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Du Vlaams Blok au Vlaams Belang : anticiper toutes les conséquences

Numéro 11 Novembre 2004 par Théo Hachez

novembre 2004

Tout semble concou­rir à l’in­té­gra­tion du Vlaams Blok au pay­sage poli­tique et ins­ti­tu­tion­nel fla­mand. Ce n’est pas seule­ment que le Blok vole de suc­cès élec­to­ral en suc­cès élec­to­ral, ten­dance que confirment les der­niers son­dages. En outre, cette extrême droite natio­na­liste a tou­jours été trai­tée par les médias fla­mands sur un pied d’é­ga­li­té avec les autres forces politiques. […]

Édito

Tout semble concou­rir à l’in­té­gra­tion du Vlaams Blok au pay­sage poli­tique et ins­ti­tu­tion­nel fla­mand. Ce n’est pas seule­ment que le Blok vole de suc­cès élec­to­ral en suc­cès élec­to­ral, ten­dance que confirment les der­niers son­dages. En outre, cette extrême droite natio­na­liste a tou­jours été trai­tée par les médias fla­mands sur un pied d’é­ga­li­té avec les autres forces poli­tiques. Un pre­mier stade cri­tique a été atteint en juin der­nier : faute d’en être, le poids du Blok a déter­mi­né indi­rec­te­ment la com­po­si­tion de la majo­ri­té fla­mande, for­çant une alliance des trois par­tis traditionnels.

Même la confir­ma­tion défi­ni­tive par la Cour de cas­sa­tion de la condam­na­tion des asso­cia­tions péri­phé­riques du Blok pour « inci­ta­tion sys­té­ma­tique à la dis­cri­mi­na­tion » pour­rait avoir l’ef­fet para­doxal de favo­ri­ser le fran­chis­se­ment du der­nier obs­tacle : le fameux « cor­don sani­taire », un accord par lequel les par­tis démo­cra­tiques se sont enga­gés à ne pas for­mer de majo­ri­té avec le par­ti d’ex­trême droite. Car ceux qui se pré­sentent en mar­tyrs de la démo­cra­tie se sont sai­sis de l’oc­ca­sion pour chan­ger de nom, alors même que la condam­na­tion ne les y force abso­lu­ment pas. L’as­tuce est de four­nir ain­si un pré­texte à ceux qui, dans les par­tis de la droite fla­mande (le V.L.D. et le C.D.&V.), veulent faire entrer l’ex­trême droite dans des majo­ri­tés com­mu­nales, régio­nale et pour­quoi pas fédé­rale. Dès avant le chan­ge­ment de nom, les son­dages ne fai­saient-ils pas appa­raitre qu’une majo­ri­té d’é­lec­teurs fla­mands ne com­pre­nait déjà plus ce qui pou­vait moti­ver le fameux cor­don sani­taire ? Des voix auto­ri­sées ne vont-elles pas jus­qu’à pré­tendre que seule l’é­preuve du pou­voir pour­ra avoir rai­son de cette extrême droite qui reste cepen­dant dépo­si­taire de tout son conte­nu his­to­rique nau­séa­bond et qui conti­nue d’in­car­ner un désir fébrile de discrimination ?

Une diver­gence nouvelle

Quelle sera l’at­ti­tude des poli­tiques de Wal­lo­nie et de Bruxelles si l’ex­trême droite entrait dans une coa­li­tion fla­mande ou ten­tait de s’im­po­ser dans la part fla­mande de la majo­ri­té fédé­rale ? Abrupte, la ques­tion n’est plus un cas d’é­cole. Or, jus­qu’à pré­sent, inté­rêt et ver­tu se sont conju­gués pour jus­ti­fier un ostra­cisme fran­co­phone radi­cal à l’é­gard de l’ex­trême droite, fla­mande en particulier.
Récem­ment, les excel­lences wal­lonnes et bruxel­loises qui accom­pa­gnaient le prince Phi­lippe dans une mis­sion de pro­mo­tion des expor­ta­tions belges en Chine ont pu se conten­ter de faire por­ter par la délé­ga­tion fla­mande le cha­peau de la pré­sence de la dépu­tée Vlaams Blok Marie-Rose Morel. Qu’en serait-il si, par mal­heur, la même per­sonne deve­nait un jour ministre fla­mande et par­ti­ci­pait, par exemple, à une réunion du Comi­té de concer­ta­tion entre le gou­ver­ne­ment fédé­ral et les Régions et Communautés ?

Ne pas envi­sa­ger un tel scé­na­rio, ce n’est pas seule­ment faire l’au­truche, c’est aus­si prê­ter le flanc à la cri­tique : la lutte contre l’ex­trême droite, toute jus­ti­fiée qu’elle est, four­nit pré­texte et pos­ture aux « démo­crates » qui s’offrent grâce à elle une iden­ti­té poli­tique à bon compte et une cen­sure effi­cace contre les cri­tiques dont ils sont l’ob­jet. Mais gare aux rodo­mon­tades sui­vies presque aus­si­tôt de déban­dades : l’en­chai­ne­ment pour­rait avoir un effet désas­treux, comme dans le cas autrichien.
Alors autant s’y pré­pa­rer. Il n’est évi­dem­ment pas ques­tion de recul sur les prin­cipes. Il reste tou­jours à com­battre — et d’a­bord en Wal­lo­nie et à Bruxelles — tout com­por­te­ment com­pa­rable à ceux qui ont été clai­re­ment condam­nés par la Cour d’ap­pel de Gand.

De même, il faut encore et tou­jours refu­ser toutes les bana­li­sa­tions de la col­la­bo­ra­tion et de l’an­ti­sé­mi­tisme pra­ti­qués durant la Seconde Guerre mon­diale. À ce titre, il importe notam­ment de ne pas céder sur la reven­di­ca­tion d’am­nis­tie des anciens col­la­bo­ra­teurs quand elle revient à mettre sur le même pied les vic­times du nazisme et ceux qui se sont ren­dus cou­pables de col­la­bo­ra­tion avec l’oc­cu­pant nazi. Cette reven­di­ca­tion est encore por­tée aujourd’­hui non seule­ment par des repré­sen­tants du Vlaams Blok mais aus­si par des repré­sen­tants de par­tis démo­cra­tiques comme le C.D.&V. En Flandre, on n’a pas assez condam­né l’in­sou­te­nable bana­li­sa­tion du fas­cisme dont se rendent cou­pables aujourd’­hui encore le Vlaams Blok et tous ceux qui conti­nuent de fré­quen­ter des évè­ne­ments orga­ni­sés par des nos­tal­giques de l’« ordre nouveau ».

Enfin — mais c’est assu­ré­ment le moyen le plus dif­fi­cile et le plus exi­geant -, il convient de se pré­pa­rer à refu­ser toute coges­tion de l’É­tat belge par l’ex­trême droite et d’an­ti­ci­per au maxi­mum les consé­quences d’un tel refus. Si les Wal­lons et les Bruxel­lois refusent un jour de cogé­rer la Bel­gique avec un par­ti qui est l’hé­ri­tier direct des col­la­bo­ra­teurs du V.N.V., ils devront non seule­ment renon­cer au modèle fédé­ral actuel, mais ils devront éga­le­ment en assu­mer les consé­quences éco­no­miques et financières.

Ver­tu intran­si­geante et défense des inté­rêts fran­co­phones n’i­ront donc plus alors natu­rel­le­ment de pair.
Fau­dra-t-il faire alors le sacri­fice du main­tien de la Bel­gique au nom de la démo­cra­tie et, para­doxa­le­ment, pro­vo­quer l’é­cla­te­ment que sou­haitent de tout temps les natio­na­listes fla­mands ? On serait bien avi­sé d’an­ti­ci­per de tels choix.

Théo Hachez


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