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Bolsonaro et l’héritage homophobe de la dictature brésilienne

Numéro 7 – 2018 - Bolsonaro Brésil élections extrême droite homophobie par Renaud Maes

novembre 2018

Nous avons appris dans la nuit du 17 mars 2019 la dis­pa­ri­tion inquié­tante de João, le mili­tant LGBT bré­si­lien qui avait témoi­gné dans le cadre de cet article. La Revue Nou­velle se mobi­lise pour sou­te­nir les militant.e.s fémi­nistes, LGBT et anti­ra­cistes ain­si que tou.te.s les intellectuel.le.s menacé.e.s par le régime bré­si­lien, lequel s’af­firme chaque jour […]

Le Mois

Nous avons appris dans la nuit du 17 mars 2019 la dis­pa­ri­tion inquié­tante de João, le mili­tant LGBT bré­si­lien qui avait témoi­gné dans le cadre de cet article.
La Revue Nou­velle se mobi­lise pour sou­te­nir les militant.e.s fémi­nistes, LGBT et anti­ra­cistes ain­si que tou.te.s les intellectuel.le.s menacé.e.s par le régime bré­si­lien, lequel s’af­firme chaque jour un peu plus comme une dic­ta­ture mili­taire aux orien­ta­tions néofascistes.
En tant que revue intel­lec­tuelle, notre pre­mier axe d’ac­tion est de faire connaître les exac­tions du régime et de suivre de près la situa­tion pour infor­mer au mieux voire mobi­li­ser nos lec­trices et lec­teurs, rai­son pour laquelle nous avons libé­ré l’ac­cès à cet article.
Pour suivre nos actions sur la situa­tion bré­si­lienne, sui­vez notre page Face­book.

Le Bré­sil ren­voie à tout un ima­gi­naire de fêtes, de car­na­vals, de plages de sable fin, de liesse dans les stades de foot­ball et de corps par­faits façon­nés par la chi­rur­gie esthé­tique. En tant que tel, il res­semble à une sorte de « para­dis pour les fêtards, les esthètes, ceux qui veulent vivre la liber­té, toute la liber­té. Choi­sir son sexe, mon­trer ses fesses, se dro­guer et bai­ser »1. La mon­tée en puis­sance du can­di­dat d’extrême droite aux élec­tions pré­si­den­tielles, Jair Bol­so­na­ro, défen­seur d’un retour à l’ordre moral, miso­gyne, raciste et homo­phobe, est d’autant plus incom­pré­hen­sible pour nombre de com­men­ta­teurs étran­gers. Bol­so­na­ro s’inscrit pour­tant et expli­ci­te­ment dans une filia­tion avec la dic­ta­ture mili­taire (1964 – 1985), qui fai­sait des ques­tions de morale un axe fort de sa pro­pa­gande. S’il est évident que le contexte socioé­co­no­mique et la crise des gauches bré­si­liennes sont des fac­teurs déter­mi­nants de son suc­cès2, on ne peut com­prendre sa popu­la­ri­té et l’impact de ses « petites phrases » en fai­sant abs­trac­tion d’une lourde tra­di­tion de cor­se­tage des sexua­li­tés à l’opposé de l’imaginaire touristique.

« O ris­co é cla­ro… a morte », « Le risque est clair, c’est la mort », m’assure d’une voix rauque João, mili­tant LGBT de Rio de Janei­ro. À Rio, chaque mani­fes­ta­tion contre Bol­so­na­ro et sa poli­tique finit en échauf­fou­rées avec des milices, par­fois aidées par la police. « La der­nière fois, ils sont venus sur nous avec des cou­teaux. Les poli­ciers étaient à côté, ils ont regar­dé, ils les ont même encou­ra­gés en nous trai­tant de fiotte (vea­do), de petites putes (bichin­ha)…». Depuis l’annonce des résul­tats du pre­mier tour du 7 octobre qui ont vu cou­ron­ner Bol­so­na­ro comme favo­ri pour le second tour, avec pas moins de 46% des suf­frages, les vio­lences à l’égard des homo­sexuels se sont mul­ti­pliées. À Curi­ti­ba, un coif­feur gay s’est fait battre à mort par plu­sieurs assaillants mas­qués. De nom­breux témoi­gnages affluent, des menaces pro­fé­rées à l’égard d’homosexuels, des pas­sages à tabac, des har­cè­le­ments en ligne.

La recru­des­cence des vio­lences poli­tiques au Bré­sil est deve­nue évi­dente le 14 mars, avec l’assassinat de Marielle Fran­co, conseillère muni­ci­pale de Rio. Fémi­niste, mili­tante des droits humains et des LGBTQI+, très impli­quée dans la lutte contre le racisme, cette élue du Par­ti socia­lisme et liber­té (PSOL) était extrê­me­ment recon­nue tant dans les quar­tiers popu­laires (favé­las) dont elle était issue que dans les milieux intel­lec­tuels. Les pre­miers élé­ments de l’enquête indiquent que son assas­si­nat fait suite aux pro­pos qu’elle a tenus et à la publi­ca­tion d’une tri­bune où elle cri­ti­quait les agis­se­ments de la police mili­taire dans les favé­las3. Cet assas­si­nat a par ailleurs inquié­té le Haut-com­mis­sa­riat aux droits de l’homme des Nations unies, qui a dépê­ché un groupe d’experts sur place. Leurs conclu­sions sont impla­cables : « cet assas­si­nat est alar­mant car il vise à inti­mi­der tous les défen­seurs des droits humains et de l’État de droit au Bré­sil »4.

Le 3 octobre, Rodri­go Amo­rim, can­di­dat du par­ti de Jair Bol­so­na­ro, a détruit lors d’un ras­sem­ble­ment la plaque com­mé­mo­ra­tive de Marielle Fran­co. Vêtu d’un T‑shirt à l’effigie de Bol­so­na­ro, il a lan­cé à une foule gal­va­ni­sée « Toute cette merde, c’est fini. Et main­te­nant c’est Bol­so­na­ro », tout en décro­chant puis en cas­sant d’un coup sec du genou la plaque en deux. La pho­to­gra­phie, qu’il a ensuite par­ta­gée sur les réseaux sociaux, le repré­sen­tant sou­riant, bran­dis­sant les deux mor­ceaux et arbo­rant tou­jours son T‑shirt est deve­nue virale. Amo­rim a été élu dépu­té de l’État de Rio avec quelque 140.000 voix le 7 octobre, réus­sis­sant le meilleur score per­son­nel. Sous la pho­to­gra­phie, des mil­liers de com­men­taires homo­phobes, appe­lant à « tuer les gouines », « cas­ser les fiottes », etc.

Bien plus lar­ge­ment, les sup­por­teurs de Bol­so­na­ro, les bol­so­na­ris­tas, sont cou­tu­miers de la publi­ca­tion de vidéos homo­phobes sur You­tube. L’une d’entre elles repré­sente une équipe de sup­por­teurs de foot­ball chan­tant un hymne dont le refrain prin­ci­pal est « Bol­so­na­ro va tuer les homos ».

« Les autres sont violents »

Bol­so­na­ro se défend cepen­dant de toute homo­pho­bie dans ses inter­ven­tions publiques enre­gis­trées. Reve­nant sur son inter­view dans Play­Boy en 2011 où il avait affir­mé qu’il ne pour­rait pas « aimer un fils gay » et qu’il pré­fè­re­rait que son fils « meure dans un acci­dent plu­tôt que de le voir avec un mous­ta­chu », il insiste sur la faible qua­li­té de la retrans­crip­tion, sug­gère que le jour­na­liste vou­lait lui nuire ou encore affirme avoir chan­gé d’avis depuis. Cepen­dant, le 9 octobre, som­mé par des jour­na­listes de s’expliquer sur les vio­lences com­mises par ses sup­por­teurs notam­ment vis-à-vis des jour­na­listes, des mili­tants de gauche et des LGBT, il n’a pas hési­té à indi­quer : « Un gars avec mon T‑shirt va trop loin ? Mais qu’est-ce que cela a à voir avec moi ? » Rap­pe­lant la ten­ta­tive d’assassinat du 6 sep­tembre dont il était la cible, il a ensuite pré­ci­sé : « la vio­lence n’est pas chez moi, elle est dans l’autre camp ».

Tou­te­fois, Bol­so­na­ro n’a pas man­qué, tout au long de sa cam­pagne, d’afficher une vio­lence ver­bale assu­mée. L’un de ses slo­gans était « je ne suis pas un can­di­dat peace and love », qui résu­mait en une phrase sa détes­ta­tion pour les dis­cours paci­fistes et anti­mi­li­ta­ristes, mais réaf­fir­mait aus­si sa volon­té d’user de la force pour par­ve­nir à ses fins. Plus encore, Bol­so­na­ro joue très lar­ge­ment sur deux registres : lorsqu’il se sait enre­gis­tré, il offre un dis­cours bien plus poli­cé. Plu­sieurs de ses ras­sem­ble­ments dans des stades de foot­ball ont fait l’objet d’interdiction de fil­mer ou d’enregistrer. À ces occa­sions, il a tenu des pro­pos bien plus préoccupants.

Le 18 février 2018, lors d’un ras­sem­ble­ment à Sal­va­dor do Bahia, la qua­trième plus grande ville du pays, des mili­tants du Gru­po Gay do Bahia, l’une des plus anciennes asso­cia­tions de défense des LGBT bré­si­liennes et l’une des plus connues dans le pays, s’affichent avec des pan­cartes arbo­rant le hash­tag #eleñao, #pas­lui, deve­nu le mot de ral­lie­ment de l’ensemble des oppo­sants au can­di­dat d’extrême droite. Les mili­tants se sont immé­dia­te­ment fait arrê­ter par la police mili­taire et confis­quer leurs télé­phones por­tables. Mais piqué au vif, Bol­so­na­ro leur aurait répon­du depuis la tri­bune, après avoir deman­dé à l’assistance de ne pas enre­gis­trer : « Les homo­sexuels, ces cafards qui rongent la socié­té de l’intérieur, détruisent les familles, pro­pagent la cor­rup­tion des mœurs et des âmes, n’ont pas de place dans une nation saine ». Il aurait ajou­té, quelques minutes plus tard : « Emi­lio Gar­ras­ta­zu Médi­ci c’était un homme qui savait qu’il fal­lait pur­ger la socié­té de cette cor­rup­tion homo­sexuelle, il avait com­pris cela. Mais il était trop bru­tal, trop direct. Il faut éli­mi­ner la cor­rup­tion morale par une com­bi­nai­son équi­li­brée d’éducation et de sanc­tions5. »

Bol­so­na­ro ne cache pas son admi­ra­tion pour la junte mili­taire et en par­ti­cu­lier le maré­chal Emi­lio Gar­ras­ta­zu Médi­ci, qui prit la tête de la dic­ta­ture mili­taire entre 1969 et 1974. Son règne fut une période par­ti­cu­liè­re­ment vio­lente, mar­quée par des rafles de civils, les dis­pa­ri­tions et les exé­cu­tions des lea­deurs des mou­ve­ments sociaux (notam­ment des étu­diants, mais aus­si des prêtres et même des par­le­men­taires du seul par­ti d’opposition), etc. Un ensemble de docu­ments prou­vant l’usage sys­té­ma­tique de la tor­ture a été ren­du public en 1980 par l’archidiocèse de São Pau­lo dans un rap­port inti­tu­lé « Bra­zil : Nun­ca Mais » (Bré­sil, plus jamais ça). Ces archives per­mettent de consta­ter qu’alors même que Médi­ci affir­mait publi­que­ment « réprou­ver l’usage de la tor­ture » et s’inquiétait de « l’existence de milices qui agissent à la place de l’État »6, il était en réa­li­té l’instigateur des cam­pagnes de vio­lence, dont la coor­di­na­tion était certes délé­guée à l’armée et sa police, mais il rece­vait des rap­ports régu­liers, incluant des décomptes d’arrestations, d’interrogatoires et de décès7. Médi­ci sym­bo­lise l’aboutissement de la tran­si­tion d’une logique de « coup » (golpe) rapide défen­due par Hum­ber­to Cas­te­lo Bran­co, pre­mier diri­geant mili­taire de la dic­ta­ture vers une logique de « purge permanente ».

Pour­tant, Bol­so­na­ro n’hésite pas à s’y réfé­rer car Médi­ci a au moins deux carac­té­ris­tiques dont Bol­so­na­ro s’inspire : sa capa­ci­té à se rendre popu­laire, notam­ment en s’appuyant sur l’exhibition de ses embras­sades avec des joueurs de foot­ball, alors qu’il était peu connu du public avant son arri­vée au pou­voir8, et sa défense d’un « État au-des­sus du peuple », c’est-à-dire géré par des tech­no­crates, sup­po­sé ame­ner un dyna­misme éco­no­mique9.

Médi­ci est en effet res­pon­sable de ce que d’aucuns ont nom­mé le « miracle éco­no­mique bré­si­lien ». Durant les cinq années de son admi­nis­tra­tion, la crois­sance annuelle moyenne avoi­si­na les 10%, des pro­jets pha­rao­niques furent lan­cés (les auto­routes trans­ama­zo­niennes et le bar­rage d’Itaipú sont les plus connus), contri­buant à amé­lio­rer le taux d’emploi, bien que les inéga­li­tés se soient signi­fi­ca­ti­ve­ment aggra­vées et qu’en pra­tique, la majo­ri­té de la popu­la­tion ait connu une perte vio­lente de « pou­voir d’achat » liée aux obli­ga­tions impo­sées par le FMI pour limi­ter l’inflation10. Une grande par­tie de ce « miracle » repo­sait en effet sur des emprunts mas­sifs auprès du FMI et d’autres orga­nismes inter­na­tio­naux, ain­si que sur l’ouverture du Bré­sil aux inves­tis­se­ments étran­gers et à la spé­cu­la­tion la plus féroce. Le choc pétro­lier fit écla­ter les bulles spé­cu­la­tives en 1974 et la crois­sance du pays décli­na rapi­de­ment pour deve­nir néga­tive dès le der­nier tri­mestre de la même année. Mais Médi­ci se reti­ra juste avant le désastre, si bien qu’il garde aujourd’hui une cer­taine popu­la­ri­té, notam­ment dans les milieux d’affaires.

La déviance et les communistes

Entre le régime de Médi­ci et le pro­gramme de Bol­so­na­ro, il y a un lien évident dès lors que l’on consi­dère la ques­tion de la sexua­li­té. Lorsque Médi­ci est arri­vé au pou­voir, il a rapi­de­ment inten­si­fié le dis­cours sur la néces­saire puri­fi­ca­tion de la socié­té pour évi­ter sa dis­so­lu­tion (dis­so­lu­ção). Ce dis­cours était lar­ge­ment pro­duit par les théo­ri­ciens de l’Escola Super­ior de Guer­ra, think tank et lieu de for­ma­tion des élites du régime, créé dans le but expli­cite de construire et de pro­pa­ger la ligne idéo­lo­gique de la dic­ta­ture11.

L’idée mai­tresse de ce dis­cours était de poin­ter que les com­mu­nistes uti­li­saient la sexua­li­té comme arme de guerre, que la « cor­rup­tion des mœurs » augu­rait de la « cor­rup­tion poli­tique ». En sub­ver­tis­sant « l’ordre moral natu­rel », l’évolution des mœurs augu­rait du déli­te­ment de la socié­té per­met­tant aux « enne­mis com­mu­nistes » de pré­pa­rer leur révo­lu­tion. Paral­lè­le­ment, les jeunes bré­si­liens étaient sys­té­ma­ti­que­ment consi­dé­rés comme des enfants inno­cents, un peu irra­tion­nels, qu’il fal­lait à tout prix pro­té­ger de la séduc­tion et de la ten­ta­tion tout en les édu­quant avec rigueur pour for­ger leurs valeurs morales. Il en était par ailleurs de même pour les femmes, ris­quant à tout moment de se lais­ser séduire par les forces de la sub­ver­sion12. Évi­dem­ment, le niveau socioé­co­no­mique jouait éga­le­ment un rôle, la méfiance devant être plus grande vis-à-vis des pauvres. Une note des ser­vices de ren­sei­gne­ment pro­duite aux alen­tours de 1975 résume par­fai­te­ment la logique du régime : « Le bas niveau socioé­co­no­mique (et d’autres motifs) par­achève un cercle vicieux de pros­ti­tu­tion, de vice, d’une pra­tique sexuelle libre qui, fata­le­ment, conduit à l’indifférence, ouvrant la voie à la sub­ver­sion »13.

Il faut noter qu’en 1964, des franges impor­tantes de la popu­la­tion bré­si­lienne avaient sou­te­nu la « révo­lu­tion » de Cas­te­lo Bran­co et la dépos­ses­sion du pré­sident João Gou­lart car il était notam­ment accu­sé d’avoir insul­té l’Église et la reli­gion catho­lique14 et de pré­pa­rer une révo­lu­tion com­mu­niste. Le lien entre « valeurs morales » et « risque com­mu­niste » était abso­lu­ment expli­cite dans ces mou­ve­ments qui ame­nèrent l’armée à se sen­tir auto­ri­sée à agir.

Peu après les révoltes d’étudiants et d’artistes de 1968, qui virent plu­sieurs cen­taines de mil­liers de per­sonnes défi­ler contre la dic­ta­ture mili­taire, la cen­sure des médias fut très lar­ge­ment inten­si­fiée, à la suite du pas­sage de « l’Acte ins­ti­tu­tion­nel n° 5 » (AI‑5) qui accor­dait notam­ment au pré­sident de la Répu­blique dési­gné par la junte la pos­si­bi­li­té de sus­pendre, « sans les limi­ta­tions pré­vues par la Consti­tu­tion », les droits poli­tiques et civils (article 4) de n’importe quel citoyen, dont la liber­té d’opinion (article 5, c), et sus­pen­dait l’habeas cor­pus dans le cas de crimes « contre la sécu­ri­té natio­nale, l’ordre social et éco­no­mique, et l’économie du peuple » (art 10). Concrè­te­ment, la Divi­sion de cen­sure des diver­tis­se­ments publics, qui exis­tait depuis les années 1940 au sein du minis­tère de la Jus­tice, reçut comme mis­sion d’exercer un contrôle inten­sif, en ce com­pris poli­tique, de l’ensemble des pro­duc­tions artis­tiques, cultu­relles et média­tiques. On trouve dans les archives de ce ser­vice de nom­breuses lettres adres­sées par des asso­cia­tions de femmes à la « chère Cen­sure » pour s’inquiéter de la « pol­lu­tion du sexe », de « l’anarchie sexuelle » des émis­sions de télé­vi­sion et des pro­duc­tions théâ­trales, et le risque de « conta­mi­na­tion de la jeu­nesse »15, sin­gu­liè­re­ment entre 1969 et 1974. Là encore, le lien semble évident : la libé­ra­tion sexuelle amène à la des­truc­tion de la socié­té et à la pos­si­bi­li­té pour les enne­mis (de l’intérieur et de l’extérieur) d’arriver à leurs fins.

De nom­breux uni­ver­si­taires jouèrent un rôle cru­cial pour don­ner un ver­nis scien­ti­fique à ces théo­ries. Repre­nant les antiennes des grands eugé­nistes bré­si­liens du début du XXe siècle16, plu­sieurs psy­chiatres publièrent des tra­vaux et don­nèrent nombre de confé­rences sur la « dégra­da­tion morale de la jeu­nesse ». L’un des plus célèbres et influents, Jose Leme Lopes, défen­dit dès 1970 l’idée que « ce n’est que lorsque les jeunes gens fonc­tionnent enfin, à l’issue de leur crois­sance et de leur édu­ca­tion, comme des adultes hété­ro­sexuels accom­plis, que s’éloigne leur pro­pen­sion à la vio­lence et à la sub­ver­sion17 ». En 1974, il pro­po­sa lors d’une confé­rence à l’Escola Super­ior de Guer­ra la même hypo­thèse, insis­tant sur le fait que c’est la « fonc­tion repro­duc­tive » de la sexua­li­té hété­ro­sexuelle qui per­met l’apaisement de la sus­cep­ti­bi­li­té à la sub­ver­sion18. En consé­quence, Jose Leme Lopes sug­gé­ra notam­ment « d’écarter soi­gneu­se­ment la jeu­nesse de la cor­rup­tion homo­sexuelle19 ».

La traque des homo­sexuels au Bré­sil reste peu docu­men­tée, notam­ment en rai­son du pas­sage de la Loi d’amnistie en 1979, lors de la « tran­si­tion vers la démo­cra­tie ». Il faut cepen­dant noter qu’elle prit des formes très diverses : si les plus for­tu­nés étaient rela­ti­ve­ment peu inquié­tés (notam­ment les patrons des clubs qui se sont déve­lop­pés dès le début des années 1970), plu­sieurs opé­ra­tions ciblèrent dure­ment les pros­ti­tués et les uni­ver­si­taires homosexuels.

La cen­sure elle-même ne s’abattait pas avec la même vio­lence sur toutes les pro­duc­tions cultu­relles : alors que cer­tains romans popu­laires étaient cen­su­rés pour des allu­sions à la sodo­mie, que des chars jugés « trop homo­sexuels » étaient inter­dits lors des car­na­vals20, un musi­cal comme Applause, dont un per­son­nage est un coif­feur gay, était joué dans un théâtre de Rio fré­quen­té par l’élite finan­cière en 1972 (en impor­ta­tion directe de Broadway).

Les homosexuels, censeurs et corrupteurs

La fin du régime mili­taire s’est accom­pa­gnée d’une large libé­ra­tion pour les homo­sexuels bré­si­liens. Dès la fin des années 1970, des asso­cia­tions se sont consti­tuées et des publi­ca­tions mili­tantes ont com­men­cé à être diffusées.

Le jour­na­liste et scé­na­riste Agui­nal­do Sil­va lance avec quelques autres artistes et intel­lec­tuels le jour­nal homo­sexuel et mili­tant O Lam­pião da Esqui­na, entre 1978 et 1981. Joao Sil­ve­rio Tri­ve­san, auteur d’un livre deve­nu « clas­sique » sur l’homosexualité au Bré­sil, Des per­vers au Para­dis, publie dans O Lam­pião des tri­bunes viru­lentes, atta­quant ouver­te­ment les théo­ri­ciens de la junte. Si le jour­nal est cen­su­ré en 1981 et son édi­teur res­pon­sable pour­sui­vi, sa fer­me­ture en fait une véri­table légende et, para­doxa­le­ment, aug­mente encore la dif­fu­sion des anciens numéros.

Il sort du cadre de cet article de décrire le mou­ve­ment d’émancipation LGBTQI bré­si­lien, mais on note­ra tou­te­fois que des pro­grès (comme l’interdiction des dis­cri­mi­na­tions sur la base de l’orientation sexuelle intro­duite en 1989 dans les consti­tu­tions des États du Mato Gros­so et du Ser­gipe ou l’interdiction de l’usage des psy­cho­thé­ra­pies de conver­sion en 1999) furent rela­ti­ve­ment rapi­de­ment obte­nus à la suite de la mul­ti­pli­ca­tion des orga­ni­sa­tions mili­tantes21. Sous la pré­si­dence de Lula, la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions accé­lé­ra lar­ge­ment, notam­ment à la suite de plu­sieurs rap­ports publiés entre 2003 et 2004 fai­sant état de cen­taines de vio­lences et de meurtres homo­phobes entre 2000 et 2003. Ces actes de vio­lence étaient cepen­dant le fait d’une mino­ri­té très active, le sen­ti­ment homo­phobe ayant lar­ge­ment chu­té dans la majo­ri­té de la popu­la­tion, d’après plu­sieurs enquêtes d’opinion menées depuis 201022.

Il faut sou­li­gner que l’ouverture dont a fait preuve Lula, comme nombre d’autres mili­tants des orga­ni­sa­tions syn­di­cales et de gauche pour­sui­vis par le régime sous les années de plomb, tranche avec le cli­mat géné­ral qui régnait dans ces orga­ni­sa­tions à l’époque de la dic­ta­ture. En effet, les socia­listes comme les com­mu­nistes consi­dé­raient offi­ciel­le­ment l’homosexualité comme une dégé­né­res­cence petite-bour­geoise et crai­gnaient le phé­no­mène de « des­bunde », c’est-à-dire « d’abandon de la lutte » pour une « vie faite de drogue, de sexe et de fête »23. Si le lien entre « libé­ra­tion sexuelle » et « péril com­mu­niste » agi­té par la dic­ta­ture était plu­tôt de l’ordre du fan­tasme (bien que des alliances objec­tives et des écarts entre ligne offi­cielle et pra­tiques exis­taient), l’évolution des figures de la résis­tance à la dic­ta­ture sur cette ques­tion per­met à Bol­so­na­ro, aujourd’hui, de recons­truire ce lien essen­tiel­le­ment imaginaire.

L’axe cen­tral du dis­cours de Bol­so­na­ro est la dénon­cia­tion de la cor­rup­tion du gou­ver­ne­ment de Lula et de Dil­ma Rous­seff et il joue sur les dif­fé­rents registres séman­tiques du terme pour asso­cier cor­rup­tion poli­tique et cor­rup­tion « des mœurs ». Par­tant du prin­cipe que « toute mesure prise par le Par­ti des tra­vailleurs (PT) n’a été que men­songe et volon­té de cor­rom­pus d’étendre leur cor­rup­tion à toute la socié­té », comme il l’affirmait sur Twit­ter le 3 sep­tembre de cette année, il recycle en réa­li­té un vieux fan­tasme de la dictature.

Comme nous l’avons évo­qué, à l’instar de Médi­ci à l’époque, Bol­so­na­ro s’affiche en fan éper­du de foot­ball et le milieu du foot­ball n’hésite pas à lui rendre la pareille, puisqu’il béné­fi­cie du sou­tien expli­cite des super stars bré­si­liennes, dont Ronal­din­ho. Cette affec­tion du milieu du foot­ball (et des affaires liées à ce mar­ché qui est gigan­tesque au Bré­sil) s’explique éga­le­ment par l’appartenance évan­gé­liste d’une par­tie de ces joueurs bré­si­liens, se tra­dui­sant notam­ment par des déra­pages homo­phobes de quelques-uns d’entre eux. Plus encore, lorsque les sup­por­teurs du Mexique et du Bré­sil enton­nèrent des chants homo­phobes pen­dant la Coupe du monde de 2014, Bol­so­na­ro n’hésita pas à com­men­ter l’affaire sur les réseaux sociaux pour sou­te­nir « la liber­té d’expression des sup­por­teurs » et affir­mer que « le foot­ball c’est l’excès ». Ces tweets furent repar­ta­gés notam­ment par des res­pon­sables de clubs et des joueurs. Il ne s’agit que d’un exemple, mais il repré­sente bien une pre­mière tech­nique de Bol­so­na­ro pour culti­ver l’homophobie : assi­mi­ler sys­té­ma­ti­que­ment la lutte contre l’homophobie à de la cen­sure, uti­li­sant ce fai­sant un stra­ta­gème rhé­to­rique clas­sique de l’extrême droite.

Dans une inter­view don­née au Time le 23 aout 2018, Bol­so­na­ro se défend de toute homo­pho­bie. Mais face à l’insistance du jour­na­liste, il finit par pré­ci­ser sa pen­sée : « Je n’embrasse pas ma femme dans la rue. Pour­quoi tou­jours mon­trer tout à la socié­té ? Pour­quoi ame­ner cela jusque dans les écoles ? Des petits enfants de six, sept ans, obli­gés de voir deux hommes s’embrasser, voi­là ce que le gou­ver­ne­ment vou­drait qu’il arrive. Est-ce cela la démo­cra­tie ? » Il ajoute ensuite « De toute façon, les gays vont voter pour moi. Mais quoi ? Faut-il res­pec­ter les droits des pédo­philes à avoir des rela­tions sexuelles avec un enfant de deux ans ? Est-ce que cela uni­ra le Bré­sil ? » Ceci illustre la seconde tech­nique de Bol­so­na­ro, qui est de sys­té­ma­ti­que­ment lier homo­sexua­li­té et risque pour les enfants (pédo­phi­lie, « conta­mi­na­tion » par l’exemple). Bien sûr, il s’agit là aus­si d’un stra­ta­gème clas­sique de l’extrême droite (et de la droite radi­cale), mais au Bré­sil il prend une dimen­sion par­ti­cu­lière. Comme nous l’avons vu, la peur d’une « cor­rup­tion de la jeu­nesse » est un fan­tôme doc­tri­naire de la dictature.

Qu’arrivera-t-il demain ?

En 2014, le Gru­po Gay do Bahia recen­sait 435 décès à la suite d’agressions homo­phobes, ce qui place le Bré­sil comme l’un des pays au monde où l’homophobie tue le plus. Si le pays est mar­qué par une culture viri­liste qui favo­rise l’homophobie, il n’en reste pas moins que les vio­lences sont le fait de groupes mino­ri­taires. La mon­tée en puis­sance du can­di­dat d’extrême droite s’explique bien plus par le fait qu’il capi­ta­lise sur le res­sen­ti­ment pro­fond et le déses­poir créé par les échecs éco­no­miques de la gauche de gou­ver­ne­ment, le scan­dale du lava jato24 et par le sou­tien d’une par­tie de la « classe média­tique »25 (laquelle eut, en son temps, un rôle impor­tant dans l’installation de la dic­ta­ture), que par une homo­pho­bie latente d’une large majo­ri­té de la popu­la­tion. Cela n’empêche évi­dem­ment pas que son dis­cours ampli­fie l’homophobie, notam­ment au tra­vers de ses « petites phrases » qui par­ti­cipent à faire bas­cu­ler les repré­sen­ta­tions col­lec­tives26. D’après João, si l’explosion des vio­lences poli­tiques depuis le « coup par­le­men­taire » contre Dil­ma Rous­seff en 2016 s’est accom­pa­gnée d’un déchai­ne­ment de vio­lences homo­phobes, qui se sont inten­si­fiées tout au long de la cam­pagne pré­si­den­tielle, pour culmi­ner après le pre­mier tour, c’est bien parce que « Bol­so­na­ro donne aux agres­seurs le sen­ti­ment de légitimité ».

Dans une inter­view le 28 sep­tembre, Bol­so­na­ra n’a pas caché qu’il n’accepterait aucun autre résul­tat au scru­tin pré­si­den­tiel que son élec­tion, et que « l’armée serait d’accord » avec lui. Il n’a pas non plus hési­té à sug­gé­rer qu’il ferait tout « pour ren­for­cer le pou­voir pré­si­den­tiel » et que d’après lui « de toute façon, l’opposition de gauche est juste bonne à fusiller ». Il est loin d’être incon­ce­vable que ce à quoi nous assis­tons est le retour d’un régime dic­ta­to­rial au Bré­sil. Mais il faut rap­pe­ler cette vieille carac­té­ris­tique du régime dic­ta­to­rial à la bré­si­lienne : il garde tou­jours une appa­rence de démo­cra­tie. C’est pour cette rai­son que les dic­ta­teurs mili­taires étaient des pré­si­dents « élus » par la junte, qu’un par­le­ment fan­toche était main­te­nu et que les opé­ra­tions de la police mili­taire étaient maquillées en opé­ra­tion de « milices auto­nomes ». Dénon­cer publi­que­ment les effets de ses propres ordres était une habi­tude des diri­geants mili­taires bré­si­liens. Kis­sin­ger, qui tra­vailla avec Médi­ci à désta­bi­li­ser la région et à ins­tal­ler des dic­ta­tures dans les autres pays d’Amérique latine27, note dans The White House Years que « les “pré­si­dents” bré­si­liens ont fait de l’hypocrisie leur outil de gouvernement ».

João est for­mel, « si Bol­so­na­ro est élu, il y aura beau­coup de morts. Et cette fois-ci, les poli­ciers ne feront pas que nous insul­ter. Ils par­ti­ci­pe­ront à la bas­ton­nade. Nous n’aurons pas de choix : il fau­dra fuir le Bré­sil, ou mourir. »

  1. J. Tre­vi­san, Per­verts in Para­dise, Mil­livres-Prow­ler, 1986, p. 24.
  2. Voir Del­court L., « Bré­sil, autop­sie d’une débâcle démo­cra­tique », La Revue nou­velle, n°5, p. 25 – 30.
  3. « Detie­nen en Bra­sil a sos­pe­cho­sos del ase­si­na­to de Marielle Fran­co », Tele­sur, 25 juillet 2018.
  4. Com­mu­ni­qué du 26 mars 2018.
  5. Mer­ci à João pour son témoignage.
  6. Skid­more T.E., The Poli­tics of Mili­ta­ry Rule in Bra­zil 1964 – 1985, Oxford Uni­ver­si­ty Press, 1988, p. 125.
  7. Joan Das­sin (ed.), Tor­ture in Bra­zil : A Sho­cking Report on the Per­va­sive Use of Tor­ture by Bra­zi­lian Mili­ta­ry Govern­ments, 1964 – 1979, Secret­ly Pre­pa­red by the Archio­dese of São Pau­lo, Uni­ver­si­ty of Texas Press, 1998.
  8. Dros­doff D., Lin­ha dura no Bra­sil : O Gover­no Médi­ci, 1969 – 1974, Glo­bal, 1985, p. 30 – 32.
  9. Skid­more, T.E., op. cit., p. 112.
  10. Skid­more, T.E., op. cit.; Dros­doff D., op. cit.; Baer W., The Bra­zi­lian Eco­no­my : Growth and Deve­lop­ment, Lynne Rie­ner Publi­shers, 2008, p. 75 – 80.
  11. Pour une sorte de chro­nique de la mon­tée en force de l’ESG, voir Ste­pan A., The Mili­ta­ry in Poli­tics : Chan­ging Pat­terns in Bra­zil, Prin­ce­ton Uni­ver­si­ty Press, 1971, p. 100 et sq.
  12. Cowan B., « Sex and the Secu­ri­ty State : Gen­der, Sexua­li­ty and “Sub­ver­sion” at Brazil’s Esco­la Super­ior de Guer­ra, 1964 – 1985 », Jour­nal of the His­to­ry of Sexua­li­ty, 16(3), p. 459 – 481.
  13. Fico C., op. cit., p. 164.
  14. Fico C., La classe média bré­si­lienne face au régime mili­taire, Du sou­tien à la désaf­fec­tion (1964 – 1985), Ving­tième siècle, 2010, 105 (1), p. 155 – 168, p. 158.
  15. Fico C., op. cit., p. 163.
  16. Pour appré­hen­der leur influence sur le débat public et le déve­lop­pe­ment rapide de cor­pus de lois sur la morale au début du XXe siècle, voir S. Caul­field, In Defense of Honor : Sexual Mora­li­ty, Moder­ni­ty, and Nation in Ear­ly-Twen­tieth-Cen­tu­ry Bra­zil, Duke Uni­ver­si­ty Press, 2000.
  17. Lemes LepesJ., A moral da juven­tude, Ins­ti­tu­to de Psi­quia­tria da Uni­ver­si­dade Fede­ral do Rio de Janei­ro, avril 1970, p. 2.
  18. Cowan B., op. cit., p. 467.
  19. Lepes J. L., op. cit., p. 5.
  20. Green J. N., Beyond Car­ni­val : Male Homo­sexua­li­ty in the Twen­tieth Cen­tu­ry Bra­zil, Uni­ver­si­ty of Chi­ca­go Press, 1999, p. 242 – 266.
  21. On ren­ver­ra le lec­teur vers Green J.N., « More Love and More Desire : The Buil­ding of the Bra­zi­lian Move­ment », dans B. Adam, J.W. Duy­ven­dak & A. Krou­wel, The Glo­bal Emer­gence of Gay and Les­bian Poli­tics : Natio­nal Imprints of a World­wide Move­ment, Temple Uni­ver­si­ty Press, 1999.
  22. Cos­ta A. B., R. O. Per­oni, D. R. Ban­dei­ra & Hen­rique C. Nar­di, « Homo­pho­bia or sexism ? A sys­te­ma­tic review of pre­ju­dice against non­he­te­ro­sexual orien­ta­tion in Bra­zil », Inter­na­tio­nal Jour­nal of Psy­cho­lo­gy, 2013, 48(5), p. 900 – 909.
  23. Green J. N., op. cit., p. 438 sq.
  24. Voir Del­court L., op. cit.
  25. Nous uti­li­sons l’expression au sens de C. Fico, op. cit.
  26. Krieg-Planque A., « Les « petites phrases » : un objet pour l’analyse des dis­cours poli­tiques et média­tiques », Com­mu­ni­ca­tion & lan­gages, 2011, 168(2), p. 23 – 41.
  27. Ils dis­cu­tèrent ensemble de l’installation d’un régime mili­taire au Chi­li lors de la visite d’État de 1971.

Renaud Maes


Auteur

Renaud Maes est docteur en Sciences (Physique, 2010) et docteur en Sciences sociales et politiques (Sciences du Travail, 2014) de l’université libre de Bruxelles (ULB). Il a rejoint le comité de rédaction en 2014 et, après avoir coordonné la rubrique « Le Mois » à partir de 2015, il était devenu rédacteur en chef de La Revue nouvelle de 2016 à 2022. Il est également professeur invité à l’université Saint-Louis (Bruxelles) et à l’ULB, et mène des travaux de recherche portant notamment sur l’action sociale de l’enseignement supérieur, la prostitution, le porno et les comportements sexuels, ainsi que sur le travail du corps. Depuis juillet 2019, il est président du comité belge de la Société civile des auteurs multimédia (Scam.be).