daises, où décor et per­son­nages importent autant que la morale de l’histoire, ce texte inter­roge la fabri­ca­tions des dos­siers judi­ciaires et l’utilisation poli­tique de la jus­tice, dont les com­pro­mis­sions sont dénon­cées autant que le lais­ser-faire de la (notre) communauté. 

Dossier

Gérard Nta­ki­ru­ti­ma­na, Énos Kaga­ba et Jacques Mung­wa­rere sont trois Rwan­dais hutu de la région de Kibuye, au Rwan­da. Ils sont tous pas­sés à l’abattoir de la jus­tice pénale inter­na­tio­nale, méca­nique aveugle d’exclusion et d’élimination des gens soup­çon­nés d’avoir par­ti­ci­pé à des crimes inter­na­tio­naux graves, méca­nique ayant impla­ca­ble­ment détruit leur exis­tence à la suite des géno­cides rwan­dais. Pour ali­men­ter cet abat­toir, le Front patrio­tique rwan­dais (FPR), la dic­ta­ture au pou­voir depuis 1994, exporte des fausses accu­sa­tions contre des Hutu. En effet, l’expression de l’opposition au FPR ne peut venir que de l’extérieur du Rwan­da, ceux osant le faire à l’intérieur du pays se fai­sant sys­té­ma­ti­que­ment éli­mi­ner. Par consé­quent, le FPR tente de cri­mi­na­li­ser, à l’aide du géno­cide de 1994, la dia­spo­ra hutu. Ain­si, la traque et l’élimination des Hutu s’effectue aus­si, aujourd’hui, par la fabri­ca­tion de faux dos­siers trai­tés par la jus­tice pénale internationale.

Ces faux dos­siers contri­buent à l’intoxication des faits his­to­riques rela­tifs au géno­cide rwan­dais et ren­forcent cette bar­rière morale der­rière laquelle le FPR dis­si­mule ses propres abus. Mal­heu­reu­se­ment, cette intoxi­ca­tion est si bien réus­sie que la simple sug­ges­tion que des Hutu puissent être inno­cents relève, selon le dis­cours offi­ciel de Kiga­li, de la fabu­la­tion. La construc­tion de cette fausse his­toire du géno­cide s’est faite sur le dos de nom­breuses inno­centes vic­times, dont entre autres Gérard, Énos et Jacques, les trois per­son­nages prin­ci­paux de la fable rwan­daise qui suit.

Personnages

Les Hutu

- Gérard N.

Gérard N. est né en 1958 à Ngo­ma, Kibuye, au Rwan­da. Son papa s’appelait Eli­za­phan et sa maman Royi­si. Il a gran­di au Rwan­da et il a obte­nu son diplôme de méde­cine en 1985. Par la suite, il a tra­vaillé au centre de san­té publique de l’université de Butare jusqu’en 1989. Il épouse Ann en 1989 et obtient une mai­trise en san­té publique de l’université de Saint-Louis (Mis­sou­ri) en 1992. Il est reve­nu au Rwan­da en 1993 et com­mence à tra­vailler, en avril de la même année, à l’hôpital adven­tiste du com­plexe de Mugo­ne­ro, dans la com­mune de Gishyi­ta. Il y tra­vaille­ra jusqu’à son départ, en avril 1994. Le jour de son départ et de celui de son papa, le 16 avril 1994, une grande attaque a lieu au com­plexe de Mugo­ne­ro et des mil­liers de Tut­si sont tués. Gérard et son papa sont reve­nus par la suite à Mugo­ne­ro pour essayer de relan­cer l’hôpital, avec d’autres méde­cins et pas­teurs, mais il a quit­té le Rwan­da devant l’avance des forces vic­to­rieuses de Paul-le-Vilain. Il a donc quit­té le Rwan­da avec sa famille, pour aller s’établir en Côte d’Ivoire avec sa femme. Eli­za­phan, son père, s’est réfu­gié aux États-Unis.

- Énos K.

Énos K. est né en 1962 dans la pré­fec­ture de Kibuye. Il est un col­lègue de Gérard et, en 1994, il ensei­gnait les sciences infir­mières à l’école d’infirmerie de Mugo­ne­ro. Au moment où le géno­cide éclate, il se trouve à Kiga­li. Il revient rapi­de­ment à Mugo­ne­ro, mais quit­te­ra le pays à la fin du géno­cide. Il se réfu­gie­ra d’abord en Zam­bie avec sa famille, et il attein­dra les États-Unis en 2002, où il deman­de­ra l’asile.

- Jacques M.

Jacques M., un pro­fes­seur d’arts plas­tiques, est né en 1972. Il est le fils de Manasse qui tra­vaillait au même com­plexe que Gérard et Énos, où il exer­çait la pro­fes­sion de comp­table. Au moment du géno­cide, Jacques ensei­gnait les arts plas­tiques à l’Esapan, une école fon­dée par des adven­tistes, nom­breux dans la région de Mugo­ne­ro, Kibuye. Au cours du géno­cide, il s’est ter­ré chez lui, ne sor­tant que très rare­ment. Il a repris le tra­vail vers la fin du géno­cide et s’est enfui devant l’avancée de Paul-le-Vilain. Il abou­tit au Cana­da en 1998 et obtient l’asile en 2002.

Les Tut­si

- ____________1

- Saint Paul-Le-Vilain

Saint Paul-le-Vilain est le pré­sident du Rwan­da depuis qu’il a gagné la guerre avec sa gué­rilla, le FPR, en juillet 1994. Il a une devise qu’il compte faire éven­tuel­le­ment ins­crire dans la Consti­tu­tion rwan­daise soit : « Par­tage mon sang ou perds le tien. » Sinon, il aime se dégui­ser en ban­quier blanc et se pro­me­ner en jet pri­vé dans les évè­ne­ments mon­dains de la planète.

Depuis 1994, il a été très vilain et très malin, et il est tou­jours au pou­voir mal­gré les vio­la­tions docu­men­tées de ses crimes et pillages depuis plus de vingt ans, cer­tains remon­tant à la période où la gué­rilla a com­men­cé à opé­rer (depuis l’Ouganda, en 1990, et ensuite par l’occupation d’une par­tie des pré­fec­tures de Ruhen­ge­ri et Byum­ba à par­tir de 1991 jusqu’à la prise du pou­voir en juillet 1994). Saint Paul-le-Vilain a un pro­blème fon­da­men­tal : il doit se main­te­nir au pou­voir, avec ses petits cama­rades, bien qu’ils appar­tiennent à une mino­ri­té ne repré­sen­tant qu’environ 10% de la popu­la­tion. Pour faci­li­ter le non-par­tage du pou­voir pen­dant une aus­si longue période de temps, Paul doit com­po­ser avec les Hutu qui ont eu l’audace de ne pas s’être fait tuer ou d’être res­tés au Rwan­da après le géno­cide. Comme ces Hutu n’ont pas sai­si la nou­velle réa­li­té poli­tique rwan­daise, un lavage de cer­veau natio­nal s’avère néces­saire. Les restes encore fumants des vic­times du géno­cide consti­tuent la matière par­faite pour ali­men­ter l’endoctrinement col­lec­tif, et Paul-le-Vilain, à tra­vers les tri­bu­naux, les médias et des céré­mo­nies régu­lières, réus­si­ra à mar­quer du péché ori­gi­nel tous les habi­tants Hutu du Rwan­da, qui por­te­ront la res­pon­sa­bi­li­té du géno­cide soit pour y avoir direc­te­ment par­ti­ci­pé, soit de ne pas l’avoir empê­ché, soit, pour les Hutu qui n’étaient pas nés à l’époque, d’avoir des parents rele­vant de l’une ou l’autre de ces catégories. 

Les tri­bu­naux, en par­ti­cu­lier, sont des vec­teurs de choix afin de trans­mettre les drames du géno­cide à la popu­la­tion. Paul met­tra par exemple sur pied, grâce au finan­ce­ment de la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale, des tri­bu­naux appe­lés Gaca­ca, où la par­ti­ci­pa­tion de la popu­la­tion est obli­ga­toire. La masse hutu est donc réunie de façon régu­lière afin d’entendre les drames du géno­cide, tels que réin­ter­pré­tés par les artistes du FPR. Ces drames sont rejoués à répé­ti­tion, et les gens qui finissent par sor­tir de pri­son doivent pas­ser par des camps de réédu­ca­tion où l’on s’assure qu’ils ont bien assi­mi­lé la nou­velle his­toire du Rwan­da avant de retour­ner dans leur vil­lage. En fin de compte, tout est mis en place pour exploi­ter sans ver­gogne les souf­frances d’une mul­ti­tude de gens, dont les drames humains indi­vi­duels sont deve­nus un agré­gat poli­tique ser­vant les fins du régime cri­mi­nel de Paul-le-Vilain. L’ostracisation des Hutu réus­sit si bien qu’ils sont réduits au Rwan­da à une masse de sous-humains qui sont pri­vés des droits les plus fon­da­men­taux. Les Hutu seront si bien salis qu’ils fini­ront par dis­pa­raitre des écrans droit-de‑l’hommiste des amis ban­quiers de Paul, qui finit par être béa­ti­fié par la Banque mondiale.

- Les vam­pires de saint Paul-le-Vilain

Le lavage de cer­veau col­lec­tif dont sont vic­times les Hutu ne laisse pas les Tut­si indif­fé­rents. Ceux-ci assi­milent rapi­de­ment cette nou­velle don­née et réa­lisent que, dans le nou­veau Rwan­da, il est per­mis de faire n’importe quoi avec un hutu, y com­pris l’éliminer par tous les moyens. Par consé­quent, la réduc­tion des Hutu en une masse dif­forme de per­sonnes cou­pables de géno­cide faci­lite l’apparition de vam­pires Tut­si, qui se mettent par tous les moyens à recher­cher le sang et les pro­prié­tés des Hutu. Paul-le-Vilain ne décou­rage pas ces vam­pires, bien au contraire : il s’entourera des plus actifs pour bien faire com­prendre aux Tut­si que la chasse hutu a lieu en toute sai­son, et tout lieu, et qu’aucune arme n’est pro­hi­bée. Cer­tains Tut­si se dépê­che­ront d’aller chas­ser dans les contrées giboyeuses d’Europe et d’Amérique, où ils rece­vront de pré­cieux titres de séjour en guise de tro­phée. Mais c’est d’abord au Congo que seront déployées ces hordes de vam­pires, dont cer­tains tuent, cer­tains pillent, beau­coup violent, et tous mentent. Aujourd’hui, ils conti­nuent d’agir au Congo, mais ils sont éga­le­ment pré­sents par­tout sur la pla­nète, où sous les ordres de Paul-le-Vilain ou de leur propre ini­tia­tive, ils peuvent tuer, piller ou encore por­ter des accu­sa­tions de géno­cide pour entre­te­nir l’aveuglement volon­taire inter­na­tio­nal der­rière lequel Paul peut conti­nuer de régner sans par­tage sur le Rwan­da. Un de leur rite secret consiste à assas­si­ner une vic­time inno­cente le 31 décembre de chaque année.

Le mou­lin inter­na­tio­nal à viande hutu (MIVH)

En plus de ses amis ban­quiers, Paul s’est aus­si fait beau­coup d’amis au sein de l’OVNU, une orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale pas­sée maitre dans l’art de la confu­sion des ves­sies et des lan­ternes. Pour entre­te­nir l’illusion d’une com­mu­nau­té inter­na­tio­nale fonc­tion­nelle, l’OVNU crée à inter­valles régu­liers des tri­bu­naux inter­na­tio­naux, cou­teux leurres juri­diques fai­sant peser les dys­fonc­tion­ne­ments de cette com­mu­nau­té sur les épaules d’acteurs secon­daires. En rai­son de sa faillite morale rela­ti­ve­ment au géno­cide rwan­dais, l’OVNU se fait faci­le­ment ber­ner par Paul, et ce der­nier, afin de mieux contrô­ler et déca­pi­ter la masse hutu, et à l’aide de ses amis ovnu­siens crée­ront le MIVH, tri­bu­nal char­gé de pro­pa­ger sur la scène inter­na­tio­nale la sainte parole de Paul, plus par­ti­cu­liè­re­ment les épitres concer­nant les Hutu. Ain­si, tout Hutu ayant com­plé­té l’école pri­maire et ne vivant plus au Rwan­da est sus­cep­tible se faire mar­quer du péché ori­gi­nel du géno­cide, à la suite des séjours d’une durée variable dans l’enclos hutu construit par les ovnu­siens à Aru­sha, en Tan­za­nie. Des vam­pires spé­cia­le­ment entrai­nés à cette fin par Paul-le-Vilain se chargent de racon­ter des his­toires aux OVVVV­nu­siens, afin qu’ils écrivent les juge­ments der­rière les­quels se dis­si­mule le macabre hachage des Hutu. Cer­tains OVVVV­nu­siens devien­dront même des dis­ciples de Paul et pro­pa­ge­ront sa parole dans des col­loques inter­na­tio­naux. Le MIVH devien­dra donc une autre de ces hor­ribles méca­niques pénales inter­na­tio­nales emme­nant de l’eau, et même du sang, au mou­lin des oppo­sants à une jus­tice pénale inter­na­tio­nale inef­fi­cace et cor­rom­pue, de plus en plus sou­mise à des impé­ra­tifs poli­tiques variables et incer­tains plu­tôt qu’à la règle de droit.

Le théâtre d’action

L’action se déroule devant une série de tri­bu­naux aux États-Unis et au Cana­da, le MIVH en Tan­za­nie. les Gaca­cas au Rwan­da. Cha­cun de ses tri­bu­naux a son lan­gage, ses règles et ses acteurs. Tous sont tota­le­ment inef­fi­caces dans leur recherche de véri­tés rela­tives au géno­cide rwan­dais. Leur tâche est com­pli­quée par les mis­sion­naires de saint Paul-le-Vilain, qui intoxiquent sys­té­ma­ti­que­ment toute ins­ti­tu­tion judi­ciaire char­gée de juger des Rwan­dais. Une série de cari­ca­tures judi­ciaires met­tant en scène les pro­ta­go­nistes de notre fable illus­tre­ra ce propos.

Acte I (Par­tage mon sang)

Tan­za­nie : Les vam­pires de Kibuye ont le gout du sang par­ti­cu­liè­re­ment déve­lop­pé et ils com­mencent rapi­de­ment à déca­pi­ter les Hutu de la région. Leur tech­nique de pré­di­lec­tion, nom­mée « pal de Bise­se­ro », consiste à accu­ser tous les Hutu de la région, sans dis­tinc­tion, d’avoir été impli­qués dans des mas­sacres à Bise­se­ro, d’où il ne res­te­rait que quinze sur­vi­vants sur un groupe de réfu­giés tut­si de cin­quante-mille per­sonnes. Les vam­pires de Kibuye s’assoient ensemble pour confec­tion­ner une his­toire du géno­cide de Kibuye, à laquelle il ne leur reste qu’à ajou­ter, au fil du temps, les noms des Hutu res­pon­sables de ces mas­sacres qu’ils ont omis au départ. Les oublis du pas­sé sont jus­ti­fiés par leur « trau­ma­tisme » et géné­ra­le­ment excu­sés par les magis­trats étour­dis par la vio­lence des récits. Les vam­pires se sou­viennent par contre rapi­de­ment de Gérard N., et le MIVH obtient son extra­di­tion depuis la Côte d’Ivoire en 1996. Eli­za­phan, quant à lui, est extra­dé des États-Unis en 2000. Le MIVH agit avec célé­ri­té, et à la suite du pas­sage à Aru­sha de la bande de vam­pires de Kibuye, après que les OVVVV­nu­siens ont soi­gneu­se­ment gom­mé les aspects dis­cor­dants de leur his­toire, ils sont tous les deux condam­nés injus­te­ment en février 2003 pour géno­cide et pas­sés immé­dia­te­ment au mou­lin à viande.

États-Unis : Énos, arrive aux États-Unis en 2002, pen­dant les pro­cé­dures devant le MIVH dans le dos­sier des Nta­ki­ru­ti­ma­na père et fils. Les auto­ri­tés amé­ri­caines s’informent dis­crè­te­ment auprès de vieux vam­pires tut­si qui résident aux États-Unis, afin de savoir si Énos a par­ti­ci­pé au géno­cide. Ces vieux vam­pires, qui n’en savent rien, alertent leurs jeunes confrères qui viennent de sai­gner les Nta­ki­ru­ti­ma­na. Ces jeunes vam­pires se sont fait racon­ter en détail par les vieux com­ment les étals des épi­ce­ries étaient rem­plis, et ils se meurent donc d’envie d’aller refaire leur vie en Amé­rique. Leur désir d’émigrer arrange bien Paul-le-Vilain, qui conver­tit les affaires de géno­cide qui se déroulent à l’étranger en autant d’opérations de mar­ke­ting per­mettent de pro­pa­ger son évan­gile. On ajoute donc Énos à la liste des géno­ci­daires notoires de Kibuye. Cet inno­cent qui n’avait rien fait de mal pen­dant le géno­cide et qui demande l’asile aux États-Unis, se voit sou­dai­ne­ment accu­sé d’un cha­pe­let de meurtres et de viols qu’une dou­zaine de vam­pires décrivent avec moult détails, après s’être concer­tés. Leur plan connait cepen­dant quelques ratés, puisque le juge amé­ri­cain se montre moins cré­dule que les OVVVV­nu­siens et décrypte leur tis­su de men­songes. Afin de ne pas enta­cher l’évangile de saint-Paul-le-Vilain, les pieuses auto­ri­tés amé­ri­caines s’assureront de rendre confi­den­tiel ce texte apo­cryphe. L’histoire ne finit pas pour autant à l’avantage d’Énos puisque, bien qu’aucun juge n’ait posi­ti­ve­ment ordon­né qu’il soit ren­voyé au Rwan­da, les auto­ri­tés amé­ri­caines le livrent quand même en pature à saint Paul-Le-Vilain. L’histoire finit par contre plu­tôt bien pour les vam­pires, puisque la moi­tié des six qui s’étaient ren­dus témoi­gner aux États-Unis contre Énos, mal­gré les conclu­sions très sévères du juge à leur égard concer­nant leur récit fabri­qué, réus­sissent à obte­nir l’asile. Juste à la fin de son pro­cès, inter­pe­lé par le juge qui lui demande si quelqu’un peut confir­mer qu’il est inno­cent, Énos men­tionne qu’il y aurait un cer­tain Jacques, au Canada.

Le Jacques en ques­tion est au Cana­da depuis cinq ans quand les vam­pires pré­sents aux États-Unis entendent Énos men­tion­ner « Jacques, du Cana­da », qui aurait l’outrecuidance de pré­tendre que leurs trau­ma­ti­santes expé­riences géno­ci­daires consti­tuaient en fait un ramas­sis de men­songes. Ils entre­prennent donc de tailler, pour Jacques, le mieux cou­pé des habits de géno­ci­daires. Les scé­na­rios sont soi­gneu­se­ment mon­tés, des recon­nais­sances com­munes des lieux sont effec­tuées pour s’assurer que les mêmes arbres soient uti­li­sés comme repères, on s’assure d’habiller Jacques régu­liè­re­ment avec des habits mili­taires, etc. Après six ans de tra­vail en étroite coopé­ra­tion avec les preux che­va­liers de la gen­dar­me­rie royale du Cana­da, ils finissent par offrir, en novembre 2009, cette somp­tueuse tenue à Jacques. Le dos­sier de Jacques repré­sente l’apogée des mon­tages contre les Hutu de Kibuye. Dési­rant mettre toutes les chances de leur côté pour béné­fi­cier de cette occa­sion ines­pé­rée d’émigrer au Cana­da, les vam­pires créent pour l’occasion un monstre géno­ci­daire dont ils avaient mal­heu­reu­se­ment tota­le­ment omis de par­ler dans leurs fabu­la­tions pas­sées. L’affaire capote quand, pen­dant le pro­cès de Jacques, un des vam­pires, ___________, reçoit un coup sur la tête et se met à dire la véri­té. Jacques est donc acquit­té au Cana­da le 13 juillet 2013. Le vam­pire hon­nête se met même à dénon­cer d’autres com­plots simi­laires, qui concernent un grand nombre de per­son­na­li­tés de Kibuye qui ont pu être condam­nées injus­te­ment. Au dos­sier de Jacques s’ajoutent entre autres ceux de Énos et de Gérard, qui ont aus­si été l’objet de fausses accu­sa­tions, mais qui ont été crues, celles-là.

Acte II (Perd le tien)


est condam­né à la per­pé­tui­té par les auto­ri­tés rwan­daises pour héré­sie et néga­tion­nisme, ayant osé remettre en ques­tion la culpa­bi­li­té sys­té­ma­tique des Hutu. Gérard a fait dix-huit ans de pri­son qu’il a pur­gés au Laos. Il res­sort et il ne peut plus quit­ter ce pays. Énos est dro­gué et trans­fé­ré en avion au Rwan­da. On l’oublie ensuite dans une pri­son sor­dide. Après son acquit­te­ment, Jacques est ren­voyé au Rwan­da pour avoir four­ni un faux cer­ti­fi­cat de bap­tême lors de sa demande d’asile. Il retrouve Énos dans la même pri­son rwan­daise. Pen­dant ce temps, dans les écoles de droit, l’affaire Pro­cu­reur c. Nta­ki­ru­ti­ma­na, R. c. Mung­wa­rere et USA vs. Énos Kaga­ba sont cités comme des cas d’école de l’effectivité de la jus­tice pénale internationale.

  1. En rai­son des mesures de pro­tec­tion sévères concer­nant ce témoin, j’ai pré­fé­ré ne pas lui don­ner de faux nom.

Philippe Larochelle


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