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En vérité, je vous le dis !

Numéro 9 Septembre 2012 par Marcel Sel

septembre 2012

Comme l’en­semble des par­tis, les par­tis popu­listes « fabriquent » le réel, mais, à la dif­fé­rence des autres for­ma­tions, ils le font pour mas­quer leur objec­tif ultime. Ain­si de la N‑VA dont l’ob­jec­tif est de cacher au grand public qu’elle veut l’in­dé­pen­dance de la Flandre, réser­vant ce dis­cours aux ini­tiés. Lorsque les par­tis tra­di­tion­nels plu­tôt que de réfu­ter point par point les argu­ments des popu­listes, les adoptent, le débat démo­cra­tique s’en trouve brouillé et les élec­teurs ten­dront à don­ner leur voix aux par­tis populistes.

Les par­tis popu­listes ont ceci de par­ti­cu­lier qu’ils arti­culent leurs dis­cours sur le réel. Je ne parle bien enten­du pas de la réa­li­té, indes­crip­tible de par son ampleur, mais bien du « réel per­çu » au tra­vers des canaux de com­mu­ni­ca­tion pro­po­sés par la socié­té. Ce réel peut être com­po­sé de rumeurs, de débats nés « dans le peuple », et, bien enten­du, la presse joue un rôle pré­pon­dé­rant dans la consti­tu­tion, par chaque citoyen, de son réel per­son­nel. Celui-ci peut évo­luer en fonc­tion de dis­cus­sions, de l’évolution des évè­ne­ments. Plus les canaux de com­mu­ni­ca­tion sont rapides et directs, plus les acteurs média­tiques peuvent influer sur ce réel. Ain­si, lorsqu’une dépêche Bel­ga courte arrive sur le télé­phone por­table d’un qui­dam, elle influe sur sa per­cep­tion glo­bale de la socié­té. Il en va de même pour l’ordre des infor­ma­tions au jour­nal télévisé.

De leur côté, les par­tis popu­listes ont géné­ra­le­ment un « agen­da caché » qui néces­site l’usage de pro­pa­gande (men­son­gère) pour séduire une popu­la­tion dont le but pre­mier n’est pas cet objec­tif par­ti­san. Ain­si, l’on peut ima­gi­ner que pour le Vlaams Belang, créé par un néo­na­zi convain­cu (Karel Dillen était l’un des par­ti­ci­pants au Congrès pour la refon­da­tion du nazisme, en 1951, à Malmö), l’agenda caché serait l’établissement d’une socié­té auto­ri­taire et « géné­ti­que­ment pure ». Si c’était le cas, il ne pour­rait pas dif­fu­ser cette inten­tion publi­que­ment aujourd’hui, pour deux rai­sons. D’abord, parce que c’est inter­dit (un peuple géné­ti­que­ment pur ne peut être obte­nu que par la dis­cri­mi­na­tion et la dépor­ta­tion). Ensuite, parce que la majo­ri­té des élec­teurs poten­tiels se détour­ne­rait rapi­de­ment d’une telle for­ma­tion. Du moins, dans une socié­té qui aurait pris le temps d’enseigner les valeurs « euro­péennes » post­na­tio­na­listes, et bran­di l’exemple nazi comme le mal absolu.

Ain­si, le Vlaams Belang n’aurait d’autre choix, s’il était ten­té par une socié­té auto­ri­taire et pure, que d’aborder ces thèmes de manière concen­trée, exclu­si­ve­ment auprès des membres les plus radi­caux de l’organisation. Et paral­lè­le­ment, de nier jusqu’à leur exis­tence auprès de la popu­la­tion. Ain­si, dans une bro­chure de for­ma­tion publiée par le vb à l’attention de ses jeunes recrues, et inti­tu­lée « Les Ger­mains », il n’hésite pas à pré­tendre que les Fla­mands seraient géné­ti­que­ment plus proches des Alle­mands que « par exemple » (sic) des Fran­çais. Mais ceci reste can­ton­né à un cercle d’initiés et n’est pas cen­sé atteindre le grand public. Celui-ci sera plu­tôt abor­dé en pui­sant dans la réa­li­té de quoi consti­tuer le « réel émis par le Vlaams Belang », qui sera une dis­tor­sion de la véri­té glo­bale de la socié­té dans le but d’attirer l’attention sur cer­tains pro­blèmes précis.

La culture de la dissimulation

Dans le cas du Vlaams Belang, il s’agit bien évi­dem­ment des pro­blèmes cau­sés par l’immigration ou par l’islam, par les fran­co­phones, par une socié­té « trop » per­mis­sive, par les par­tis tra­di­tion­nels et leurs soi-disant « incom­pé­tences ». L’on pour­rait se dire que la consti­tu­tion d’un réel par un par­ti per­met de détec­ter les for­ma­tions popu­listes, mais en fait, tous les par­tis puisent dans une réa­li­té confuse et mul­ti­forme des faits pré­cis pour étayer leur idéo­lo­gie. Ce qui dis­tingue les par­tis popu­listes des autres for­ma­tions est bien plus sub­til : c’est la culture de la dis­si­mu­la­tion de l’objectif ultime. L’un des exemples les plus frap­pants aujourd’hui est le contor­sion­nisme à la tête de la N‑VA où l’on nie farou­che­ment que l’objectif final du par­ti est l’indépendance fla­mande, alors que c’est le pre­mier point de son pro­gramme. C’en est au point que le même jour, l’on peut entendre un Bart De Wever affir­mer que la fin de la Bel­gique n’est pas son ambi­tion (mais que la Bel­gique est en train de s’évaporer) et un Jan Jam­bon dire sans sour­ciller que le but du même par­ti est bien l’indépendance. L’un parle à l’électeur non indé­pen­dan­tiste ; l’autre ras­sure les troupes de l’arrière-ban. Mais l’on constate que ce n’est pra­ti­que­ment jamais la N‑VA qui aborde ce thème cen­tral dans les médias : ce sont les jour­na­listes qui lui posent la ques­tion. Le reste du temps, le par­ti natio­na­liste uti­lise l’asile et ses pro­blèmes (l’un de ses argu­ments prin­ci­paux alors que la Flandre est la Région la moins concer­née par l’hébergement de deman­deurs d’asile), le défi­cit de démo­cra­tie en Bel­gique au détri­ment des Fla­mands (sic), le trans­fert d’argent « fla­mand » en Wal­lo­nie, puis à Bruxelles.

Le fait qu’un par­ti passe au bleu un point cen­tral de son pro­gramme doit nous inci­ter à nous en méfier. Mais la confu­sion est facile : je l’ai dit, tous les par­tis ont ten­dance à mani­pu­ler l’information pour créer leur réel. Ain­si, lorsque les par­tis éco­lo­gistes puisent dans la décou­verte de micro­fis­sures à Doel des argu­ments qu’ils vont s’empresser de sou­li­gner, ils ne dis­si­mulent pas leur fonds de com­merce : cha­cun sait que les éco­lo­gistes sont anti­nu­cléaires et cha­cun est en mesure — pour peu qu’il ait un chouïa de culture poli­tique — de com­prendre qu’il s’agit là d’une créa­tion de « réel émis par Écolo ».

De même, lorsqu’un par­ti (néo-)libéral uti­li­se­ra le retour de la crois­sance amé­ri­caine pour atta­quer l’«État-providence euro­péen », cha­cun sait qu’une réduc­tion de la soli­da­ri­té sociale est l’un des cré­dos de ce par­ti, et per­sonne n’est réel­le­ment trom­pé par l’usage de l’information. Dans le débat démo­cra­tique, les oppo­sants (socia­listes, éco­lo­gistes ou chré­tiens-démo­crates) s’empresseront d’ailleurs de pro­po­ser un « contre-réel » en rap­pe­lant, par exemple, que la pau­vre­té est deux fois plus impor­tante aux États-Unis, ou que les États qui avaient la meilleure pro­tec­tion sociale avant la crise y ont mieux résis­té (Suède, Dane­mark, Bel­gique…). On note­ra à quel point l’argument et le contre-argu­ment sont faciles à brandir.

Les recettes des nationalistes

En revanche, lorsque le sens fon­da­men­tal du par­ti émet­teur de réel est caché, le débat démo­cra­tique est pro­fon­dé­ment trou­blé. Car la consti­tu­tion d’un réel par les par­tis popu­listes n’a aucun autre objec­tif que de séduire l’électeur. La mani­pu­la­tion des don­nées et l’absence totale de scru­pules amè­ne­ront alors à ali­men­ter ce réel à trans­mettre de la manière la plus convain­cante pos­sible, et à impo­ser à l’adversaire de pas­ser par une expli­ca­tion longue et com­plexe pour oppo­ser son contre-réel. Les popu­listes sélec­tion­ne­ront alors les argu­ments et les englo­be­ront dans des concepts soi­gneu­se­ment digé­rés pour leur force de convic­tion. Ceux-ci seront à leur tour englo­bés dans des méta­con­cepts mani­chéens, comme le « res­pect », le « ter­ri­toire », la « sécu­ri­té », géné­ra­le­ment liés aux angoisses éter­nelles de l’homme. Alors que les par­tis pro­gres­sistes ont pour voca­tion (hélas oubliée) de s’adresser à la par­tie réflexive de nos cer­veaux, les par­tis popu­listes tentent de tou­cher nos lobes instinctifs.

Dans mon der­nier livre sur la N‑VA1, je consta­tais que la socié­té prô­née par le natio­na­lisme (qui est un popu­lisme, mais pas néces­sai­re­ment d’extrême droite) res­sem­blait à celle qui s’organisait spon­ta­né­ment dans les quar­tiers urbains délais­sés par la socié­té. Les gangs des « quar­tiers » fonc­tionnent selon les mêmes cri­tères. La pos­ses­sion du ter­ri­toire, le res­pect du pos­sé­dant de ce ter­ri­toire, la néces­si­té abso­lue de s’intégrer au groupe en accep­tant les condi­tions qu’il éta­blit, la cohé­sion de celui-ci, la mise en avant qua­si hys­té­rique des sym­boles qu’il éta­blit et bran­dit (tags d’un côté, dra­peau de l’autre). Il est fas­ci­nant de voir à quel point ces thèmes ont été encap­su­lés par les par­tis natio­na­listes en concepts récur­rents, rebran­dis à chaque occa­sion. Et cela, mal­gré les contra­dic­tions internes au dis­cours de ter­ri­to­ria­li­té, notam­ment en ce qui concerne Bruxelles : com­ment un par­ti « rai­son­nable » peut-il pré­tendre que sa « nation » est à la fois ter­ri­to­riale (la Région fla­mande) et com­mu­nau­taire (les Fla­mands de Bruxelles)? Il ne peut de fait le faire que s’il place la nation au-des­sus des lois, prin­cipes et évi­dences. Il est plus éton­nant que la popu­la­tion qu’il cible ne constate pas là une anti­no­mie tra­gique. Il est encore plus étrange que les médias fla­mands, et beau­coup de jour­na­listes fran­co­phones, pré­sentent les faits à l’avantage d’un tel dis­cours ! Cela montre sur­tout l’efficacité de ces arguments.

L’argent flamand

Le plus effi­cace est pro­ba­ble­ment celui de la dépos­ses­sion. Il paraît clair à beau­coup de Belges aujourd’hui que la Flandre « donne » de l’argent à la Wal­lo­nie, et à Bruxelles. C’est deve­nu une idée si « cré­dible » que des jour­na­listes et des poli­tiques mani­pulent le concept d’«argent fla­mand » comme si cela cor­res­pon­dait à une réa­li­té. Bien enten­du, il s’agit là d’une dis­tor­sion de la réa­li­té sociale. Dans un État où tout citoyen béné­fi­cie de droits égaux, être fla­mand ou wal­lon n’a pas en soi de sens. Ce sont deux citoyens, en prin­cipe iden­tiques. Mais déjà là, l’on est frap­pé de voir comme il est deve­nu dif­fi­cile de faire-valoir ce point fon­da­men­tal. Le qui­dam à qui l’on dira que face à la Consti­tu­tion, il n’est ni fla­mand, ni wal­lon, ni bruxel­lois, ni ger­ma­no­phone, mais bien belge sera de fac­to confron­té à sa propre « iden­ti­té ». Car le réel per­cep­tif induit par le com­mu­nau­ta­risme, vivace tant au Nord qu’au Sud, est bien qu’en Bel­gique, il y a des Fla­mands et des Wal­lons. Le réflexe de l’électeur est alors de se posi­tion­ner selon cette caté­go­rie « com­mu­né­ment admise » et entre­te­nue, à des­sein ou pas, par les médias.

C’est sur cette réa­li­té-là que se fonde le « réel trans­mis par la N‑VA » lorsque le par­ti réexa­mine la démo­cra­tie belge à l’aune de ses prin­cipes natio­na­listes. His­to­ri­que­ment, l’on peut d’ailleurs voir que l’idée d’un « argent fla­mand » est appa­rue rela­ti­ve­ment tard. Aupa­ra­vant, les pros­pec­tus du par­ti deman­daient lit­té­ra­le­ment aux élec­teurs poten­tiels s’ils trou­vaient nor­mal de don­ner tant d’argent aux Wal­lons « qui le jettent par les portes et les fenêtres ». Une fois ce réel ava­lé par le public, il ne reste plus qu’à le concep­tua­li­ser sous la forme d’un mot simple à mani­pu­ler, mais lourd de sens : « Vlaams geld ». Une fois ce concept inté­gré par la popu­la­tion, les médias ser­vi­ront d’interface, volon­taire ou non, et dif­fu­se­ront ce mes­sage. Et là, la qua­li­té d’une démo­cra­tie se mesure à la résis­tance des médias. S’ils choi­sissent de démon­ter le concept plu­tôt que de le trans­mettre, ils font d’évidence un tra­vail plus pro­fi­table démo­cra­ti­que­ment par­lant que s’ils le réper­cutent sans moufter.

Il faut dire qu’une fois le concept dif­fu­sé, il devient com­pli­qué de démi­ner le ter­rain. Pour contrer l’idée qu’il y aurait de l’argent fla­mand auprès du télé­spec­ta­teur, il faut plu­sieurs longues minutes d’explication. D’abord, dire que la soli­da­ri­té sociale ou fis­cale n’est pas régio­nale, mais per­son­nelle. Ce sont les riches de la région A et B qui ali­mentent les pauvres de la région A et B. Et non pas les riches et les pauvres de la région A qui financent les riches et les pauvres de la région B. On voit bien qu’il me faut deux lignes pour répondre (et encore, de façon suc­cincte, qui ne convain­cra pas le télé­spec­ta­teur) à la seule expres­sion « argent flamand » !

Pour le sati­riste que je suis par­fois, ce concept d’argent fla­mand vaut pour­tant son pesant d’or. Si j’achète en tant que Bruxel­lois un pain à Dil­beek, les 10 euros que je donne au bou­lan­ger sont-ils de l’argent bruxel­lois qui devient de l’argent fla­mand au pas­sage de main ? Et les 8 euros qu’il me rend sont-ils de l’argent fla­mand, ou rede­viennent-ils bruxel­lois ? On voit bien que le concept est absurde. Autre exemple : quand un Fla­mand tra­vaille à Bruxelles et paye ses impôts en Flandre, est-ce de l’argent bruxel­lois ou de l’argent fla­mand ? Encore plus fort : si ce Fla­mand est de langue fran­çaise, s’agit-il alors « d’argent fla­mand de langue fran­çaise » ou d’«argent fran­co­phone de Flandre » ?

On voit bien que ce réel per­çu par un nombre consi­dé­rable d’électeurs et de lec­teurs en Flandre, mais aus­si en Wal­lo­nie et à Bruxelles, est basé sur une « réa­li­té per­çue », mais pas sur une logique. Les Wal­lons ne sont pas « la Wal­lo­nie », ils n’en sont que les habi­tants et les citoyens. La richesse des citoyens n’appartient pas à un « peuple », il appar­tient dans une socié­té libé­rale au seul citoyen. Il y a donc l’argent d’un Wal­lon mul­ti­plié par le nombre de Wal­lons. Et à l’arrivée, on obtient la somme de tous les argents de tous les Wal­lons, qui consti­tuent bien un tout sta­tis­tique, mais pas un tout cohérent.

Un salmigondis d’arguments

La N‑VA a donc uti­li­sé un paquet d’ingrédients pour consti­tuer son réel, les mélan­geant sans dis­tin­guer la nature dif­fé­rente de ceux-ci. Le « tout sta­tis­tique » que consti­tue l’ensemble de l’argent taxé en Flandre ; l’«être fla­mand » dis­tinct de l’«être wal­lon» ; le « ter­ri­toire» ; le « res­pect » soi-disant dû au « Fla­mand » sur « son » ter­ri­toire, etc.

Mais en par­tant de « sen­sa­tions réa­listes », le popu­liste n’est pas obli­gé de pui­ser uni­que­ment dans la réa­li­té. Il peut aus­si conce­voir des images plus ou moins cré­dibles. Ain­si, un jour­na­liste de la VRT m’a un jour affir­mé très sérieu­se­ment que le fran­co­phone ne s’adaptait pas quand il allait à l’étranger, alors que le Fla­mand s’adaptait tou­jours. Je lui ai mis sous le nez un article d’un pro­fes­seur d’espagnol de Cata­logne qui se plai­gnait du fait qu’un bon tiers des Fla­mands qui y habitent depuis plus de trente ans ne par­laient tou­jours pas un mot d’espagnol. Le jour­na­liste m’a répon­du que ce n’était qu’un témoi­gnage, qu’il n’était pas cré­dible, et que c’était une excep­tion. Quant au fait que les fran­co­phones refu­se­raient d’apprendre le néer­lan­dais en Flandre, la seule étude jamais réa­li­sée sur la connais­sance du néer­lan­dais par les fran­co­phones de Flandre mon­trait qu’ils étaient plus de huit dixièmes à le pratiquer !

L’on voit là à quel point la concep­tua­li­sa­tion d’un réel fac­tice est facile à dis­til­ler au sein d’une popu­la­tion don­née, y com­pris au tra­vers des médias et d’une bonne par­tie des intel­lec­tuels, sur­tout quand les argu­ments sont si flat­teurs pour l’égo popu­laire. Et l’on voit comme ils sont dif­fi­ciles à contre­dire sans en pas­ser par de lourdes expli­ca­tions qui, dans un débat télé­vi­sé, vous feront faci­le­ment pas­ser pour un chi­po­teur, face à la véri­té bran­die par l’opposant. Et déci­dé­ment, la qua­li­té de la presse et son opi­niâ­tre­té à ne rien lais­ser pas­ser sont deux fac­teurs essen­tiels pour le main­tien d’une démo­cra­tie la plus profitable.

Enfin, l’attitude des par­tis tra­di­tion­nels joue éga­le­ment un rôle pré­pon­dé­rant dans le réel per­çu par l’électeur. S’ils se mettent à uti­li­ser les mêmes concepts que les popu­listes, ils ali­men­te­ront ceux-ci en voix aux élec­tions sui­vantes. L’UMP en France, le CD&V en Bel­gique en sont d’excellents exemples. Et des par­tis comme la N‑VA jouent sur du velours quand les par­tis tra­di­tion­nels manquent de rigueur, et, pire encore, lorsqu’ils parlent d’une même voix qu’eux, de peur de rater une par­tie de leur électorat.

On l’a vu encore récem­ment, lorsque pra­ti­que­ment tous les par­tis belges ont eu l’air de don­ner rai­son aux « anti-Mar­tin », pro­fi­tant d’une émo­tion com­pré­hen­sible pour se pré­sen­ter comme le « solu­tion­neur ». Or, pra­ti­que­ment tous ces par­tis avaient préa­la­ble­ment voté les lois qui ont mené, cet été, à la libé­ra­tion de Michelle Mar­tin. Tous, sauf le Vlaams Belang, le Par­ti popu­laire, la N‑VA et autres popu­listes. Ceux-là se pré­sen­te­ront alors à la fois comme les moins hypo­crites et les plus effi­caces. Autre­ment dit, quand les par­tis popu­listes jouent un rôle déter­mi­nant dans la poli­tique d’un pays, la der­nière chose à faire est de crier avec eux, ou comme eux. Cela ne fait que ren­for­cer leur véri­té. Et enfon­cer le clou dans le cer­cueil de la démocratie.

  1. Les secrets de Bart De Wever, édi­tion de l’Arbre, 2011.

Marcel Sel


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