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Europe. PAC, PAT, PEAD et FEAD

Numéro 4 Avril 2013 par Joëlle Kwaschin

avril 2013

Le 7 février, l’unité Sport de la direc­tion géné­rale Édu­ca­tion et Culture de la Com­mis­sion euro­péenne atti­rait l’attention du public sur les risques que font cou­rir « le sur­poids et l’obésité, ain­si que divers autres états chro­niques en résul­tant (mala­dies car­dio­vas­cu­laires, dia­bète, etc.)». « Deve­nus des pro­blèmes majeurs dans les pays euro­péens, ils réduisent la qua­li­té de vie, […]

Le 7 février, l’unité Sport de la direc­tion géné­rale Édu­ca­tion et Culture de la Com­mis­sion euro­péenne atti­rait l’attention du public sur les risques que font cou­rir « le sur­poids et l’obésité, ain­si que divers autres états chro­niques en résul­tant (mala­dies car­dio­vas­cu­laires, dia­bète, etc.)». « Deve­nus des pro­blèmes majeurs dans les pays euro­péens, ils réduisent la qua­li­té de vie, mettent en dan­ger la vie des citoyens et consti­tuent un far­deau pour les bud­gets de la san­té et l’économie. »

Cette pré­oc­cu­pa­tion n’est pas neuve : les pre­miers signes annon­cia­teurs de l’augmentation de l’obésité datent du début des années 1990. Dans le cadre du pre­mier pro­gramme de pro­mo­tion en matière de san­té (1996 – 2002), la direc­tion géné­rale San­té et pro­tec­tion des consom­ma­teurs met­tait en œuvre le pro­jet Euro­diet, qui appor­tait « les preuves scien­ti­fiques des béné­fices d’une ali­men­ta­tion équi­li­brée et d’un mode de vie sain » (sou­li­gné dans le texte). En sep­tembre 2006, la même direc­tion éla­bo­rait une fiche d’information inti­tu­lée « Nutri­tion et pré­ven­tion de l’obésité ». « L’obésité par­mi les citoyens de l’UE, y com­pris les enfants, pro­gresse à un rythme alar­mant, tou­chant plus de la moi­tié de la popu­la­tion adulte de l’Union, un quart des éco­liers euro­péens. L’obésité et la sur­charge pon­dé­rale sont aujourd’hui consi­dé­rées au titre d’épidémies et grèvent for­te­ment le bud­get de la san­té publique en Europe. Heu­reu­se­ment, chan­ger de style de vie peut pré­ve­nir le pire…»

Un peu de courage politique 

Pour répondre à un pro­blème d’une telle enver­gure, une réponse radi­cale s’impose, c’est le bon sens même, mais com­ment mettre en pra­tique une poli­tique volon­ta­riste ? La fiche d’information four­nit une piste de chan­ge­ment de « style de vie » puisqu’elle relève que « les citoyens euro­péens consomment quo­ti­dien­ne­ment envi­ron 500 calo­ries de plus qu’il y a qua­rante ans ». Les Euro­péens mangent donc trop. Voi­là qui devrait mettre d’accord tous les nutri­tion­nistes, qui se livrent à de savantes études : le meilleur régime consiste à se nour­rir de façon équi­li­brée (« un peu de tout ») et à se mettre à la diète en rédui­sant le nombre de calo­ries ingé­rées, autre­ment dit, en man­geant moins. 

À ce sou­ci de san­té publique répond la déci­sion du Conseil euro­péen des 7 et 8 février de dimi­nuer l’aide ali­men­taire aux plus dému­nis de 40%. Pour rap­pel, depuis 1987, à la demande de Jacques Delors et de Coluche, les stocks d’invendus issus de la PAC étaient redis­tri­bués dans le cadre du Pro­gramme euro­péen d’aide aux plus dému­nis (PEAD). Ce pro­gramme a été trans­for­mé en Fonds d’aide aux plus dému­nis (FEAD) qui dépen­dra du FSE (Fonds social euro­péen). La dimi­nu­tion du mon­tant de l’aide avait pro­vo­qué un tol­lé par­mi les asso­cia­tions cari­ta­tives qui la redis­tri­buent. Leur réac­tion à chaud est natu­rel­le­ment trop rapide et ne tient pas compte des expli­ca­tions, certes quelque peu lacu­naires, four­nies par le Conseil. Jean Monet le disait déjà dans ses Mémoires, « ce qui fait une bonne déci­sion est la péda­go­gie, encore la péda­go­gie, tou­jours la péda­go­gie ». Le com­mu­ni­qué du Conseil, si on l’analyse atten­ti­ve­ment, est pour­tant lumi­neux. Il a réso­lu l’épineux pro­blème de la jus­tice dis­tri­bu­tive, que faut-il réduire ? Le nombre de béné­fi­ciaires ou le nombre de repas ? 

Lutter contre l’obésité par la solidarité 

La four­ni­ture d’un repas sur deux per­met­tra de ren­con­trer deux objec­tifs ambi­tieux : mettre les Euro­péens les plus dému­nis à la diète — on sait que la pau­vre­té est obé­so­gène — et assu­rer la soli­da­ri­té puisque les béné­fi­ciaires seront plus nom­breux et mieux cou­verts ; en effet, le fonds, outre l’aide ali­men­taire, s’intéressera éga­le­ment à la dis­tri­bu­tion de vête­ments, à l’aide aux enfants et aux sans-abris. Coluche serait heu­reux de consta­ter qu’«Aujourd’hui on n’a plus le droit d’avoir faim ou d’avoir froid…» — ce qui par paren­thèse était un droit bien dis­cu­table —, ni d’être gras. 

Ce sou­tien euro­péen volon­ta­riste à l’amaigrissement des pauvres obèses amé­lio­re­ra éga­le­ment leur image d’eux-mêmes. En effet, pour­suivent les docu­ments euro­péens, « l’obésité est sévè­re­ment cri­ti­quée dans la plu­part des pays euro­péens, étant per­çue comme une image indé­si­rable du corps humain et comme un manque de carac­tère. Même les enfants de moins de six ans per­çoivent leurs congé­nères obèses comme des “pares­seux, sales, stu­pides, laids, men­teurs et frau­deurs”. Les per­sonnes obèses doivent vivre au quo­ti­dien avec la dis­cri­mi­na­tion. Les études montrent qu’une jeune femme obèse gagne signi­fi­ca­ti­ve­ment moins aux États-Unis et en Grande-Bre­tagne qu’une autre femme de poids nor­mal ou souf­frant d’une autre forme de maladie ». 

Bruxelles, comme disent les Fran­çais, ne néglige aucun effort dans son com­bat contre la mau­vaise ali­men­ta­tion res­pon­sable du sur­poids. Elle a éga­le­ment déci­dé d’autoriser à nou­veau les farines ani­males pour nour­rir les pois­sons afin de dimi­nuer les couts et de sou­la­ger la filière aqua­cole. La réin­tro­duc­tion des « pro­téines ani­males trans­for­mées (PAT)», dont l’usage avait été inter­dit au moment de la crise de la vache folle, effec­tive au 1er juin pour­rait repré­sen­ter une éco­no­mie, dans le cas de la truite par exemple, com­prise entre 1,5 et 5% du cout de pro­duc­tion total. Les pauvres, les sans-abris et les plus dému­nis se pro­cu­re­ront ain­si à moindre frais du pois­son, ali­ment dont les qua­li­tés dié­té­tiques ne sont plus à démon­trer, ce qui ajou­té aux stocks de lasagnes de che­val conge­lées, dont mal­heu­reu­se­ment le consom­ma­teur se détourne, rem­pla­ce­ra avan­ta­geu­se­ment le beurre de Noël, cette manière un peu rudi­men­taire d’écouler les sur­plus de la PAC.

Joëlle Kwaschin


Auteur

Licenciée en philosophie