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Euromaïdan, quel prix pour l’indépendancede l’Ukraine ?

Numéro 9/10 septembre/octobre 2014 - Russie Ukraine par Perri

septembre 2014

Dans les années 1980, la nation ukrai­nienne a failli dis­pa­raitre à cause de la rus­sifi­ca­tion menée par le régime bre­j­né­vien. Dès le len­de­main de la pro­cla­ma­tion de l’indépendance (1991), les élites et la majo­ri­té des citoyens ont tou­jours pro­fes­sé une « voca­tion » euro­péenne. C’est pour­quoi la déci­sion du pré­sident Ianou­ko­vitch de tour­ner le dos à l’Union euro­péenne a pro­vo­qué un mou­ve­ment de pro­tes­ta­tion qui a débou­ché sur une révo­lu­tion poli­tique. Tous les pro­blèmes de ce pays com­plexe, à l’histoire très diffi cile, res­tent entiers, et la socié­té ukrai­nienne est appe­lée à sor­tir des ambi­va­lences pro­duites par son sta­tut de socié­té post­co­lo­niale. La Rus­sie semble vou­loir réagir à la révolte ukrai­nienne avec une poli­tique néoim­pé­riale de bal­ka­ni­sa­tion et d’annexion. De leur côté, beau­coup de déci­deurs euro­péens sont tou­jours prêts à com­po­ser avec les inté­rêts russes, d’autant que per­siste une diffi­cul­té majeure à recon­naitre à l’Ukraine une place sur la carte men­tale de l’Europe. Par contre, les Amé­ri­cains ont appa­rem­ment déci­dé cette fois-ci de se mettre aux côtés de l’État ukrai­nien, ce qui n’était pas le cas lors des négo­cia­tions des accords inter­na­tio­naux qui ont sui­vi les deux guerres mondiales. 

Répri­mée par le pou­voir impé­rial jusqu’en 1991, la com­mu­nau­té ukrai­nienne a été la plus grande com­mu­nau­té natio­nale euro­péenne dépour­vue d’État indé­pen­dant. Les vingt-trois années d’indépendance n’ont pas encore suffi pour que l’Ukraine puisse se retrou­ver elle-même et trou­ver enfin sa loca­li­sa­tion géo­gra­phique et men­tale sur la carte de l’Europe. Les longues semaines d’Euromaïdan ont repré­sen­té la diffi­cile ges­ta­tion d’une com­mu­nau­té fina­le­ment consciente d’elle-même ; une prise de conscience qui risque de se payer par la perte (d’une ampleur encore indéfi­nie) de l’intégrité territoriale.

Erreurs politiques et vagues de manifestations

On l’avait déjà écrit1 : le jour où le pou­voir ukrai­nien accep­te­rait la pro­po­si­tion russe de rejoindre l’Union euroa­sia­tique (le nou­vel espace éco­no­mique pro­mu par la Rus­sie), serait un jour déci­sif et bou­le­ver­sant pour l’histoire, pour la vie poli­tique et sociale ukrai­niennes. Ce jour est arri­vé en novembre 2013, lorsque le pré­sident Ianou­ko­vitch a déci­dé de ne pas signer l’accord d’association (com­mer­ciale) négo­cié avec l’Union euro­péenne et a accep­té de rejoindre l’Union euroa­sia­tique. Il s’agissait, par ailleurs, d’une déci­sion qui n’a pas été contre­car­rée par les élites et les opi­nions publiques des pays de l’Union euro­péenne, qui ont tou­jours eu du mal à accep­ter l’idée d’une adhé­sion de l’Ukraine à l’UE.

Ce choix a déclen­ché, dans la capi­tale Kiev (Kyiv), une pre­mière vague de mani­fes­ta­tions proeu­ro­péennes, ani­mées sur­tout par des jeunes favo­rables à l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et qui se sont sen­tis tra­his par une élite qui avait tou­jours par­lé de « futur euro­péen » depuis la pro­cla­ma­tion de l’indépendance de l’Ukraine. À leurs côtés se sont retrou­vés des Ukrai­niens qui ne se consi­dèrent pas comme Russes, qui redoutent un rôle hégé­mo­nique de la Rus­sie et qui ne veulent pas voir leur pays se rap­pro­cher du puis­sant voi­sin ; ces « patriotes » ont été rejoints par des groupes radi­caux dont la base s’est élar­gie au cours de ces der­nières années en rai­son des décep­tions engen­drées par les suites de la révo­lu­tion orange et qui se sont regrou­pés autour de Svo­bo­da, un par­ti qu’on ne peut guère qua­lifier de proeu­ro­péen2.

Plu­sieurs obser­va­teurs ont repro­ché à Ianou­ko­vitch d’avoir ren­du cette déci­sion publique, sans avoir pré­pa­ré la socié­té à ce tour­nant. De plus, les négo­cia­tions avec l’UE ont été conduites jusqu’à la veille de la date fixée pour la signa­ture lors du som­met de Vil­nius, don­nant l’impression à l’UE d’avoir été dupée et, sur­tout, aux proeu­ro­péens ukrai­niens, qui sont majo­ri­taires selon les son­dages, d’avoir été trahis. 

Après son élec­tion en 2010, une réforme consti­tu­tion­nelle avait for­te­ment accru les pou­voirs du pré­sident Ianou­ko­vitch. Elle avait pro­vo­qué des mani­fes­ta­tions de l’opposition dont la lea­deur et can­di­date pré­si­den­tielle, Iou­lia Tymo­chen­ko, avait été empri­son­née au pré­texte d’avoir signé un accord pour les four­ni­tures de gaz russe trop favo­rable à la Rus­sie. Cela confi rme le dan­ger de poser sa can­di­da­ture aux élec­tions pré­si­den­tielles ukrai­niennes sans l’appui du Krem­lin (des can­di­dats ont été tués — Het­man, Tchor­no­vil en 1998 et 1999 — ou empoi­son­nés — comme Ioucht­chen­ko en 2004) ; cela nous pousse à consi­dé­rer le pou­voir de Ianou­ko­vitch en 2013 comme semi-dic­ta­to­rial, alors qu’une par­tie des fai­seurs d’opinion occi­den­taux conti­nuaient de sou­li­gner que ce pré­sident avait été « démo­cra­ti­que­ment » élu3
Tou­jours est-il que la popu­la­tion étu­diante qui ani­mait la pre­mière vague de mani­fes­ta­tions proeu­ro­péennes, même si elle était nom­breuse et qu’elle bénéfi­ciait d’un large appui social, n’a pas réus­si à entrai­ner une mobi­li­sa­tion équi­va­lente à celle de la révo­lu­tion orange de 2004. Le pré­sident a com­mis plu­sieurs erreurs, dont la plus grave a été l’attaque vio­lente lan­cée la nuit du 29 au 30 novembre 2013 par la police anti­émeute (Ber­kut) contre les quelques mil­liers de mani­fes­tants de la place de l’Indépendance (Maï­dan Neza­le­j­nos­ti, rebap­ti­sée Euro­maï­dan par les mani­fes­tants). De sur­croit, en jan­vier 2014, sur pro­po­si­tion pré­si­den­tielle, le Par­le­ment a voté (avec l’appui du Par­ti com­mu­niste ukrai­nien) une loi répri­mant le droit de mani­fes­ta­tion et la libre uti­li­sa­tion d’internet, simi­laire à celle en vigueur en Rus­sie. Il y a eu, par consé­quent, une deuxième vague de mani­fes­ta­tions où ont pré­va­lu des reven­di­ca­tions inté­rieures par rap­port aux demandes de ral­lie­ment à l’Europe ; cette fois, les pro­tes­ta­tions visaient spé­cia­le­ment le pré­sident, le Pre­mier ministre Aza­rov et le gou­ver­ne­ment que les mani­fes­tants per­ce­vaient cor­rom­pus et insen­sibles aux demandes popu­laires, en train de se trans­for­mer en un régime autoritaire. 

La rela­tive froi­deur que les mani­fes­tants ont per­çue de la part des opi­nions publiques euro­péennes occi­den­tales, a mis d’autres bémols aux reven­di­ca­tions proeu­ro­péennes ; en effet, les milieux intel­lec­tuels et les mili­tants de gauche occi­den­taux se sont sou­vent mon­trés récep­tifs aux accu­sa­tions de « néo­na­zisme » col­por­tées à pro­pos des mani­fes­tants d’Euromaïdan par la pro­pa­gande du Krem­lin, qui, par contre, selon Le Monde, « passe pour le prin­ci­pal mécène » de par­tis agres­sifs et anti­sé­mites d’extrême droite, comme le hon­grois Job­bik ou le bul­gare Ata­ka. Par ailleurs, la pers­pec­tive d’une future adhé­sion à l’Union, dont le trai­té d’association pou­vait deve­nir la pré­misse, d’un pays pauvre comme l’Ukraine, a sus­ci­té ou res­sus­ci­té dans les couches moins culti­vées des socié­tés euro­péennes des peurs et des réfl exes égoïstes. 

La tue­rie sau­vage d’une cen­taine de mani­fes­tants, fin février, a mis un terme au pou­voir de Ianou­ko­vitch. Après sa fuite en Rus­sie, l’évolution du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire semble s’orienter vers une solu­tion à la fois proeu­ro­péenne et démo­cra­tique, for­te­ment patrio­tique tout en étant dépour­vue des aspé­ri­tés du dis­cours propre au par­ti Svo­bo­da, comme l’ont confir­mé les résul­tats des élec­tions pré­si­den­tielles du 25 mai qui ont don­né à Tyah­ny­bok et à Dmy­tro Yaroch (le can­di­dat de l’autre for­ma­tion natio­na­liste, Pra­vy sek­tor) moins de 2 % des voix. Leur patrio­tisme est lar­ge­ment le pro­duit de vingt années de sco­la­ri­sa­tion et d’études supé­rieures en ukrai­nien, qui ont pro­duit une jeu­nesse éle­vée dans sa langue, qui a culti­vé sa propre lit­té­ra­ture et qui a absor­bé les mythes nationaux.

La russification

Des dan­gers de guerre civile et de par­ti­tion liés à la nature com­po­site et plu­rielle de l’Ukraine pèsent aujourd’hui. On parle beau­coup de « deux » Ukraine, l’une de l’Est, rus­so­phone et nos­tal­gique de l’ère sovié­tique, l’autre de l’Ouest, ukrai­no­phone et philo-occidentale. 

L’histoire confirme cette ana­lyse. Cer­taines régions du sud-est de l’Ukraine (la région minière et le centre indus­triel du Don­bass, la Cri­mée, la région autour de la ville d’Odessa), colo­ni­sées par les Russes à par­tir de la moi­tié du XIXe siècle, étaient à l’époque une sorte de Far West impé­rial à colo­ni­ser, peu­pler, déve­lop­per ; cepen­dant il reste que les Ukrai­niens sont aujourd’hui tou­jours majo­ri­taires dans ces régions. Les autres régions de l’est (Pol­ta­va, Khar­kiv, Tcher­ni­hiv) sont ukrai­niennes à part entière, mais elles fai­saient par­tie de l’Empire russe depuis des siècles et ont été par­tiel­le­ment rus­sifiées. Durant la période sovié­tique, après une pre­mière vague de poli­tiques sovié­tiques favo­rables aux cultures natio­nales (poli­tiques qui étaient « natio­nales dans la forme, mais socia­listes dans le conte­nu » selon la for­mule de Sta­line), des poli­tiques de rus­sifi­ca­tion de l’Ukraine ont été conduites à plu­sieurs reprises, dans les années 1930, 1940 et 1950 ; sur­tout à par­tir du début des années 1970, avec l’émergence de la rhé­to­rique bre­j­né­vienne du « peuple sovié­tique » et du russe comme lin­gua franca. 

La cam­pagne de rus­si­fi­ca­tion a eu des résul­tats impor­tants : le nombre de pério­diques publiés en ukrai­nien a bais­sé de 46 à 19 % entre 1969 et 1980, tan­dis que la publi­ca­tion de livres en ukrai­nien a chu­té de 60 à 24 %. Le nombre d’ukrainophones bilingues a aus­si beau­coup aug­men­té à cette époque. Les don­nées rela­tives à la langue par rap­port à l’âge sou­lignent le rôle de l’école dans la rus­sifi­ca­tion depuis la réforme de 1958 qui avait inter­dit aux Répu­bliques sovié­tiques d’imposer aux éta­blis­se­ments sco­laires l’enseignement en langue natio­nale ; en 1970, 81 % des enfants de moins de dix ans ne par­laient que l’ukrainien, tan­dis qu’ils n’étaient que 22 % par­mi les élèves de seize à dix-huit ans, don­née qui s’explique par la forte aug­men­ta­tion du nombre de parents déci­dant de sco­la­ri­ser leurs enfants dans des éta­blis­se­ments rus­so­phones, afin d’augmenter leurs chances de réus­site pro­fes­sion­nelle et sociale. À Kiev, durant les der­nières années du régime sovié­tique, 40 % seule­ment des élèves de sept à dix-huit ans fré­quen­taient une école en ukrainien. 

D’autres don­nées montrent la rus­si­fi­ca­tion crois­sante, entre 1959 et 1989, des Ukrai­niens du Don­bass. Durant les années Khroucht­chev, grâce à la décen­tra­li­sa­tion éco­no­mique, le pour­cen­tage conglo­mé­rats conti­nuaient à être gérés par des Russes ; après 1963 et le retour à la cen­tra­li­sa­tion de la ges­tion, on a assis­té à une aug­men­ta­tion de la pro­por­tion du per­son­nel tech­nique russe immi­gré, tant en Ukraine que dans toutes les autres Répu­bliques sovié­tiques. Ce qui avait ame­né Milan Kun­de­ra à écrire en 1984 : « L’un des plus grands pays euro­péens [les Ukrai­niens sont alors près de qua­rante mil­lions] est en voie de dis­pa­ri­tion. Et cet énorme et incroyable évè­ne­ment se passe sans que le monde le sache4. »

L’Ukraine postcoloniale

En 1991, l’Ukraine est deve­nue un État indé­pen­dant. Beau­coup d’espoirs asso­ciés à cet évè­ne­ment, rêvé par des géné­ra­tions d’Ukrainiens au cours des deux der­niers siècles, ont été déçus. En sep­tembre 1989, on assiste à la fon­da­tion du Mou­ve­ment natio­nal ukrai­nien (Roukh), une fédé­ra­tion de mou­ve­ments d’opposition dont le rôle a été impor­tant dans la dis­so­lu­tion de l’ancien régime et qui a obte­nu 20 % des voix lors des pre­mières élec­tions libres, en mars 1990. Cepen­dant, la majo­ri­té des sièges était allée à l’ancien Par­ti com­mu­niste, résul­tat qui mon­trait l’incapacité de mener une véri­table révo­lu­tion poli­tique dans un contexte où la socié­té civile était for­te­ment fra­gi­li­sée et qui a été qua­lifié de socié­té « post­co­lo­niale », voire même, de socié­té post-géno­ci­daire fai­sant réfé­rence au fait que la conscience col­lec­tive auto­nome ukrai­nienne avait été for­te­ment étour­die par l’énorme coup subi avec la famine artifi­cielle (Holo­do­mor), orga­ni­sée par le Krem­lin en 1932 – 1933 afin de bri­ser la résis­tance pay­sanne et natio­nale à la collectivisation. 

Tout cela a per­mis aux élé­ments les plus entre­pre­nants de l’ancienne nomenk­la­tu­ra com­mu­niste de s’emparer du nou­vel État et de gérer la tran­si­tion à leur guise, en s’installant au som­met de la nou­velle struc­ture sociale sous la forme d’une oli­gar­chie poli­ti­co-éco­no­mique, per­méable à une conver­gence d’intérêts avec ses homo­logues russes. En 1994, avec le suc­cès de Leo­nid Koutch­ma, un ancien chef du com­plexe mili­ta­ro-indus­triel sovié­tique d’Ukraine, cette oli­gar­chie a rem­por­té l’élection pré­si­den­tielle ; mais ni l’ancien lea­deur­ship com­mu­niste, qui a géré le pays de 1991 à 1994, ni la nou­velle oli­gar­chie n’ont su affron­ter la ques­tion de la conver­sion de l’économie et du sys­tème pro­duc­tif. Il s’agissait sans aucun doute d’une tâche ardue. Le rêve d’un pas­sage indo­lore et très rapide à une éco­no­mie du mar­ché effi­cace s’est rapi­de­ment dis­si­pé, en rai­son notam­ment de la pesan­teur de l’héritage de l’intégration éco­no­mique semi-colo­niale qui exis­tait dans l’ancien sys­tème sovié­tique. Une décen­nie de réces­sion en a résul­té, avec une chute de 80 % du pro­duit inté­rieur brut et une hyper­infla­tion qui a exclu du mar­ché la der­nière géné­ra­tion de citoyens sovié­tiques et qui a impo­sé d’immenses sacrifices à la nou­velle géné­ra­tion d’Ukrainiens appe­lée à recons­truire le pays. 

Les divi­sions au sein du mou­ve­ment Roukh ont encou­ra­gé ces déve­lop­pe­ments, tan­dis que le chef le plus com­ba­tif de l’opposition démo­cra­tique, l’ancien dis­si­dent gali­cien Viat­che­slav Tchor­no­vil, sans doute l’homme poli­tique le plus pro­met­teur de sa géné­ra­tion, mou­rait dans un mys­té­rieux « acci­dent » de voi­ture sur­ve­nu à côté de l’aéroport inter­na­tio­nal de Boris­pil en mars 1999, au début d’une nou­velle cam­pagne pré­si­den­tielle dans laquelle il avait déci­dé de défier le pré­sident sor­tant Koutch­ma. Un an aupa­ra­vant, Vadym Het­man, un autre can­di­dat poten­tiel à la pré­si­dence de la Répu­blique, avait été assas­si­né dans le hall de son immeuble. Ancien chef de la Banque cen­trale ukrai­nienne, il avait conçu la réforme moné­taire qui avait conduit à la nais­sance de la hriv­na, la nou­velle mon­naie natio­nale qui avait per­mis de jugu­ler l’hyperinfl ation. L’implication pré­su­mée du pré­sident Koutch­ma dans un autre assas­si­nat poli­tique, celui du jour­na­liste d’opposition Gueor­gui Gon­gadze (dont le corps avait été retrou­vé en novembre 2000 dans une forêt près de Kiev), a ouvert la voie à la Révo­lu­tion orange de 2004 qui a por­té à la pré­si­dence Vik­tor Ioucht­chen­ko (très proche de Het­man et son suc­ces­seur à la tête de la Banque cen­trale) avec un pro­gramme de libé­ra­li­sa­tion et d’ukrainisation. Une fois de plus, les divi­sions au sein de la coa­li­tion gagnante, les dif­fi­cul­tés liées à la régio­na­li­sa­tion du pays, les menaces de séces­sion, l’incapacité de Ioucht­chen­ko à gérer la situa­tion, l’absence de sou­tien exté­rieur et, sur­tout, la fra­gi­li­té de la socié­té civile, n’ont pas per­mis de rele­ver le défi de la modernisation. 

Un nouveau « mur de Berlin » 

De leur côté, les déci­deurs euro­péens n’ont pas été en mesure d’aider l’Ukraine et ses citoyens qui rêvaient — à l’instar de tous les citoyens des anciennes Répu­bliques popu­laires d’Europe cen­trale et orien­tale — de rejoindre l’Union euro­péenne. En 2000, lors d’un som­met entre les ministres des Affaires étran­gères fran­çais et alle­mand, il avait en effet été déci­dé d’exclure l’Ukraine du pro­ces­sus d’élargissement afin d’éviter que la Rus­sie ne se sente « iso­lée ». En 2004, l’Union euro­péenne accueillait par contre tous les pays d’Europe cen­trale qui avaient été oppri­més au cours des décen­nies pré­cé­dentes par des régimes pro­so­vié­tiques, met­tant ain­si un terme à la pro­fonde injus­tice des accords de Yal­ta. Mais la com­bi­nai­son de la déci­sion fran­co-alle­mande de 2000 et de l’intégration des pays d’Europe cen­trale dans l’UE en 2004 a eu un effet désas­treux : elle a fait de la fron­tière ukrai­nienne un nou­veau « mur de Ber­lin », en pous­sant inévi­ta­ble­ment l’Ukraine vers l’est et vers la Rus­sie. Les diri­geants de l’Union euro­péenne ont en effet exclu de l’horizon his­to­rique à moyen terme, une éven­tuelle adhé­sion de l’Ukraine. C’est l’ancien ambas­sa­deur ukrai­nien à Bruxelles qui avait com­pa­ré cela à l’érection d’un nou­veau mur de Ber­lin en Europe. 

La crainte que le poids démo­gra­phique et géo­gra­phique de ce pays ne puisse rompre les équi­libres euro­péens exis­tants, arti­cu­lés autour du couple fran­co-alle­mand, a pesé sur cette déci­sion ; mais il y avait aus­si un acquies­ce­ment pas­sif et presque pré­ven­tif vis-à-vis de la vision géo­po­li­tique russe. Enfin, cette déci­sion lourde de consé­quences était aus­si le fruit d’un défi­cit cultu­rel de l’Europe occi­den­tale à l’égard du monde ukrai­nien, peu connu et peu appré­cié, à tel point que durant le conflit rus­so-géor­gien de 2008 (pen­dant lequel il y a eu de graves dis­sen­sions entre Pou­tine et Ioucht­chen­ko sur l’utilisation de la flotte russe de la mer Noire contre la Géor­gie) ou pen­dant les crises du gaz récur­rentes entre la Rus­sie et l’Ukraine, des com­men­ta­teurs ita­liens et fran­çais (Ber­nard Guet­ta, par exemple) ont remis en ques­tion la recon­nais­sance même de la sou­ve­rai­ne­té de l’Ukraine par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale dans les années 1990. 

Roma­no Pro­di, le pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne à l’époque de l’élargissement par­tiel de 2004, a conti­nué à défendre ce choix de l’exclusion de l’Ukraine jusqu’aux jour­nées meur­trières de février 2014 à Kiev, affir­mant dans une inter­view au New York Times que le gou­ver­ne­ment de Vik­tor Ianou­ko­vitch était « réfor­miste ». L’Allemagne, de son côté, s’est révé­lé le pays occi­den­tal le plus proche de la Rus­sie de Pou­tine ; l’ancien chan­ce­lier Schrö­der, en 2005, est deve­nu pré­sident du conseil de sur­veillance (dont Gaz­prom pos­sède 51 %) pour la construc­tion du gazo­duc North Stream, qui relie­ra direc­te­ment la Rus­sie à l’Allemagne en cou­pant la Pologne et l’Ukraine de tout rôle (éco­no­mique ou géo­po­li­tique) dans le domaine stra­té­gique de l’approvisionnement éner­gé­tique, ce qui avait sou­le­vé beau­coup de cri­tiques sur­tout du côté polo­nais. La récente crise ukrai­nienne a révé­lé l’ampleur et les consé­quences dan­ge­reuses de ce « phi­lo-rus­sisme », très répan­du soit dans l’establishment soit dans l’opinion publique allemande. 

C’est ce fac­teur exté­rieur qui consti­tue une par­tie de l’explication de la faillite de la révo­lu­tion orange et de la vic­toire élec­to­rale des Russes et des pro-Russes réunis autour du Par­ti des régions de Ianou­ko­vitch, sou­te­nus par l’oligarchie. Vik­tor Ianou­ko­vitch, celui dont la vic­toire élec­to­rale avait été contes­tée pour fraude par les Oranges en 2004, était dès 2004 l’homme choi­si par le Krem­lin (comme l’a récem­ment révé­lé l’ancienne secré­taire d’État amé­ri­caine Condo­lee­za Rice, à qui Ianou­ko­vitch avait été pré­sen­té par Vla­di­mir Pou­tine lors d’un séjour dans la dat­cha du pré­sident russe), pour faire bas­cu­ler irré­mé­dia­ble­ment l’Ukraine vers la Russie. 

Les « trois » Ukraine 

Depuis la Deuxième Guerre mon­diale, l’Ukraine est deve­nue un pays bina­tio­nal, en rai­son d’une forte émi­gra­tion polo­naise après la Pre­mière Guerre mon­diale, de l’ukrainisation de nom­breux Polo­nais pen­dant l’entre-deux-guerres, de l’extermination d’environ trois quarts des Juifs par les nazis et des dépor­ta­tions des Alle­mands et des Tatars opé­rées par Sta­line à par­tir de 1944. Il reste cepen­dant que les Russes ne consti­tuent qu’une mino­ri­té, quand bien même impor­tante du pays (17 – 18 % de la popu­la­tion totale) face à 80 % d’Ukrainiens dont une par­tie cepen­dant se sent liée, d’une façon ou d’une autre, à la Rus­sie. Face à cette impor­tante mino­ri­té de pro-Russes et de Russes, l’autre impor­tante mino­ri­té des « patriotes » ukrai­niens, est plus nom
breuse dans les régions de l’ouest (qui n’ont jamais fait par­tie de la Rus­sie et qui n’ont été rat­ta­chées à l’URSS qu’en 1945). La capi­tale Kiev repro­duit comme un micro­cosme cette par­ti­tion nationale. 

Or, beau­coup d’observateurs occi­den­taux se sont arrê­tés à cette don­née objec­tive et conti­nuent de juger la réa­li­té ukrai­nienne à la lumière de cette pré­ten­due dicho­to­mie. Le cri­tique lit­té­raire et ana­lyste social Myko­la Riabt­chouk qui a for­gé, en 1991, après l’indépendance du pays, le concept des deux Ukraine, est reve­nu il y a une dizaine d’années sur cette notion, en sou­li­gnant qu’il ne fal­lait pas l’utiliser méca­ni­que­ment, comme le font les médias occi­den­taux pour éclai­rer leurs audi­teurs sur la crise ukrai­nienne actuelle. Cette dua­li­té ukrai­nienne n’est pas à pro­pre­ment par­ler ter­ri­to­riale. Il s’agit plu­tôt d’une dua­li­té qui tra­verse la conscience de chaque Ukrai­nien et de chaque région de l’espace ukrai­nien. De plus, les deux Ukraine ne peuvent pas être réduites à des mino­ri­tés qui peuvent se consi­dé­rer comme repré­sen­ta­tives de la majo­ri­té des Ukrai­niens. Il existe donc une troi­sième Ukraine, qui ras­semble une troi­sième mino­ri­té : celle de ceux qui ne se retrouvent pas dans l’une ou l’autre des deux mino­ri­tés orga­ni­sées, mais tentent de conci­lier cette dua­li­té dans leur conscience et dans leurs choix publics5. Cette ambigüi­té et cette irré­so­lu­tion chez de nom­breux Ukrai­niens favo­risent l’ambivalence et, par voie de consé­quence, l’opposition entre les deux mino­ri­tés organisées. 

Au lieu d’essayer de dépas­ser l’éclatement et l’ambigüité iden­ti­taires qui carac­té­risent la socié­té civile ukrai­nienne, l’oligarchie éco­no­mi­co-poli­tique les a culti­vés et uti­li­sés afin de pré­ser­ver un pou­voir qui serait imman­qua­ble­ment mena­cé par une réelle matu­ra­tion sociale. Cette oli­gar­chie, issue de la nomenk­la­tu­ra sovié­tique, a été défi­nie comme une « élite créole » qui, tout en pré­ser­vant ses liens éco­no­miques et poli­tiques avec l’oligarchie russe, veut conser­ver une réelle auto­no­mie afi n de sau­ve­gar­der ses pré­ro­ga­tives. Cette oli­gar­chie n’a jamais joué un rôle vrai­ment natio­nal, mais a conti­nué à mener des poli­tiques qui se sont ins­crites dans la tra­di­tion semi-colo­niale soviétique.

Poutine essaie de « yougoslaviser » l’Ukraine

On est sor­ti de cette ambigüi­té et on a assis­té à une évo­lu­tion très dan­ge­reuse en rai­son de la déci­sion de Vla­di­mir Pou­tine de réagir via une stra­té­gie de « you­go­sla­vi­sa­tion » de l’Ukraine à la suite de l’échec résul­tant du choix de Ianou­ko­vitch en tant que déten­teur du pou­voir ukrai­nien, un homme qui n’avait aucune qua­li­té intel­lec­tuelle et morale pour accom­plir cette tâche et qui a contri­bué à bâtir le régime le plus cor­rom­pu d’Europe, clas­sé 144e sur 177e dans le monde, selon Trans­pa­ren­cy Inter­na­tio­nal en 2013, en étouf­fant la socié­té et en recou­rant à une cor­rup­tion mas­sive et ubi­qui­taire au point même de rompre les liens de soli­da­ri­té avec de nom­breux autres oligarques.
En invo­quant les « menaces » que le nou­veau régime ins­tal­lé à Kiev depuis la fuite de Ianou­ko­vitch ferait peser sur la langue et l’identité russes, Vla­di­mir Pou­tine et ses émis­saires ont d’abord annexé la Cri­mée via l’organisation d’un plé­bis­cite sous un régime d’occupation mili­taire dont le résul­tat aurait don­né — selon les orga­ni­sa­teurs — une majo­ri­té énorme aux séces­sion­nistes de Cri­mée ; en réa­li­té l’illégitimité de ce réfé­ren­dum a été recon­nue par l’ONU (seule­ment 11 pays sur 193 ont voté contre la réso­lu­tion qui condam­nait le réfé­ren­dum), tout comme la véra­ci­té extrê­me­ment dou­teuse de ses résul­tats ; enfin, l’introduction de la légis­la­tion russe qui ne pré­voit pas de régime de pro­tec­tion de la langue ukrai­nienne et l’existence d’établissements sco­laires ukrai­niens, a déjà pro­vo­qué la fer­me­ture de lycées ukrai­niens et ban­ni le tatar et l’ukrainien du Par­le­ment de Crimée. 

Rap­pe­lons que la Cri­mée était la seule région d’Ukraine qui jouis­sait du sta­tut de Répu­blique auto­nome et que lors du réfé­ren­dum de décembre 1991 sur l’indépendance de l’Ukraine, la majo­ri­té des Cri­méens (54 %) se pro­non­cèrent pour le « oui » ; en 1993, des vel­léi­tés séces­sion­nistes res­tèrent sans suite en rai­son du faible sou­tien de la Rus­sie (qui était confron­tée à des reven­di­ca­tions séces­sion­nistes inté­rieures, dans le Cau­case en par­ti­cu­lier), d’un manque de sou­tien popu­laire et de la dépen­dance éco­no­mique et en termes d’infrastructures de la Cri­mée à l’égard de l’Ukraine. Autant d’éléments qui démontrent à suffi­sance le carac­tère artifi ciel ou, au moins, induit du séces­sion­nisme cri­méen d’aujourd’hui, qui n’est en réa­li­té rien d’autre qu’une opé­ra­tion d’annexion mili­taire menée par la Russie. 

Après la prise de la Cri­mée, Pou­tine a lan­cé une « sale guerre » dans l’est de l’Ukraine en pré­tex­tant l’existence d’une forte mino­ri­té russe, mena­cée par les Ukrai­niens et prête à se réunir à la mère patrie russe. La « sale guerre » recourt aus­si au repê­chage, dans les plis de l’histoire, des doc­trines an-ti-ukrai­niennes éla­bo­rées par des intel­lec­tuels natio­na­listes russes de la deuxième moi­tié du XIXe siècle, comme Kat­kov qui avait par­lé de l’ukrainisme comme d’un « com­plot polo­nais ». Ces doc­trines ont été reprises en 1990 par Sol­je­nit­syne pour qui « tous les dis­cours sur l’existence d’un peuple ukrai­nien avec sa propre langue, dif­fé­rente de la langue russe, ne sont que des men­songes récem­ment inven­tés ». Le pro­jet — Pou­tine l’a fait com­prendre au cours de l’une de ses inter­views télé­vi­sées —, est bel et bien de dépe­cer l’Ukraine, en rat­ta­chant à la Rus­sie toute la « Novo­ros­sia », d’Odessa jusqu’à Donetsk, en y ajou­tant Khar­kiv et Pol­ta­va si possible. 

Il faut remar­quer que, au contraire de ce qu’on affirme dans la pro­pa­gande pou­ti­nienne et qui est sou­vent repris par la presse euro­péenne, la ques­tion lin­guis­tique et eth­nique en Ukraine orien­tale n’est pas une ques­tion ter­ri­to­riale : il n’existe pas de régions qui ne sont peu­plées que par des Russes ; il y a, par contre, des régions dans les­quelles il y a une majo­ri­té de rus­so­phones dans les grandes villes, mais une écra­sante majo­ri­té d’ukrainophones dans les cam­pagnes et les petites villes. Cette situa­tion très imbri­quée ne per­met pas de résoudre les ques­tions lin­guis­tiques ukrai­niennes avec des solu­tions pure­ment fédé­rales et encore moins avec l’« indé­pen­dance » de ces régions ou leur annexion par la Rus­sie ; dans ce der­nier cas, il faut savoir qu’il n’y a pas en Rus­sie la pro­tec­tion des mino­ri­tés que le Krem­lin invoque pour les rus­so­phones d’Ukraine. Selon les don­nées démo­gra­phiques, il y a au moins 3 mil­lions d’Ukrainiens dans la Fédé­ra­tion russe (vivant dans des régions ukrai­no­phones et immi­grés de longue date ou récem­ment), mais il n’existe pas d’établissements sco­laires en ukrai­nien et seule­ment huit écoles russes donnent des cours facul­ta­tifs d’ukrainien.

La solu­tion fédé­rale pose elle aus­si des pro­blèmes parce que les ukrai­no­phones qui habitent dans les régions comp­tant de grandes villes rus­so­phones ris­que­raient d’être dis­cri­mi­nés, à cause de la ten­dance des défen­seurs de la rus­so­pho­nie à conce­voir le sta­tut du russe en tant que langue d’État comme une recon­nais­sance du pri­mat abso­lu du russe. Le russe peut d’ailleurs jouir dans toute l’Ukraine cen­tro-occi­den­tale de la puis­sance liée à son pas­sé de langue impé­riale ou sovié­tique. La supré­ma­tie offi­cielle de l’ukrainie repré­sen­te­rait un cas typique de « dis­cri­mi­na­tion posi­tive », c’est-à-dire de mesures à moyen terme qui sont uti­li­sées pour réta­blir un équi­libre social ou politique. 

La « troi­sième » Ukraine est donc appe­lée par l’histoire à déci­der : soit elle s’allie avec l’une des deux par­ties, soit elle subit les évè­ne­ments tels qu’ils seront déci­dés et orches­trés par Mos­cou. Un son­dage conduit juste après l’annexion de la Cri­mée par le Pew Research Cen­ter, spé­cia­li­sé dans l’analyse des opi­nions en Europe de l’Est, indique qu’il y a une nette majo­ri­té d’Ukrainiens (77 %), toutes régions confon­dues, qui est oppo­sée à la divi­sion du pays ; la majo­ri­té en faveur de l’unité du pays atteint même 93 % à l’ouest et 70 % à l’est.

Où va l’Ukraine ?

La réac­tion russe a radi­ca­le­ment modifié la situa­tion. La ques­tion est désor­mais celle de l’intégrité et de l’existence mêmes de l’État ukrai­nien. La Rus­sie a choi­si de se sub­sti­tuer aux acteurs ukrai­niens et de jouer un rôle colo­nial et d’expansion directe. Déjà lors du som­met de l’Otan de Buda­pest en 2008, après la guerre en Géor­gie, Vla­di­mir Pou­tine avait — sans aucune gêne ou rete­nue — affir­mé que l’Ukraine n’était pas un pays à pro­pre­ment par­ler. L’annexion de la Cri­mée et le pro­jet d’annexer éga­le­ment l’Ukraine orien­tale et méri­dio­nale (la Novo­ros­sia, la nou­velle Rus­sie selon la ter­mi­no­lo­gie impé­riale remise au gout du jour) sont emblé­ma­tiques du des­sein des diri­geants du Krem­lin pour qui l’ordre de l’espace post­so­vié­tique, voire l’ordre mon­dial, doit être ouver­te­ment remis en cause. 

Encore une fois, l’Ukraine risque de jouer le rôle de mon­naie d’échange géo­po­li­tique entre les puis­sances mon­diales. En 1918, à Ver­sailles, les aspi­ra­tions ukrai­niennes ont été frus­trées par les puis­sances vic­to­rieuses qui avaient d’autres pro­jets conti­nen­taux. Quant à Holo­do­mor, beau­coup de nations d’Europe et du monde en connais­saient l’existence, mais par faci­li­té ont détour­né la tête. De même, elles ont cédé à toutes les pré­ten­tions sta­li­niennes concer­nant l’Ukraine occi­den­tale, qui avait déjà été occu­pée en 1939 par Sta­line après le pacte ger­ma­no-sovié­tique ; on a, enfin, déjà par­lé de ce qui s’est pas­sé au moment de l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe cen­trale en 2004.
Il y a cepen­dant cette fois-ci un enga­ge­ment des Occi­den­taux (sur­tout des États-Unis à vrai dire) aux côtés de l’État ukrai­nien, ce qui n’était pas le cas lors de l’établissement des accords inter­na­tio­naux qui ont sui­vi les deux guerres mondiales.

  1. G. Per­ri, « Le plu­ra­lisme reli­gieux de l’Ukraine », Ore­la, Obser­va­toire des reli­gions et de la laï­ci­té, www.o‑re-la.org, 8 avril 2013.
  2. Svo­bo­da est le nom que le Par­ti social-natio­na­liste d’Ukraine a pris en 2004, quand Oleh Tyah­ny­bok en a été élu pré­sident. Expres­sion des opi­nions de droite et d’extrême droite gali­cien, Svo­bo­da a obte­nu un suc­cès élec­to­ral notam­ment en 2012 (10 % des voix issues sur­tout d’Ukrainiens occi­den­taux insa­tis­faits par le cours poli­tique pris par l’Ukraine après l’indépendance et la domi­na­tion des pro-Russes de Ianou­ko­vitch). Selon ses dires, Tyah­ny­bok s’inspire davan­tage d’Israël ou du Japon, plu­tôt que de l’Union euro­péenne, comme exemples d’États natio­na­listes, mais pas chau­vins ou fas­cistes. Aux élec­tions du 25 mai 2014 Tyah­ny­bok a rem­por­té 1,16 % des voix.
  3. Bien que Ianou­ko­vitch ait obte­nu 48,95 % des voix au deuxième tour contre 45,47 % pour Tymo­chen­ko, il a déser­té le débat télé­vi­sé orga­ni­sé avec elle avant le deuxième tour ; d’ailleurs, par rap­port aux élec­tions de 2004, plus de trois mil­lions d’Ukrainiens ne se sont pas ren­dus aux urnes, ce qui a per­mis à Ianou­ko­vitch d’être élu avec moins de suf­frages que ceux rem­por­tés aux élec­tions pré­cé­dentes. Beau­coup d’Ukrainiens avaient entre­temps déjà « voté avec les pieds », en émi­grant à l’étranger. Le par­ti de Iou­lia Tymo­chen­ko avait dénon­cé des fraudes mas­sives (pour l’OSCE, au contraire, le scru­tin avait été correct)..
  4. M. Kun­de­ra, « The Tra­ge­dy of Cen­tral Europe », New York Review of Books, 26 avril 1984.
  5. M. Riabt­chuk, « Ukraine : One State, Two Coun­tries ? », Euro­zine, 16 sep­tembre 2002.

Perri


Auteur

Chercheur au Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité (ULB)