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Travaux forcés et intérêts particuliers

Blog - e-Mois - Sécurité sociale suédoise travail par Martine Vandemeulebroucke

septembre 2014

Cela sent encore un peu les vacances. Les pre­mières ébauches de l’accord gou­ver­ne­men­tal ne sus­citent guère encore de réac­tions. On hésite à se plon­ger dans une ren­trée qui laisse entre­voir déjà un hiver social rude, un hiver sué­dois qui sera rigou­reux pour les plus fra­giles dans notre socié­té. Le gou­ver­ne­ment n’est pas encore for­mé mais il […]

e-Mois

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Cela sent encore un peu les vacances. Les pre­mières ébauches de l’accord gou­ver­ne­men­tal ne sus­citent guère encore de réac­tions. On hésite à se plon­ger dans une ren­trée qui laisse entre­voir déjà un hiver social rude, un hiver sué­dois qui sera rigou­reux pour les plus fra­giles dans notre société.

Le gou­ver­ne­ment n’est pas encore for­mé mais il fait déjà fris­son­ner, comme un vent mau­vais. Voi­ci les pre­mières feuilles sur les tra­vaux d’intérêt géné­ral pour les chô­meurs de longue durée C’est pré­sen­té comme une « piste » par­mi d’autres suive par les négo­cia­teurs et per­sonne ne semble rechi­gner à la par­cou­rir. Nor­mal : l’idée de condi­tion­ner l’octroi des allo­ca­tions de chô­mage à la pres­ta­tion d’un tra­vail obli­ga­toire pour la com­mu­nau­té a tou­jours été défen­due par la N‑VA et par les libé­raux tant fran­co­phones que fla­mands. Vous vous sou­ve­nez de cette extra­or­di­naire affiche de Rik Daems (Open VLD) en 2006 ? On le voyait poser, assis comme la petite sirène, devant sa très luxueuse vil­la. Avec ce slo­gan « Non au pro­fi­teurs sociaux. Les allo­ca­taires peuvent tout de même faire un tra­vail d’intérêt géné­ral ». En ton­dant la belle pelouse de Rik Daems par exemple.

Aujourd’hui, l’idée revient et semble faire le consen­sus chez les négo­cia­teurs. Seul le CD&V n’est pas très enthou­siaste, pas pour des rai­sons idéo­lo­giques mais pra­tiques : ce sera dif­fi­cile à orga­ni­ser. Il est vrai que pour des par­tis qui ont pour pro­jet de dégrais­ser au maxi­mum la fonc­tion publique et l’état fédé­ral, il est piquant de consta­ter que ceux-ci ne se sou­cient guère du coût très éle­vé, inte­nable même, que cela repré­sen­te­rait pour l’État. Pour des résul­tats nuls, comme le montrent toutes les études déjà réa­li­sées à l’étranger. En Grande-Bre­tagne où le sys­tème a été lan­cé en 2011 et éten­du encore en 2013, seul un chô­meur sur dix qui a par­ti­ci­pé à un tra­vail obli­ga­toire pour la com­mu­nau­té a trou­vé un vrai tra­vail. A Rot­ter­dam, où un pro­jet de ce type a été lan­cé en 2010, une enquête a mon­tré que 6% seule­ment des par­ti­ci­pants ont trou­vé un emploi, le même pour­cen­tage que dans le groupe de contrôle, celui qui n’a pas par­ti­ci­pé aux « tegenprestaties ».

Mais on s’en doute, per­mettre à des chô­meurs de retrou­ver le che­min de l’emploi, n’est pas le véri­table objec­tif du tra­vail d’intérêt géné­ral, uti­li­sé jusqu’ici comme sanc­tion alter­na­tive pour les délin­quants. Car il s’agit bien de « punir », de stig­ma­ti­ser toute une caté­go­rie de popu­la­tion tout en flat­tant une par­tie de l’électorat, celle qui n’a pas encore été confron­tée au drame de la perte d’un emploi et qui est donc convain­cue que l’on est chô­meur parce qu’on le veut bien. C’est une mesure pure­ment poli­ti­cienne et contraire au droit inter­na­tio­nal. L’adopter serait contre­ve­nir à la conven­tion n°29 de l’OIT sur l’interdiction du tra­vail for­cé. Ce serait contraire au droit à la sécu­ri­té sociale ins­crit dans notre Consti­tu­tion. Mais soit, cer­tains diront que ces objec­tions sont de la « résis­tance au chan­ge­ment », typiques du régime socia­lo-com­mu­niste qui a pré­va­lu dans notre pays jusqu’ici.

Et d’ailleurs il faut voir le bon côté des choses. Tant chez la N‑VA que chez les libé­raux, on évoque l’opportunité extra­or­di­naire que repré­sen­te­rait l’apport de ces chô­meurs pour des com­munes sou­mises à des res­tric­tions bud­gé­taires. Ben tiens ! Un ouvrier gra­tuit pour entre­te­nir les espaces verts, cela ne se refuse pas. C’est quoi l’étape sui­vante ? Licen­cier le per­son­nel com­mu­nal ou fédé­ral pour uti­li­ser des chô­meurs (en repre­nant les mêmes)? Si on veut réduire le bud­get de l’État, y a de l’idée finalement…

Mais non, vous allez voir. On a sans doute tort de s’énerver. Si l’opposition est trop forte, s’il s’avère que c’est fina­le­ment un peu com­pli­qué à mettre en route, nos négociateurs/futurs ministres sué­dois feront un geste de conci­lia­tion et de bonne volon­té. Ils se limi­te­ront à déci­der une nou­velle mesure de dégres­si­vi­té des allo­ca­tions de chô­mage. Et on fini­ra par dire que ce n’est fina­le­ment pas si grave.

Mar­tine Vandemeulebroucke
Cet article est repris du Blog de Mar­tine Vandemeulebroucke

Illus­tra­tion : Bread­line 2, pho­to de Peter Griffin

Martine Vandemeulebroucke


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