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Un revieillot politique pour des avant-hiers qui chantent

Blog - Anathème - changement partis politiques par Anathème

mars 2022

Il n’est que de regar­der autour de nous pour consta­ter l’angoisse qui étreint nos socié­tés. Pas un manant, pas un por­te­faix, pas un bour­geois qui ne se plaigne de n’y plus rien com­prendre, qui ne dénonce la perte des repères, qui ne confesse une sourde angoisse face à la marche du monde, voire à sa course tant […]

Anathème

Il n’est que de regar­der autour de nous pour consta­ter l’angoisse qui étreint nos socié­tés. Pas un manant, pas un por­te­faix, pas un bour­geois qui ne se plaigne de n’y plus rien com­prendre, qui ne dénonce la perte des repères, qui ne confesse une sourde angoisse face à la marche du monde, voire à sa course tant le rythme du chan­ge­ment s’est accéléré.

Qu’on en juge : dans le duel entre le virus et le vac­cin, nombre de nos com­pa­triotes ont décla­ré pré­fé­rer le virus, agent infec­tieux natu­rel, au vac­cin, conçu et mis sur le mar­ché trop rapi­de­ment et dont même l’efficacité leur parais­sait sus­pecte. En quelque sorte, être dému­ni face à un patho­gène les ren­voie à une expé­rience immé­mo­riale de l’humanité, tan­dis que le vac­cin à ARN mes­sa­ger les confronte aux affres de l’innovation et de l’inédit, et aux mille ques­tions qu’ils posent.

Tout récem­ment, alors que la Rus­sie enva­his­sait l’Ukraine, l’Union euro­péenne — pour­tant hier encore jugée par tous par­fai­te­ment inca­pable d’une quel­conque action ferme — pre­nait rapi­de­ment de sévères mesures contre l’agresseur et ouvrait ses portes aux réfu­giés (du moins les Blancs, chré­tiens et cer­ti­fiés ukrai­niens). Quel contraste avec l’attentisme face à ces nou­veaux enne­mis que consti­tuèrent hier Al Qae­da ou l’État isla­mique. Il est évident que tout le monde fut ras­su­ré de se trou­ver une fois encore face à l’adversaire de longue date qu’est le Russe, dans un rôle par lui maintes fois inter­pré­té, celui de l’impérialiste trai­tant sans ména­ge­ment les pays d’Europe centrale.

Nous pour­rions citer mille exemples de plus, comme celui de l’éternelle pro­lon­ga­tion d’un parc de cen­trales nucléaires caco­chymes, récem­ment déci­dée une fois de plus, faute d’avoir été en mesure, vingt ans durant, d’imaginer un ave­nir éner­gé­tique pour notre pays.

Bref, la nou­veau­té effraie, désta­bi­lise, désem­pare dès lors qu’elle s’étend au-delà de sec­teurs bien bali­sés. De nou­velles voi­tures, de nou­veaux réseaux sociaux, de nou­veaux conflits com­mu­nau­taires, voi­là qui suf­fit ; pour le reste, conten­tons-nous de ce que nous connaissons.

Mais qui nous gui­de­ra sur le che­min de la rou­tine et de l’infinie répé­ti­tion des erreurs pas­sées ? Une fois de plus, c’est la Bel­gique fran­co­phone qui montre la voie ! En effet, un par­ti poli­tique, le cdH (Centre démo­crate huma­niste), vient de faire peau neuve. Ce par­ti avait lui-même été créé sur les cendres du véné­rable PSC (Par­ti social-chré­tien) et sur la convic­tion qu’il était pos­sible de faire peau neuve avec, pour toute inno­va­tion, un usage har­di des majus­cules et l’élimination du mot « par­ti » de sa déno­mi­na­tion. Déjà lui-même issu de la volon­té de faire du neuf avec du vieux, il vient à son tour d’être remis à vieux. Sous l’appellation « Les Enga­gés », il entend une fois de plus mar­quer, non pas un renou­veau, mais bien un revieillot de la scène poli­tique. Entre têtes connues, dis­cours conve­nus et idées écu­lées, il réus­sit le tour de force d’habiller de neuf un pro­jet lit­té­ra­le­ment anté­di­lu­vien : apai­ser notre conscience face aux mal­heurs du monde, sans tou­cher à l’équilibre de ce der­nier, qui nous convient par­fai­te­ment. Pour tout dire, leur mesure phare est la sup­pres­sion des droits de suc­ces­sion… de quoi s’assurer que le monde de demain soit à l’image de celui d’hier.

Bien enten­du, comme tous les pro­jets trop post­cur­seurs, celui-ci fut la cible des raille­ries et quo­li­bets : un nom sujet à tous les détour­ne­ments, un éten­dard à la cou­leur incer­taine, enne­mie des écrans et du monde numé­rique, une typo­gra­phie cachant mal son indé­ci­sion au sujet de l’écriture inclu­sive et un logo que ne renie­rait pas une marque d’aspirateurs ou une com­pa­gnie d’assurances. À n’en pas dou­ter, les géniaux concep­teurs de ce pro­jet ont dû bien rire de cette incom­pré­hen­sion : ils savent que leur heure est venue, que le pas­sé leur appar­tient et donc l’avenir.

Nul doute que les foules en proie au doute, effrayées des bou­le­ver­se­ments de la vie moderne se jet­te­ront dans le bras de ce par­ti de rup­ture, qui a com­pris que rien n’était plus nova­teur que de ne rien pro­mettre de neuf. 

Certes, d’autres par­tis pour­raient cher­cher à aban­don­ner le renou­veau pour le revieillot et res­sor­tir de vieilles cas­se­roles dans les­quelles mijo­ter les brouets d’antan. Gageons cepen­dant que Les Enga­gés, forts de leur lon­gueur de retard et d’une immé­mo­riale tra­di­tion d’immobilisme, sau­ront mon­trer de quoi ils ne sont pas capables et convaincre les élec­teurs qu’ils sont, plus que qui­conque, à même de faire adve­nir des avant-hiers qui chantent.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.