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Enjeux du sommet de Madrid
La sixième rencontre des chefs d’État et de gouvernement entre l’Union européenne, l’Amérique latine et Caraïbes (UE-ALC) se tient en mai 2010 à Madrid, autour de deux thèmes d’intérêt commun ayant trait à l’innovation pour le développement durable et l’inclusion sociale. Cette rencontre s’inscrit dans le prolongement du « processus de Rio » lancé en juin 1999 lors du […]

La sixième rencontre des chefs d’État et de gouvernement entre l’Union européenne, l’Amérique latine et Caraïbes (UE-ALC) se tient en mai 2010 à Madrid, autour de deux thèmes d’intérêt commun ayant trait à l’innovation pour le développement durable et l’inclusion sociale. Cette rencontre s’inscrit dans le prolongement du « processus de Rio » lancé en juin 1999 lors du premier sommet transatlantique tenu au Brésil et dont l’ambition était de créer un « partenariat stratégique » intercontinental pour contribuer à un monde moins asymétrique.
L’enjeu central du sommet : réincorporer l’Amérique latine à l’agenda européen
C’est dans la foulée de la chute du monde bipolaire que s’institutionnalisent les rapports entre les deux rives de l’Atlantique. L’association repose sur le partage de valeurs et principes communs tels que la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit ainsi que sur le multilatéralisme et le régionalisme supranational tourné vers l’extérieur.
Elle s’articule autour de trois dimensions stratégiques : dialogue politique, coopération et libéralisation économique et commerciale. Toutefois, étant donné que l’Amérique latine et les Caraïbes n’ont pas une identité homogène et unitaire leur permettant d’agir en bloc sur la scène mondiale, l’Union européenne s’est attelée à développer une stratégie sur la base d’approches différenciées articulées en fonction des réalités nationales et régionales. Elle a dès lors signé des accords d’association avec le Mexique (1997), le Chili (2002) et les Caraïbes (2008) ainsi que des accords-cadres avec le Mercosur (1995), la Communauté andine (2003) ou l’Amérique centrale (2003) dans l’objectif de conclure à terme des accords interrégionaux ambitieux comprenant, notamment, des zones de libre-échange. Ce rapprochement a permis à l’Union européenne de devenir un partenaire économique relativement important pour l’Amérique latine puisqu’elle représente aujourd’hui le principal fournisseur d’aide au développement, le principal investisseur extérieur et le deuxième partenaire commercial du continent après les États-Unis.
Toutefois, malgré les nombreux liens économiques et institutionnels, les acteurs peinent à doter l’association d’une véritable volonté politique, ce qui les empêchent d’atteindre l’objectif originel d’un « partenariat stratégique ». La relation est sensible aussi bien aux évolutions externes qu’internes à l’Europe et à l’Amérique latine. En effet, l’émergence d’un agenda sécuritaire international dans le contexte post-11 septembre a contribué à détourner l’attention européenne de l’Amérique latine. Sans compter que les derniers élargissements et la montée en puissance de la Chine ont encouragé le déplacement du centre de gravité de l’Union, désormais situé économiquement et diplomatiquement sur un axe horizontal, États-Unis-Europe, élargi à l’Asie. Du côté de l’Amérique latine, le « tournant à gauche » a eu pour effet de crisper les relations avec l’Union européenne.
Le premier enjeu du sommet de Madrid est donc la revitalisation du partenariat euro-latino
américain. L’Espagne compte sur sa présidence européenne pour donner un second souffle aux relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes qui constitue l’une de ses priorités en matière de politique étrangère. Pour les Européens, il est d’autant plus urgent de réussir cette rencontre que l’Europe est de plus en plus perçue à l’extérieur comme un acteur qui hésite et manque de cohésion sur de grands dossiers internationaux, ce qui a, notamment, amené le président américain à annuler sa présence au sommet Union européenne-États-Unis de mai 2010.
Défis liés aux accords d’association avec les pays andins et centraméricains
Pour ce faire, le gouvernement espagnol a mis à l’agenda européen la conclusion d’accords d’association séparés avec la Colombie, le Pérou, l’Amérique centrale1 et le Marché commun du sud (Mercosur)2. Chacun de ces accords doit reposer sur trois piliers : dialogue politique, coopération et accord de libre-échange. Malgré les efforts fournis par la présidence espagnole et la Commission européenne pour obtenir des résultats concrets et substantiels à présenter lors du sommet de Madrid, les tractations ne sont pas sans poser problèmes.
En ce qui concerne tout d’abord les négociations avec la Colombie, d’une part, et le Pérou, d’autre part, elles sont terminées. Toutefois, pour que ces accords voient le jour et puissent être présentés lors du prochain sommet, il faut vaincre les réticences du Parlement européen qui les considère comme une menace pour l’intégration régionale andine à laquelle appartiennent la Colombie et le Pérou. À la base, l’accord d’association devait être conclu entre l’Union européenne et la Communauté andine. Mais le « tournant à gauche » et les politiques de nationalisation économiques qu’il a engendrées dans des pays comme la Bolivie ou l’Équateur3 ainsi que l’intransigeance européenne à tempérer ses demandes en matière commerciale ont amené l’Union européenne à privilégier une approche bilatérale s’opposant à sa traditionnelle doctrine interrégionaliste et à son penchant pour le dialogue avec des groupements régionaux. Par ailleurs, l’accord avec la Colombie fait également l’objet d’importantes critiques de la part d’une série d’eurodéputés, de syndicats, d’ONG d’Europe et d’Amérique latine. Ils considèrent que cet accord ne donne pas assez de garanties en matière de respect des droits de l’homme.
Un autre défi attend le sommet de Madrid, celui de la concrétisation d’un accord de libre-échange avec l’Amérique centrale. Après la paralysie des relations survenue à la suite du coup d’État perpétré au Honduras en juin 2009, les négociations euro-centraméricaines ont repris en février 2010. Les élections et l’investiture de Porfirio Lobo en tant que président du Honduras ont été jugées suffisantes par l’Union européenne pour rétablir des relations normales avec ce pays. Toutefois, bien que les chapitres sur le dialogue politique et la coopération soient pratiquement terminés, il reste une série d’obstacles à franchir en ce qui concerne le dossier commercial. En échange des réclamations européennes en matière de libéralisation des services et investissements, les Centraméricains attendent de Bruxelles un effort plus conséquent en matière d’accès de leurs produits agricoles au marché européen. Ces négociations semblent se trouver dans la dernière ligne droite contrairement à celles poursuivies avec le Mercosur.
Les tractations Union européenne-Mercosur
Depuis la suspension des négociations en 2004, l’Union européenne et le Mercosur peinent à les relancer. Pour le bloc sud-américain, les relations avec l’Europe comptent d’autant plus qu’elle constitue son premier partenaire économique et commercial. Du côté de l’Union européenne, les rapports avec le Mercosur sont considérés comme les plus importants du continent latino-américain du fait, notamment, qu’il absorbe la majorité des exportations et des investissements privés européens. La conclusion d’un accord d’association bute sur les questions commerciales. La question agricole constitue l’une des plus sérieuses pierres d’achoppement. La libéralisation de ce secteur est primordiale pour le Mercosur qui dispose d’importants avantages comparatifs alors qu’elle est fortement crainte par l’Europe. Cette dernière souhaite maintenir les subsides à la production et exportation de biens agricoles et espère pouvoir faire accepter par le Mercosur la logique des quotas d’exportations pour les produits sensibles4, ce qui n’est pas gagné d’avance.
Du côté européen, on attend davantage en matière d’accès au marché et de règles pour les investissements, les services et les marchés publics. Par rapport aux investissements, la demande européenne porte sur la liberté d’établissement et la sécurité juridique pour les entreprises européennes. La négociation est également compliquée en ce qui concerne les services et les marchés publics. D’importants investissements européens ont été effectués jusqu’à présent dans le secteur des services du Mercosur. L’Europe aspire à consolider sa présence dans ce domaine, qui reçoit environ 50% des investissements directs européens, et tout particulièrement dans le secteur bancaire, des assurances, des télécommunications, du transport maritime et du tourisme.
Par ailleurs, la Commission demande que les investissements européens dans les services jouissent d’un traitement national et non discriminatoire, ce qui ne va pas sans réticences de la part du Brésil qui craint que la libéralisation des services et l’octroi d’un traitement national aux entreprises européennes ne sonnent le glas de leur projet de politique industrielle.
À ces difficultés viennent s’ajouter celles rencontrées dans le domaine des marchés publics d’autant qu’il s’agit d’un secteur qui ne fait pas encore partie des compétences communes du Mercosur. Pour l’Union et les entreprises européennes, les marchés publics constituent un sujet fondamental du fait qu’il représente un tiers du PIB brésilien. La Commission cherche à obtenir pour les entreprises européennes les mêmes conditions de participation octroyées aux entreprises locales dans le cadre des appels d’offres gouvernementaux. Les autorités brésiliennes sont les plus réticentes à faire des concessions dans ce domaine car en privilégiant les entreprises locales dans les achats gouvernementaux, elles conservent un instrument de promotion de l’industrie nationale.
Ce sont ces différentes questions qui constituent les obstacles les plus importants à la finalisation d’un accord bien que d’autres éléments comme la protection des appellations d’origine et des marques dans le secteur agricole posent également problème.
La question cubaine
Depuis 1996, les relations que l’Union européenne entretient avec Cuba sont conditionnées par la position commune européenne qui invite l’ile caribéenne à enclencher la « transition pacifique vers une démocratie pluraliste et le respect des droits de l’homme et des libertés ». À La Havane, l’attitude européenne est perçue comme une ingérence inacceptable dans les affaires internes du pays. Partant, l’administration cubaine a, à son tour, décidé de conditionner le rétablissement de ses rapports avec Bruxelles à l’abrogation de la position commune.
Pour désamorcer le conflit diplomatique qui affecte les relations avec Cuba et permettre à celui-ci de faire partie de la convention de Cotonou qui lie l’Europe aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, certains pays européens à l’instar de la France, l’Italie et l’Espagne sont prêts à remplacer la position commune européenne par un arrangement bilatéral peu ou nullement conditionné par les droits de l’homme. Mais le chemin menant à la normalisation des relations euro-cubaines est long d’autant que le retrait d’une position commune européenne requiert l’unanimité des vingt-sept pays de l’Union européenne dont plusieurs, à l’instar de l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède ou la République tchèque, sont toujours réticents à ce sujet.
Le dossier se complique avec la « résolution sur les prisonniers d’opinion à Cuba » adoptée, en mars 2010, par le Parlement européen. Celui-ci critique sévèrement le régime castriste, ce qui a fait monter la pression d’un cran dans les relations euro-cubaines. Cette situation pourrait amener le président cubain à bouder le sixième sommet UE-ALC, enclenchant une éventuelle absence solidaire des principaux autres pays du camp « bolivarien » (Venezuela, Bolivie, Équateur, Nicaragua), ce qui risquerait d’hypothéquer la rencontre.
- Costa Rica, Honduras, Guatemala, Nicaragua, Salvador et Panamá.
- Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay.
- Santander S., « El “giro a la izquierda” en América latina : fragmentación y recomposición de la geopolítica regional », Cuadernos sobre relaciones internacionales, regionalismo y desarrollo, 7, 4, 2009, p. 17 – 38.
- Céréales, viande bovine, volaille, vins, sucre, produits laitiers, huiles, tabac, certains fruits et légumes transformés.