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Qui a peur d’Orlando ?

Blog - Le dessus des cartes par Bernard De Backer

juin 2016

Orlan­do : A Bio­gra­phy est le titre d’un roman et le nom d’un per­son­nage andro­gyne de Vir­gi­nia Woolf, ouvrage dédié à celle qui fut son amante, Vita Sack­­ville-West. Il raconte l’histoire et les incar­na­tions suc­ces­sives, sur quatre siècles, d’un aris­to­crate de l’époque éli­sa­bé­thaine qui, après un long som­meil, se réveille dans le corps d’une femme. En par­tie autobiographique, […]

Le dessus des cartes

Orlan­do : A Bio­gra­phy est le titre d’un roman et le nom d’un per­son­nage andro­gyne de Vir­gi­nia Woolf, ouvrage dédié à celle qui fut son amante, Vita Sack­ville-West. Il raconte l’histoire et les incar­na­tions suc­ces­sives, sur quatre siècles, d’un aris­to­crate de l’époque éli­sa­bé­thaine qui, après un long som­meil, se réveille dans le corps d’une femme. En par­tie auto­bio­gra­phique, cette œuvre serait une allé­go­rie de la bisexua­li­té de Vir­gi­nia Woolf et de Vita Sack­ville-West1.

Par un éton­nant hasard au regard des évè­ne­ments tra­giques de Flo­ride, la ville d’Orlando et le per­son­nage de Woolf trou­ve­raient tous deux l’origine de leur nom dans une pièce de Sha­kes­peare, As You Like it (Comme il vous plai­ra), dans laquelle des pro­ta­go­nistes changent de sexe par dégui­se­ment. C’est notam­ment le cas de Rosa­linde, aimée par le gen­til­homme Orlan­do, qui se pré­sente à lui tra­ves­tie en Gany­mède, amant et échan­son de Zeus. Cette comé­die se déroule par ailleurs à la même époque que le début du roman de Woolf2. Orlan­do est une œuvre emblé­ma­tique du carac­tère par­fois fluc­tuant des iden­ti­tés de genre, au regard des concep­tions se réfé­rant à la « natu­ra­li­té » des orien­ta­tions sexuelles (au demeu­rant bien pro­blé­ma­tique dans ladite nature). 

Il ne suf­fit pas de convo­quer la science, la rai­son et l’histoire — pas davan­tage que la psy­chia­trie ou la morale — pour com­prendre ce qui est en jeu dans le car­nage d’Orlando. Lais­sons donc la « haine », la folie ou la pho­bie des « loups soli­taires », le « Rien à voir avec la reli­gion », pour pla­cer ces évè­ne­ments dans une autre pers­pec­tive. Car s’il s’agirait sou­vent d’une « sacra­li­sa­tion de la délin­quance », ce serait bien pour deve­nir des « sur­mu­sul­mans »3.

Facteurs du rejet de l’homosexualité

Jean-Chris­tophe Vic­tor et son excel­lente émis­sion Le des­sous des cartes dif­fu­sée sur Arte, nous a ins­pi­ré a contra­rio le titre et le conte­nu de ce blog. Cela notam­ment parce que ladite émis­sion semble sou­vent peu dis­serte sur une dimen­sion cen­trale des col­lec­tifs humains : leur dyna­mique cultu­relle, pla­cée en contexte d’interactions géo­po­li­tiques. Une émis­sion récente, dif­fu­sée le 14 mai 2016 et titrée « Homo­sexua­lite : Quels droits a la dif­fé­rence ?», nous per­met d’éclairer plus avant nos argu­ments. Nous avions en effet abor­dé le même sujet deux mois plus tôt sur ce blog, sous le titre « Hété­ro­nomes homo­né­ga­tifs ?», en par­tant du cas de l’Ukraine. La conco­mi­tance de ces deux approches nous per­met de mieux les dis­tin­guer à par­tir de cette pro­blé­ma­tique et en ayant à l’esprit le ter­ri­fiant mas­sacre visant des homo­sexuels dans la ville d’Orlando.

La ques­tion des « sexua­li­tés non tra­di­tion­nelles », selon l’expression pou­ti­nienne, est en effet un révé­la­teur sin­gu­liè­re­ment ins­truc­tif des chan­ge­ments sociaux, que l’on a trop l’habitude d’aborder selon la seule logique des « droits uni­ver­sels » et des conven­tions inter­na­tio­nales. Elle touche en effet non seule­ment à une dimen­sion cen­trale de l’identité des per­sonnes mais aus­si à des enjeux sociaux, reli­gieux et sym­bo­liques glo­baux de la plus haute impor­tance. Comme l’actualité récente nous l’a mon­tré, ces enjeux sont poli­tiques au sens fort du terme : ce qui fait tenir les socié­tés, ce qui leur donne sens, les légi­time et les oriente. 

Si ce n’était le cas, on se deman­de­rait pour­quoi ces ques­tions sou­lèvent tant les foules et, par­fois, pro­duisent tant de vio­lence meur­trière ou de répres­sion — sinon de silence sur « l’amour qui n’ose pas dire son nom »4. Il ne nous semble pas exa­gé­ré de sug­gé­rer que la glo­ba­li­sa­tion comme « mon­dia­li­sa­tion de la sor­tie de la reli­gion » repré­sente aus­si une dif­fu­sion du déclin de la norme hété­ro­sexuelle — ou pour le moins du recul de la néces­si­té de répri­mer ce qui ne se range pas sous cette bannière. 

Cela comme consé­quence d’au moins deux aspects liés : la mon­tée de la valeur d’égalité et le déclin de la norme trans­cen­dante mono­théiste. Il nous en effet cepen­dant impor­tant de pré­ci­ser que « la reli­gion » dont il s’agit est le mono­théisme abra­ha­mique avec ses variantes. Les autres reli­gions, notam­ment asia­tiques, se sont peu pro­non­cées sur la natu­ra­li­té des orien­ta­tions sexuelles5. Les pre­mières lois condam­nant l’homosexualité en Chine, en Inde, au Japon sont des consé­quences du colo­nia­lisme euro­péen ou de l’oc­ci­den­ta­li­sa­tion par imi­ta­tion. Remar­quons par ailleurs que c’est sur­tout l’homosexualité mas­cu­line qui est reje­tée. Enfin, notre pro­pos n’est bien enten­du pas de juger de la valeur d’une reli­gion à l’aune de cette ques­tion, mais bien d’être pré­cis et d’éviter un « abra­ha­misme » aveuglant.

Regar­dons l’émission de J.-C. Vic­tor en ayant ceci à l’esprit. Elle com­mence par rapide une mise en pers­pec­tive his­to­rique et reli­gieuse de « la ques­tion homo­sexuelle » de l’antiquité à nos jours (iden­ti­fiant la pédé­ras­tie grecque à l’homosexualité), mais d’une manière qui nous semble très euro­péo­cen­trée. La « reli­gion » n’est en effet repré­sen­tée que par les trois mono­théismes, qui, cha­cun à leur manière, reprennent le rejet de l’homosexualité qui a sa source dans le judaïsme. Ceci est affir­mé dans l’incipit de l’émission : « Encore aujourd’hui l’homosexualité est pré­sen­tée comme une pré­fé­rence qui serait contre-nature, contre l’ordre social et contraire à la volon­té de Dieu. » Et un peu plus loin : « Alors sur quoi repose ce rejet de l’homosexualité ? Il y a d’abord l’influence de la reli­gion. Par exemple, dans le judaïsme, le catho­li­cisme, l’islam, les inter­pré­ta­tions domi­nantes des textes sacrés ont jugé l’homosexualité contraire à la Loi divine et à la nature…» On n’ob­tien­dra mal­heu­reu­se­ment pas d’autres exemples. 

Il pour­suit en décri­vant briè­ve­ment com­ment — à nou­veau en Europe — la science médi­cale et la psy­chia­trie ont pris le relais de « la reli­gion », en consi­dé­rant l’homosexualité comme une mala­die men­tale que l’on cherche à « gué­rir par la cas­tra­tion chi­mique, la chi­rur­gie, les élec­tro­chocs. Et puis on voit aus­si émer­ger l’idée selon laquelle l’homosexualité entraî­ne­rait une dégé­né­res­cence de l’espèce humaine. » Suivent dès lors la dépor­ta­tion de cinq à quinze mille homo­sexuels par le troi­sième Reich, éti­que­tés d’une étoile rose. Pas un mot sur leur répres­sion sous le bol­che­visme. On n’en sau­ra donc pas beau­coup plus dans cette par­tie intro­duc­tive de l’émission, sinon que « la reli­gion » et « la science » seraient à la base de l’homonégativité et que le pro­grès des droits humains a per­mis d’améliorer la situa­tion dans une par­tie du monde.

Cartographie de la répression des LBGT

Le jour­na­liste-géo­graphe, selon sa méthode éprou­vée d’analyse et d’exposition, aborde ensuite le sujet dans sa dimen­sion spa­tiale en exa­mi­nant la dis­tri­bu­tion de ce qu’il nomme « l’homophobie » sur la pla­nète, ceci sur la base de la régle­men­ta­tion des États-nations. Les cou­leurs vont du noir au vert, des pays qui répriment le plus dure­ment l’homosexualité en la punis­sant de mort aux plus ouverts à la dif­fé­rence sexuelle (ceux qui ont adop­té le mariage pour tous et le droit d’adoption). Une série de légis­la­tions inter­mé­diaires colore la carte de diverses nuances et zones inter­mé­diaires, ce qui per­met de repé­rer des régions « libé­rales » et d’autres très répres­sives. Il dis­tingue par ailleurs les lois éta­tiques de l’attitude de la popu­la­tion, pas tou­jours en phase avec la légis­la­tion (le cas le plus emblé­ma­tique étant l’Afrique du sud où le mariage et l’adoption ont été auto­ri­sés pour les homo­sexuels, alors que 61% de la popu­la­tion pensent que l’homosexualité ne devrait pas être accep­tée par la société). 

La car­to­gra­phie montre que les pays les plus répres­sifs à l’égard de l’homosexualité sont les pays musul­mans, notam­ment les huit Etats qui appliquent la peine de mort à son sujet. Jean-Chris­tophe Vic­tor le dit, mais en ajou­tant un bémol : « Dans tous ces ter­ri­toires elle est appli­quée au nom de la loi isla­mique bien qu’il ne s’agisse, je le rap­pelle, que d’une inter­pré­ta­tion. » La carte ci-des­sous, dont s’inspire le jour­na­liste (mais avec le rouge au lieu du noir pour dési­gner les pays répres­sifs) montre par ailleurs que ce sont les démo­cra­ties occi­den­tales (y com­pris la Nou­velle-Zélande et l’Argentine, le plus « euro­péen » des pays d’Amérique du sud) qui sont les plus libé­rales. L’Afrique du sud est une excep­tion avec, comme nous l’avons vu, une popu­la­tion majo­ri­tai­re­ment oppo­sée à la légis­la­tion libé­rale de l’État.

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Dans la suite de son émis­sion, J.-C. Vic­tor men­tionne le fait que, mal­gré des pro­grès réa­li­sés depuis 1990 (année char­nière durant laquelle l’OMS a reti­ré l’homosexualité de la liste de mala­dies men­tales), l’on assiste actuel­le­ment à des reculs, notam­ment en Rus­sie et en Algé­rie. Il ne donne pas plus d’explications, mais nous savons qu’en Rus­sie, ce repli est moti­vé par l’idéologie anti-démo­cra­tique et impé­riale du régime, pui­sant notam­ment ses sources dans la reli­gion ortho­doxe et dans l’eurasisme d’Alexandre Dou­guine6.

Le jour­na­liste clô­ture son pro­pos par une décla­ra­tion face camé­ra : « Car c’est bien de cela dont il s’agit, le droit à l’égalité plus encore que du droit à la dif­fé­rence. Pour­quoi un Etat se mêle­rait-il de juger du com­por­te­ment pri­vé des indi­vi­dus ? L’Etat est là pour pro­té­ger, pas pour dis­cri­mi­ner. Et puis de plus, atten­tion, il ne s’agit pas que de l’Etat. L’homophobie est aus­si autour de nous et, sou­vent, nous n’en n’avons pas conscience. Cli­chés, moque­ries, réti­cences, voca­bu­laire dépla­cé voire vul­gaire… Autant de gestes qui excluent les homo­sexuels de notre socié­té et leur rap­pellent leur dif­fé­rence. Alors pour par­ler de façon plus per­son­nelle, j’ai envie de dire : Fou­tez-leur la paix ! Auriez-vous envie que qui­conque se mêle de votre vie pri­vée ? Ben non, n’est-ce pas ?»

Une pierre de touche fondamentale

Si l’auteur de ces lignes peut sous­crire sans pro­blème au sens géné­ral des décla­ra­tions finales de Jean-Chris­tophe Vic­tor, il est cepen­dant net­te­ment plus dubi­ta­tif en ce qui concerne sa logique argu­men­taire. Le terme « homo­pho­bie », d’abord, par­ti­cipe d’une psy­cho­lo­gi­sa­tion de la pro­blé­ma­tique, ren­voyant le rejet ou la déli­gi­ti­ma­tion de l’homosexualité sous dif­fé­rentes formes à une sorte de patho­lo­gie men­tale. Un humain « nor­mal » ne serait pas homo­phobe… On ne voit pas très bien ce que l’on gagne en com­pré­hen­sion avec cette caté­go­ri­sa­tion, sur­tout s’il s’agit d’expliquer des phé­no­mènes col­lec­tifs qui sont pro­fon­dé­ment enra­ci­nés dans une his­toire et dans une vision du monde. Va-t-on ins­crire l’homophobie dans la liste des mala­dies men­tales après en avoir reti­ré l’homosexualité en 1990 ? Certes, la crainte irrai­son­née de l’homosexualité existe, notam­ment par l’ef­fet du rejet de ses propres pul­sions homo­sexuelles, et il n’est pas impos­sible qu’elle ait joué un rôle dans les mas­sacres d’Orlando7. Mais ce n’est cer­tai­ne­ment pas cette notion qui va nous éclai­rer sur un phé­no­mène aus­si mas­sif, col­lec­tif et durable.

Ensuite, le jour­na­liste semble ne pas réa­li­ser qu’il pro­jette la concep­tion fran­çaise (et plus lar­ge­ment occi­den­tale) des rap­ports entre le citoyen et l’Etat (cette notion étant par ailleurs euro­péenne) sur l’ensemble du monde — ce qui est embar­ras­sant lorsque l’on fait de la géo­po­li­tique. Il est en effet d’innombrables situa­tions dans le monde dans les­quelles les Etats se mêlent bel et bien du com­por­te­ment pri­vé des indi­vi­dus. Et ils le font parce qu’ils consi­dèrent cela comme étant légi­time dans leur vision du monde. La notion de « vie pri­vée » est en effet très fluc­tuante, et il n’est pas jusqu’aux pen­sées des citoyens qui font par­fois l’objet d’investigation du pou­voir éta­tique. Dans le cas de l’homosexualité, son exis­tence même peut remettre en ques­tion les fon­de­ments d’une socié­té, d’où les décla­ra­tions par­fois comiques et contra­dic­toires du genre : « Cela n’existe pas chez nous, nous devons donc nous en pro­té­ger par des mesures répressives…»

Venons-en donc à l’islam et à l’islamisme, puisque c’est de ce der­nier que s’est reven­di­qué le tueur d’Orlando, ville où un prê­cheur, Sheikh Far­rokh Seka­le­sh­far, avait peu de temps aupa­ra­vant jus­ti­fié le meurtre des homo­sexuels au nom de l’islam. Outre les don­nées éta­tiques8 par­ti­cu­liè­re­ment acca­blantes relayées par Jean-Chris­tophe Vik­tor au sujet de la situa­tion contem­po­raine, il ne fait pas mys­tère que l’islamisme et l’«État » qui s’en reven­dique aujourd’hui n’éprouvent pas une affec­tion par­ti­cu­lière pour l’homosexualité. Mais au-delà de cette extré­mi­té meur­trière de Daech — en ayant néan­moins à l’esprit que le calife Abou Bakr al-Bagh­da­di est titu­laire d’un doc­to­rat à l’u­ni­ver­si­té des sciences isla­miques d’Adha­miyah en Irak — toute la mou­vance isla­miste se veut pour le moins radi­ca­le­ment straight (hété­ro­sexuel avec une conno­ta­tion pres­crip­tive), se réfé­rant aux sources cano­niques pour condam­ner l’homosexualité. Le Dic­tion­naire de l’homophobie (PUF, 2003) défi­nis­sait le Proche-Orient comme « le lieu le plus hor­rible qui soit pour les homo­sexuels » et le jour­na­liste syrien Moham­med Sha’ban témoi­gnait dans Le Monde de « la soli­tude des homo­sexuels en pays arabes et musul­mans »9.

Certes, comme nous l’avons vu, l’islam n’est pas le seul mono­théisme abra­ha­mique à pen­ser de la sorte. Mais il est sans conteste celui qui, aujourd’hui, s’arc-boute de la manière la plus vive sur cette pierre de touche qui, en sus du sta­tut des femmes, semble consti­tuer le socle de sa vision anthro­po­lo­gique en matière de poli­tique sexuelle et de genre. Si, de sur­croît, la matrice reli­gieuse et ses lois consti­tuent la char­pente de l’État, il ne peut bien évi­dem­ment y avoir de sépa­ra­tion entre la loi sup­po­sée de Dieu et celle des hommes. 

Au len­de­main du mas­sacre d’Orlando, le père du tueur, Sed­dique Mateen, après avoir dit que son fils Omar était marié et père d’un enfant (peut-être pour attes­ter sa nor­ma­li­té hété­ro­sexuelle), a pro­non­cé une décla­ra­tion très éclai­rante : « La ques­tion du péché gay dépend de Dieu et Dieu les punit pour ce qu’ils font ». On aura dès lors com­pris que si Dieu n’autorisait pas son fils a se sub­sti­tuer à Lui, ses vic­times n’en étaient pas moins punis­sables, car leur sexua­li­té était un péché. Il fau­dra sans doute se libé­rer de ce Dieu pour s’affranchir du pêché en ques­tion, ce qui lais­se­ra, que l’on se ras­sure, encore bien de la place aux ques­tions de la faute et de la culpabilité. 

En tout état de cause, il nous semble que la crainte qui est en jeu n’est pas tant celle de l’homosexualité que celle de la perte d’un monde garan­ti et hié­rar­chi­sé par les lois de Dieu10. Ce qui vaut aus­si pour ses suc­cé­da­nés euro­péens, scien­tistes ou tota­li­taires, qui sou­hai­tèrent se défaire de sa pré­sence tout en pré­ser­vant les mailles de son ordre. C’est bien entre ces der­nières que se fau­file la figure andro­gyne d’Orlando, bra­vant la socié­té anglaise à tra­vers les siècles.

  1. Notam­ment selon Jac­que­line Harp­man dans Orlan­da, Gras­set 1996.
  2. Comme l’écrit Fran­çoise Pel­land dans Vir­gi­nia Woolf : l’an­crage et le voyage (Presses uni­ver­si­taires de Lyon, 1994), « Pour un lec­teur bri­tan­nique, Orlan­do ne peut man­quer d’évoquer le héros de As You Like it. La réfé­rence est d’autant plus évi­dente que son homo­nyme wool­fien se pré­sente d’abord sous les traits d’un jeune sei­gneur éli­sa­bé­thain, et qu’avant de le faire galo­per de siècle en siècle jusqu’au pré­sent, Vir­gi­nia Woolf l’immobilise face à un per­son­nage qui, d’une cer­taine manière, repré­sente Shakespeare ».
  3. Selon la thèse du psy­cha­na­lyste Fethi Bens­la­ma, Un furieux désir de sacri­fice. Le sur­mu­sul­man, Seuil 2016. Comme l’écrit l’auteur : « Qu’il revête l’aspect d’une ten­dance ou qu’il s’incarne, il s’agit d’une figure pro­duite par près d’un siècle d’islamisme. […] ce qu’on appelle aujourd’hui “radi­ca­li­sa­tion” requiert des approches com­plé­men­taires, en tant qu’expression d’un fait reli­gieux deve­nu mena­çant et en même temps comme un symp­tôme social psychique. »
  4. L’expression est d’Alfred Bruce Dou­glas, l’amant d’Oscar Wilde.
  5. On ne trouve pas de condam­na­tion de ce type dans le shin­toïsme, l’hindouisme ou le boud­dhisme. Les seules res­tric­tions concernent cer­taines pra­tiques chez les moines et la valo­ri­sa­tion de la pro­créa­tion chez les laïcs. Sur le judaïsme et le chris­tia­nisme par rap­port à l’éthique sexuelle du monde antique, voir le cha­pitre 8 du livre clas­sique d’Eva Can­ta­rel­la, Bisexua­li­ty in the Ancient World, Yale Uni­ver­si­ty, 1992.
  6. Je me per­mets de ren­voyer à mon billet et article « Eur­asisme, revanche et répé­ti­tion de l’histoire »
  7. Voir à ce sujet les témoi­gnages ras­sem­blés dans « Le deuil du Pulse », Le Monde, 16 juin 2016.
  8. Ces don­nées pro­viennent du site inter­net de l’ILGA, « Asso­cia­tion inter­na­tio­nale des les­biennes, gay, bisexuel, tran­sexuels et inter­sexués », où lec­teur trou­ve­ra une docu­men­ta­tion plus abondante.
  9. La cita­tion du dic­tion­naire est de Jean Birn­baum dans « Orlan­do, ou la sale véri­té de l’homophobie » et le témoi­gnage du jour­na­liste syrien sont publiés dans le même numé­ro du jour­nal Le Monde daté 17 juin 2016.
  10. L’auteur de la pièce Qui a peur de Vir­gi­nia Woolf ? (Edward Albee) a décla­ré que son titre pou­vait notam­ment être inter­pré­té comme « Qui a peur de vivre une vie sans illu­sions ? » Il serait donc plus exact d’utiliser le terme « auto­no­mo­pho­bie », si l’on tient vrai­ment à psy­cho­lo­gi­ser l’affaire…

Bernard De Backer


Auteur

sociologue et chercheur