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Charles Roger (1905 – 2008)

Numéro 12 Décembre 2008 par Michel Molitor

décembre 2008

En février 1945, le pre­mier numé­ro de La Revue nou­velle était publié. Huit per­sonnes com­posent alors le comi­té de direc­tion de la revue. Charles Roger, décé­dé il y a quelques semaines, était un des deux der­niers sur­vi­vants de cette pre­mière équipe. Il repré­sen­tait très bien cette géné­ra­tion d’hommes et de femmes qui, au len­de­main de la […]

En février 1945, le pre­mier numé­ro de La Revue nou­velle était publié. Huit per­sonnes com­posent alors le comi­té de direc­tion de la revue. Charles Roger, décé­dé il y a quelques semaines, était un des deux der­niers sur­vi­vants de cette pre­mière équipe. Il repré­sen­tait très bien cette géné­ra­tion d’hommes et de femmes qui, au len­de­main de la Seconde Guerre mon­diale, vou­laient moder­ni­ser le pays et construire un cadre démo­cra­tique renou­ve­lé en don­nant à l’É­tat un rôle impor­tant et inédit dans des pays qui ne reje­taient pas le capi­ta­lisme, mais enten­daient le contrô­ler. Doc­teur en droit et licen­cié en sciences éco­no­miques de l’U­CL, il était reve­nu des États-Unis en 1932 en pré­co­ni­sant la déva­lua­tion du franc. Enga­gé à cette fin dans le cabi­net du ministre des Finances en 1934, il fut conseiller éco­no­mique de tous les Pre­miers ministres de 1935 à 1940 : Paul van Zee­land, Paul-Hen­ri Spaak et Hubert Pierlot.

Pen­dant la guerre, il rédi­gea avec Jean Jus­siant et Pierre van der Rest un ouvrage, Esquisse d’une poli­tique éco­no­mique, qui éta­blis­sait les condi­tions du redres­se­ment de la Bel­gique. Il mit en pra­tique cette poli­tique éco­no­mique, sociale et finan­cière avec le ministre des Affaires éco­no­miques Jean Duvieu­sart de 1947 à 1949. Plus impor­tant, il par­ti­ci­pa à la créa­tion de la fonc­tion consul­ta­tive, emblé­ma­tique du sys­tème de concer­ta­tion qui carac­té­ri­sa le régime éco­no­mique de la Bel­gique. Il fut le secré­taire géné­ral du Conseil cen­tral de l’é­co­no­mie jus­qu’à sa retraite en 1970. Dans le pre­mier numé­ro de La Revue nou­velle, numé­ro pro­gram­ma­tique à bien des égards, il publia un article inti­tu­lé « L’é­co­no­mie de demain sera-t-elle diri­gée par les trusts ? ». Les conclu­sions de cet article gardent tout leur inté­rêt aujourd’­hui : « […] les condi­tions modernes rela­tives à ce que doit être la poli­tique éco­no­mique exi­ge­ront de l’É­tat une poli­tique active, coor­don­née, tant dans le domaine des pro­blèmes de struc­ture que des pro­blèmes de conjonc­ture. Si cette concep­tion ne pou­vait pré­va­loir, la fonc­tion pri­mor­diale de direc­tion de l’é­co­no­mie incom­be­rait pra­ti­que­ment aux puis­sants orga­nismes finan­ciers et indus­triels qui ne peuvent avoir, de par la force des choses, une par­faite com­pré­hen­sion de ce que doit être l’in­té­rêt géné­ral. Cette concep­tion impli­quant un rôle actif don­né à l’É­tat dans la lutte contre la crise, nous dif­fé­ren­cie net­te­ment de l’at­ti­tude prise par l’é­cole néo­li­bé­rale. […] Si celui-ci [l’É­tat] devait s’abs­te­nir, dans l’es­poir que le libre jeu des forces natu­relles de l’é­co­no­mie serait conforme à l’in­té­rêt géné­ral, nous sommes cer­tains que le résul­tat serait des plus malencontreux. »

Soixante ans plus tard, après la créa­tion de l’U­nion euro­péenne, la glo­ba­li­sa­tion de l’é­co­no­mie, ces paroles ont gar­dé toute leur actua­li­té. Quelle est la forme contem­po­raine de l’in­té­rêt géné­ral ? Com­ment le mettre au pro­gramme de l’ac­tion publique ? Quelles sont les régu­la­tions qui conti­nue­ront en les actua­li­sant les fonc­tions assi­gnées à l’É­tat ? Der­rière le volon­ta­risme du pro­gramme de 1945, il y avait aus­si quelque pro­phé­tisme dans les pro­pos de Charles Roger.

Michel Molitor


Auteur

Sociologue. Michel Molitor est professeur émérite de l’UCLouvain. Il a été directeur de {La Revue nouvelle} de 1981 à 1993. Ses domaines d’enseignement et de recherches sont la sociologie des organisations, la sociologie des mouvements sociaux, les relations industrielles.