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Un juste retour des choses. L’expertise des pays émergents au service de l’Occident

Blog - Anathème par Anathème

août 2013

Des années durant, nos conseillers tech­niques et mili­taires ont par­cou­ru le monde pour aider à des trans­ferts de tech­no­lo­gies et de savoir-faire. Les jeunes dic­ta­tures issues de la déco­lo­ni­sa­tion avaient tout à apprendre des métro­poles en matière de mani­pu­la­tion de l’opinion, de répres­sion des mou­ve­ments sociaux et de noyau­tage des orga­ni­sa­tions de la socié­té civile. Depuis longtemps, […]

Anathème

Des années durant, nos conseillers tech­niques et mili­taires ont par­cou­ru le monde pour aider à des trans­ferts de tech­no­lo­gies et de savoir-faire. Les jeunes dic­ta­tures issues de la déco­lo­ni­sa­tion avaient tout à apprendre des métro­poles en matière de mani­pu­la­tion de l’opinion, de répres­sion des mou­ve­ments sociaux et de noyau­tage des orga­ni­sa­tions de la socié­té civile.

Depuis long­temps, nos conseillers éco­no­miques et les repré­sen­tants de nos entre­prises sillonnent le monde pour prê­cher la bonne parole de la déré­gu­la­tion et pré­sen­ter les avan­tages des auto­routes à trois bandes, pour offrir des cen­trales nucléaires à la sécu­ri­té sans faille et pour mettre à la dis­po­si­tion de l’humanité, l’armement le plus perfectionné.

Voi­là des décen­nies que la civi­li­sa­tion occi­den­tale offre les ser­vices des meilleurs de ses fils, les tech­no­lo­gies les plus per­for­mantes et les concepts les plus fins de sa pen­sée millénaire.

Il n’est que jus­tice que nous puis­sions en attendre autant du monde et que celui-ci nous régale enfin de ses bien­faits. Déjà, nos enfants ne s’amusent plus qu’avec des jouets que leurs homo­logues chi­nois ou indo­né­siens leur ont confec­tion­nés avec amour. Déjà, nous nous vêtons des tis­sus dont n’ont l’usage les popu­la­tions de ces pays où l’on peut vivre à moi­tié nu tout au long de l’année. Déjà, les ser­vices secrets des pays en voie de déve­lop­pe­ment passent à tabac pour nous les indi­vi­dus qui nous paraissent dangereux.

C’est dans ce contexte d’émergence d’un monde enfin reve­nu à l’équilibre et à l’harmonie que nous pou­vons rêver de nou­velles pro­gres­sions de l’entraide inter­na­tio­nale. Nos besoins sont énormes en la matière.

Pour ne prendre qu’un exemple, nous sommes occu­pés à (re)mettre en place une régu­la­tion de la vêture fémi­nine. Après des années où il fut fol­le­ment inter­dit d’interdire, l’on se rend à la rai­son : le corps des femmes est un objet bien trop impor­tant pour l’abandonner à celles qui l’habitent. Si, autre­fois, il était ques­tion de les cou­vrir autant que faire se peut, aujourd’hui, la libé­ra­tion de la femme et son assi­gna­tion à une sexua­li­té ouverte, heu­reuse et géné­reuse nous impose de refu­ser le voi­le­ment du corps féminin.

La femme libre est la femme nue, toute pudeur ou réserve ne peut pro­cé­der que de son oppres­sion et, si elle n’a pas la force de se dénu­der, c’est qu’elle a besoin d’y être aidée. Il est dès lors évident que, moins que jamais, il ne faut se dés­in­té­res­ser des vête­ments des femmes et qu’il convient de réin­ves­tir le sec­teur de la police vestimentaire.

Hélas, ce qui, autre­fois, fonc­tion­nait au moyen de la douce répres­sion des ins­ti­tu­tions sociales – Mon­sieur le curé, les com­mères du vil­lage ou la main bala­deuse des hommes se char­geaient de stig­ma­ti­ser la traî­née et de la rame­ner à la rai­son ves­ti­men­taire – ne peut plus aujourd’hui être réglé de si dif­fuse manière. Il est un fait que notre socié­té s’est diver­si­fiée, ato­mi­sée, dés­ins­ti­tu­tion­na­li­sée. Les ins­ti­tu­tions et struc­tures sociales qui, autre­fois, œuvraient à l’oppression de la femme ne sont plus suf­fi­sam­ment puis­santes aujourd’hui pour aider à sa libé­ra­tion totale.

Vers qui se tour­ner, si ce ne sont les orga­ni­sa­tions éta­tiques ? La police est tout indi­quée pour prendre en charge cette fonc­tion. Mal­heu­reu­se­ment, elle manque de for­ma­tion adé­quate. En effet, si elle nour­rit depuis long­temps une foca­li­sa­tion sur les popu­la­tions sus­cep­tibles de déviance cou­tu­rière, elle maî­trise mal les formes par­ti­cu­lières d’incivilités liées à l’habillement.

Il nous faut donc appe­ler de nos vœux de nou­velles col­la­bo­ra­tions inter­na­tio­nales visant à remé­dier à cette carence ; par exemple avec la police des mœurs ira­nienne, pas­sée maî­tresse dans l’art de contrô­ler l’habillement des femmes dans l’espace public. Il pour­rait paraître para­doxal de la sol­li­ci­ter pour lut­ter contre le voile, inté­gral ou non, mais il faut consi­dé­rer le fait que son exper­tise réside dans son emprise sur l’habillement fémi­nin en tant que tel, non dans les formes spé­ci­fiques de celui-ci. De même que les ser­vices de sécu­ri­té des États démo­cra­tiques ont long­temps tra­vaillé à la sta­bi­li­sa­tion des pires dic­ta­tures, il ne serait que jus­tice qu’une police des mœurs isla­mique nous aide à affer­mir notre entre­prise de dénu­de­ment de la femme. Fina­le­ment, ceux qui luttent contre l’influence occi­den­tale dans l’habillement des femmes ne peuvent que com­prendre que nous lut­tions contre l’influence orien­tale dans la tenue des habi­tantes de notre Royaume. N’ont-ils pas du reste besoin que nous res­tions sans équi­voque des peuples débau­chés et exhi­bi­tion­nistes s’ils veulent conti­nuer de magni­fier l’admirable pudeur de la femme musulmane ?

C’est, comme tou­jours, d’intérêts réci­proques bien com­pris que pour­ra se nour­rir une col­la­bo­ra­tion à venir qui, gageons-le, n’est que l’amorce d’un nou­vel ordre mondial.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.