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Synthétisez ce sein que vous ne sauriez montrer

Blog - Anathème par Anathème

septembre 2013

Par­fois, des infor­ma­tions essen­tielles échappent à l’attention des obser­va­teurs les plus vigi­lants. Ain­si, saviez-vous qu’Olivia Wilde avait mon­tré ses seins[1] ? Enfin, pas vrai­ment, mais presque. Disons plu­tôt qu’en les cachant, elle s’est obli­gée à en mon­trer la copie. Expli­­quons-nous car je sens que c’est un peu confus. Il se fait que cette accorte jeune femme, actrice […]

Anathème

Par­fois, des infor­ma­tions essen­tielles échappent à l’attention des obser­va­teurs les plus vigi­lants. Ain­si, saviez-vous qu’Olivia Wilde avait mon­tré ses seins[1] ? Enfin, pas vrai­ment, mais presque. Disons plu­tôt qu’en les cachant, elle s’est obli­gée à en mon­trer la copie. Expli­quons-nous car je sens que c’est un peu confus.

Il se fait que cette accorte jeune femme, actrice de son état, dans une scène d’un film, devait appa­raître assez peu vêtue, sur­tout au niveau pec­to­ral. On sait les réa­li­sa­teurs amé­ri­cains habiles à mettre en scène des femmes dor­mant avec le drap calé sous les ais­selles (chez les hommes, il se fixe à hau­teur de la taille, ce qui fait que les draps de lit amé­ri­cains ont une forme en L) et fai­sant des gali­pettes en sou­tien-gorge. Cepen­dant, le tour­nage peut ame­ner l’équipe à décou­vrir de la plas­tique de l’actrice, plus que ce que n’autorise la décence.

Pour des rai­sons de pudeur, donc, Mme Wilde déci­da de por­ter des caches sur ses seins ; pour être plus pré­cis, sur ses tétons, les­quels font l’objet d’une pudeur par­ti­cu­lière aux États-Unis. Ne me deman­dez pas com­ment je le sais, je le sais, voi­là1.

Il se fait que les caches cachèrent bien ce qu’il conve­nait de cacher, mais furent eux-mêmes visibles sur la pel­li­cule. Défaillance du drap en L, angle de vue pro­blé­ma­tique, l’histoire ne nous dit pas quelle fut l’origine du dévoi­le­ment. Tou­jours est-il que le mal fut fait : s’il était admis­sible que la dame sou­haite cacher ses tétons, il n’était pas ques­tion que cette pudeur appa­raisse de manière expli­cite dans un film, lequel, c’est bien connu, doit « faire vrai ».

Qu’à cela ne tienne, la tech­no­lo­gie moderne allait per­mettre de rat­tra­per la sauce. Il suf­fit en effet de cacher les caches au moyen d’images de syn­thèse repré­sen­tant… des tétons bien enten­du. Comme il impor­tait de « faire vrai », l’actrice fut invi­tée à choi­sir laquelle de sept paires de tétons syn­thé­tiques était la plus proche de la réalité.

La pudeur était sau­ve­gar­dée : la belle n’avait pas eu à mon­trer ses tétons à l’équipe, ni au public. Elle appa­raî­trait à l’écran affu­blée de faux tétons syn­thé­tiques criants de véri­té, conformes à l’original, mais arti­fi­ciels. Bien enten­du, la plu­part des spec­ta­teurs igno­re­rait que ce qui est mon­tré à l’écran n’est pas ce qu’elle a mon­tré mais une exhi­bi­tion vir­tuelle, mais qu’importe ?

Il eût sans doute été pos­sible de retour­ner la scène avec un plaid en pure laine vierge, mais alors, c’est la concu­pis­cence des spec­ta­teurs qui eût été frustrée.

Entre la pudeur, fon­dée sur ce que l’on pense mon­trer, et la concu­pis­cence, repo­sant sur ce que l’on croit voir, l’alliance du spa­ra­drap et de l’image de syn­thèse a donc per­mis un armis­tice inédit. Qui ose­ra encore nous dire que le monde de demain sera celui des cen­seurs quand il suf­fi­ra de mon­trer aux uns la copie de ce que les autres auront refu­sé de dévoiler ?

  1. Bon, deman­dez-moi com­ment je le sais, allez‑y. http://blogs.rue89.com/americanmiroir/2013/08/02/etats-unis-maman-tu-dois-changer-de-maillot-de-bain-230822

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.