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Des territoires en projet(s)
À toute échelle, les territoires sont animés par des logiques internes et externes qui s’interpénètrent au point qu’il est parfois difficile d’y discerner les tenants et aboutissants et d’agir en connaissance de cause. Ce constat est accentué par le phénomène de globalisation. Celle-ci a renforcé l’impression parmi les acteurs qu’il est difficile d’avoir une capacité de […]
À toute échelle, les territoires sont animés par des logiques internes et externes qui s’interpénètrent au point qu’il est parfois difficile d’y discerner les tenants et aboutissants et d’agir en connaissance de cause. Ce constat est accentué par le phénomène de globalisation. Celle-ci a renforcé l’impression parmi les acteurs qu’il est difficile d’avoir une capacité de mise en projet territorial, à fortiori si le territoire se rapporte à des entités régionales de taille modeste et largement ouvertes. Pour certains, cette mise en projet reste possible et est plus que jamais nécessaire. Pour d’autres, peut-être plus pessimistes quoiqu’identifiant tout autant la nécessité de ne pas lâcher prise, ce qui fait défaut, c’est la maitrise des leviers et des articulations indispensables. Ainsi, baignées par la globalisation, les parties prenantes des territoires peuvent y voir le motif d’une certaine passivité résignée, ou l’opportunité de nouveaux échanges, de nouveaux élans pour servir un projet de développement original.
Il n’empêche : aussi petit soit-il, tout projet territorial appelle des moyens. Et de ce point de vue, toutes les régions ne sont pas à mettre sur le même pied et peuvent dépendre de décisions relevant de responsabilités externes. L’idéal voudrait que, dans tous les cas, les acteurs des projets et moyens mis en œuvre puissent se référer à une capacité d’intelligence territoriale plus ou moins articulée, voire intégrée, veillant au bien commun partagé par les parties prenantes au projet territorial. On se demande si cette intelligence est concevable sans l’appuyer sur les résultats d’innovations sociales significatives ; innovations sociales dont on se dit qu’elles accompagneront un développement véritablement durable.
Les contributions réunies pour ce dossier éclairent toutes à leur manière la question de la mise en projet territorial. Elles sont issues du colloque qui s’est tenu le 28octobre 2011 au centre culturel de Sivry-Rance à l’initiative de la Faculté ouverte de politique économique et sociale (Fopes) et de la Fondation Chimay-Wartoise, avec le soutien du fnrs, de Solidarité cistercienne, du Centre interdisciplinaire de recherche travail, État et Société (Cirtes-ucl) et du Moc Charleroi-Thuin.
Après avoir identifié et mis en perspective les enjeux globaux du développement régional et territorial, les participants au colloque étaient amenés à discuter, en ateliers, la capacité d’innovation sociale et de mise en projet territorial de régions telles que celle de Couvin-Momignies-Chimay. Cette discussion s’articulait autour des ressources du développement régional, déclinées en termes de capital humain, capital social et associatif, capital économique (marchand et non marchand), capital organisationnel lié à l’aménagement du territoire, capital moral et culturel.
Dans sa contribution « Les initiatives de la société civile : des innovations sociales qui révèlent une autre vision de l’économie et du développement », Benoît Lévesque reprend la thèse largement soutenue par ses travaux et ceux du Centre de recherche en innovation sociale (Crises) selon laquelle les grandes crises du capitalisme ont donné lieu, et ce depuis la fin du xixe siècle, à des cycles d’innovation sociale. Il l’applique à la période plus récente, marquée par la crise financière de 2007 – 2008 et de ses développements en termes économiques, politiques et sociaux. Entre altermondialisme (échelle mondiale) et économie sociale et solidaire (échelle locale), de nouvelles initiatives émergent. Elles répondent au souci de relier ce qui a été séparé : « séparation entre l’économie et la société, entre l’économie et la finance et au sein de la finance ». Pour l’auteur, ces initiatives sont un motif d’espérance. Il s’agit toutefois d’aller plus avant. « Élargir les alliances » pour une grande transformation, si tel est le souhait.
Giorgio Tesolin examine la question de l’entrepreneuriat dans un environnement qui ne lui est pas propice à priori : le milieu rural. L’économie géographique attribue en effet aux territoires une attractivité relative pour la création et le développement d’activités. Cette attractivité est notamment déterminée par la proximité avec les marchés et l’accumulation d’actifs et de ressources locales diversifiées. Pour les activités manufacturières et de services, les régions rurales partent sans doute avec un handicap, relativement aux régions urbaines ou périurbaines. Pour l’auteur, c’est sans compter sur la capacité des territoires à compenser la faiblesse des arguments géographiques par la composante non géographique. Et de citer la démarche entrepreneuriale, étudiée récemment, à l’origine du Naturopôle Nutrition Santé dans l’Allier rural, entre Clermont-Ferrand et Vichy. L’attachement au territoire, la convergence de vue des dirigeants et des mandataires politiques locaux en matière de développement local, la cohérence d’ensemble, apparaissent comme autant de facteurs explicatifs d’un succès inattendu.
Dans ce contexte, on ne peut ignorer les ressources naturelles et forestières des territoires ; surtout, comme c’est le cas dans la Botte verte de l’Entre-Sambre-et-Meuse, lorsque la forêt représente près de la moitié de la région. De plus en plus multifonctionnelle, la forêt peut occuper une place importante dans le développement territorial. Sa production de ressources reste essentielle, mais il ne faut pas négliger son importance touristique et paysagère. Source de loisir et de détente pour les habitants des villages environnants, la forêt attire les amateurs d’activités « vertes » dont beaucoup apprécient les produits locaux et l’hébergement de proximité. Dans leur article « La gestion durable de la forêt », Pascal Balleux et Éric Dufrane soulignent la nécessité de promouvoir une gestion forestière durable qui permet de garantir une production de bois de qualité tout en améliorant les potentialités du milieu pour la flore et la faune. L’attractivité de la région ne pourra être renforcée que par une sylviculture ciblée sur des essences indigènes, dynamique et écologique, respectueuse de la biodiversité, de l’eau et des sols.
Avec sa contribution « Territoires et citoyenneté active », Bernard Van Asbrouck traite des conditions de réussite de l’État social actif. Il se concentre sur la question de sa réussite démocratique. À cet égard, l’enjeu consiste foncièrement à donner au citoyen la possibilité effective d’être acteur de la cité. Cet enjeu se vit au quotidien, au cœur des territoires. Pour y répondre, l’auteur développe plus particulièrement l’idée d’un capital organisationnel mis à disposition du citoyen-acteur. Les divergences d’intérêts, individuels et institutionnels, entre citoyens-acteurs et acteurs publics, trouveraient un dispositif d’harmonisation dans la régie médiationnelle. Une régie sans pouvoir, mais venant en soutien des pouvoirs dans leur exercice « pour qu’ils additionnent leurs forces en place de les neutraliser ».
Bernard Delvaux figure parmi les concepteurs de l’idée de bassin scolaire. Si cette idée a vécu, on retrouve le dessein de développer des instances de coordination à l’échelle des bassins dans l’intention gouvernementale récente de développer des bassins de vie. Bernard Delvaux revient sur ces avatars dans son article intitulé « Du bassin scolaire au bassin de vie : pourquoi y a‑t-il lieu d’être critique ». Il y pointe des différences importantes entre le bassin scolaire et les dispositifs en fonction (ipieq) ou actuellement à l’étude. Ces différences renvoient à des logiques fondamentales qui posent question quant aux orientations qu’elles pourraient induire (en matière d’organisation du système éducatif, en particulier son volet qualifiant ; en matière d’autonomie ou encore de découpage territorial).
Enfin, Philippe Mouyart rend compte de l’expérience de la plate-forme intersectorielle du sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il s’agit d’un dispositif dont le démarrage et la mise en place remontent au mois de juin 2006. L’approche est transcommunale. Elle conduit des acteurs locaux à œuvrer ensemble, dans une logique partenariale et participative, à l’échelle territoriale de pertinence définie par le territoire du sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Le domaine d’intervention privilégié est celui de la santé, « considérée comme une ressource qui permet aux personnes d’atteindre un bien-être, de satisfaire leurs ambitions et d’agir sur leur environnement physique et social ». L’expérience de la plate-forme quoiqu’encore récente permet de formuler quelques recommandations à prendre comme autant de « sources d’inspiration » à l’attention d’acteurs qui, ici ou là, se montreraient intéressés par la démarche.