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Célibat des prêtres. Actualité de Roger Gryson

Numéro 12 Décembre 2010 par Hervé Cnudde

décembre 2010

En 1970 déjà, Roger Gry­son, pro­fes­seur aujourd’hui émé­rite de la facul­té de théo­lo­gie de l’UCL, publiait aux édi­tions Ducu­lot à Gem­bloux son magis­tral ouvrage sur Les ori­gines du céli­bat ecclé­sias­tique du Ier au VIIe siècle, lequel, après qua­rante ans, n’a rien per­du pour l’essentiel de sa per­ti­nence, ni de sa qua­li­té. Y com­pris en contexte de crise […]

En 1970 déjà, Roger Gry­son, pro­fes­seur aujourd’hui émé­rite de la facul­té de théo­lo­gie de l’UCL, publiait aux édi­tions Ducu­lot à Gem­bloux son magis­tral ouvrage sur Les ori­gines du céli­bat ecclé­sias­tique du Ier au VIIe siècle, lequel, après qua­rante ans, n’a rien per­du pour l’essentiel de sa per­ti­nence, ni de sa qua­li­té. Y com­pris en contexte de crise de société.

En bref, Roger Gry­son pro­cède métho­di­que­ment à une enquête par­tant de l’identification des textes anciens et de leur ana­lyse phi­lo­lo­gique (écrits des Pères de l’Église, direc­tives des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques, des conciles et des synodes) pour en tirer induc­ti­ve­ment les conclu­sions. Il démontre ain­si rigou­reu­se­ment que le prin­cipe qui se trouve à l’origine de la règle de la conti­nence obli­ga­toire pour les clercs mariés — très lar­ge­ment majo­ri­taires dès la nais­sance de l’Église chré­tienne — est le prin­cipe de la « pure­té rituelle ». Autre­ment dit l’interdiction sous peine d’impureté pour le célé­brant de toute rela­tion sexuelle la veille d’une célé­bra­tion eucha­ris­tique. Ce prin­cipe tient à une concep­tion très néga­tive de la sexua­li­té et son ori­gine est à recher­cher non dans l’évangile mais en milieu païen (idéal stoï­cien de l’ataraxie, dua­lisme pytha­go­ri­cien et néo­pla­to­ni­cien) et dans l’Ancien Testament.

La diver­gence entre la dis­ci­pline de l’Orient et celle de l’Occident ne vient pas d’une concep­tion autre de la pure­té rituelle, mais d’un rythme dif­fé­rent dans la célé­bra­tion de l’eucharistie : quo­ti­dienne à Rome à par­tir de la fin du IVe siècle, elle ne l’est pas en Orient, ce qui y per­met aux prêtres de conti­nuer à user du mariage. À Rome, par contre, le pape Sirice (384 – 399) impo­se­ra au cler­gé la règle de la conti­nence abso­lue tout en obli­geant les ministres mariés à conti­nuer mal­gré tout à pour­suivre la vie com­mune avec leur femme ! Les mesures de sur­veillance impo­sées dès lors aux prêtres mariés pour qu’ils vivent effec­ti­ve­ment dans la conti­nence par­faite après l’ordination demeu­rant inef­fi­caces, l’Église d’Occident se déci­de­ra au XIe siècle à ne plus admettre aux ordres majeurs que des céli­ba­taires, trans­for­mant ain­si la règle de la conti­nence en vue de la « pure­té rituelle » en loi du céli­bat obli­ga­toire des prêtres de son obédience.

Ce serait outre­pas­ser les inten­tions de l’auteur que de réduire les dimen­sions actuelles du céli­bat minis­té­riel à ce qui semble bien avoir été prio­ri­tai­re­ment à l’origine de sa géné­ra­li­sa­tion. Il n’empêche que l’ouvrage de Roger Gry­son dis­sipe pas mal de mal­en­ten­dus sur ce qui est « tra­di­tion » dans ce pro­blème. Il per­met de jeter un regard neuf sur le cri­tère déter­mi­nant du style de vie à adop­ter aujourd’hui par ceux qui s’engagent dans le minis­tère : les exi­gences des tâches d’évangélisation.

… avec dix ans plus tard un postscriptum judicieux

En 1980, Roger Gry­son a publié dans la Revue théo­lo­gique de Lou­vain1, un article post­scrip­tum inti­tu­lé : « Dix ans de recherches sur les ori­gines du céli­bat ecclé­sias­tique. Réflexions sur les publi­ca­tions des années 1970 – 1979 ». On y trou­ve­ra de larges et pré­cieuses expli­ci­ta­tions de points clés énon­cés dans le livre avec une conci­sion trop « professorale ».

  1. p. 157 – 185.

Hervé Cnudde


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