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Bruxellois d’origine extra-européenne. Représentation politique au FDF (1964 – 2014)

Numéro 11 Novembre 2013 par Paul Wynants

novembre 2013

Fon­dé il y a près d’un demi-siècle, le FDF est repré­sen­té, comme tel, dans les conseils com­mu­naux de l’agglomération bruxel­loise depuis 1970. Dès 1982, il est le pre­mier par­ti à y faire sié­ger un élu d’origine extra-euro­péenne. A‑t-il per­sé­vé­ré dans cette atti­tude d’ouverture par la suite ? Et peut-on affir­mer pour autant que ses man­da­taires ont été, constam­ment et una­ni­me­ment, des pro­mo­teurs des droits poli­tiques des popu­la­tions plus ou moins récem­ment implan­tées dans le Vieux Continent ?

Un parti pluriel et précurseur…

Le FDF est né le 16 mai 1964 en réac­tion aux lois lin­guis­tiques de 1962 – 1963, qui limitent l’agglomération bruxel­loise à dix-neuf com­munes. Le sigle du par­ti désigne, suc­ces­si­ve­ment, le Front démo­cra­tique des Bruxel­lois de langue fran­çaise, le Front démo­cra­tique des fran­co­phones (à par­tir de mars 1965), puis les Fédé­ra­listes démo­crates fran­co­phones (depuis le 24 jan­vier 2010). La for­ma­tion ama­rante — telle est la cou­leur de ses éten­dards et de ses affiches — concentre long­temps l’essentiel de son action dans la capi­tale et dans la péri­phé­rie bruxel­loise, avant de ten­ter récem­ment de s’implanter aus­si en Wal­lo­nie. Elle se veut plu­ra­liste au plan phi­lo­so­phique et plu­tôt cen­triste en matière socioé­co­no­mique. La défense des droits des fran­co­phones est son prin­ci­pal che­val de bataille. À par­tir de 1971, le FDF opte pour le fédé­ra­lisme : il se pro­nonce en faveur de la créa­tion d’une Région de Bruxelles-Capi­tale, égale en droits aux deux autres Régions, et com­bat le natio­na­lisme fla­mand. Repré­sen­té au Par­le­ment dès 1965, il ne dépose pas de listes propres aux élec­tions com­mu­nales durant les cinq pre­mières années de son existence.

Le FDF entre dans six des dix-neuf majo­ri­tés bruxel­loises à l’issue des scru­tins locaux du 11 octobre 1970. Dans les com­munes où il est l’acteur poli­tique de réfé­rence, il tente de faire appli­quer le pro­gramme qui le carac­té­rise : celui d’un par­ti urbain, favo­rable à une démo­cra­tie plus par­ti­ci­pa­tive, enclin à une ges­tion prag­ma­tique des dos­siers locaux. Aus­si le nou­veau venu pro­meut-il d’emblée la créa­tion de conseils com­mu­naux consul­ta­tifs des immi­grés (CCCI), ce qui témoigne, à l’époque, d’un cer­tain pro­gres­sisme. Bien plus, le FDF est le tout pre­mier par­ti à faire sié­ger, briè­ve­ment certes, un res­sor­tis­sant d’origine extra-euro­péenne dans un conseil com­mu­nal de l’agglomération, à Bruxelles-ville : Abdel­rah­mane el-Attar, dit Abed Attar. Bar­dé de diplômes déli­vrés par des uni­ver­si­tés belges et féru de culture fran­çaise, il est d’origine syro-liba­naise et jour­na­liste au quo­ti­dien Le Soir. Sixième sup­pléant, il doit à une série de défec­tions le droit de sié­ger à l’hôtel de ville de Bruxelles durant les mois qui suivent sa pres­ta­tion de ser­ment du 2 juillet 1982. Rétros­pec­ti­ve­ment, le FDF consi­dè­re­ra ce court man­dat comme emblé­ma­tique. Après le décès d’A. Attar, en 1985, le conseiller com­mu­nal Jacques Ober­woits décla­re­ra ain­si : « En met­tant sur ses listes M. Attar, le FDF mar­quait déjà sa volon­té d’ouvrir la porte aux gens d’une autre culture1. »

… mais divisé sur la question de l’immigration

À vrai dire, tel n’est pas, dans les années 1980, l’état d’esprit de tous les man­da­taires du FDF, ni celui de tous les élus des prin­ci­paux par­tis de la capi­tale. À l’époque, en effet, une vague de xéno­pho­bie déferle sur le pays, en par­ti­cu­lier à Bruxelles. Les suc­cès rem­por­tés par les par­tis d’extrême droite en témoignent. On en trouve d’autres traces : ain­si, la confé­rence des bourg­mestres bruxel­lois adopte, le 4 novembre 1981, une réso­lu­tion exi­geant un « arrêt des flux migra­toires injus­ti­fiés » ; cer­taines com­munes de l’agglomération, fussent-elles à domi­nante socia­liste, déve­loppent éga­le­ment des pra­tiques discriminatoires.

La ques­tion de l’immigration divise alors pro­fon­dé­ment le FDF. C’est pour­quoi la presse signale le départ d’un cer­tain nombre d’élus locaux, en désac­cord avec la ligne, jugée « trop laxiste », adop­tée en matière d’accueil de per­sonnes d’origine étran­gère par la direc­tion du par­ti ama­rante. Deux per­son­na­li­tés du FDF se dis­tinguent par leur radi­ca­lisme dans ce domaine : Roger Nols, dépu­té-bourg­mestre de Schaer­beek, et Hen­ri Lis­monde, pre­mier éche­vin de Forest. Roger Nols adopte des posi­tions et des atti­tudes de plus en plus racistes, au grand dam des Jeunes FDF et de l’aile gauche de cette même for­ma­tion, incar­née notam­ment par Serge Mou­reaux et par Fran­çois Mar­tou, vice-pré­sident natio­nal du Mou­ve­ment ouvrier chré­tien (MOC). En dépit d’outrances répé­tées, R. Nols n’est jamais exclu du FDF, sans doute en rai­son de son poids élec­to­ral. C’est lui qui, le 13 avril 1983, tran­che­ra le nœud gor­dien en pro­vo­quant une dis­si­dence, pré­pa­rée par le dépôt d’une liste épo­nyme (NOLS : Nou­velles orien­ta­tions des liber­tés schaer­bee­koises), avant de rejoindre l’extrême droite.

De son côté, H. Lis­monde dif­fuse un tract inti­tu­lé Lettre ouverte à la canaille, dans lequel il s’en prend aux « mal­fai­sants venus d’ailleurs ». Par ailleurs, le 20 avril 1983, il sera le tout pre­mier condam­né en ver­tu de la loi du 30 juillet 1981 ten­dant à répri­mer cer­tains actes ins­pi­rés par le racisme ou la xéno­pho­bie, en l’occurrence pour pro­pos anti­sé­mites. Les dis­cours et les actes de quelques man­da­taires, mais aus­si l’absence de réac­tion prompte et ferme dans le chef des diri­geants du par­ti, font perdre des plumes au FDF. Il fau­dra des années d’efforts pour qu’une nou­velle géné­ra­tion, incar­née notam­ment par Didier Gosuin et par Ber­nard Cler­fayt, par­vienne à effa­cer l’image d’une for­ma­tion tolé­rant dans ses rangs des per­son­na­li­tés oppo­sées à la diver­si­té ethnique.

L’électorat se diversifie

L’adoption du Code de la natio­na­li­té, en 1984, puis son assou­plis­se­ment, en 2000, incitent de nom­breux citoyens d’origine étran­gère à deve­nir Belges. Ain­si se forme un nou­vel élec­to­rat poten­tiel, concen­tré sur­tout dans les com­munes popu­laires proches du cœur de l’agglomération comme Ander­lecht, Bruxelles-ville, Molen­beek-Saint-Jean, Saint-Gilles, Saint-Josse-Ten-Noode et Schaer­beek. Au début des années 1990, les par­tis com­mencent à s’y inté­res­ser de plus près.

Après avoir tour­né la page du « nol­sisme », et alors qu’il par­ti­cipe à l’exécutif régio­nal bruxel­lois dès la créa­tion de ce der­nier en 1989, le FDF se montre vigi­lant pour évi­ter tout déra­page raciste. Il en est ain­si lorsqu’en avril 1991, le pré­sident de sa sec­tion fores­toise annonce la dif­fu­sion d’un tract au « ton très agres­sif sur le plan fran­co­phone et sur l’immigration ». Aus­si­tôt, le bureau per­ma­nent du par­ti charge le pré­sident, Georges Cler­fayt, de relire et, le cas échéant, d’amender ce docu­ment, dont l’auteur se fait rap­pe­ler à l’ordre par Didier Gosuin : il n’est pas ques­tion de « confondre fer­me­té et intolérance ».

En juin 1992, la for­ma­tion ama­rante orga­nise une réunion avec des citoyens issus de l’immigration ins­tal­lés dans les com­munes bruxel­loises. Elle envi­sage d’intégrer cer­tains d’entre eux à ses sec­tions locales, sans que ces der­nières se voient impo­ser d’en haut quelque mesure que ce soit : « Il n’est pas ques­tion d’imposer », pré­cise G. Cler­fayt, mais de faire en sorte que des Belges de souche et d’origine immi­grée « apprennent à se connaitre et à tra­vailler ensemble2 ».

Le 14 sep­tembre 1993, sous la hou­lette de son ancienne pré­si­dente Antoi­nette Spaak, le FDF annonce sa par­ti­ci­pa­tion à une Fédé­ra­tion avec les libé­raux du PRL, ulté­rieu­re­ment éten­due au Mou­ve­ment des citoyens pour le chan­ge­ment (MCC). Au plan local, il conserve, cepen­dant, sa pleine auto­no­mie. La Fédé­ra­tion se mue­ra en Mou­ve­ment réfor­ma­teur, le 24 mars 2002.

Une ouverture marquante, mais limitée

Dans les quar­tiers à forte concen­tra­tion d’habitants d’origine extra-euro­péenne, les par­tis lancent des cam­pagnes visant spé­ci­fi­que­ment cette popu­la­tion, en vue du scru­tin com­mu­nal du 9 octobre 1994. Le FDF n’est pas en reste. Dans les dix-neuf com­munes, il pré­sente dix can­di­dats d’ascendance extra-euro­péenne, contre vingt-huit pour Éco­lo, qua­torze pour le PS, treize pour le PSC et aucun pour le PRL. Tous par­tis confon­dus, de tels can­di­dats sont élus au nombre de qua­torze, dont six pour Éco­lo et six pour le PS. Deux conseillers com­mu­naux d’origine maro­caine portent les cou­leurs de la for­ma­tion ama­rante : Abdel­la­tif Mgha­ri à Koe­kel­berg, que son chef de groupe pré­sente comme un « anti­dote au Front natio­nal », et Kha­lil Zeguen­di, trans­fuge du PS, à Schaer­beek. Cette double élec­tion est jugée « plus sur­pre­nante » que celle de tels can­di­dats sur des listes éco­lo­gistes ou socia­listes par Mar­co Mar­ti­niel­lo, spé­cia­liste des ques­tions migra­toires de l’université de Liège. Ce der­nier s’en explique en ces termes : « En effet, le FDF, prin­ci­pa­le­ment axé sur la défense des droits des fran­co­phones à Bruxelles et en péri­phé­rie, a une assise socio­lo­gique rela­ti­ve­ment bour­geoise. Au cours de son his­toire, ce par­ti a le plus sou­vent opté pour des posi­tions rela­ti­ve­ment strictes en matière d’intégration et d’immigration. Sta­tis­ti­que­ment, il est clair que le FDF a, comme les autres par­tis, inté­rêt à ten­ter de cap­ter le nou­vel élec­to­rat d’origine étran­gère3 ». Pré­ci­sons que K. Zeguen­di sera exclu du par­ti en sep­tembre 1997 pour « déloyau­té », après avoir ten­té de pas­ser secrè­te­ment au PRL, pour­tant allié au FDF.

La Fédé­ra­tion PRL-FDF ne fait élire aucun dépu­té d’origine extra-euro­péenne lors du scru­tin pour le Conseil régio­nal bruxel­lois du 21 mai 1995. Elle en obtient deux, dont une repré­sen­tante du FDF, à la suite des élec­tions du 13 juin 1999 : d’origine maro­caine, diplô­mée du Conser­va­toire royal de Bruxelles et comp­table de for­ma­tion, Ami­na Der­ba­ki Sbaï siège, en effet, au Par­le­ment de la Région de Bruxelles-Capi­tale et au Par­le­ment de la Com­mu­nau­té fran­çaise. Elle s’investit dans Fran­co­phones sans fron­tières, l’association de citoyens d’origine étran­gère dési­reux de par­ta­ger l’engagement poli­tique du FDF. En cours de man­dat, elle devient vice-pré­si­dente du Réseau des femmes de l’Assemblée par­le­men­taire de la fran­co­pho­nie (2001) et séna­trice de com­mu­nau­té (12 mars 2003). En vue des élec­tions régio­nales du 13 juin 2004, elle est clas­sée en soixante-sixième posi­tion sur la liste du MR, alors qu’une autre can­di­date d’origine magh­ré­bine figure au hui­tième rang. Insa­tis­faite, elle passe au Par­ti socia­liste en novembre 2003.

Des élus d’origine extra-européenne plus nombreux et plus importants

Les élec­tions com­mu­nales du 8 octobre 2000 sont mar­quées par l’entrée en nombre, dans les assem­blées locales, de can­di­dats issus de l’immigration extra-euro­péenne : tous par­tis confon­dus, on en compte nonante-deux sur les six-cent-cin­quante-trois conseillers de l’agglomération. Avec treize élus de ce type, la Fédé­ra­tion PRL-FDF-MCC fait assez pâle figure face au PS (trente-neuf man­da­taires locaux d’ascendance non euro­péenne) et à Éco­lo (trente-trois). Encore faut-il pré­ci­ser que sept de ces treize conseillers sont affi­liés au FDF, alors que le par­ti ama­rante four­ni­rait, selon cer­taines esti­ma­tions, envi­ron un tiers de ses élec­teurs à la Fédé­ra­tion. Quatre d’entre eux sont d’origine maro­caine : outre Ami­na Der­ba­ki Sbaï (Bruxelles), il s’agit de M’hammed Bouh­ma­di (Ander­lecht), atta­ché cultu­rel et res­pon­sable de l’antenne locale d’Infor-Jeunes, de Yous­sef El About­ti (Ander­lecht), édu­ca­teur de rue et arbitre de foot­ball, ain­si que de Saïd Benal­lel (Schaer­beek), édu­ca­teur de rue et vice-pré­sident de la sec­tion locale du FDF. Le par­ti ama­rante compte aus­si deux élus d’origine turque : Saït Köse (Schaer­beek), com­mer­çant et admi­nis­tra­teur de socié­tés, qui devien­dra éche­vin des Sports, de la Jeu­nesse et des Finances, et Halis Kök­ten (Saint-Josse-Ten-Noode), pro­fes­seur de reli­gion isla­mique, membre de l’assemblée géné­rale des Musul­mans de Bel­gique et pré­sident de l’asbl Petite Ana­to­lie. Quant à Gisèle Man­dai­la Malam­ba, d’origine congo­laise, elle accède au conseil com­mu­nal d’Etterbeek alors qu’elle est tou­jours étu­diante. Elle est enga­gée dans les asso­cia­tions cultu­relles et sociales de sa com­mu­nau­té, notam­ment dans le sou­tien aux han­di­ca­pés. Ajou­tons qu’à Koe­kel­berg, Abdel­la­tif Mgha­ri, infor­ma­ti­cien et change mana­ger à la Banque de la Poste, troi­sième can­di­dat effec­tif et pre­mier sup­pléant, est éga­le­ment ame­né à deve­nir conseiller com­mu­nal, deux autres élus de sa liste étant mari et femme et ne pou­vant, de ce fait, sié­ger en même temps. In fine, les man­da­taires locaux du FDF d’origine extra-euro­péenne sont donc au nombre de huit.

Lors des élec­tions régio­nales bruxel­loises du 13 juin 2004, une can­di­date FDF d’origine maro­co-algé­rienne, Souad Raz­zouk, est élue sur la liste du MR. Assis­tante sociale de for­ma­tion, l’intéressée est atta­chée au cabi­net du secré­taire d’État régio­nal Didier Gosuin. En cours de man­dat, elle passe dans les rangs du Par­ti socia­liste en février 2007, avant de rejoindre le CDH, trois ans plus tard. Élue dépu­tée régio­nale sous les cou­leurs du PS, Ami­na Der­ba­ki Sbaï annonce sa réin­té­gra­tion au FDF en avril 2008.

Le gou­ver­ne­ment Verhof­stadt II est rema­nié à la suite de ce scru­tin régio­nal, qui voit le MR, et donc le FDF, exclus du gou­ver­ne­ment régio­nal bruxel­lois, après quinze ans de pré­sence inin­ter­rom­pue du par­ti ama­rante à ce niveau de pou­voir. Du 20 juillet 2004 au 21 décembre 2007, Gisèle Man­dai­la Malam­ba est secré­taire d’État aux Familles et aux Per­sonnes han­di­ca­pées, adjointe au ministre des Affaires sociales et de la San­té publique (por­te­feuille déte­nu suc­ces­si­ve­ment par Rudy Demotte, puis par Didier Don­fut, tous deux PS). Diplô­mée en mar­ke­ting, licen­ciée en sciences du tra­vail et conseillère com­mu­nale à Etter­beek, elle est aus­si vice-pré­si­dente de sa sec­tion locale, depuis 2003, et des Jeunes FDF, depuis 2004. En Bel­gique, elle est la pre­mière per­son­na­li­té ori­gi­naire d’Afrique sub­sa­ha­rienne à exer­cer des res­pon­sa­bi­li­tés gouvernementales.

La commune, base de l’implantation électorale

La pré­pa­ra­tion des élec­tions com­mu­nales du 8 octobre 2006 donne lieu à deux prises de posi­tion signi­fi­ca­tives. D’une part, le pré­sident du FDF, Oli­vier Main­gain, inter­pelle ses alliés du MR-LB (libé­raux bruxel­lois), le 20 juin 2005. Il les prie de « se mettre au dia­pa­son de la réa­li­té socio­lo­gique de Bruxelles » et d’accomplir le « pas déci­sif de s’ouvrir à toutes les popu­la­tions éta­blies dans l’agglomération ». Il se montre inci­sif : « Quand je vois une liste où le pre­mier can­di­dat d’origine étran­gère figure en trei­zième place et que l’on demande en sus au FDF de four­nir ce can­di­dat, je dis : ce n’est pas sérieux. » La réti­cence des libé­raux bruxel­lois à ali­gner en ordre utile des can­di­dats issus de l’immigration sera une source per­ma­nente de ten­sion avec le FDF, jusqu’à la sor­tie de ce der­nier du MR, actée le 25 sep­tembre 2011. D’autre part, la for­ma­tion ama­rante n’accepte pas les can­di­da­tures de mili­tants d’ascendance turque qui adoptent ouver­te­ment des posi­tions néga­tion­nistes sur la ques­tion du géno­cide armé­nien. Derya Bul­duk (FDF), clas­sée deuxième sur la liste du MR de Saint-Josse-Ten-Noode, l’apprend à ses dépens. Le secré­taire géné­ral du par­ti, Éric Libert, et le dépu­té régio­nal Fran­çois Roe­lants du Vivier s’opposent à sa pré­sence, pro­vo­quant son retrait.

À l’issue du scru­tin com­mu­nal du 8 octobre 2006, le FDF compte dix conseillers com­mu­naux issus de l’immigration extra-euro­péenne. Trois d’entre eux sont réélus : Gisèle Man­dai­la Malam­ba à Etter­beek, Abdel­la­tif Mgha­ri à Koe­kel­berg et Sait Köse à Schaer­beek. Pré­sident de l’association de com­mer­çants Petite Ana­to­lie, ce der­nier reste éche­vin, en charge cette fois des Sports, de la Jeu­nesse et de la Popu­la­tion. Trois des sept nou­veaux venus sont ori­gi­naires du Maroc : il s’agit de Mos­ta­fa Ben­ta­ha (Forest), patron de res­tau­rant et trans­fuge du PS, de Lar­bi Kad­dour (Schaer­beek), employé et pré­sident de la mos­quée Kobaa, ain­si que de Moha­med Reghif (Schaer­beek), res­pon­sable de pro­jets et entrai­neur de foot­ball. Exer­çant la pro­fes­sion de cour­tier en cré­dits, Filiz Güles, d’ascendance kur­do-turque, siège éga­le­ment sur les bancs de l’hôtel com­mu­nal de Schaer­beek. Tou­jours en 2006, le FDF fait élire deux femmes d’origine congo­laise : Joëlle M’Beka Mbum­ba (Water­mael-Boits­fort), fonc­tion­naire, et Marie-Paule Tshombe (Woluwe-Saint-Lam­bert), petite-fille de Moïse Tshombe, ancien Pre­mier ministre congo­lais, vice-pré­si­dente de sa sec­tion locale, secré­taire de direc­tion à la Com­mis­sion de la Culture, de l’Audiovisuel, de l’Aide à la presse et du Ciné­ma de la Com­mu­nau­té fran­çaise, active dans l’aide huma­ni­taire et la pro­mo­tion de la mixi­té cultu­relle. Enfin, à Ixelles, le FDF compte par­mi ses conseillers com­mu­naux Solange Pitroi­pa, experte-comp­table ori­gi­naire du Bur­ki­na Faso. Celle-ci est enga­gée dans des asso­cia­tions de défense et de pro­mo­tion de la langue fran­çaise, dont l’Alliance fran­co­phone. Elle pas­se­ra dans les rangs libé­raux à la fin octobre 2011, peu après la rup­ture entre le FDF et le MR.

Réa­li­sée à l’occasion des élec­tions de 2006, une enquête « sor­tie des urnes4 » livre des infor­ma­tions inté­res­santes pour le cas de Schaer­beek. La liste du bourg­mestre, menée par Ber­nard Cler­fayt, vient net­te­ment en tête (47,5 % des suf­frages) chez les Bel­go-Turcs et talonne celle du PS chez les Bel­go-Maro­cains (35,6 % des voix). Ces scores s’expliquent. Tout d’abord, à la dif­fé­rence de cer­tains libé­raux bruxel­lois, les can­di­dats de cette liste s’abstiennent de tenir un dis­cours laïque raide sur le port du voile ou sur l’introduction de la viande halal dans les can­tines sco­laires. Ensuite, ils comptent en leur sein plu­sieurs chefs d’entreprise d’origine turque, qui dis­posent d’un capi­tal social et sym­bo­lique fort à l’intérieur de leur com­mu­nau­té. Enfin, l’exercice du pou­voir contri­bue à l’attractivité de la for­ma­tion qui y par­ti­cipe : la com­mune dis­pose, en effet, « de com­pé­tences et de moyens dans l’attribution d’emplois muni­ci­paux, de loge­ments sociaux et d’aide sociale locale », estiment les auteurs de cette étude.

Lors du scru­tin régio­nal du 7 juin 2009, deux dépu­tées d’origine afri­caine, issues des rangs du FDF, sont élues sur la liste du MR : outre Gisèle Man­dai­la Malam­ba, il s’agit de Fatou­ma­ta (dite Fathy) Sidi­bé, licen­ciée en com­mu­ni­ca­tion, jour­na­liste, roman­cière et artiste peintre d’origine malienne. L’intéressée est une mili­tante fémi­niste et laïque. Cofon­da­trice (2005) et pre­mière pré­si­dente (2006 – 2009) du comi­té belge Ni putes, ni sou­mises, elle est éga­le­ment fon­da­trice du Réseau pour la pro­mo­tion d’un État laïque (Rap­pel), admi­nis­tra­trice des Femmes FDF et du Conseil des femmes francophones.

Le 15 juin 2010, en pré­vi­sion des élec­tions com­mu­nales d’octobre 2012, O. Main­gain annonce une ini­tia­tive de sa part, en vue d’attirer au Mou­ve­ment réfor­ma­teur plus « de can­di­dats d’origine étran­gère qui dis­posent d’une bonne visi­bi­li­té et d’une bonne implan­ta­tion5 ». Après sa rup­ture avec le MR en sep­tembre 2011, le par­ti ama­rante ren­force, en tout cas, son rayon­ne­ment dans les com­mu­nau­tés de la capi­tale issues de l’immigration. Le 14 octobre 2012, il obtient sept élus d’ascendance extra-euro­péenne dans l’agglomération. En fait, tous ces man­da­taires béné­fi­cient d’une réélec­tion : Ami­na Der­ba­ki Sbaï à Bruxelles, Gisèle Man­dai­la Malam­ba à Etter­beek, Abdel­la­tif Mgha­ri à Koe­kel­berg, Filiz Güles, Moha­med Reghif et Sait Köse à Schaer­beek et Marie-Paule Tshombe à Woluwe-Saint-Lam­bert. A. Mgha­ri devient éche­vin du Loge­ment, du Patri­moine com­mu­nal, de l’Informatique, de l’Économat et de la Soli­da­ri­té. S. Köse est à nou­veau éche­vin, cette fois de l’Enfance, de la Jeu­nesse et des Sports.

Conclusion

Dans l’agglomération bruxel­loise, le FDF a été le pre­mier par­ti à faire sié­ger un conseiller com­mu­nal d’origine extra-euro­péenne. Mal­gré les dérives xéno­phobes de cer­tains de ses man­da­taires au début des années 1980, cette for­ma­tion a contri­bué à assu­rer une repré­sen­ta­tion poli­tique aux popu­la­tions issues de l’immigration éta­blies dans la Région bruxel­loise. Le FDF s’est, certes, mon­tré moins auda­cieux en la matière que le PS et Éco­lo. Par sa pra­tique, il a néan­moins favo­ri­sé l’intégration à la vie publique belge de citoyens pro­ve­nant d’autres hori­zons. Il a per­mis une repré­sen­ta­tion plus équi­li­brée des dif­fé­rentes couches de la popu­la­tion de la capi­tale et, par ce biais, la prise en compte par les déci­deurs des pro­blèmes aigus vécus dans des quar­tiers défa­vo­ri­sés. Enfin, il a aus­si pro­mu un cer­tain renou­vè­le­ment du per­son­nel poli­tique, au niveau com­mu­nal, au Par­le­ment régio­nal et au sein du gou­ver­ne­ment fédéral.

  1. « Abed Attar nous a quit­tés », www.ulb.ac.be/intralettre/docs/2005.
  2. Archives du FDF, pro­cès-ver­baux du bureau exé­cu­tif, 29 juin 1992.
  3. M. Mar­ti­niel­lo, « Les élus d’origine étran­gère à Bruxelles : une nou­velle étape de la par­ti­ci­pa­tion poli­tique des popu­la­tions d’origine immi­grée », Revue euro­péenne des migra­tions inter­na­tio­nales, vol. 14, 1998, p. 138.
  4. A. Rea, D. Jacobs, C. Teney, P. Del­wit, « Les com­por­te­ments élec­to­raux des mino­ri­tés eth­niques à Bruxelles », Revue fran­çaise de science poli­tique, vol. 60, 2010, n° 4, p. 691 – 717.
  5. La Der­nière Heure en ligne, 15 juin 2010.

Paul Wynants


Auteur

Paul Wynants est docteur en histoire, professeur ordinaire à l’Université de Namur et administrateur du Crisp – paul.wynants@unamur.be