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Droit de réponse

Numéro 05/6 Mai-Juin 2009 par Philippe Dutilleul

mai 2009

Mon­sieur le Rédac­teur en chef, Lec­teur atten­tif de votre revue, dont j’ai cité cer­tains extraits d’ar­ticles inté­res­sants et per­ti­nents dans mon der­nier ouvrage Un Asile de flou nom­mé Bel­gique chez Buchet-Chas­­tel, je ne peux lais­ser pas­ser sans réagir les pro­pos dif­fa­mants et ad homi­nem de votre col­la­bo­ra­teur Benoît Lechat dans le numé­ro de mars 2009. Que celui-ci […]

Mon­sieur le Rédac­teur en chef,

Lec­teur atten­tif de votre revue, dont j’ai cité cer­tains extraits d’ar­ticles inté­res­sants et per­ti­nents dans mon der­nier ouvrage Un Asile de flou nom­mé Bel­gique chez Buchet-Chas­tel, je ne peux lais­ser pas­ser sans réagir les pro­pos dif­fa­mants et ad homi­nem de votre col­la­bo­ra­teur Benoît Lechat dans le numé­ro de mars 2009.

Que celui-ci n’ait pas aimé « Bye-bye Bel­gium » et crache son venin à plai­sir comme d’autres esprits « bien pen­sants » contre cette émis­sion, c’est son droit le plus strict. La cri­tique relève en effet de l’hy­giène démo­cra­tique. Qu’il parle de « déshis­toire », un néo­lo­gisme, à pro­pos du film sur « Degrelle », vu en mars 2009 à la RTBF, c’est encore sa liber­té de pen­ser et de juger.

Mais ses pro­pos de même que ceux de Jean-Marie Chau­vier, cités dans cet article et publiés aus­si dans la revue Points cri­tiques, appellent de ma part une mise au point car ils relèvent d’une ana­lyse tron­quée de la réa­li­té et volon­tai­re­ment malveillante.

« Degrelle ou la Füh­rer de vivre » reven­dique un point de vue et une ligne édi­to­riale très clairs que la grande majo­ri­té des télé­spec­ta­teurs et cri­tiques de TV ont par­fai­te­ment assi­mi­lés : don­ner un éclai­rage nou­veau sur la per­son­na­li­té et l’en­semble de la vie de Degrelle à tra­vers les témoi­gnages de gens qui l’ont côtoyé et des archives sou­vent inédites, en évi­tant la dia­bo­li­sa­tion ou la sim­pli­fi­ca­tion d’un per­son­nage contro­ver­sé (et pour cause) de l’Histoire.

Un de vos col­la­bo­ra­teurs occa­sion­nels, Phi­lippe Defeyt, des his­to­riens (à l’ex­cep­tion de José Goto­vich), et quan­ti­té d’autres per­sonnes ont appré­cié un film « remar­quable » par son sou­ci de vul­ga­ri­sa­tion, par son scé­na­rio cap­ti­vant, si j’en crois Phi­lippe Defeyt et bien d’autres, qui fait appa­raître le per­son­nage tel qu’il est : un fas­ciste et un nazi non repen­ti ayant une facul­té de com­mu­ni­ca­tion, de mani­pu­la­tion et de séduc­tion hors du com­mun. Nulle volon­té dans l’é­mis­sion de gom­mer cet aspect du per­son­nage, en nous basant sur le tra­vail fouillé de recherche de l’his­to­rien fran­çais Koren­tin Falc’­hun qui publie­ra en 2010 une bio­gra­phie com­plète de la vie de Degrelle chez Fayard.

L’é­quipe de réa­li­sa­tion n’a pas fait un film idéo­lo­gique, n’en déplaise à B. Lechat et consorts, encore moins une enquête empi­rique sur le rexisme. Ce sujet a été trai­té en son temps à la RTBF et aus­si par Mau­rice Dewilde sur la BRT dans une série enga­gée, beau­coup plus vaste, avec une approche jour­na­lis­tique dif­fé­rente de la nôtre. Pas de com­pa­rai­son abu­sive donc.

Quitte à m’at­ti­rer à nou­veau les foudres de B. Lechat qui — avec cer­tains autres — rumine en cercle fer­mé les échecs d’une gauche impuis­sante, en dis­pen­sant une bonne parole mora­li­sa­trice, tota­li­taire, selon moi, dans son essence, je note qu’il méprise le fait que les deux pro­grammes pré­ci­tés aient fait de l’au­dience (quel abo­mi­nable crime en effet) et affirme qu’ils sont un (sous) pro­duit de la publi­ci­té. Que de lieux com­muns… RTL et TF1 doivent bien se mar­rer et se frot­ter les mains en lisant cette prose.

Je n’ai pas atten­du B. Lechat pour cri­ti­quer cer­taines dérives actuelles de la télé­vi­sion (je le ren­voie à mes livres). Son pro­cès à charge est inac­cep­table car contraire à la réa­li­té et à la volon­té de l’au­teur et des réa­li­sa­teurs de ces deux émissions.

Si je puis me per­mettre une ultime remarque au risque d’ap­pa­raître moi-même immo­deste, c’est que l’ap­proche de l’é­mis­sion « Strip­tease », épin­glée au pas­sage par B. Lechat, mal­gré quelques lacunes recon­nues, lais­se­ra sans doute une place de choix dans l’his­toire de la télé­vi­sion et dans la réa­li­té socio­lo­gique de ce pays.

D’autre part, essayer de pro­duire aujourd’­hui des émis­sions de qua­li­té (si pos­sible ori­gi­nales et à contre-cou­rant de la pen­sée unique y com­pris de gauche) pour le plus grand nombre, au sein de la télé­vi­sion publique, honore celles et ceux qui s’y risquent et assument ce choix, plus encore quand le suc­cès popu­laire se trouve au rendez-vous.

La « déshis­toire » ou plu­tôt la dés­in­for­ma­tion sys­té­ma­tique se situe chez ces « intel­lec­tuels » qui oublient que, quand ils com­mu­niquent une infor­ma­tion, ils s’a­dressent à un public et qu’ils doivent être lus, regar­dés, écou­tés et… sur­tout com­pris. Dans ce registre, le dos­sier de La RN sur Degrelle à par­tir des livres de Jona­than Lit­tell, publié en juillet-août 2008, consti­tuait un contre-exemple par­fait car, à mon sens, illi­sible et incom­pré­hen­sible dans son ensemble. Sans doute, ne fais-je pas par­tie des gens capables de com­prendre cette lit­té­ra­ture pour initiés… 

J’a­joute que, fort heu­reu­se­ment, tous les articles de La RN ne sont pas de cet aca­bit. Je conti­nue­rai de m’y plon­ger avec bien sûr le sens cri­tique requis.

Confra­ter­nel­le­ment,

Phi­lippe Dutilleul est jour­na­liste de la RTBF au maga­zine « TOUT çA, ne nous ren­dra pas le Congo ». Auteur de Bye-bye Bel­gium (Labor), Chro­nique d’une impos­ture assu­mée (Racine/RTBF) et Un asile de flou nom­mé Bel­gique (Buchet-Chas­tel).

PS : mer­ci de publier ce texte dans son entiè­re­té et dans votre pro­chain numéro.-

Comme deman­dé dans son post-scrip­tum, et par cour­toi­sie, le texte de Mon­sieur Dutilleul est publié dans son inté­gra­li­té. La réac­tion de la revue à l’é­mis­sion « Degrelle ou la Füh­rer de vivre » était moti­vée par le fait que nous pre­nons jus­te­ment cet outil au sérieux. Le lec­teur juge­ra où dans l’ar­ticle se lisent des « pro­pos dif­fa­mants et ad hominem ».

Je main­tiens que trai­ter la figure de Degrelle et, à tra­vers lui, le rôle du rexisme dans l’his­toire de la Bel­gique du XXe, en uti­li­sant l’é­cri­ture déca­lée de l’é­mis­sion « Strip Tease » était un défi qua­si­ment insur­mon­table. Du moins, si la RTBF vou­lait réel­le­ment évi­ter le piège d’une vision anec­do­tique, indi­vi­dua­liste, voire sen­sa­tion­na­liste. Comme l’a écrit l’his­to­rien José Goto­vitch, « nous payons ici la des­truc­tion par la RTBF d’une équipe “his­toire” qui assu­mait avec sérieux et res­pon­sa­bi­li­té son tra­vail jour­na­lis­tique ». Faire de l’his­toire un medium vivant qui per­met de com­prendre le pré­sent, en décri­vant les forces col­lec­tives qui y sont à l’œuvre, reste un sacré tra­vail de ser­vice public. Redif­fu­ser la pièce de Jean Lou­vet et d’Ar­mand Del­tenre, Pierre Har­mi­gnies Numé­ro 17 Prêtre, qui raconte le mas­sacre d’une ving­taine d’in­no­cents par les rexistes à Cour­celles les 17 et 18 août 1944 et, sur­tout, qui met en scène le contexte et les acteurs col­lec­tifs d’une socié­té dans laquelle un tel mas­sacre se pro­duit, serait une manière bien plus pro­duc­tive d’as­su­mer cette mis­sion cru­ciale. Et d’ailleurs pour­quoi la RTBF ne copro­dui­rait-elle pas un film sur la base de cette très belle pièce ?

Benoît Lechat

Philippe Dutilleul


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