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Effets secondaires
Je n’ai pas hésité à me faire vacciner contre le virus. Avec l’alcool, les tranquillisants, la junk food, le dégout pour le sport et les cigarettes que j’allume les unes après les autres, je ne vois pas bien en quoi une injection pourrait m’endommager davantage. Pourtant, depuis que l’on m’en a inoculé la première dose (administrée sous […]
Je n’ai pas hésité à me faire vacciner contre le virus. Avec l’alcool, les tranquillisants, la junk food, le dégout pour le sport et les cigarettes que j’allume les unes après les autres, je ne vois pas bien en quoi une injection pourrait m’endommager davantage. Pourtant, depuis que l’on m’en a inoculé la première dose (administrée sous anesthésie générale, j’ai la phobie des piqures), j’entends une voix. Sur ce point, je me dois d’être précis : une voix de plus. Depuis toujours, j’entends des voix. Il y a une sacrée cacophonie dans cette foutue caboche. Freud, Britney, Marx, Jésus, un chat, Papa, Maman, Staline, un furet, Gandhi, de Beauvoir, les 6 millions de Juifs, Kurt Kobain, Candy, Beyoncé, et j’en passe, on est une multitude là-dedans.
Non, depuis une semaine, j’entends Bill Gates. Et ça, c’est nouveau. Aucun doute, c’est la faute à Pfizer. J’en ai touché un mot à mon psy qui s’est exclamé, « c’est votre maladie, monsieur Moss ! » Je regrette de vous contredire Docteur Plitowksi, lui ai-je répondu, ça, c’est du complot pharmaco-américano-sioniste en plein ! Ce que j’ouïs ? Eh bien, cette voix métallique me dit : « Avez-vous essayé de l’éteindre et de le rallumer ? »
Les choses se sont compliquées avec l’injection de la seconde dose. Depuis hier, il y a un mouton qui me bêle régulièrement dans la citrouille. Bêêêê bêêêê bêêêê, en plus des bons mots du fondateur de Microsoft. J’ai consulté de nombreux experts. Un urinothérapeute, un magnétiseur, mon second psychanalyste (au cas où le premier ferait une dépression à force de m’écouter), un maitre Feng shui, mon professeur de yoga du rire (avec qui nous pleurons fréquemment) sans que cela produise le moindre effet apaisant sur mon intériorité bruyante. J’ai également contacté, sur Skype, mon camarade Octave qui, lui, plutôt que de se faire vacciner (il n’est pas un mouton, me dit-il), s’impose un jeûne de plusieurs jours, entrecoupé par la prise de laxatifs et d’une potion épaisse composée de choux, d’ail, de radis noir, de rutabagas, de curcuma et de café. Tandis qu’il m’expliquait les bienfaits de ce breuvage pour booster l’immunité (je dois avouer que j’avais baissé le son depuis qu’il eut commencé à parler de « dictature sanitaire »), son visage se crispa. Sans un mot, il abandonna sa chaise en se tortillant sur lui-même tel un cabri et, m’indexant son bas-ventre en chevrotant, il se rua vers les toilettes. Même Lola, ma chère Lola, y va de sa chanson. « Ils veulent nous intoxiquer, Derek ! Tu sais ce qu’il y a dans ce vaccin, toi ? » fait-elle en avalant une gorgée de Coca light.
Ce matin à l’arrêt de tram, l’esprit chargé d’injonctions au redémarrage, de bêlements et de bien d’autres choses que l’indécence m’empêche de partager avec vous, j’entame une banale conversation avec une vieille dame, qui me dit s’appeler Andrée Coisoloft. « Le conformisme a du bon, tout dépend du troupeau que l’on suit. Et puis, mon cher Monsieur, on est toujours le mouton de quelqu’un » ! Sous mon masque, je m’empresse d’acquiescer.