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Crise catalane, symptôme d’un mal espagnol ?

Numéro 6 - 2020 - Catalogne indépendantisme tensions politiques par Juan Jiménez Salcedo Cristal Huerdo Moreno

septembre 2020

La Cata­logne occupe le devant de la scène de manière récur­rente. Notam­ment parce que cela fait plus de dix ans que celle-ci et l’Espagne se sont lan­cées dans un âpre bras de fer. Le temps, loin d’apaiser les ten­sions, n’a fait qu’accroitre les cris­pa­tions, du moins jusqu’à il y a peu. En effet, depuis que le […]

Dossier

La Cata­logne occupe le devant de la scène de manière récur­rente. Notam­ment parce que cela fait plus de dix ans que celle-ci et l’Espagne se sont lan­cées dans un âpre bras de fer. Le temps, loin d’apaiser les ten­sions, n’a fait qu’accroitre les cris­pa­tions, du moins jusqu’à il y a peu. En effet, depuis que le pays est gou­ver­né par une coa­li­tion de gauche (PSOE-Uni­das Pode­mos), il sem­ble­rait que les diri­geants espa­gnols soient, enfin, prêts à renouer le dia­logue avec les indé­pen­dan­tistes. Leur sou­tien au Par­le­ment espa­gnol, quoiqu’irrégulier et sou­mis à l’instabilité de la vie poli­tique cata­lane, ain­si que l’influence d’Unidas Pode­mos, un par­ti ouver­te­ment fédé­ra­liste prô­nant la recon­nais­sance d’une Espagne mul­ti­na­tio­nale, ne sont cer­tai­ne­ment pas étran­gers à ce revirement.

C’est dans ce contexte, et alors que la Bel­gique est elle-même aux prises avec un natio­na­lisme fla­mand qu’elle semble inca­pable de gérer, qu’il nous a paru utile de reve­nir sur le cas cata­lan. Certes, beau­coup a été dit, mais il nous parais­sait néces­saire de sor­tir de l’habituelle inter­ro­ga­tion des visées cen­tri­fuges des natio­na­listes et de chan­ger de point de vue. Aus­si, la ques­tion qui tra­ver­se­ra les textes qui suivent ne sera-t-elle pas de savoir de quel mal cata­lan, de quelle souf­france régio­nale, de quelle his­toire locale pro­cède la situa­tion actuelle. Tout au contraire, nous nous deman­de­rons dans quelle mesure ce à quoi nous assis­tons n’est pas la résur­gence d’un mal espa­gnol, d’une inca­pa­ci­té de l’Espagne à pen­ser, à gérer et à diri­ger sa propre diver­si­té. Peut-être, ce fai­sant, contri­bue­rons-nous à éclai­rer d’un jour un peu nou­veau le face-à-face entre forces cen­tri­fuges et forces cen­tri­pètes, celles-là mêmes qui écar­tèlent notre propre pays.

Pour démê­ler cet éche­veau, nous vous pro­po­sons, dans les pages qui suivent, l’éclairage de plu­sieurs cher­cheurs qui pré­sentent des pro­blé­ma­tiques poli­tiques et juri­diques, mais aus­si lin­guis­tiques et sociolinguistiques.

Pour com­men­cer, il nous a paru indis­pen­sable d’éclairer les liens qui unissent les indé­pen­dan­tistes cata­lans de droite et les natio­na­listes fla­mands. Tout le monde a, en effet, connais­sance de l’accueil réser­vé par la N‑VA à Carles Puig­de­mont et de son éta­blis­se­ment à Water­loo. Dans son article, Vincent Schel­tiens ana­lyse les conver­gences de ces deux cou­rants idéo­lo­giques, mais aus­si leurs diver­gences dans leurs concep­tions de la sécession.

Par ailleurs, l’on ne peut abor­der la situa­tion cata­lane sans ana­ly­ser l’impact des modes d’action choi­sis par le pou­voir cen­tral pour ten­ter de contrer les visées des natio­na­listes cata­lans. Jorge Cagiao y Conde se penche ain­si sur la pro­pen­sion de l’État espa­gnol à ins­tru­men­ta­li­ser la jus­tice pour mettre au pas une région en éva­cuant tout débat politique.

Enfin, le dif­fé­rend entre Espagne et Cata­logne porte en bonne par­tie sur des ques­tions lin­guis­tiques. La langue cata­lane, son sta­tut et son usage sont un des points focaux du débat, voire du com­bat. Ces ten­sions sont au cœur des contri­bu­tions de Jean-Rémi Car­bon­neau et de Juan Jimé­nez Sal­ce­do. Le pre­mier aborde, de manière dia­chro­nique, l’émergence et l’évolution du sta­tut du cata­lan dans les com­mu­nau­tés auto­nomes de l’Espagne où il a été décla­ré langue offi­cielle. Il se penche éga­le­ment sur les contra­dic­tions entre les poli­tiques lin­guis­tiques favo­rables au cata­lan et une Consti­tu­tion espa­gnole intro­dui­sant un prin­cipe de hié­rar­chie des langues favo­rable au castillan.

Quant au second, il ques­tionne le mono­lin­guisme de l’État espa­gnol. S’appuyant sur l’exemple de la ges­tion de l’actuelle pan­dé­mie de Covid-19, il montre com­ment l’État cen­tral se pense uni­lingue, pré­su­mant que tout Espa­gnol a le devoir de com­prendre le cas­tillan. Cette par­ti­cu­la­ri­té d’un État uni­lingue pré­ten­dant régir une socié­té pro­fon­dé­ment mul­ti­lingue est au cœur de la réflexion de Juan Jiménez-Salcedo.

Enfin, la ques­tion cata­lane a déjà été abor­dée à plu­sieurs reprises dans notre revue, n’hésitez pas à consul­ter notre site. Le lec­teur ou la lec­trice qui cher­che­rait à com­prendre la genèse de la situa­tion actuelle pour­ra se réfé­rer uti­le­ment au texte inti­tu­lé « D’un réfé­ren­dum l’autre1 ».

  1. Huer­do More­no Cr., « Cata­logne : d’un réfé­ren­dum à un autre », e‑Mois, blog de La Revue nou­velle.

Juan Jiménez Salcedo


Auteur

est linguiste et professeur titulaire de traduction à l’université Pablo de Olavide (Séville, Espagne). Il écrit sur les politiques linguistiques dans les territoires catalanophones et sur le droit linguistique au Canada.

Cristal Huerdo Moreno


Auteur

Cristal Huerdo Moreno est maitre de langue principal à l’Université Saint-Louis—Bruxelles, maitre de langue à l’UMONS et traductrice. Elle travaille sur l’écriture féminine engagée (Espagne 1920-1975), sur la fictionnalisation de la guerre civile dans la littérature du XXIe siècle et sur l’hétérolinguisme. Elle encadre la rubrique Italique de La Revue nouvelle.