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Courrier hebdomadaire du Crisp Hebdomadaire, n° 1924 – 1925, 2006, 53 p. Quand on leur parle de Vers l’Avenir, la plupart des Liégeois, des Carolorégiens et des Bruxellois n’ont guère l’idée que de ses lointaines origines : c’est le quotidien de l’évêché de Namur. L’explication est simple : ces trois grandes villes « francophones » sont les seules que la société éditrice du […]
Courrier hebdomadaire du Crisp
Hebdomadaire, n° 1924 – 1925, 2006, 53 p.
Quand on leur parle de Vers l’Avenir, la plupart des Liégeois, des Carolorégiens et des Bruxellois n’ont guère l’idée que de ses lointaines origines : c’est le quotidien de l’évêché de Namur. L’explication est simple : ces trois grandes villes « francophones » sont les seules que la société éditrice du journal n’ait jamais pu conquérir dans le travail d’expansion qu’elle a mené à partir de 1948. Il n’empêche pourtant que, selon les statistiques de la diffusion payante de la presse écrite établies en 2005, Les Éditions de l’Avenir (98 939 exemplaires) venaient alors au deuxième rang par rapport à Sud-Presse (128 472 exemplaires) et avant Le Soir (96 511 exemplaires), La Dernière Heure (86 342 exemplaires), La Libre Belgique (47 133 exemplaires) et L’Écho (17 862 exemplaires).
Dans ce Courrier du Crisp, Hugues Van Peel, chercheur à l’ULB, spécialiste notamment de l’histoire des médias, met en lumière les étapes institutionnelles et économiques par lesquelles le journal puis le groupe de presse vont passer pour en arriver, comme dans un « thriller », à la situation surréaliste de l’année 2006. En 1918, l’évêché de Namur et quelques familles aisées de son entourage fondent le quotidien Vers l’Avenir en lui donnant comme base deux critères essentiels : le premier — d’ordre géographique — l’information régionale ; le second — d’ordre idéologique — la défense des valeurs catholiques. Les évêques successifs laissant jusqu’en 1991 la bride sur le cou aux familles actionnaires, le quotidien va pour suivre seul ses activités jusqu’en 1948, année où il va commencer une expansion aussi remarquable que progressivement frénétique en prenant le contrôle d’autres journaux régionaux en très grande majorité d’obédience catholique : L’Avenir du Luxembourg (Arlon), Le Courrier (Verviers), Le Courrier de l’Escaut (Tournai), Le Jour (Verviers), Le Rappel (Charleroi). Désormais dénommée ici Les éditions de l’Avenir ou la SA Vers l’Avenir (et à partir de 1999 Médi@ bel), la société créera Le Courrier de Mouscron et Le Jour Liège. Elle se cassera par contre les dents lorsqu’elle essaiera de prendre le contrôle de La Libre Belgique et de La Dernière Heure.
Intéressée à mettre réellement un pied à Liège et à Charleroi ainsi qu’à remédier à son manque d’audience auprès des jeunes citadins, la SA Vers l’Avenir participe aussi comme opératrice et accompagnante à l’aventure du Matin, qui s’arrêtera avec la faillite de ce dernier. Elle investit aussi dans la presse gratuite et les publications à destination de la jeunesse. Elle vise également à prendre le contrôle de radios locales, qui répercuteront les informations de ses journalistes. Cela jusqu’à devenir majoritaire dans Radio Nostalgie Belgique (vingt-neuf émetteurs « francophones » et quatre « néerlandophones »).
En 1985, la SA Vers l’Avenir investit dans Audio-Presse créée par la majorité des quotidiens francophones qui veulent se protéger du manque à gagner pour eux de l’apparition de la publicité à la télévision, mais qui n’établit avec RTL-TVI que des liens matériels de ristournes financières sur la publicité. À l’heure actuelle, la SA possède toujours 15 % des actions d’Audio-Presse.
En 1988 – 1989, préoccupées d’établir un trait d’union entre Le Courrier de l’Escaut et La Voix du Nord — diffusés de part et d’autre de la frontière franco-belge -, Les éditions de l’Avenir s’associent à la création par des journaux régionaux français de la Société Nord-Est Picardie Télévision (NEPTV), qui devait exercer ses activités dans le reportage d’information, le film d’entreprise et l’organisation de conventions d’entreprise, mais fournissait aussi notamment une correspondance régionale à TF 1. Du côté belge, elles constituent avec Le Courrier de l’Escaut, Casterman et une filiale de la SGB la société symétrique Belnep. Par manque de clients, cette double initiative se soldera par un double échec.
Mais les lendemains de tout cela déchantent. En 1990, les finances de la SA Vers l’Avenir sont au plus bas et les réserves sont épuisées. En 1991, André Léonard devient évêque de Namur et inverse la politique traditionnellement bienveillante et un peu naïve de l’évêché pour adopter une attitude interventionniste et occasionnellement agressive. Les relations se détériorent dès lors rapidement entre le prélat et les actionnaires familiaux qui détiennent une minorité de blocage. Les conseils d’administration se limitent à des règlements de compte par avocats interposés. La crise culmine en 1998 et son issue sera désormais entre les mains de l’évêque, qui charge l’administrateur- délégué de trouver le candidat idéal qui pourrait injecter l’argent nécessaire à la survie de la société.
Sur la liste présentée, la préférence d’André- Mutien Léonard va en premier lieu vers Stephan Jourdain, arrière-petitfils du cofondateur de La Libre Belgique, qui lui avait promis, dit-on, de museler à droite le catholicisme du quotidien. Mais la conférence épiscopale de Belgique y oppose son véto considérant semblet- il le candidat comme un affairiste doué, mais inquiétant. Restent en résumé le journal Le Monde, qui cherche à jeter les bases d’un réseau européen de presse (projet par lequel le même évêque dira avoir été séduit), Axemedia regroupant des industriels wallons, la famille Le Hodey (LLB) et le groupe suisse Édipresse, plus la Société belge d’édition (SBE) dans laquelle apparait pour la première fois et massivement le groupe de presse flamand VUM, éditeur en Brabant flamand des journaux catholiques De Standaard et Het Nieuwsblad. Cette dernière offre l’emporte au grand dam de ses concurrents, qui mettent notamment en cause le danger couru par l’identité francophone et wallonne du second groupe de presse en Communauté française ou encore l’axe « vaticano- flamand ». La VUM quant à elle déclare venir avec « un projet économique et non idéologique et communautaire ».
En bref, à l’époque, une opinion prévaut largement quant au fond : la sensibilité philosophique chrétienne du projet de la SBE semble avoir été déterminante au détriment de l’autre axe fondateur du Vers l’Avenir des origines : sa dimension régionale wallonne et francophone.
À l’automne 2004, usant d’une conjoncture favorable, la VUM rachète les parts de ses partenaires au sein de la SBE En mars 2005, elle récupère aussi les parts de l’imprimerie Saint-Paul et devient avec 74,9 % des actions le plus grand actionnaire de la société éditrice Média@bel face aux 25,1 % conservés par l’évêché de Namur et qui permettent, rappelons-le, à celui-ci de contrôler les décisions du conseil d’administration. Le 21 juin 2005, le CA décide — apparemment sans contestation des actionnaires [!] — de transférer la fabrication de ses journaux sur les presses de la VUM à Groot-Bijgaarden et de fermer l’imprimerie de Rhisnes. Ce même jour, l’évêque réaffirme paradoxalement sa volonté de rester actionnaire du groupe à hauteur de 25,1 % afin d’accompagner son développement futur [!]. Et pour finir ou presque, le 29 juin 2006… l’évêché de Namur annoncera son intention de vendre dans le courant d’octobre de la même année les 21,1 % d’actions qu’il détient…
Vendra pas ? Vendra ? À qui ? À la VUM ? C’est sur cette « énigme » que diplomatiquement Hugues Van Peel termine par la mention « À suivre » le « thriller » qu’il a choisi de publier peu de temps avant octobre 2006 (comme les vins, les Courriers du Crisp sont millésimés mais jamais datés).
Postscriptum : en octobre 2006, l’évêché de Namur a effectivement vendu ses 25,1 % d’actions à la VUM, celle-ci devenant unique actionnaire de Médi@bel qu’elle rebaptise Corelio. Cette fois vraiment la chose est politiquement à suivre !
Hervé Cnudde
Revue générale
Mensuel, n° 10, octobre 2006, 108 p.
Les amis d’Alexis Curvers (1906 – 1992) ont eu l’heureuse idée de se réunir à Liège ce 25 février pour dédier une journée d’hommage à l’auteur de l’inoubliable Tempo di Roma. La séance académique donna lieu à une série de communications, dont six ont été retenues pour publication par la Revue générale.
L’ensemble étant de bonne tenue, l’usager passera sur le léger cafouillage de la rédaction dans le traitement du dossier (titre en manchette incorrect : « Tempo Alexis Curvers » sans « di » ou « d’ » intermédiaire, classement du dossier sous la rubrique « Réflexions », omission dans la publication même de l’« Hommage à Alexis Curvers » de Marie Bernard-Curvers mentionné au sommaire).
Au lecteur pressé d’aller à l’essentiel et qui n’est ni romaniste ni en passe de le devenir, on conseillera de remettre à plus tard les articles les plus académiques — mais nullement sans valeur pour autant — du dossier, que sont l’étude de Françoise Tilkin sur Printemps chez des ombres (l’un des premiers romans publié par l’écrivain liégeois), et celle de Bérengère Deprez sur L’optimisme tragique d’Alexis Curvers, où l’auteure établit point par point un parallèle entre Tempo di Roma et un roman de Marguerite Yourcenar intitulé Denier du rêve publié en 1934, dont l’action se déroule également en Italie, mais qui ne parlera qu’à ceux — pas nécessairement nombreux — qui auront lu préalablement ce livre.
L’article phare des communications publiées est par contre sans conteste celui de la romaniste Catherine Gravet, qui termine actuellement à l’ULB une thèse sur Alexis Curvers et ses relations littéraires, et qui a pris pour titre de son exposé « Passions et compassion ». L’auteure y met, en effet, sur la table les deux questions fondamentales que l’écoulement du temps et — chose inattendue pour beaucoup — la publication des premières dispositions officielles du concile Vatican II, ont conduit à poser à propos de Marie Delcourt. D’une part, le succès de son Tempo di Roma dans toute la culture occidentale de l’époque, joint à l’ignorance quasi générale du reste de son oeuvre, ont réduit dans l’esprit de beaucoup la personnalité de l’écrivain à l’italophilie de sa jeunesse. D’autre part, lorsqu’en 1964, il attaqua frontalement et publiquement les premières décisions du concile Vatican II introduisant la pratique des langues vivantes en liturgie et par voie de conséquence l’abandon quasi général du latin, bon nombre des membres de son entourage et même au-delà en ont mécaniquement déduit que le progressiste devenu réactionnaire par rapport à son Église l’était devenu également sur tous les autres plans, y compris politique.
Pour Catherine Gravet, la réalité est heureusement bien éloignée de cela. Certes, et c’est on ne peut plus évident, l’auteur de Tempo di Roma fut italophile et resta probablement toute sa vie attaché à l’Italie profonde, mais cette dimension n’était qu’un élément d’un tempérament aux multiples facettes. Bien que son roman le plus célèbre n’ait été publié qu’en 1957, dès 1933, Curvers — à vingt-sept ans — fut l’un des fers de lance du combat pour la reconnaissance légale de l’objection de conscience et un militant pacifiste. Lorsqu’en 1936 éclata la guerre civile d’Espagne, il s’affirma courageusement et résolument antifasciste et, en tant que catholique pratiquant, partisan résolu de la légitimité politique des républicains espagnols. Comme intellectuel, il ne pensait pas que son rôle le plus pertinent était de prendre à leur côté une part directe aux combats, mais de maintenir la conscience du problème de l’iniquité franquiste dans la population belge et de donner, via des journaux et des revues, une lecture des évènements politiquement plus exacte que celle d’une certaine presse ou de divers gouvernements.
C’est ainsi qu’il dénonça notamment dans les médias la forfaiture de la Belgique lorsque celle-ci annula une vente d’avions à l’Espagne républicaine en ne restituant pas l’argent préalablement versé par cette dernière. Mieux encore, ce catholique fervent n’hésita pas à railler publiquement l’hypocrisie du clergé espagnol rallié à Franco se scandalisant bruyamment parce que le peuple livré à lui-même avait brulé quelques palais et détruit quelques églises, en écrivant à leur sujet : « Il eût mieux valu s’indigner à temps contre cet état de choses qui a permis au peuple d’Espagne de confondre Dieu et César dans une même rancune. » Et dans le même registre, il ne craint pas davantage de s’attaquer au Vatican lui-même qui, après avoir été sollicité nombre de fois à réagir contre le fascisme espagnol, finit par n’intervenir que mollement et avec deux ans de retard en se contentant de regretter les effets (nullement les principes) des bombardements qui déciment la population civile.
Il ne faut pas en dire plus pour conclure que le Curvers italophile fut tout autant sinon davantage hispanophile et qui plus est, un homme auquel les évènements d’Espagne firent adopter l’idéal républicain et témoigner des sympathies communistes (si les choses l’avaient permis, il avait même envisagé — lui qui fut orphelin très jeune — d’adopter avec Marie Delcourt un jeune Espagnol provisoirement réfugié à Liège). Mais, tout en lui apportant un éclairage indispensable sur la riche personnalité politique du jeune Curvers, l’article ne contribue qu’imparfaitement à résoudre l’autre question fondamentale posée par Catherine Gravet concernant le supposé « retournement de veste » de l’écrivain en 1964, et cela du fait que, pour une raison inconnue, celle-ci ne dit rien du comportement de son personnage durant la Seconde Guerre mondiale, pas plus d’ailleurs qu’au cours du reste de sa vie.
Force est de conjecturer, sous bénéfice d’inventaire, qu’Alexis Curvers lui-même a circonscrit sa mutation réactionnaire à son seul univers religieux, et que pour le surplus, y compris en politique, il est demeuré le progressiste qu’il fut durant la première partie de sa vie. Il n’est pas illégitime, en effet, de soutenir cette hypothèse plutôt que l’inverse, si l’on met en relation d’autres éléments de la personnalité de l’écrivain avec la sociologie du catholicisme de son temps. Philologue classique, le romancier avait une connaissance du latin qui faisait de lui au sein de son milieu religieux un personnage élitaire, qui n’éprouvait aucun besoin de voir l’Église romaine ouvrir sa liturgie aux langues vivantes, commençant ainsi le déclin du latin. Aristocrate religieux, il l’était aussi par la connaissance supérieure qu’il avait dans les domaines de la compréhension des symboles et des rites ainsi que dans celui de l’exégèse, comme le suggèrent les brefs articles d’Étienne Evrard (« Alexis Curvers et les fonts de Saint- Barthélémy ») et de Christian Libens (« Alexis Curvers en babouches »). On peut probablement déduire de cela qu’avec un brin de suffisance inconsciente, ce croyant de grande stature s’est, dans son attaque contre les décisions liturgiques de Vatican II, pris pour l’arbitre qu’il ne pouvait être d’un problème qu’il posait existentiellement mal. La nécessité de prendre en compte la multiplicité et la diversité de par le monde des communautés qui composaient sa propre Église et attendaient ces réformes pour s’adresser à Dieu dans une langue qu’ils comprenaient, lui était cachée comme par un angle mort.
Cela dit et pour ponctuer ce paragraphe d’un sourire, peut-être Curvers avait-il en religion un côté « papefigue » ignoré (voir le compte rendu de la revue Vivre dans le numéro de janvier-février 2007 de La Revue nouvelle, p. 25) et pour se donner du coeur dans l’adversité, chantonnait-il de temps en temps ces paroles de Brassens : « Ils ne savent pas ce qu’ils perdent /tous ces foutus calotins / sans le latin, sans le latin / la messe nous emmerde… » Une chanson qui, malgré l’inattendu de son contenu, n’a jamais valu à l’ami Georges le reproche d’avoir retourné sa veste d’anarchiste.
La dernière communication retenue par la Revue générale est pleine d’admiration et de tendresse. Il s’agit de l’article de la romancière Irène Stecyk intitulé « Un roman inachevé ». Secrétaire de l’écrivain, celle-ci raconte comment, durant les dernières années de sa vie, il essaya encore d’écrire deux livres : un essai sur la chute de l’empire romain, qu’il savait ne pouvoir rédiger, puisqu’il y aurait fallu dix ou vingt volumes, et un roman intitulé Les détours obscurs, qui devait s’inspirer de La princesse de Clèves. Il en avait tiré l’intrigue suivante : « Le héros a une soeur, une vieille spécialiste de La princesse de Clèves. Or, comme le frère et la soeur manquent d’argent, cette savante personne décide de participer à une émission radiophonique du genre Qui veut gagner des millions ?, et elle emporte le pactole. Sa science a beaucoup frappé une sorte de mécène qui, apprenant que le passetemps favori de la demoiselle est la tapisserie, lui commande quinze tapisseries sur le thème de La princesse de Clèves. Ces dernières devront faire référence à quinze scènes du roman de Madame de Lafayette. Ainsi chacune illustrera un chapitre des Détours obscurs. »
À la mort de Curvers, le texte rédigé se composait de cent-cinquante pages dactylographiées et, selon Irène Stecyk, il n’y manquait que des coutures pour relier les scènes entre elles. Le jour viendrat- il où quelqu’un aura la bonne idée de l’achever et de le faire éditer ? La chose n’est pas impossible, mais, par ailleurs, elle n’est peut-être pas prioritaire par rapport à la nécessité de créer un site internet pour ce grand format des lettres belges, alors qu’on ne dispose à ce jour, via les moteurs de recherche, que d’une notice très sommaire de l’encyclopédie Wikipédia.
Hervé Cnudde
Zakouskis
Supplément à La Revue nouvelle de mars 2007. Dieux mode(s) d’emploi
Une exposition sur les religions ? L’idée était bonne, à plus d’un titre. L’annonce proclamée de la fin des religions — y compris par certains sociologues — s’est avérée plutôt prématurée. Quant à l’utilisation politique de la religion, elle n’a hélas pas fini de faire des ravages, de renforcer les fanatismes, de susciter des martyrs. Les monothéismes, facteurs de violences ? L’histoire oblige à le reconnaitre. Et aussi, que c’est la naissance de l’État laïque qui a sonné en Europe la fin des guerres de religion. C’est donc une bonne chose de promouvoir la laïcité du domaine politique.
Telle est sans aucun doute une idée maitresse de l’exposition qui se tenait à Tour & Taxis à Bruxelles. Elle nous est inculquée par divers moyens, le plus impressionnant étant la petite pièce de théâtre qui fait partie du parcours, qui énumère les massacres atroces justifiés par les différentes religions. Saluons aussi au passage la créativité qui a inspiré les mises en scène des divers aspects des religions : conceptions de l’au-delà, rites de passage, organisation du temps, rapport au corps, difficultés de coexistence, etc. Vidéos, objets, témoignages enregistrés, se succèdent en réveillant sans cesse l’attention.
Cela dit, on peut se demander quelle image garde des religions le visiteur plongé dans un univers plein de pratiques étranges et qui peuvent lui paraitre parfois barbares. En effet, la dimension d’intériorité des comportements religieux n’apparait pratiquement nulle part, ni les conséquences éthiques et, disons, philanthropiques des adhésions religieuses. Il est plus facile de monter en épingle des phénomènes bizarres que de parler de l’entraide, du service des pauvres, de la prière contemplative, et plus radicalement de la recherche de sens qui sous-tend la quête religieuse. Entreprise difficile ? Sans doute. Mais il faut le dire franchement : ici, l’occasion a été manquée. Ce qui nous est donné à voir et à entendre par le futur Musée de l’Europe à Bruxelles, c’est finalement un pêlemêle des religions où elles se ressemblent toutes par leur étrangeté, et qui passe à côté de l’intrinsèque, donc de l’essentiel.
P. Tihon et J. Vermeylen Théologiens