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Caricatures

Numéro 3 Mars 2006 - Idées-société par Théo Hachez

mars 2006

Des traits de génie ? Per­sonne, pas même leurs créa­teurs, ne consi­dère les « cari­ca­tures danoises » comme des mani­fes­ta­tions ache­vées de l’in­tel­li­gence humaine ou comme les preuves d’un héroïsme salu­taire. Pour retar­der les ques­tions de prin­cipe et stag­ner dans le consen­sus poli, il est de bon ton aus­si de déplo­rer à l’u­nis­son l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion poli­tique de l’en­chai­ne­ment des réactions […]

Des traits de génie ? Per­sonne, pas même leurs créa­teurs, ne consi­dère les « cari­ca­tures danoises » comme des mani­fes­ta­tions ache­vées de l’in­tel­li­gence humaine ou comme les preuves d’un héroïsme salu­taire. Pour retar­der les ques­tions de prin­cipe et stag­ner dans le consen­sus poli, il est de bon ton aus­si de déplo­rer à l’u­nis­son l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion poli­tique de l’en­chai­ne­ment des réac­tions cris­pées locales, euro­péennes et puis mon­diales qu’elles trainent, de part et d’autre, à leur suite. Une fois arri­vée à ce point, la conver­sa­tion polie se rap­proche dan­ge­reu­se­ment du dilemme des abso­lus, entre liber­té des uns et res­pect des autres. Au mieux, pour ne pas céder à la sur­en­chère des actes de foi som­maires et pré­ci­pi­tés, on se rat­tra­pe­ra à quelques bonnes paroles sur la tolé­rance ou la modé­ra­tion qui risquent bien d’ap­pa­raitre, dans leur rôle de faux-fuyants, comme de ver­tueuses fadaises.

L’é­di­to­rial (en quoi on le rap­proche sou­vent de la cari­ca­ture, non sans avoir rap­pe­lé qu’un petit des­sin valait mieux qu’un long dis­cours…) consiste le plus sou­vent à décan­ter l’ac­tua­li­té pour en pro­po­ser une lec­ture qui sol­li­cite le juge­ment, voire l’en­ga­ge­ment. Le fait est qu’un édi­to­rial de cette eau serait propre à relan­cer la spi­rale mor­ti­fère de la sim­pli­fi­ca­tion. Or on a le droit de pré­fé­rer la vie. Prendre son par­ti, c’est à l’in­verse élar­gir le champ plu­tôt que de gros­sir le trait. Au reste, l’os des contra­dic­tions n’est-il pas déjà assez rongé ?
Il y a bien un conflit et les trois remarques qui suivent ne l’é­lu­de­ront pas. Mais elles s’at­ta­che­ront à démen­tir les sup­po­si­tions de symé­trie qui le pour­rissent : il y a bien un os, mais il faut le repla­cer dans le sque­lette dif­forme qui le porte. À défaut de la tran­cher, cela fait voir le carac­tère boi­teux de la polémique.

L’é­ga­li­té comme préa­lable ou comme résultat
Ain­si, la mise en ques­tion de la liber­té d’ex­pres­sion et de ses limites exige de faire entrer dans son champ la condi­tion de son exer­cice. Ce qui ne revient pas à le bor­ner à un usage sou­hai­table (ver­tueux, res­pon­sable, mesu­ré, excluant la pro­vo­ca­tion, etc.). Dans l’i­déal, tout abus ne se condam­ne­rait-il pas de lui-même à l’in­si­gni­fiance et sinon à la réplique qui en anéan­ti­rait les effets ? Fina­le­ment, un droit dont on pri­ve­rait les imbé­ciles n’en serait plus un et l’on devrait bien­tôt en réser­ver le pri­vi­lège à quelques auteurs de La Revue nouvelle.

En revanche, pour abso­lu qu’on en pose le prin­cipe, ce droit va de pair avec une sup­po­si­tion rai­son­nable du prin­cipe d’é­ga­li­té. Cette sup­po­si­tion fait toute la valeur du droit à la cari­ca­ture, lors­qu’elle l’ac­tua­lise ou lui per­met de la réta­blir. Ce qui fait le plai­sir et la ver­tu de la cari­ca­ture, n’est-ce pas de rabais­ser les puis­sants et de dénon­cer leurs abus ? Aus­si féroce et radi­cale que soit l’at­taque, elle ne peut tirer son sens que du contexte d’une com­mu­nau­té ima­gi­naire qui voit dans sa cible un autre soi-même. Ce qui revient en pra­tique à ce que son huma­ni­té, au mini­mum, soit hors de cause. Cette condi­tion ne ren­voie pas d’a­bord ou pas seule­ment à la res­pon­sa­bi­li­té du cari­ca­tu­riste, mais à la socié­té dans son ensemble. C’est elle qui pro­duit l’é­ga­li­té de sta­tut et une répar­ti­tion rai­son­nable des moyens d’ex­pres­sion qui per­met la réver­si­bi­li­té qu’im­pose le débat.

Si la cari­ca­ture (par exemple celle du Pro­phète entur­ban­né d’ex­plo­sifs) a fait si mal, ce n’est pas seule­ment parce qu’elle s’en prend au sym­bole d’une com­mu­nau­té reli­gieuse mino­ri­taire en Europe, don­nant ain­si rai­son au fort contre le faible, c’est d’a­bord en rai­son d’un défi­cit démo­cra­tique invi­sible, mais dont la conscience se reflète dans l’i­mage. Du moment que le pos­tu­lat d’une infé­rio­ri­té domine au point de conta­mi­ner l’es­prit du cari­ca­tu­riste, l’œil du public… ou celui de sa vic­time, on aura tôt fait de soup­çon­ner dans l’at­taque et dans le regard qu’on porte sur elle non plus une cri­tique outran­cière et qui doit pou­voir être expri­mée, mais une inten­tion d’exclusion.
Lorsque les démo­cra­ties ne peuvent plus assu­rer le cré­dit d’une fic­tion de l’é­ga­li­té for­melle et qu’elles se sentent impuis­santes à lut­ter contre le sen­ti­ment de supé­rio­ri­té des uns et d’in­fé­rio­ri­té des autres, elles doivent en rabattre d’une façon ou d’une autre sur la liber­té d’ex­pres­sion. C’est ain­si que l’on envi­sage cou­ram­ment comme une avan­cée de pro­té­ger des publics que l’on estime déjà fra­gi­li­sés par des pré­ju­gés défa­vo­rables, qu’ils soient racistes, sexistes, etc. L’exis­tence de tels pré­ju­gés ruine en effet la liber­té d’ex­pres­sion. S’ils ont l’a­van­tage d’en­di­guer une mani­fes­ta­tion ouverte et publique de ces pré­ju­gés, ces dis­po­si­tifs légaux sont impuis­sants à les éra­di­quer et contri­buent à géné­ra­li­ser le soup­çon inqui­si­to­rial de leur expres­sion sour­noise. L’am­bi­va­lence de tels dis­po­si­tifs ne fait mys­tère pour per­sonne, tant ils dési­gnent par la pro­tec­tion qu’il leur accorde à juste titre d’é­ter­nelles vic­times. Et cette pro­tec­tion (qu’il fau­drait sans cesse élar­gir à de nou­velles caté­go­ries) a un autre prix : celui de l’im­pos­si­bi­li­té d’une recon­nais­sance incon­di­tion­nelle, sou­hai­tée pleine et entière, de ceux qui en tirent théo­ri­que­ment bénéfice.

Une pente savon­née par le terrorisme

Les cari­ca­tures portent-elles une jus­ti­fi­ca­tion ou un simple rap­pel de cette mise en cause radi­cale de l’é­ga­li­té ? Il est dif­fi­cile de récu­ser tota­le­ment cette inter­pré­ta­tion dans le chef des musul­mans danois : sans pré­ju­ger de son fon­de­ment, aucune lec­ture ne peut faire l’é­co­no­mie d’un pro­cès d’in­ten­tion jus­ti­fié par un quo­ti­dien fait de pré­ju­gés racistes, de dis­cri­mi­na­tions sociales et sécu­ri­taires. Tou­jours est-il qu’ac­ti­vé, le méca­nisme vic­ti­maire « du défaut de res­pect » a des effets catas­tro­phiques : en pré­ten­dant la récu­ser à prio­ri, cette réplique élude le conte­nu de la cari­ca­ture et tend donc impli­ci­te­ment à confir­mer la charge qu’elle porte : la stig­ma­ti­sa­tion du carac­tère ori­gi­nel­le­ment et intrin­sè­que­ment violent de l’islam.

Car au-delà de cette conni­vence entre pré­ju­gés sup­po­sés et humi­lia­tions inté­rio­ri­sées qui le pol­lue, il y a bien un débat qu’ouvre l’i­mage. Si l’ir­ré­vé­rence ne peut se flat­ter que d’en­fon­cer les portes ouvertes sur un amal­game aus­si spon­ta­né que condam­nable, on ne lui trou­ve­ra évi­dem­ment rien d’hé­roïque. Mais il reste que l’a­mal­game est d’a­bord le fait de fous de Dieu qui ne se réclament ni de Boud­dha ni du Christ et de régimes poli­tiques qui affichent leurs réfé­rences à l’is­lam, mais ne se dis­tinguent pas par leurs ver­tus paci­fiques. Il ne faut donc pas déployer des tré­sors d’i­ma­gi­na­tion ou des capa­ci­tés énormes de récu­pé­ra­tion poli­tique pour ren­for­cer une déduc­tion injuste mais spon­ta­née. Vue d’Oc­ci­dent, c’est bien l’ac­tua­li­té elle-même qui col­porte ce mes­sage poli­ti­que­ment incor­rect, avec des atten­tats qui, gros­sis par la loupe média­tique, se donnent eux-mêmes pour les pré­misses d’une révé­la­tion mas­sive (une apo­ca­lypse) et revan­charde d’un tort incom­pris. À cette sug­ges­tion de la peur concer­tée par les atten­tats, l’i­ma­gi­naire pauvre et redon­dant des cari­ca­tures n’a­joute ni ne retranche rien. Ce qui ne leur ôte pas le droit d’être.

À tout prendre, il vaut mieux encore que per­sonne ne s’illu­sionne sur l’exis­tence réelle d’une infa­mie qui hante le regard des Occi­den­taux. C’est sans doute injuste, mais dans le contexte d’au­jourd’­hui que per­sonne ne peut igno­rer, crier à son hon­neur per­du devant cette infa­mie revient presque à l’en­dos­ser. Et récu­ser la cri­tique, fût-elle outran­cière, parce qu’elle ne pour­rait venir que de l’ex­trême droite, revien­drait à accor­der à cette der­nière le mono­pole des argu­ments qui pré­tendent la fon­der. Ain­si, vou­loir sanc­tion­ner Filip De Win­ter, le pré­sident du Vlaams Belang, lors­qu’il s’ex­clame « Nous avons peur de l’is­lam » n’est pas une entre­prise sans risque.

De même, on ne peut s’ar­rê­ter au simple choc de cette cari­ca­ture avec les pré­ven­tions de la tra­di­tion musul­mane à l’é­gard des images et de celles du Pro­phète en par­ti­cu­lier. Car dans ses varia­tions et ses contra­dic­tions, elle s’ar­ti­cule autour d’une constante qui n’est mani­fes­te­ment pas affec­tée ici dans son prin­cipe : la condam­na­tion de l’i­do­lâ­trie. Du coup, la dénon­cia­tion d’un pré­ten­du sacri­lège, tra­dui­sant certes une émo­tion cultu­relle, pour­rait éga­le­ment pas­ser pour un faux-fuyant devant les dégâts pro­vo­qués par les atten­tats et leur exploi­ta­tion politique.

Bref, il ne nous vient pas à l’i­dée de féli­ci­ter le cari­ca­tu­riste qui a déva­lé une pente savon­née par le ter­ro­risme et par ceux qui ont cyni­que­ment déci­dé d’en faire le mal abso­lu du siècle, abu­sant ain­si d’un ali­bi uni­ver­sel et confor­table pour leurs entre­prises guer­rières. C’est sans doute injuste, mais ni la colère ni l’emportement violent ni l’in­ter­dic­tion de telles images ne peuvent rien contre ce pas­sif accu­mu­lé auquel elles se contentent de don­ner une forme. S’il y a pro­vo­ca­tion sen­tie, entrer dans son jeu ne peut faire que nour­rir une infa­mie, la peur qu’elle ins­pire à dessein.

Un néo­co­lo­nia­lisme des esprits

La crise des images ouverte avec la publi­ca­tion des cari­ca­tures danoises nour­rit et relance une ques­tion his­to­rique : le modèle de démo­cra­tie laïque auquel est asso­ciée la liber­té d’ex­pres­sion est-il trans­po­sable à l’é­che­lon de la pla­nète ? Un tel éclai­rage des évè­ne­ments récents est pour­tant assez oppres­sant tant il risque de défor­mer leur per­cep­tion en allon­geant les ombres. Sans culpa­bi­li­sa­tion sté­rile, sans rela­ti­visme incon­sis­tant, il y a lieu néan­moins de prendre la mesure de cet eth­no­cen­trisme uni­ver­sa­liste. Sans renier donc la vali­di­té du modèle moderne, il faut voir qu’il place d’en­trée de jeu toute résis­tance en posi­tion d’ar­rié­ra­tion et que l’a­vè­ne­ment du vil­lage glo­bal, tel qu’il est espé­ré, laisse peu de place à l’al­ter­na­tive de ses for­mules ou à la créa­ti­vi­té du reste du monde pour éga­ler les « per­for­mances » occidentales.

Ain­si, dans un tel sché­ma, les rôles sont déjà « déjà écrits » et attri­bués aux uns et aux autres : les Lumières vont domes­ti­quer le fana­tisme reli­gieux (que l’is­lam illustre de façon emblé­ma­tique) en l’ins­cri­vant dans un sché­ma ins­ti­tu­tion­nel dont les com­po­santes pour­raient être livrées en kit par l’Oc­ci­dent à l’is­sue de quelques épreuves comme celles que nous venons de vivre. Du coup, les pro­vo­ca­teurs renouent avec des com­bats qui feraient d’eux les héros d’une cause juste à l’é­che­lon pla­né­taire, libé­rant les peuples oppri­més de la tyran­nie obs­cu­ran­tiste. Ce qui redonne du sens et de la jouis­sance à une pra­tique sati­rique ici épui­sée dans sa propre sur­en­chère. Est-ce parce que cette liber­té d’ex­pres­sion ne peut plus s’exer­cer que sous haute pro­tec­tion judi­ciaire que les pro­vo­ca­teurs ne font plus rire ?

À tra­vers cet épi­sode, comme à tra­vers d’autres, le monde entier revi­vrait donc à l’heure des convul­sions bour­geoises des États-nations euro­péens nais­sants, autour du xixe siècle. Le mal­heur veut que l’emprise de cette vision n’af­fecte pas seule­ment ceux qui se sont arro­gé un rôle flat­teur et visible dans ce « remake ». Elle imprègne aus­si les conces­sions faites aux musul­mans et à leur spé­ci­fi­ci­té qui peinent à se démar­quer d’une condes­cen­dance tac­tique pro­por­tion­née à leur degré d’ar­rié­ra­tion. Elles appa­raissent certes comme ins­pi­rées par un désir de paix, mais aus­si par la peur des répliques vio­lentes (Max Gal­lo les traite de « muni­choises »), par la déma­go­gie ou le désir réac­tion­naire de reve­nir sur des arbi­trages anciens. On s’es­ti­me­ra déjà heu­reux quand ces conces­sions n’a­britent pas sous des dehors miel­leux l’i­dée que l’is­lam serait intrin­sè­que­ment inca­pable de tenir sa place dans le stra­pon­tin que lui désigne le vil­lage glo­bal iré­nique dont cha­cun espère l’avènement.

Or, s’il y a un ensei­gne­ment utile de cette crise qui n’au­ra pro­fi­té jus­qu’i­ci qu’à l’ex­trême droite euro­péenne, aux fana­tiques et à quelques régimes dic­ta­to­riaux qui se sont offerts à tra­vers elle une nou­velle san­té, c’est la néces­si­té de rompre avec tout ce que cette vision a de trom­peur, mais aus­si de catas­tro­phique dans ses résul­tats. Ce n’est plus une Église arro­gante qui fait les frais de la charge, mais des croyants déjà infé­rio­ri­sés ici et sou­vent misé­rables là-bas. Et quel espoir peut-on nour­rir d’une pré­ten­due révé­la­tion de l’im­per­ti­nence, sachant que l’é­chec qua­si total des entre­prises colo­niales euro­péennes dans leur pré­ten­due volon­té d’ex­por­ta­tion de leur modèle poli­tique n’est pas pris en compte ? Com­ment igno­rer que les prin­ci­paux réfé­rents (les pièces du kit de la moder­ni­té occi­den­tale) que sont la nation, l’É­tat, la laï­ci­té… ont été cyni­que­ment détour­nés, mor­ce­lés et ont per­du leur cré­dit au point de ne plus même ser­vir d’a­li­bis effi­caces aux dic­ta­tures proches et moyennes orien­tales et à leur cor­rup­tion endé­mique ? Et que lorsque la démo­cra­tie s’y exprime, fût-ce de façon bal­bu­tiante, par la voix des urnes, elle trouve dans la tra­di­tion reli­gieuse locale une assise autre­ment plus cré­dible à la morale poli­tique et à la jus­tice sociale. C’est ain­si que la reli­gion, y com­pris les abus de son ins­tru­men­ta­li­sa­tion, se pose en repre­neur d’un tem­po­rel dévas­té. En Algé­rie (celle des années nonante) et en Iran, en pas­sant par la Tur­quie et plus récem­ment l’I­rak et la Pales­tine, n’ha­bitent pas que des abru­tis fana­ti­sés qui se voue­raient au mal­heur de l’op­pres­sion obs­cu­ran­tiste rien que pour faire mous­ser les cari­ca­tu­ristes de Char­lie Heb­do. Si des pro­grès se font attendre, ce n’est pas d’une tutelle morale exté­rieure qu’ils vien­dront, sur quelque registre qu’on cha­pitre les croyants, y com­pris la déri­sion, mais des contra­dic­tions internes à des socié­tés qui se sentent déjà humi­liées à des titres divers.

Si notre foi dans la liber­té d’ex­pres­sion nous impose les cari­ca­tures, on ne peut les lire sans voir par-delà le défi­cit d’é­ga­li­té qui les rend inac­cep­tables. Quant à leur mérite d’exis­ter, il est pour le moins modeste et ne doit pas faire illu­sion en regard des risques qu’elles char­rient. La néces­si­té nous impose de faire « avec » en pous­sant aus­si loin la démo­cra­tie et l’in­tel­li­gence du monde que là où la liber­té d’ex­pres­sion nous a entrai­nés. Au-delà des illu­sions néo­coloniales, c’est ici, dans la ren­contre de ce défi à prio­ri inte­nable, que se joue la cré­di­bi­li­té du type de régime poli­tique dans lequel nous vivons, à nos propres yeux comme à ceux du monde. Cela ne revient-il pas à dire que quand la liber­té d’ex­pres­sion prend cette voie-là, elle se condamne elle-même ? Avant d’ac­cep­ter d’emblée cette défaite, sans doute faut-il oser lut­ter encore pour ne pas pré­ci­pi­ter une telle conclusion.

Théo Hachez


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