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Charles Roger (1905 – 2008)
En février 1945, le premier numéro de La Revue nouvelle était publié. Huit personnes composent alors le comité de direction de la revue. Charles Roger, décédé il y a quelques semaines, était un des deux derniers survivants de cette première équipe. Il représentait très bien cette génération d’hommes et de femmes qui, au lendemain de la […]
En février 1945, le premier numéro de La Revue nouvelle était publié. Huit personnes composent alors le comité de direction de la revue. Charles Roger, décédé il y a quelques semaines, était un des deux derniers survivants de cette première équipe. Il représentait très bien cette génération d’hommes et de femmes qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, voulaient moderniser le pays et construire un cadre démocratique renouvelé en donnant à l’État un rôle important et inédit dans des pays qui ne rejetaient pas le capitalisme, mais entendaient le contrôler. Docteur en droit et licencié en sciences économiques de l’UCL, il était revenu des États-Unis en 1932 en préconisant la dévaluation du franc. Engagé à cette fin dans le cabinet du ministre des Finances en 1934, il fut conseiller économique de tous les Premiers ministres de 1935 à 1940 : Paul van Zeeland, Paul-Henri Spaak et Hubert Pierlot.
Pendant la guerre, il rédigea avec Jean Jussiant et Pierre van der Rest un ouvrage, Esquisse d’une politique économique, qui établissait les conditions du redressement de la Belgique. Il mit en pratique cette politique économique, sociale et financière avec le ministre des Affaires économiques Jean Duvieusart de 1947 à 1949. Plus important, il participa à la création de la fonction consultative, emblématique du système de concertation qui caractérisa le régime économique de la Belgique. Il fut le secrétaire général du Conseil central de l’économie jusqu’à sa retraite en 1970. Dans le premier numéro de La Revue nouvelle, numéro programmatique à bien des égards, il publia un article intitulé « L’économie de demain sera-t-elle dirigée par les trusts ? ». Les conclusions de cet article gardent tout leur intérêt aujourd’hui : « […] les conditions modernes relatives à ce que doit être la politique économique exigeront de l’État une politique active, coordonnée, tant dans le domaine des problèmes de structure que des problèmes de conjoncture. Si cette conception ne pouvait prévaloir, la fonction primordiale de direction de l’économie incomberait pratiquement aux puissants organismes financiers et industriels qui ne peuvent avoir, de par la force des choses, une parfaite compréhension de ce que doit être l’intérêt général. Cette conception impliquant un rôle actif donné à l’État dans la lutte contre la crise, nous différencie nettement de l’attitude prise par l’école néolibérale. […] Si celui-ci [l’État] devait s’abstenir, dans l’espoir que le libre jeu des forces naturelles de l’économie serait conforme à l’intérêt général, nous sommes certains que le résultat serait des plus malencontreux. »
Soixante ans plus tard, après la création de l’Union européenne, la globalisation de l’économie, ces paroles ont gardé toute leur actualité. Quelle est la forme contemporaine de l’intérêt général ? Comment le mettre au programme de l’action publique ? Quelles sont les régulations qui continueront en les actualisant les fonctions assignées à l’État ? Derrière le volontarisme du programme de 1945, il y avait aussi quelque prophétisme dans les propos de Charles Roger.