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Enquête de lectorat 2014. Des perspectives pour la revue

Numéro 3 - 2015 par Thibault Vincent

mai 2015

De sep­tembre à décembre 2014, La Revue nou­velle accueillait un sta­giaire de mai­trise en socio­lo­gie. La mis­sion qui lui était confiée était d’organiser de a à z une enquête de lec­to­rat, à laquelle vous avez peut-être eu la gen­tillesse de répondre. La revue lui donne ici la parole pour un compte ren­du de ce que nous avons appris à cette […]

Le Mois

De sep­tembre à décembre 2014, La Revue nou­velle accueillait un sta­giaire de mai­trise en socio­lo­gie. La mis­sion qui lui était confiée était d’organiser de a à z une enquête de lec­to­rat, à laquelle vous avez peut-être eu la gen­tillesse de répondre. La revue lui donne ici la parole pour un compte ren­du de ce que nous avons appris à cette occasion.

Vous avez été 182 à rem­plir le ques­tion­naire mis en ligne pen­dant une semaine en novembre 2014. C’était juste avant le lan­ce­ment des nou­velles for­mules de l’édition papier et du site inter­net, avec l’ambition de nour­rir la réflexion de moyen terme sur les pro­chaines évo­lu­tions du projet.

L’enquête s’est axée autour de deux objec­tifs : le pre­mier était de pro­duire des don­nées concer­nant les lec­teurs, leur pro­fil socio­dé­mo­gra­phique, afin d’en savoir plus sur ceux à qui s’adressent les auteurs de la revue à tra­vers leurs articles, édi­to­riaux, cri­tiques et dos­siers. Le deuxième était d’obtenir des don­nées concer­nant les opi­nions du lec­to­rat sur dif­fé­rents points, allant de la lon­gueur des articles à l’évolution de la ligne éditoriale.

Ces don­nées ont été pro­duites à l’aide de méthodes qua­li­ta­tives et quan­ti­ta­tives : un petit groupe pré­pa­ra­toire et un son­dage via internet.

Pour les trois lec­teurs pré­sents, La Revue nou­velle n’est pas com­pa­rable aux autres sources d’information dont ils dis­posent : en la lisant, ils sou­haitent acqué­rir de nou­velles connais­sances, enta­mer un pro­ces­sus de réflexion sur les sujets trai­tés dans les articles pro­po­sés. Ils ne cherchent pas un résu­mé super­fi­ciel concer­nant un maxi­mum de faits d’actualité. Si la réflexion est plus pous­sée, la lec­ture des articles demande éga­le­ment un « tra­vail » sup­plé­men­taire de « décryptage ».

Les par­ti­ci­pants les moins confron­tés à ce type de dis­cours, d’argumentation et de champ lexi­cal uni­ver­si­taire peuvent res­sen­tir ces codes cultu­rels comme de la dis­tinc­tion, ou de l’entre-soi de la part des auteurs ou tout sim­ple­ment comme une « lour­deur » inappropriée.

Après en avoir dis­cu­té avec les direc­teurs de la revue, ces der­niers com­prennent bien ces argu­ments et recon­naissent volon­tiers que des efforts de la part de cer­tains auteurs seraient néces­saires pour plus d’accessibilité et de flui­di­té de lec­ture. Mais il faut éga­le­ment prendre en compte le fait que l’écriture des auteurs issus du « champ scien­ti­fique » (au sens de Bour­dieu) est le résul­tat de normes, valeurs et codes qui sont par­fois consciem­ment mobi­li­sés, et par­fois incor­po­rés dans leur « habi­tus » depuis des années et qui leur paraissent « aller de soi ». Mais contrai­re­ment à ce que Bour­dieu a sou­vent ten­dance à mettre en exergue, les indi­vi­dus ne sont pas seule­ment des « agents » struc­tu­rés par des normes sociales qui leur pré­existent ; ils sont éga­le­ment capables de se mon­trer réflexifs (acteurs) et de remettre en cause cer­taines de leurs pra­tiques. L’équipe de la revue est essen­tiel­le­ment com­po­sée de cher­cheurs et d’universitaires et est ici la pre­mière à avoir pris conscience de ce type de ques­tion et à se mon­trer atten­tive à ses pratiques.

Concer­nant la pos­si­bi­li­té de s’abonner à une ver­sion élec­tro­nique de la revue, les lec­teurs étaient à prio­ri réti­cents à ce type de pra­tique, mais ont recon­nu que les tablettes et smart­phones étaient des objets uti­li­sés (par eux, et en géné­ral) de plus en plus fré­quem­ment. Il demeure impor­tant pour eux de pou­voir tenir un objet papier tan­gible en main, de pou­voir le dépla­cer et le lire faci­le­ment, de pou­voir le prê­ter, le lais­ser trainer.

Lire La Revue nou­velle est une acti­vi­té qui dif­fère des modes de consom­ma­tion habi­tuels des médias. Les lec­teurs ont sou­li­gné le fait que le temps néces­saire est sou­vent plus impor­tant, qu’il impose un moment par­ti­cu­lier dans la jour­née, une cou­pure qui leur per­met de se concen­trer, d’être plei­ne­ment pré­sents à ce qu’ils sont en train de lire.

Les lec­teurs inter­ro­gés se sont mon­trés enthou­siastes lorsqu’a été évo­quée l’idée d’organiser des confé­rences-débats très régu­lières, qui valo­risent les inter­ac­tions directes avec les auteurs ou les autres invi­tés. Cette option est aus­si le déve­lop­pe­ment favo­ri­sé par les réponses à l’enquête en ligne.

Questionnaire en ligne

Nous avons pu consta­ter que la moyenne (50,11 ans) et la médiane (51 ans) de l’âge des répon­dants est rela­ti­ve­ment éle­vée : 75% des répon­dants ont plus de 38 ans. Mais en contre­par­tie, les classes d’âge à pro­pos des­quelles nous sou­hai­tions pro­duire des don­nées (les jeunes tra­vailleurs) sont tout de même repré­sen­tées. Les hommes sont deux fois plus nom­breux dans l’échantillon que les femmes. Ceci serait-il dû au fac­teur socio­dé­mo­gra­phique (majo­ri­té d’universitaires, moyenne d’âge de 50 ans) ou à l’image de la revue ? Ou encore aux com­por­te­ments de consom­ma­tion d’objets cultu­rels de manière géné­rale ? Cepen­dant, si l’on se penche sur les résul­tats concer­nant les répon­dants non abon­nés uni­que­ment, la part fémi­nine de l’audience s’élève à 39,46%.

L’audience géné­rale de la revue est de façon géné­rale plus jeune que son lec­to­rat abon­né, la médiane pour l’âge de ces der­niers s’élevant à 56 ans (soit 5 de plus que pour l’ensemble de l’échantillon). 75% des abon­nés ayant répon­du à l’enquête ont plus de 42 ans.

Les répon­dants sont à 76% des diplô­més d’études supé­rieures de type long dont 17% ont pour­sui­vi et obte­nu un doc­to­rat. Ce pro­fil dif­fère énor­mé­ment de celui que l’on retrouve au sein de la popu­la­tion belge, avec 20% de diplô­més de l’enseignement supé­rieur (enquête Etnic, 20061), y com­pris de type court (trois ans).

La Revue nou­velle s’attachant à pro­po­ser un trai­te­ment en pro­fon­deur pour évi­ter les effets néga­tifs d’un trai­te­ment super­fi­ciel et rapide de l’actualité « bru­lante », elle pro­pose un concept fort dif­fé­rent de la presse de dite « masse ». La ligne édi­to­riale et les objec­tifs pour­sui­vis par l’équipe de la revue trouvent une réso­nance au sein d’un public plus res­treint, mais poten­tiel­le­ment moins ver­sa­tile. La concur­rence, bien que pré­sente, est moins rude et directe qu’au sein des médias de masse ; cela per­met éga­le­ment de ne pas entrer dans des logiques pure­ment com­mer­ciales qui nui­raient à l’indépendance et au pro­jet de la revue : recherche d’annonceurs, cri­tères d’évaluation quan­ti­ta­tifs (tirage), course à l’information exclu­sive, for­ma­tage de l’information pour une consom­ma­tion rapide, imi­ta­tion de la concur­rence, perte de recul face aux évènements.

Res­sort éga­le­ment des don­nées sta­tis­tiques concer­nant l’échantillon qu’une écra­sante majo­ri­té des répon­dants exerce une pro­fes­sion intel­lec­tuelle. La moi­tié vit en Région bruxel­loise (50%). Les trois caté­go­ries les plus repré­sen­tées sont : les employés de la fonc­tion publique (19%), les pro­fes­seurs et ins­ti­tu­teurs (16%), et les employés de l’associatif (14%).

Un élé­ment impor­tant à prendre en compte dans la lec­ture et l’analyse de nos don­nées est le fait que seule­ment 22% des répon­dants sont actuel­le­ment abon­nés : même si ces lec­teurs sont sus­cep­tibles de moins bien connaitre la revue (ses thé­ma­tiques, sa ligne édi­to­riale), les don­nées pro­duites sont d’autant plus inté­res­santes car elles nous per­met­tront d’engranger des élé­ments per­met­tant par après d’affilier ces lec­teurs de manière plus pérenne.

La rubrique plé­bis­ci­tée est le « dos­sier ». Elle est la plus visible, fai­sant sys­té­ma­ti­que­ment la cou­ver­ture et celle-ci est l’objet prin­ci­pal de pro­mo­tion des nou­veaux numé­ros de la revue. Le dos­sier est com­po­sé d’articles pro­po­sés par dif­fé­rents auteurs autour d’une thé­ma­tique don­née. Il est la rubrique qui dis­pose du plus grand nombre de pages et qui sert donc de « mar­queur » pour chaque numé­ro, qui l’individualise.

Nous avons pu éga­le­ment mettre fin à l’idée que des articles plus courts seraient géné­ra­le­ment pré­fé­rés par les lec­teurs : seule­ment 19% d’entre eux ont expri­mé cette pré­fé­rence. Si le lec­to­rat n’a pas peur de se plon­ger dans des articles longs, cela ne veut pas dire pour autant qu’il plé­bis­cite des articles plus longs — ou plus d’articles longs — que ce que leur pro­pose jusqu’ici la revue.

Les abon­nés de notre échan­tillon sont moins pré­sents que les autres sur le site inter­net, les blogs et la page Face­book : 55% des abon­nés ne suivent la revue sur aucun de ces médias, contre 35,1% pour les non-abon­nés. C’est sans doute le reflet du manque de conti­nui­té des efforts de la revue avant de lan­cer sa nou­velle formule.

Les lec­teurs non abon­nés sont plus nom­breux à avoir fait connais­sance avec la revue sur leur lieu de tra­vail et via inter­net. Nous avons émis l’hypothèse que leur com­por­te­ment de lec­ture serait donc plus spo­ra­dique (quand ils trouvent l’objet sur une table ou une éta­gère, ou qu’ils voient un article qui les inté­resse sur le site web) que d’une habi­tude de lec­ture régu­lière et pro­lon­gée de la revue dans son ensemble. Enfin, l’importance du réseau de connais­sances et de la pro­mo­tion inter­per­son­nelle (entre amis, proches, col­lègues) est un élé­ment qui res­sort éga­le­ment : ne pos­sé­dant pas les moyens de pro­mo­tion et de dif­fu­sion des médias de masse, la revue doit mettre en place d’autres stra­té­gies pour élar­gir son public de lec­teurs et le fidéliser.

  1. Docu­ment dis­po­nible à l’adresse : http://bit.ly/1EXMlzy.

Thibault Vincent


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